Actes du colloque « Surmédicalisation, surdiagnostics, surtraitements » 2012. Atelier N° 2: Causes et sources de surmédicalisation

Outre les contributions à l’atelier N° 2, ce texte contient aussi deux documents fort bien faits et édifiants, réalisés par le Dr Monique Debauche, psychiatre à la Free Clinic de Bruxelles, membre du GRAS (Groupe de Recherche et d’Action pour la Santé). Il s’agit d’une suite de publicités et autres images qui illustrent l’évolution de la médicalisation et surmédicalisation des femmes, en particulier sous l’angle psychologique et psychiatrique.

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Actes du colloque « Surmédicalisation, surdiagnostics, surtraitements »: les comptes-rendus des ateliers (causes, formes, enjeux, médicaments essentiels…)

Les 27 et 28 avril 2012 a eu lieu à la Faculté de médecine de Bobigny le colloque « Surmédicalisation, surdiagnostics, surtraitements », co-organisé par le Groupe Princeps (Omar Brixi, Elena Pasca, François Pesty, Jean-Claude Salomon, Michel Thomas), le Département de Médecine générale de la Faculté de Bobigny et la SFTG (voir le programme).

Conceptualiser pour faire comprendre les enjeux pour tous les citoyens

A ceux qui n’en ont pas encore eu connaissance, je conseille de commencer par cette page de présentation du colloque et des ateliers, avec mon introduction détaillée sur les enjeux et l’importance d’une prise de conscience globale, par l’ensemble des citoyens, de l’omniprésence de la surmédicalisation, de ses causes, formes et conséquences, de ses risques pour notre santé individuelle et publique, tout comme pour le système public solidaire de santé et de soins.

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« Antidépresseurs: l’overdose »: marchandisation de la dépression et effets indésirables des antidépresseurs

J’ai répondu avec plaisir à l’invitation de la revue Alternative Santé d’écrire sur les antidépresseurs. Après un article paru dans le numéro de mars 2011 sous le titre « Violence sur autrui : 31 médicaments en cause » (p. 17), qui reprend quelques informations données dans cette note, j’en ai fait un plus détaillé et plus spécifique, paru dans le numéro de mai sous le titre (donné par la rédaction) « Antidépresseurs : l’overdose » (pp. 18-21).

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Exposé de David Healy: les conséquences néfastes de l’influence des pharmas et des conflits d’intérêts sur une recherche médicale déformée pour occulter les effets secondaires

[Mise à jour de décembre 2011 : Les méthodes par lesquelles l’industrie pharmaceutique influence et contrôle la recherche, la formation et l’information médicales sont décrites dans cet article de février 2011: « Biais, manipulation et falsification de la recherche médicale financée par l’industrie pharmaceutique », qui contient la traduction d’un texte de la revue allemande indépendante Arznei-Telegramm, appliquant cela à la psychiatrie, et notamment à la désinformation massive sur l’intérêt, l’efficacité, le rapport bénéfices-risques des antidépresseurs.

Les articles sur la dépression marchandisée et les antidépresseurs sont réunis sur cette page (en descendant du plus récent vers le plus ancien), ceux sur les antipsychotiques, les troubles bipolaires et la cyclothymie sont sur celle-ci.

La colonne de gauche du blog contient les sujets. Il y en a beaucoup sur les conflits d’intérêts en psychiatrie, le DSM, la normalisation et l’uniformisation des individus, le contrôle social exercé par la médecine (et notamment par la psychiatrie), sur le disease mongering (invention de maladies), sur d’autres psychotropes, sur la psychiatrie dévoyée en culture psy et ses dérapages, sur la dérive sécuritaire et la réponse du Collectif des 39, etc.]

Le 25 mars, le professeur de psychiatrie à l’université de Cardiff, David Healy, a donné une conférence qui a pour point de départ la David Healy Harvard Square Library.jpgréforme de la santé aux Etats-Unis. L’intitulé était “Can Industrialized and Marketized Healthcare be Made Universally Available? (Un système de soins industrialisé et conforme au marché peut-il être rendu universellement acessible ?). On peut visionner cette conférence d’une heure et demi sur You Tube. David Healy y intervient à partir de la huitième minute.

La conférence s’achemine progressivement vers une critique des scories d’une médecine sous la coupe de l’industrie pharmaceutique, un contrôle facilité encore plus par un marché totalement dérégulé. (Comme nous l’aurons en France aussi; il se met en place peu à peu. A bon entendeur…).

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Surconsommation de psychotropes en France : leçons à tirer sur la société, le modèle néolibéral et le dévoiement de la médecine

Y aurait-il une « épidémie de dépression » en France?

