Un article révélateur du New York Times du 27 novembre, intitulé “The Minimal Impact of a Big Hypertension Study” (L’impact minime d’une
grande étude sur les traitements de l’hypertension), revient sur l’étude ALLHAT (Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial). Cette étude à large échelle qui a eu lieu en 2002 a démontré que les diurétiques thiazidiques étaient les médicaments à la fois les plus efficaces et les moins chers pour traiter l’hypertension artérielle. Cependant, 6 ans après, les diurétiques sont beaucoup moins prescrits qu’ils ne devraient l’être, compte tenu de leur efficacité.
L’association australienne Choice arrivait à la même conclusion dans un rapport déplorant les méthodes perverses de l’industrie pharmaceutique et qui prenait pour exemple précisément le cas des médicaments antihypertenseurs, comparés sous l’angle coût / efficacité.
Le diurétique antihypertenseur chlortalidone, jadis commercialisé en France aussi sous le nom de Hygroton, est l’exemple-type de médicament très peu prescrit parce que efficace et pas cher (cf. notre note), donc peu profitable aux firmes qui produisent des antihypertenseurs pas plus efficaces, mais beaucoup plus chers, tels les inhibiteurs calciques ou les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). L’Hygroton a fini par être retiré du marché français, comme nous l’a appris un lecteur de Pharmacritique, déjà suite à la note sur le rapport de l’association Choice. Il n’existe plus sous forme de spécialité unique. Il reste l’Esidrex [hydrochlorothiazide], efficace et pas cher, donc pas profitable…
Les firmes se sont unies contre l’ennemi commun – les médicaments bon marché – et ont tout fait pour le discréditer, par exemple en payant des leaders d’opinion (pantins du pharmacommerce) pour vanter les mérites des nouveaux médicaments antihypertenseurs. Par exemple, un membre d’un groupe d’experts américains a reçu 200.000 dollars de Pfizer, pour donner des conférences défavorables aux diurétiques, nous dit le New York Times.
Et nombre d’experts indépendants soulignent que l’influence de l’industrie est telle qu’elle empêche aussi toute volonté politique qui inciterait à l’organisation d’essais cliniques de grande envergure pour trouver les médicaments ayant le meilleur rapport coût / efficacité… Les firmes ont le bras long et n’hésitent pas à désinformer et à déformer la vérité, par exemple sur les effets secondaires de leurs antihypertenseurs, pour faire vendre un maximum, à l’exemple de Pfizer et de Novartis, cités dans l’article, qui contient d’autres détails intéressants.
A noter qu’une recherche rapide, faite suite aux remarques précieuses d’un lecteur, nous apprend que l’efficacité des diurétiques thiazidiques était bien connue parmi les médecins et dans la presse médicale bien avant l’article du New York Times, et c’est pourquoi le récent tapage médiatique, qui parle de l’étude ALLHAT comme d’un scoop, a de quoi étonner. Nous avons cité le rapport de l’association Choice, datant de mai 2008, avant de rendre compte de l’article du New York Times. Mais prenons deux exemples francophones, faciles à trouver lors d’une recherche et émanant de sources médicales sérieuses.
Ainsi, le numéro de décembre 2007 de la Lettre du GRAS (Groupe de Recherche et d’Action en Santé) précise à la page 61 : « On comprend mal par exemple les réticences françaises à la prescription des « vieux » thiazides dans le domaine de l’HTA, où leur indication de première intention, hors cas particuliers, reste aujourd’hui encore indiscutable. » De plus, le GRAS donne la marginalisation de l’étude ALLHAT – et l’occultation de l’efficacité des diurétiques tels la chlortalidone dans le traitement de l’hypertension artérielle – comme un exemple type des conséquences néfastes des conflits d’intérêts en médecine. Il reprend pour cela un article paru en… 2003 sur le site de l’UNAFORMEC, reproduit à la page 62.
Et le numéro de septembre 2004 de la revue Prescrire précisait clairement : « L’ensemble des données convergent pour utiliser en première intention un diurétique thiazidique : chlortalidone, ou à défaut hydrochlorothiazide [Esidrex], associé habituellement à un épargneur potassique. Chez les hypertendus sans complication ni diabète, certains bêtabloquants sont indiqués en deuxième ligne, certains IEC en troisième ligne et certains inhibiteurs calciques en quatrième. Les choix thérapeutiques diffèrent en cas de diabète ou de complications (p. 601-611) ».
Merci au Dr Siary pour les p
récieuses informations apportées; elles complètent parfaitement celles journalistiques que j’importe d’ailleurs. (Et je ne fais que creuser par la suite…)
Illustration: Knowledgebase-Script.com
Mise à jour: Voir la suite et d’autres détails sur la chlortalidone (Hygroton), l’étude ALLHAT et l’étude ACCOMPLISH dans la note « La réévaluation d’ALLHAT comparé à d’autres essais cliniques confirme les bénéfices des diurétiques thiazidiques dans l’hypertension« .
Elena Pasca
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