Ceci est la deuxième partie de l’interview très détaillée que j’ai faite avec le Dr Alain Braillon pour Pharmacritique et la Fondation Sciences Citoyennes. (La première partie est sur cette page).
Elena Pasca: L’un des objectifs en fonction desquels les médecins généralistes signataires du CAPI obtiendront leur prime à la performance, c’est le taux de mammographies. Qu’en pensez-vous ?
Alain Braillon: L’Assurance Maladie a décidé de donner un bonus financier aux médecins s’ils remplissent certains objectifs. C’est le CAPI [NdR : contrat d’amélioration des pratiques individuelles]. Parmi ces objectifs, il y a le pourcentage de femmes de 50 à 70 ans qui aura participé au dépistage du cancer du sein.
Cette initiative pose d’abord deux problèmes :
Sur le fond :
Vouloir améliorer la qualité des soins, c’est une bonne initiative. Mais croire que les bonus financiers sont la panacée, c’est très naïf. Il n’y a pas de solution simple à un problème complexe, surtout dans un système à la dérive. De plus, les analyses de ce type de démarche qui a été initiée il y a bien longtemps par d’autres pays sont disponibles ; elles sont souvent décevantes, encore plus quand on s’intéresse au long terme.
Surtout, il faut s’interroger sur cette conception très particulière de la qualité. En effet, l’Assurance Maladie donnera une prime aux médecins qui, somme toute, font normalement leur travail, mais gardera au sein du système des médecins qui n’atteignent pas les objectifs de qualité !
Sur la forme :
Les critères de qualité choisis par l’Assurance Maladie sont très contestables. Le dépistage du cancer du sein n’est qu’un exemple parmi les autres critères. L’intérêt du dépistage du cancer du sein a été bien démontré par des études anciennes. Cependant, le bénéfice du dépistage dans la pratique quotidienne fait actuellement l’objet de discussions très animées. De nombreuses analyses mettent en doute la pertinence réelle du bénéfice du dépistage sur la mortalité. Ce n’est pas la première fois où, en médecine, on observe une discordance entre les résultats obtenus dans les conditions de recherche / expérimentation et les résultats lors de l’application dans la vie.
Surtout, et c’est indiscutable, on est maintenant conscient de l’importance du surdiagnostic, qui a été sous-estimé. Comme pour la prostate, la présence de cellules anormales n’indique pas forcément une évolution vers un cancer qui fera parler de lui. Le Pr M Baum, qui a été le promoteur de ce dépistage en Angleterre, milite maintenant pour une meilleure information des femmes sur les risques liés au surdiagnostic. C’est d’autant plus nécessaire que, comme pour la prostate, on assiste là encore à une campagne d’information qui préfère le sensationnel et la peur à l’information objective; le style de cette désinformation est connu : « Une femme sur 8 est actuellement touchée par le cancer du sein, et ce chiffre pourrait grimper à une sur 7 d’ici vingt ans. » En réalité, le cancer du sein représente 4,4% (ou 1/23) des causes de décès chez la femme. Les plus grands progrès ont été faits pour les traitements, en termes de tolérance et d’efficacité.
Mais, plus grave, l’Assurance Maladie avait déjà voulu augmenter la participation au dépistage organisé du cancer du sein. En 2007, dans la convention signée entre l’Assurance Maladie et les médecins généralistes on trouve : “le médecin traitant … attire l’attention de la patiente sur les bénéfices d’un dépistage … développe une information positive sur le dépistage…qui doit s’inscrire parmi les actes naturels de simple surveillance… afin de lever les éventuelles réticences de ses patientes”. C’est nier un principe fondamental de la médecine. Les soins doivent faire l’objet d’un consentement éclairé après une information adaptée. C’est vrai pour les malades à qui l’on propose un traitement, et encore plus pour les sujets sains à qui l’on propose une prise en charge qu’ils n’ont pas demandée.
Cet objectif de vouloir faire du chiffre à tout prix n’a rien à voir avec la qualité des soins.