C’est discutable, puisque

« La prévalence du taux de dépression en France dans la population générale varie de 5,8 à 11,9 %. » La France n’en détient pas moins le record mondial de la consommation de médicaments psychotropes (antidépresseurs, hypnotiques, anxio-lytiques). Le chiffre d’affaires des antidépresseurs a été multiplié par 6,7 entre 1980 et 2001. Cette tendance serait à la hausse, en dépit de contestations fréquentes sur l’efficacité et l’innocuité. Ainsi, par exemple, du risque de suicide associé aux antidépresseurs chez les enfants, rendu public ces derniers mois. Les pouvoirs publics s’inquiètent plus généralement de la multiplication des prescriptions non justifiées sur le plan médical et de la chronicisation des traitements. »

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Même si elle contribue fortement par ses stratégies marketing, et notamment le disease mongering, l’influence sur l’information médicale et du grand public, l’influence sur la formation médicale continue, etc., l’industrie pharmaceutique n’est pas la seule responsable, comme le dit le succinct article Antidépresseurs : un choix collectif ?, publié par Hélène Vaillé dans la revue Sciences Humaines et dont sont extraits ces quelques fragments.

Malaise social, fragilité des jeunes, remplacement de l’alcool par les antidépresseurs, mauvaises habitudes ou encore « des éléments culturels comme la pauvreté des régulations collectives, le faible support du groupe, les insuffisances de la médiation sociale » font partie des explications avancées. Cela dit, « la plupart des spécialistes admettent l’action conjointe de l’ensemble de ces facteurs ».

L’auteure note que les surprescriptions et la surconsommation se font sans fondement scientifique:

« Le besoin de soins pour ce trouble reste mal évalué. La fixation du seuil de pathologie a ici, en effet, quelque chose d’arbitraire, tant il est difficile de distinguer les réactions homéostatiques normales de tristesse des états dépressifs proprement dits. Les études épidémiologiques pour cette pathologie sont par conséquent peu nombreuses, difficiles à mettre en œuvre et souvent discutées. Leurs résultats varient beaucoup d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre ».

J’ai parlé dans plusieurs notes de la « marchandisation de la dépression » et des psychotropes en tant que moyens de régulation non de l’humeur, mais de la société… Régulation faite par une médecine qui remplit un rôle de normalisation, d’uniformisation et de contrôle social, en fonction de la logique sociétale-économique dominante. Le dévoiement de la psychiatrie, illustré surtout par ce roman qu’est le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) a ouvert la porte aux dérives, sans parler de ses conflits d’intérêts.

Et Hélène Vaillé de se demander avec Claude Le Pen si médecins et médicaments ne sont pas en train de devenir des régulateurs sociaux, des « tuteurs qui lissent entièrement notre vie », médicalisent à l’infini (Michel Foucault), nous rendent adaptables à souhait et nous « débarrassent » des dilemmes constitutifs de notre psychisme et de la socialité. Thèmes largement abordés sur Pharmacritique.

Elena Pasca

« Les exilés de l’intime »: Normalisation et uniformisation des comportements au profit du néolibéralisme

Roland Gori, Marie-José Del Volgo, « Exilés de l’intime : la médecine et la psychiatrie au service du nouvel ordre économique ». Denoël, 344 pages, 22 euros.

Pour illustrer les propos du livre, voici un entretien avec Roland Gori, professeur de psychopathologie, intitulé Norme psychiatrique en vue. Suivi d’une tribune libre par le psychiatre Hervé Hubert, de la présentation du livre par l’éditeur et des commentaires sur un site de psychologues.

Ces écrits illustrent ce dont on a souvent parlé dans ces pages : la tendance à faire de la psychiatrie un outil de contrôle social qui cherche à abraser chimiquement – par psychotropes – la subjectivité, les émotions, l’idiosyncrasie, les comportements et tempéraments ne se conformant pas à la moyenne, et ce au profit d’une « normalité » artificielle comprise comme une adaptation parfaite de l’individu aux rôles socio-économiques qu’impose le néolibéralisme. Le DSM est le levier parfait par lequel s’opère cet ajustement d’abord théorique, puis mis en pratique par des psychiatres asservis aux industriels, en conformité avec la tendance socio-historique dans le néolibéralisme.

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Le façonnage de maladies / disease mongering légitimé par le DSM: médicalisation et marchandisation des émotions, pour le profit des pharmas

1015167843.gifL’« enchevêtrement » d’intérêts financiers entre psychiatrie, DSM et industrie, dont j’ai parlé dans plusieurs notes, pose encore plus de problèmes que dans d’autres spécialités médicales, dans la mesure où la définition de beaucoup de « troubles » mentaux, dysfonctions ou troubles de la personnalité n’est que descriptive, floue et sans critères vérifiables. Ce qui laisse beaucoup de place à l’arbitraire, à l’invention ou au façonnage de maladies (disease mongering). Une telle affirmation ne peut paraître exagérée qu’aux personnes qui ne sont pas familiarisées avec les dernières trouvailles de la psychiatrie, dont on ne sait souvent pas si ce sont des gags, des parodies ou alors des états que des experts considèrent sérieusement comme pathologiques et nécessitant traitement…

