RES : Santé Publique France ignore les causes environnementales et maladies

Le 16 mai 2017, le Réseau Environnement Santé a publié un communiqué qui dénonce les « oublis » et la façon de désinformer de Santé Publique France, organisme qui a rendu public le 11 mai son rapport 2017 Etat de santé de la population en France (sur cette page). Je le reprends plus bas après des commentaires et des liens vers des articles en lien avec le contenu du communiqué.

Or ce rapport, qui trouve que les Français sont globalement en bonne santé mais continuent de souffrir d’inégalités sociales et territoriales, ne mentionne pas les principaux problèmes structurels, parmi lesquels la question des causes environnementales, pourtant à l’origine d’une véritable explosion des maladies chroniques.

Continuer la lecture de RES : Santé Publique France ignore les causes environnementales et maladies

Rébellion contre l’ordre des médecins. Soutien au Dr Dominique Huez. Manifeste pour la santé, la sécurité au travail et la justice sociale

[Mise à jour du 18 avril 2017: Plusieurs articles ont été postés depuis, accessibles sur cette page. À noter surtout celui-ci: un dossier informatif, une vidéo avec le Dr Huez et le texte intégral de la pétition « Contre la collusion entre les employeurs et l’Ordre des médecins. »]

Je donne beaucoup d’informations, exemples et liens puis reproduis l’annonce du MIOP (mouvement médical d’insoumission ordinale partielle) – rébellion contre le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM). Je reprends le communiqué intersyndical paru le 1er février 2017 sur le site du Syndicat de la Médecine générale (SMG), qui peut être signé par d’autres organisations: MANIFESTE pour la santé, la sécurité au travail et la justice sociale: passons à l’offensive !

A noter aussi le numéro 76 (janvier 2017) de la revue Pratiques. Cahiers de la médecine utopique: « Travail et santé: Passer de la plainte à l’offensive ».

Continuer la lecture de Rébellion contre l’ordre des médecins. Soutien au Dr Dominique Huez. Manifeste pour la santé, la sécurité au travail et la justice sociale

« Politique de lutte contre le tabagisme en France: De la guerre au compromis et à la collaboration », par Alain Braillon

 NdR : Une présentation détaillée du Dr Alain Braillon, de sa formation, ses activités et sa situation actuelle figure au début de la longue interview parue sur Pharmacritique sous le titre « La santé publique dans tous ses états ». La politique française de lutte contre le tabagisme faisait partie des sujets abordés dans cet entretien, mais avec ce texte, la méthode et la forme scientifiques viennent étayer les critiques exprimées. L’introduction plus générale est suivie du texte intégral d’un rapport co-écrit par le Dr Alain Braillon, le Dr Anne-Sophie Méreux et le Pr Gérard Dubois, intitulé « Politique de lutte contre le tabagisme en France: De la guerre au compromis et à la collaboration ». [EP]


En France, la politique de lutte contre le tabac est partie en fumée!

Par le Dr Alain BRAILLON

La France est une exception parmi les pays riches, elle est livrée au lobby du tabac.

Ces dernières années la consommation de tabac n’a pas baissé comme ailleurs et elle a même augmenté ! C’est d’autant plus surprenant que notre consommation est déjà élevée, 34 % de fumeurs, contre 21% au Royaume-Uni, 19% en Australie, et 17% au Canada. Pire, les adolescents sont de plus en plus nombreux à fumer comme l’a montré une récente enquête. Le tabac est la cause directe du décès prématuré de 60 000 personnes chaque année en France. C’est la première cause de décès évitable.

Cette situation est d’autant plus incroyable que les mesures pour réduire la consommation de tabac sont connues et efficaces. Elles ont été appliquées avec succès en 1991 (Loi Evin) et 2003 (plan Cancer I). Cela a permis de réduire de moitié la consommation de tabac et la mortalité par cancer du poumon des hommes de 35 à 44 ans. Mais depuis cinq ans, chaque arbitrage demandé au Premier ministre et au président de la République a été tranché en faveur des industriels du tabac ou des buralistes. C’est 12 000 morts qui n’ont pas été évitées.

La France a ratifié en 2004 la Convention-Cadre pour la Lutte Anti-Tabac (Organisation Mondiale de la Santé) mais elle n’applique pas les mesures nécessaires pour faire baisser la consommation. La France est aussi en infraction à l’article 5.3 de cette convention qui impose de protéger les politiques de santé publique de l’influence de l’industrie du tabac.

Le texte que j’ai co-écrit avec Anne Sophie Mereau et le Pr Gérard Dubois, président de la commission addiction à l’Académie Nationale de Médecine, est un rapport détaillé sur les politiques menées pour la santé publique et contre le tabac depuis les années 50. Il démontre comment depuis une demi douzaine d’années ces politiques publiques sont en faveur des industriels du tabac et contre la santé de la population. http://braillon.net/alain/rltabac.pdf

Ce rapport n’est pas isolé.