Il y a d’autres réserves sur le CAPI. En effet, 31% de la prime à la performance concernera les indicateurs d’efficience de la prescription de médicaments. François Pesty a bien montré que, sur ce point aussi, le CAPI a de bonnes intentions, mais que les critères retenus ne permettent pas de garantir que le versement de la prime correspondrait à une pratique de qualité.
EP: N’y a-t-il pas un dévoiement de la fonction sociale de la médecine, lorsqu’on l’assimile à de la médecine préventive, au sens de David Sackett ? Comment la médecine de santé publique, dont la prévention est la raison d’être, peut-elle éviter l’abus de prévention ?
La médecine des pays développés est devenue une médecine consumériste. Par de nombreux aspects, la santé en est quasiment au stade de bien capitalistique. La prévention, et d’une façon plus générale la santé publique, n’a pas échappé à cette dérive sociétale. Ce n’est pas une découverte récente.
C’est en 1923 que Jules Romains publie Knock. Grâce à une stratégie développée avec la complicité d’autres notables, un village est mis en coupe réglée par le Dr Knock. Tous les moyens lui sont bons pour transformer les solides paysans, jusque-là en parfaite santé, en malades qui sont d’autant plus graves que leur maladie est silencieuse. « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. »
La justification de la prise en charge médicale, c’est que le rapport entre le bénéfice et le risque soit positif. Naturellement, plus la maladie est patente et grave, plus le bénéfice attendu est important et simple à obtenir. Le bénéfice est espéré pour tous ceux qui seront traités (même si le traitement n’a jamais 100% d’efficacité). C’est différent lorsque la maladie est moins avancée (à un stade précoce) et encore plus lorsque l’on est proche d’une situation normale (dépistage). Dans ce dernier cas, non seulement le bénéfice sera plus faible et ne concernera qu’un nombre très réduit de personnes (et on aura tendance à surestimer ce bénéfice, car certains qui sont étiquetés « malades » n’auraient en fait jamais développé les complications de la maladie, c’est le surdiagnostic), alors qu’on intervient sur une large population qui ne tirera aucun bénéfice, mais qui sera soumise aux risques. A l’extrême, schématiquement, c’est un peu comme une loterie : les gains d’un très petit nombre ne que sont le résultat des pertes d’une grande masse.
D’une façon générale, l’action de prévention est plus délicate, et ce d’autant plus que souvent les personnes que l’on veut cibler dans la population soumise à l’action de prévention sont les personnes qui sont les plus difficiles à atteindre. C’est par exemple le cas du problème de l’obésité. Quelques actions ont fait la preuve de leur efficacité sur le long terme pour combattre cette épidémie. Mais l’obésité est fortement liée aux conditions socio-économiques, elle touche principalement les classes les moins favorisées. Ainsi dans la vraie vie, non seulement les actions sont moins efficaces dans les classes les moins favorisées, car elles sont mal adaptées à leur situation, mais aussi il est plus difficile de faire participer ces classes moins favorisées à ces actions.
Cela dit de nombreuses actions de prévention sont très efficaces. Qu’il s’agisse de la simple hygiène dentaire à l’éradication de la variole.
Il n’y a pas de recette miracle pour éviter les abus, surtout que le problème n’est pas spécifique de la prévention. Et les abus ne sont que l’un des aspects des dysfonctionnements du système. On est dans un système qui peut associer, pour un même domaine, à la fois d’une part des gaspillages ou une surmédicalisation et d’autre part une insuffisance de prise en charge. La responsabilité est partagée : les politiques, les administrations en charge de la santé, les professionnels de santé et leurs instances représentatives, et enfin il ne faut pas les oublier, les citoyens. Car ce sont les citoyens qui élisent les politiques ! Et les citoyens ont toujours la capacité de faire évoluer positivement le système de santé comme tout autre système. Certaines associations de patients comme celles contre le SIDA ou contre le cancer ont profondément modifié les pratiques médicales, et même les concepts. Ce n’est pas nouveau, cela a commencé avec les Alcooliques Anonymes il y a près d’un siècle.