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« Marché des psychotropes: construction historique d’une dérive ». Par la psychiatre Monique Debauche

Voici le texte d’une conférence de 17 janvier 2008, organisée par la revue Prescrire, donnée par Monique DEBAUCHE, psychiatre à la Free-surconso médocs photo 3 SAT.jpgClinic Bruxelles, membre du Groupe de Recherche et d’Action pour la Santé (Belgique). Elle aborde certains des facteurs essentiels qui nous ont amenés dans la situation catastrophique de surconsommation d’antidépresseurs et de marasme d’une psychiatrie dominée, à travers le DSM, par l’industrie pharmaceutique. Une psychiatrie devenue une technique de contrôle social et de normalisation de comportements et/ou tempéraments conçus comme déviants par rapport aux standards économiques néolibéraux en vigueur et aux représentations sociétales qu’il détermine. M. Debauche analyse aussi l’invention de maladies (« façonnage » ou disease mongering) pour écouler un médicament ; la production de « preuves » par la recherche médicale, à travers des études randomisées facilement manipulables pour donner les résultats attendus et permettre les ventes ; l’écriture des articles « scientifiques » par des « ghostwriters » (auteurs fantôme) ; un contrôle quasiment inexistant par les agences du médicament ; le déclin de la psychiatrie en faveur d’entretiens directifs se soldant par la prescription de psychotropes, etc.

Marché des médicaments psychotropes : construction historique d’une dérive

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La psychiatrie, outil de contrôle social et de mise au pas. Action Autonomie Québec dénonce des violations des droits de l’homme

Un audit réalisé par Action Autonomie (Collectif pour la défense des droits en santé mentale du Québec) sur la Loi canadienne c-75 (ou « Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui ») met en évidence l’existence et la persistance d’abus, de traitements humiliants et dégradants, de non respect des droits de l’homme en général dans les établissements psychiatriques. Le texte – comme la loi – porte sur les situations où la personne concernée refuse l’internement en institution psychiatrique et est internée (quel mot !) contre son gré. En France, cela s’appelle « hospitalisation à la demande d’un tiers » (HDT). Les auteurs questionnent entre autres le flou qui entoure la notion de « dangerosité », qui seule pourrait justifier une telle hospitalisation psychiatrique. Dans les faits, la dangerosité peut être comprise de façon totalement arbitraire, dans le sens d’une « inadaptation » sociale, de marginalité, de non conformité avec ce que les préjugés de la société considèrent comme « normal ». Lors de ses recherches et entretiens avec des anciens patients hospitalisés de force, le collectif Action Autonomie a pu ainsi constater que des personnes « ont été privées de leur liberté pour des raisons autres que la dangerosité telles que : refus de suivre les traitements du psychiatre (médicaments), difficultés ponctuelles dans leur vie, difficultés familiales, besoin d’écoute, affirmation de leurs droits, etc. » 

Le texte entier est édifiant et livre aussi des éléments historiques sur la réglementation juridique de la question au Québec : Pour la santé mentale : Une loi de contrôle social.

Et voici un communiqué d’Action Autonomie appelé « Une médecine à deux dignités ? », dénonçant l’existence d’un enclos soi-disant « médical » digne du Moyen âge: « la salle de débordement ».

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De l’enfer psy surmedicalisé à la gestion autonome des psychotropes. Un parcours initiatique exemplaire au Québec.

Ce livre de Luc Vigneault a été coécrit avec Suzanne Cailloux-Cohen et publié aux Éditions de L’Homme en 1997. Il 0bcae380238a74483bc57069566f27a3.jpgrelate un parcours initiatique exceptionnel qui débouche sur la création d’une méthode novatrice de « gestion autonome des médicaments de l’âme ». Après l’enfer de l’enfermement et de la surmédicalisation, Luc Vigneault a repris possession de sa dignité et de sa capacité de décision par un acte d’ »empowerment » exemplaire, favorisé par la rencontre avec une institution qui n’a rien à voir avec l’hôpital psychiatrique habituel. Pour juger des résultats, il suffit de dire que Luc Vigneault est aujourd’hui conférencier international, consultant sur des projets en santé mentale, directeur général de l’APUR Québec (Association des personnes utilisatrices des services de santé mentale) et président du conseil d’administration de l’AQRP (Association québécoise pour la réadaptation psychosociale).

L’article de  Liliane Leroy – psychologue clinicienne, attachée auprès du groupe d’études « Femmes Socialistes Prévoyantes » – s’intitule Gestion autonome des médicaments de l’âme. Une expérience québécoise. Il nous apprend ce qui a rendu cet « empowerment » possible, et comment cette méthode de gestion autonome de psychotropes, popularisée d’abord au Québec dans les groupes d’entraide, etc. s’étend actuellement à la Belgique.

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