Le Pr Bertrand Dautzenberg vient aussi de publier un livre qui fait le même constat : La République enfumée, les lobbies du tabac sous Chirac et Sarkozy : du meilleur au pire. http://www.viva.presse.fr/Tabac-le-nombre-de-deces-chez-les_16835.html

Ces faits ont fait l’objet de publications dans les grandes revues médicales nationales et internationales :

Continuer la lecture de « Politique de lutte contre le tabagisme en France: De la guerre au compromis et à la collaboration », par Alain Braillon

La santé publique ne connaît pas la crise ! Le business des ONG dans les pays pauvres, initié par l’OMS

Par le Dr Cesar Eduardo Wong Alcazarmédecine humanitaire dérives,santé publique pays pauvres,ong humanitaire éthique,santé publique profit affaires,organisation mondiale de la santé commerce profit,nations unies politique santé,oms pays pauvres profit santé,cesar eduardo wong alcazar,médecine profit pays en voie de développement *

 

En temps de crise économique, si vous hésitez dans quel domaine investir afin d’assurer votre avenir, tournez-vous dans un secteur épargné par la crise, un bon business rentable : la santé publique dans des pays en voie de développement.

J’ai 33 ans, je suis médecin et je rêvais un jour de « sauver le monde » ou d’y contribuer. Pour moi, la santé publique, c’était le moyen qui allait me permettre de réaliser mes rêves.

Je suis parti en mission humanitaire en Asie et en Afrique pour des programmes de lutte contre le  paludisme et le VIH. Au cours de ces missions, j’ai été confronté à des réalités difficiles, tant sur le point médical que sur le point éthique et j’ai rencontré des gens qui ne partageaient pas du tout mon point de vue…

J’ai compris que de leur point de vue, la santé est un très bon business. Chacun a intérêt que le développement d’un programme de santé ne se fasse pas trop vite (sauf la population qui devrait tirer bénéfice de ce programme).  Tant qu’il y a des malades, il y a des soignants, des philanthropes, des bénévoles, mais aussi des investisseurs, des organismes internationaux, des agences de développement, des gouvernements corrompus, et un nombre incalculable de profiteurs !

Par ces quelques lignes, je voudrais vous faire partager ma brève expérience et mes désillusions sur ce que j’ai rencontré dans les programmes de santé publique à l’étranger.

Continuer la lecture de La santé publique ne connaît pas la crise ! Le business des ONG dans les pays pauvres, initié par l’OMS

La santé publique dans tous ses états: Questions au Dr Alain Braillon, un expert trop indépendant (II)

Ceci est la deuxième partie de l’interview très détaillée que j’ai faite avec le Dr Alain Braillon pour Pharmacritique et la Fondation Sciences Citoyennes. (La première partie est sur cette page).

Elena Pasca: L’un des objectifs en fonction desquels les médecins généralistes signataires du CAPI obtiendront leur prime à la performance, c’est le taux de mammographies. Qu’en pensez-vous ?

Alain Braillon: L’Assurance Maladie a décidé de donner un bonus financier aux médecins s’ils remplissent certains objectifs. C’est le CAPI [NdR : contrat d’amélioration des pratiques individuelles]. Parmi ces objectifs, il y a le pourcentage de femmes de 50 à 70 ans qui aura participé au dépistage du cancer du sein.

Continuer la lecture de La santé publique dans tous ses états: Questions au Dr Alain Braillon, un expert trop indépendant (II)

La santé publique dans tous ses états: questions au Dr Alain Braillon, un expert trop indépendant (I)

J’ai proposé un entretien au Dr Alain Braillon, à la fois pour Pharmacritique et pour la Fondation Sciences Citoyennes, ce qui permet à l’association d’exprimer son soutien et sa solidarité en lui donnant directement la parole. Cette forme permet aussi de tendre un miroir à la santé publique, par des réponses ciblées sur des actualités comme sur des problématiques plus globales. Voici la première partie de l’entretien, après une introduction faite par moi. La deuxième partie est sur cette page.

Continuer la lecture de La santé publique dans tous ses états: questions au Dr Alain Braillon, un expert trop indépendant (I)

La misère de la santé publique cachée par le mastère Pasteur/CNAM/EHESP, sans garanties d’indépendance face à l’industrie

Le 23 juin, j’ai reçu un communiqué de presse du CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers). Il m’informe que le CNAM, l’Institut Pasteur et l’EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique) vont mettre en place ensemble un mastère de santé publique, destiné à devenir une référence nationale. On ne peut que se féliciter si jamais il y a une volonté de rattraper l’énorme retard français en créant une filière apte à rivaliser avec les masters of public health des universités anglo-saxonnes.

Sauf que… la situation est loin d’être ce qu’elle paraît. Et une vitrine bien lustrée ne cache pas la misère qu’il y a derrière, ni la casse de ce qui existe déjà. Quelle est la logique régissant la création de ce qui se veut une référence, alors même que l’on détruit des services de santé publique existants ?