Certes, cela demande un investissement de chacun. Mais actuellement, de nombreuses associations de malades vivent de financements et sponsorings privés, en particulier ceux des industriels de santé, et non des cotisations de leurs membres. Ces associations sont sous influence maintenant et, sans s’en rendre compte, ont aliéné leur indépendance.
EP: Quel serait le rôle de la médecine générale, en termes de prévention et de santé publique, dans un système rationnel et coût/efficace de santé ?
Le système a la fâcheuse habitude de se décharger sur la médecine générale pour lui faire assumer toutes les tâches difficiles qu’il n’arrive pas à organiser. Il faut arrêter de charger le médecin généraliste, et il faut lui donner les conditions d’un exercice convenable. La consultation classique vient de passer de 22 à 23 €. Le prix n’avait pas augmenté depuis trois ans ! Qui peut penser qu’un tel système favorise plus la qualité que la quantité ?
Comment espérer que notre système de santé puisse être rationnel ou « cout/efficace », sans formation continue indépendante et sans évaluation ? Il ne faut pas oublier que la Formation Médicale Continue obligatoire promise par les Ordonnances dites Juppé de 1996 n’est toujours pas en place, malgré différents textes de lois. Il en est de même pour l’évaluation des pratiques professionnelles, débutée timidement en 1999 pour la médecine libérale et sous la responsabilité de la Haute Autorité de Santé depuis 2005. Fin 2009, le dispositif bureaucratique que la Haute Autorité de Santé a mis en place a implosé. Il faut tout recommencer à zéro. Fin 2011, un nouveau décret est toujours en attente pour construire un nouveau dispositif…
Le médecin généraliste a certainement un rôle important pour la prévention et la santé publique, mais le cardiologue ou l’hépatologue a un rôle certes différent, mais tout aussi important. Prévention et santé publique sont des disciplines transversales qui nécessitent l’implication de la plupart des spécialités médicales.
Pour en revenir au rôle spécifique donné au généraliste, je suis un peu pessimiste. En effet, la vaccination anti grippale avait été assurée jusqu’alors par eux avec satisfaction. Lors de l’épidémie de grippe H1N1, la ministre de la Santé, Madame Bachelot les a pourtant exclus de la campagne de vaccination. La logistique a été organisée par les responsables des espaces verts des préfectures, les populations devaient aller dans des gymnases pour se faire vacciner par des élèves infirmières qui ne savaient que faire en cas de problème médical, si tant est qu’elles aient pu connaître les antécédents médicaux de personnes dont elles ignoraient tout.
Bien tardivement, en décembre 2009, le ministère de la Santé a admis que les médecins généralistes pouvaient être utiles … pour les personnes ne pouvant se déplacer dans les vaccinodromes. Le ministère a écrit une procédure de 10 pages pour expliquer au médecin généraliste ce qu’il devait faire et comment (voir cet article) ! C’est incroyable, mais tristement vrai. Rappelons qu’il s’agissait de pratiquer une simple injection de vaccin !
Dans ce contexte, il est difficile de penser qu’en France le respect et la confiance des généralistes envers leur ministère de tutelle soit ce qu’il doit être dans un pays normal. Mais soyons positif, au 18 août 2011, la France a terminé de détruire la moitié du stock des vaccins livrés et inutilisés. Il n’y a plus que 9 millions de doses à détruire et l’on aura tout oublié.
EP: Les syndicats de généralistes ont négocié le prix des vaccinations, sans remettre en cause son utilité. Que pensez-vous des démarches corporatistes majoritaires, du refus du testing pour la CMU, du secteur optionnel et des dépassements d’honoraires, des déserts médicaux… ?
Sur un plan général, il y a deux points en préambule.
Le terme « négociation » peut sembler abusif quand on connaît le pouvoir de l’Assurance Maladie et l’éclatement des syndicats médicaux qui sont balkanisés.
Un syndicat a pour but de défendre les intérêts professionnels et économiques de ses membres. Le Medef défend les intérêts de patrons, le syndicat du livre les intérêts des ouvriers du livre et des journalistes, etc. On ne peut espérer autre chose. En plus, le corporatisme est une maladie bien française qui atteint même les grands corps de l’Etat.
Je ne connais pas spécifiquement les exemples évoqués. Mais il y a plusieurs éléments de réponses.
Je ne pense pas que cela soit aux syndicats médicaux de discuter de l’utilité des vaccinations ou des autres points mentionnés.
Schématiquement, il y a deux types de testing, soit « scientifique » pour mesurer l’importance réelle d’un problème, soit ciblé et dit « judiciaire » pour documenter le problème en vue de poursuite devant les tribunaux. Sauf exception, les procédures de testing ne sont pas utilisées par nos institutions, contrairement à d’autres pays. C’est bien dommage, c’est à la fois la politique de l’autruche (on n’évalue pas) et la politique de l’impunité (on ne poursuit pas). Mais il y a eu par exemple l’organisation d’un testing décidée par le Procureur de la République du Parquet de Châlons-en-Champagne en octobre 2009, dans le cadre des actions menées par le pôle anti-discrimination. Les faits étaient patents, il s’agissait d’une discothèque qui faisait l’objet de plaintes répétées pour discrimination raciale. La Licra et des associations locales ont préparé le testing avec le parquet. La sanction a été entre autres une amende de 20 000 €. Mais cet exemple, c’est l’arbre qui cache le désert. En plus, les testings sont compliqués à mettre en œuvre et ne sont analysés que comme une pré-constitution ou un élément de preuve.
Les dépassements d’honoraires ont des causes profondes et anciennes avec des responsabilités multiples. Cela ne les justifie pas pour autant. Ce qui est indiscutable, c’est que le problème a été ignoré délibérément par les différents acteurs ou responsables qui ont laissé filer. Il y a eu des rapports, mais rien n’a été fait. Le résultat n’est pas une surprise : de plus en plus de médecins exigent des dépassements d’honoraires, et le dépassement moyen est passé entre 1990 et 2010 de 25% à 54% du tarif de la Sécurité Sociale. En d’autres termes, les principes fondateurs sur lesquels repose le système sont dans les faits remis en cause.
La situation ne va que s’aggraver. Cerise sur le gâteau : dépassement d’honoraire ne veut pas dire soins pertinents ou de meilleure qualité. Il n’y a aucune évaluation de la qualité et des résultats. Evidement, beaucoup de médecins sont choqués par le niveau des dépassements.
Sur la démographie médicale et les déserts médicaux, il faut relativiser ! La France fait partie des pays d’Europe où il y a beaucoup de médecins. La densité baisse, mais on très très loin de la pénurie et il y a des marges manœuvres importantes : on peut toujours limiter la charge administrative des médecins qui occupe environ 20 % de leur temps, on peut améliorer la pertinence des pratiques et limiter les actes inutiles ; enfin, la délégation de certaines tâches peut être organisée (mais pas n’importe comment et dans la précipitation), etc.
Il est incontestable que d’importantes disparités existent tant entre les différentes régions qu’à l’intérieur d’une même région. C’est incompréhensible et injustifiable. Cela révèle l’incapacité totale du système, d’abord à anticiper et ensuite à prendre les mesures nécessaires. Les mesures sont simples, l’installation des pharmaciens est régulée depuis longtemps, et pour les infirmières, c’est chose faite depuis peu.
Enfin il faut noter deux choses. D’abord, la demande de médecine de proximité est une spécificité assez française et l’attitude des Allemands est très différente. Surtout, pour les urgences il y a un maillage extraordinaire grâce au SAMU.
En conclusion, l’immeuble ne brûle pas encore, mais le feu couve depuis longtemps, pourtant, chaque locataire attend qu’un autre que lui appelle les pompiers, le syndic prévoit de convoquer une assemblée générale et le propriétaire est en vacances…
EP: Que pensez-vous de l’opposition entre la médecine libérale, de terrain, et celle hospitalo-universitaire, « l’ennemie du système de santé », selon Martin Winckler ?