Continuer la lecture de La misère de la santé publique cachée par le mastère Pasteur/CNAM/EHESP, sans garanties d’indépendance face à l’industrie

La médecine comme outil biopolitique (contrôle social, normalisation, politiques hygiénistes…)

Ce texte de François Cusset se réclame de Michel Foucault, lui-même inspiré par les penseurs de la normalité médecine normalisation,contrôle social médecine médicament,individualisme néolibéral santé,politique hygiéniste biopolitique,médicalisation surmédicalisation,prévention abus de prévention,hyperactivité adulte,médecine différence anomalie normal,médecine prescriptive éthique,norme médicale norme sociale,tabac liberté maladie,médecine correction punition,théorie critique médicalisation,foucault médicalisation biopolitique,fonction sociale de la médecineThéorie critique (« Ecole de Francfort »). J’en reproduis les principaux fragments après une introduction beaucoup plus large, faite dans les termes de la Théorie critique, qui dénonce les méthodes biopolitiques par lesquelles le système procède à l’ajustement des individus aux rôles socio-économiques dont le système a besoin et évite toute remise en cause en psychologisant et en dépolitisant les problèmes et les symptômes ressentis par les individus ainsi formatés et programmés.

L’image renvoie au Panopticon imaginé par Jeremy Bentham: le modèle de la société disciplinaire parfaite, transparente, permettant une surveillance et un contrôle de tous les instants.

Les progrès de l’individualisme néolibéral se paient par une responsabilisation et culpabilisation de l’individu sommé de se comporter à tous les instants et dans toutes les dimensions de sa vie en parfait capitaliste qui soigne ses investissements, son « capital » (physique, mental…) et fait tout pour qu’ils donnent le meilleur rendement possible. Y compris dans le plaisir. Le Viagra et autres prothèses médicamenteuses (médicaments de confort, lifestyle drugs, etc.) sont là pour aider à améliorer la performance.

Il faut – dit l’idéologie néolibérale tellement bien intériorisée que l’individu pense faire acte de liberté – augmenter la productivité et la profitabilité, le rendement, la valeur du bien et ses peformances… Herbert Marcuse parlait en son temps du « principe de rendement ». Il est requis y compris s’agissant de son propre corps, objet de gestion, de maîtrise et de perfectionnement au moyen de diverses techniques taillées sur mesure pour permettre à la politique hygiéniste de s’insinuer partout, sous prétexte de prévention, revendiquée par la médecine préventive telle que la décrit David Sackett, couplée à une médecine prédictive (pensons au tout génétique mal vulgarisé) et à une médecine prescriptive, au sens éthique du terme, ou plutôt revendiqué comme tel par des médecins qui forgent des normes médicales qui deviendront des normes sociales, qui énoncent des préceptes dont la validité se veut morale, comme lorsqu’ils culpabilisent les femmes en émettant des injonctions sur l’allaitement présenté comme une démarche éthique, et non pas comme une pratique… 

L’allaitement est un exemple volontairement banal et quotidien. Pensons aux conséquences d’un discours moralisateur sur les femmes sommées de retourner à la maison pour le bien de l’enfant, dont l’avenir – le sien et celui de la planète – serait meilleur s’il portait des couches lavables et mangeait uniquement des aliments préparés par sa mère. 

La prévention, la référence à la santé publique, à la responsabilité de l’individu pour sa santé et celle de l’ensemble de la société semblent tout légitimer, toutes les interventions de contrôle social et de régulation (correction, substitut moderne de la punition) dans la vie des individus, toutes les injonctions prétendument éthiques et les « grammaires de comportement » pour les masses et autres bibles à suivre à la lettre, selon la description très juste d’Alain Ehrenberg.

Cet abus de prévention est lui-même générateur de maladies par la médicalisation (surmédicalisation et surmédicamentation) qu’il induit et qui fait courir des risques inutiles à une population bien-portante. Puisque outre la prévention qui régule les comportements estimés à risque selon des critères sociaux, l’autre façon de faire de la prévention se réduit habituellement à la prescription médicamenteuse (prévenir l’ostéoporose, l’infarctus, le diabète, bref, vider les pharmacies pour des maladies qui ne sont pas là), ce qui n’est jamais sans créer des effets indésirables… donc d’amener à nouveau les individus dans l’escarcelle de la médecine, qui pourra les surveiller et les « corriger » selon les dernières exigences sociales…

Le corps est un objet de marketing, puisqu’il faut savoir « se vendre », ce à quoi préparent tous les coachs, ces parfaits enseignants de l’adaptation aux rôles et aux exigences du marché néolibéral, qu’il s’agisse du marché du travail, du marché de l’amour, du marché de la santé ou d’autres rôles…

Continuer la lecture de La médecine comme outil biopolitique (contrôle social, normalisation, politiques hygiénistes…)