Je ne connais pas grand-chose au foot, mais cela doit être un peu pareil, il vaut mieux essayer de jouer collectif.
Ce qui est inquiétant, c’est qu’actuellement la division est un mode de gouvernance, comme l’avait proposé Machiavel. Pour les Unions Régionales des Médecins Libéraux avant 2010, il n’y avait que deux collèges électoraux, généralistes et spécialistes. C’était un de trop, puisque les généralistes sont devenus statutairement des spécialistes. Pourtant, la réforme organisant les élections professionnelles en 2010 a créé un troisième collège, celui des médecins spécialistes de bloc opératoire (anesthésistes, chirurgiens, gynécologues-obstétriciens). C’est d’autant plus absurde que depuis longtemps, les interventions par des spécialistes médicaux se développent, et pas seulement dans les blocs opératoires mais aussi dans les salles de radiologies ou d’endoscopie. On a l’impression d’une segmentation bureaucratique du corps médical par un technocrate placé en hibernation en 1950 et malheureusement réveillé en 2010.
Plus sérieusement, il faut être inquiet des oppositions qui risquent de se développer entre les professionnels de santé : médecin, pharmacien, sage-femme, infirmier … En particulier, la mode est aux délégations de tâches. Elles sont décrétées par les tutelles, sans concertation suffisante et sans les précautions indispensables : les formations nécessaires ne sont pas en place, les expérimentations et les évaluations ne sont pas prévues, le champ des responsabilités respectives n’est pas défini, les outils nécessaire au suivi et à la continuité des soins sont absents.
La réflexion de Martin Winckler sur le corps des médecins universitaires est pertinente. Mais ce n’est pas spécifique à la santé. En France, l’université est en difficulté, mais les élites (comme ailleurs) n’ont pas d’intérêt à changer le système ou n’en ont pas beaucoup la possibilité.La carrière hospitalo-universitaire est une aberration. C’est mission impossible: il faut être tout à la fois soignant, enseignant, chercheur et administrateur (sans compter une activité privée que certains développent en parallèle pour l’industrie pharmaceutique). Problème de temps, problème de compétences spécifiques très différentes. On peut rencontrer quelques-uns capables de faire tout cela à la fois, mais cela se compte sur les doigts de la main d’un ajusteur.
Quand j’étais aux Etats-Unis, celui qui avait pris les fonctions de chef de service du département de pharmacologie avait arrêté ses fonctions cliniques pendant ce mandat. C’est naturel là-bas. En France, je ne connais pas beaucoup d’exemples comparables. On accumule les postes et les fonctions. Mais là encore, ce n’est pas spécifique à la médecine. Il suffit de voir le cumul des mandats politique ; et la conduite de ceux qui se disent contre est encore plus édifiante.
Sur l’opposition entre secteur public et secteur privé, chacun à ses contraintes, ses avantages et ses inconvénients. Schématiquement, et ce n’est pas propre à la santé, on a besoin du public pour le long terme, du privé pour le court terme. Les deux systèmes sont complémentaires et doivent coexister. Ils doivent aussi être régulés. Tout système, qu’il soit public ou privé, dérape s’il n’y a pas de régulation et de contre-pouvoir. Depuis un moment, on impose au public des objectifs à court terme et on fait croire que le privé va remplir les objectifs de long terme. Le résultat est évident. Il ne faut pas demander à une chienne de faire des chats.
EP: La tarification à l’activité, déjà décriée dans l’ensemble, ne risque-t-elle pas d’entraver encore plus la médecine de santé publique, dont les actions s’inscrivent dans la durée?
La tarification à l’activité (T2A) n’est qu’un outil. Il ne faut pas la diaboliser en soi. Hélas, elle a été construite à la va-vite (pourtant, c’est dès 1986 que la nécessité d’une comptabilité analytique a été reconnue, mais l’administration hospitalière n’a pas suivi. La T2A est lourde à mettre en œuvre, et elle détourne les médecins de leur activité normale auprès des malades pour les transformer en codeurs-opérateurs de saisie. Elle valorise les actes techniques au détriment du temps passé auprès des malades ou pour analyser les cas complexes et organiser les soins. Elle est totalement déconnectée de la pertinence ou de la qualité des soins. Ce qui compte, c’est de réduire le coût apparent et immédiat.
Ainsi, certaines structures de soins utilisent la complexité de la nomenclature pour faire en deux étapes ce qui pourrait être fait en une seule, car cela rapporte plus. Le malade est non seulement obligé de multiplier les déplacements, mais il est soumis inutilement à des risques supplémentaires, et les délais peuvent eux aussi être néfastes.
Les actions de santé publique, les consultations longues, les prises en charges complexes sont dévalorisées par la tarification à l’activité. Les victimes de la T2A sont faciles à identifier.
EP: Vous avez travaillé sur la prévention de la transmission du virus de l’hépatite B de la mère à l’enfant. Que répondez-vous à ceux qui remettent en cause ce vaccin et parlent de myofasciite à macrophages ?
Ce sont deux sujets différents, mais qui ont de nombreux points communs.
La question de base est la même: les vaccinations peuvent-elles induire une réponse immunitaire aberrante et être la cause de maladies ? On peut l’envisager, mais les études prospectives et rétrospectives qui ont été menées ont échoué à démonter une telle association.
L’autre point commun est que dans les deux cas, l’attitude française est une exception face à l’attitude de la communauté scientifique internationale.
La myofasciite à macrophages a été identifiée en 1993 par une équipe française. Une série de 14 malades sur 5 ans dans 5 centres spécialisés a été publiée dans le Lancet en 1998. Les symptômes cliniques sont très vagues, fatigue et douleurs musculaires ou articulaires. Ils sont fréquents dans la population générale qui n’a pas été vaccinée. Les lésions de myofasciite qui ont été décrites à l’examen histologique chez ces patients sont assez particulières, mais elles peuvent quand même être observées aussi au cours de certaines maladies générales. Les lésions histologiques, si elles sont certes très inhabituelles, ne sont pas spécifiques. Vouloir faire le lien entre les adjuvants (en particulier l’aluminium) contenus dans de nombreux vaccins et une maladie aux symptômes vagues et sans lésion spécifique est difficile. Ce qui est certain, c’est que les cas décrits sont exceptionnels et que l’on n’a jamais observé d’épidémie de myofasciite à macrophages, ou plus généralement de myopathie inflammatoire, après les campagnes de vaccination massive, qui ont été nombreuses.
Pour le vaccin contre l’hépatite B, les très nombreuses études qui ont été faites dans différents pays ont permis d’éliminer la responsabilité de ce vaccin dans la survenue de sclérose en plaques. Que des personnes aient développé une sclérose en plaque après une vaccination, c’est arrivé, mais d’autres sont aussi tombées dans leur escalier ou ont eu un accident de voiture. Mais il n’y a pas de relation de cause à effet. Un conseil pratique : si vous avez des adolescents, faites-les vacciner contre l’hépatite B. Le risque d’une contamination sexuelle ou lors de l’usage de drogues est plus sérieux que vous ne le pensez.
La France est encore une fois en ce domaine une exception. Non seulement la couverture vaccinale contre l’hépatite B y est plus basse que tous les pays comparables en Europe, mais elle est lanterne rouge dans le monde. Les exceptions en santé, ce n’est jamais bon.
Qu’il y ait un lobby pro vaccin qui en rajoute parfois pour maximiser un retour sur investissement, c’est un peu naturel. Qu’il y ait des difficultés à mettre en place des campagnes de vaccinations qui ciblent au mieux les populations à protéger, c’est incontournable. Qu’il y ait des questions et des inquiétudes sur le rapport bénéfice/risque des vaccins, c’est indispensable. Que certains en profitent pour faire leur fond de commerce, c’est inacceptable.
Mais ce n’est pas nouveau. Il y a eu par exemple la scandaleuse affaire Andrew Wakefield, du nom de celui qui avait signé en premier auteur cet article publié, avec une douzaine de scientifiques, en 1998 dans le Lancet. Le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole aurait été responsable de cas d’autisme avec des troubles intestinaux. Il a fallu attendre 2011 pour que l’on s’aperçoive qu’il s’agissait d’une supercherie frauduleuse. Mais les dégâts qui ont résulté de cette affaire, en termes de perte de confiance et de couverture vaccinale et donc en terme de morbi/mortalité, ont été considérables. Malheureusement, ils perdureront encore longtemps. (Voir A new French paradox: HBV vaccination J Hepatol. 2009;51:597-8 et Viral hepatitis and public health Gastroenterol Clin Biol. 2010;34:419-20 (article en français)).
EP: Comment évaluez-vous le projet de loi de Xavier Bertrand réformant la chaîne du médicament? Quelles mesures essentielles ajouteriez-vous?
Il y a eu de grands effets de manches et une campagne de communication très habile. Pour le reste, il faudra juger sur les faits : la loi votée, les décrets d’applications parus et la réalité de la mise en œuvre. On en est encore bien loin. Cependant, il y a de quoi être inquiet.
La France accumule depuis des années les scandales : sang contaminé, hormone de croissance, amiante, grippe H1N1, chlordécone, Médiator… Une telle fréquence et une telle intensité sont inconnues dans les autres pays développés.
Ce n’est pas un toilettage technique qui va résoudre un problème global, et encore moins le changement de nom de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) en Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).
Les Assises du médicament ont été organisées d’une manière très particulière. Par exemple, la députée Catherine Lemorton, auteur d’un remarquable rapport parlementaire sur le médicament en 2008, n’était pas invitée aux Assises. Elle a dû s’imposer. Le déroulement des Assisses a fait l’objet de nombreux dysfonctionnements, et de nombreuses personnalités ont préféré les quitter pour ne pas cautionner ce qui s’apparentait à une mascarade.
Des évaluations du projet de loi sont disponibles, celle de la revue Prescrire ou celle de Sciences Citoyennes en particulier.
Il faut aussi noter les effets d’annonce, comme la promesse que les nouveaux médicaments seront dans l’obligation de démontrer un progrès thérapeutique par rapport aux médicaments déjà disponibles. Le dispositif actuel le permet, il n’est pas besoin d’une nouvelle loi en ce domaine.
De plus, d’une façon générale, les responsables des problèmes sont-ils les mieux placés pour les résoudre ? (The Mediator scandal. Is there a smoke screen? Lancet 2011;377:2003-4) D’autant plus qu’il y a aussi les conflits d’intérêts dévoilés par la presse (Rue 89, Le Monde… Le Canard Enchaîné a aussi documenté des conflits d’intérêts plus anciens).
Le système existant est-il en capacité de s’auto-réformer ? Les solutions ne sont pas techniques, comme on voudrait le faire croire. Chaque type d’organisation à ses avantages et ses inconvénients. Il manque une réelle volonté et de la cohérence. Un exemple simple et concret : les produits homéopathiques ne sont que de l’eau et du sucre, mais ils sont pourtant remboursés par la Sécurité sociale et les mutuelles. Il n’y a que des preuves de leur totale absence d’efficacité ! En France, l’Afssaps a même réussi à lancer des alertes sanitaires pour des produits homéopathiques ! (Homoeopathic remedies and drug-regulatory authorities Lancet. 2010 23;375:279-80) C’est incroyable, une exception française, là encore. En Angleterre, les produits homéopathiques ne sont plus remboursés depuis plusieurs années.
C’est surtout l’arsenal juridique qui est en cause et favorise l’impunité. Les actions de groupes (class actions aux Etats-Unis) ne sont pas possible en France. Les citoyens sont à la merci des grands groupes industriels et la bataille devant les tribunaux est trop inégale. Quant à l’administration, elle est protégée par un droit spécifique : le droit administratif.
Mais ce qui peut rendre pessimiste pour l’avenir, c’est que parmi les très nombreux experts des quatre principales commissions en cause dans le scandale du Médiator, aucun n’a démissionné ou fait son mea culpa après les révélations. Certains ont même mené des campagnes de dénigrement de l’action d’Irène Frachon, et les extraits de leurs mails publiés par le Canard Enchaîné sont loin d’être ceux qui sont les plus abjects.
Le scandale du Médiator n’est pas véritablement un accident. Toute la politique d’évaluation est à revoir, non seulement pour les médicaments, mais aussi pour les dispositifs médicaux. La France n’est pas seulement en retard sur les autres pays, elle roule aussi à contresens. (Medical Devices Approval Process a New French Exception? Presse Médicale. 2011;40:446-8 (article en français)
Au-delà, c’est toute la politique du médicament qui est à revoir. Pourquoi les Français sont-ils les plus forts consommateurs de médicaments en Europe ?
Le Médiator, c’est l’arbre qui cache la forêt.
EP: Les scandales sanitaires se suivent et se ressemblent, mais la mentalité suiviste et passive de bon nombre d’usagers ne change pas. Pourquoi n’y a-t-il pas le même esprit critique que dans les pays anglo-saxons ?
En effet, dans les pays anglo-saxons les citoyens sont plus actifs, plus responsables, mieux organisés. Ils attendent moins du système et plus de leur action. Les élites sont en règle générale aussi plus responsables de leur rôle social, et pas seulement concernées par leur situation.
Dans ces pays, les dispositions légales pour protéger les lanceurs d’alerte, pour favoriser les actions de groupe et pour la transparence des décisions publiques sont anciennes et surtout appliquées.
Que ce soit vis-à-vis des pays du Nord de l’Europe, de l’Allemagne, de l’Angleterre ou même des Etats-Unis, la comparaison n’est pas flatteuse pour les Français.
Cette différence est très profonde, et si l’on fait la comparaison dans d’autres domaines, par exemple entre la peinture française et la peinture américaine, c’est un peu la même chose : il y a celle des impressionnistes et celle de Norman Rockwell. Mais si l’impressionnisme en peinture, c’est bien, c’est autre chose pour la politique publique.
Je ne suis ni anthropologue, ni sociologue, je n’ai pas la clé. Mais une explication généralement avancée est l’opposition entre la culture protestante et la culture catholique. Au-delà de la théologie, plus simplement, avec des épisodes comme la St Barthélémy ou la révocation de l’édit de Nantes, il est normal que les protestants aient appris à se méfier de l’Etat.
Quoiqu’il en soit, on voit se développer en France des organisations non gouvernementales indépendantes qui ont des objectifs concrets et des stratégies sur le long terme qui dépassent les intérêts catégoriels ou les vieux dogmes. Le système ne va pas bien, et on ne peut demander à ceux qui s’y sont adaptés pour arriver aux manettes de le faire évoluer. Mais on ne peut nier que les citoyens sont aussi responsables du système dans lequel ils vivent.
La situation devient schizophrénique, le système a décroché, les incohérences se développent et ce qui domine, ce sont les effets de manche et l’immobilisme ou les rustines. Un tel système s’effondre toujours de lui-même ; on ne peut prédire quand, mais cela arrive du jour au lendemain, sans prévenir. Un peu comme pour le mur de Berlin. Honecker, lui, avait dans ses cartons plein de projets … dont un pour rénover et consolider le mur.
Il faut être optimiste, cela ne peut plus durer comme cela très longtemps.
EP: Si l’empowerment n’existe pas en France, n’est-ce pas aussi parce que la corporation médicale préfère garder son emprise, qu’il n’y a pas d’éducation à la santé dans une relation médecin-patient équilibrée, telle que la théorisent Martin Winckler et Claude Béraud ?
Il n’y a que du bien à dire de ces articles de Claude Béraud et Martin Winckler sur la relation médecin malade.
Il y a différentes manières d’analyser l’empowerment en santé.
Il faut d’abord constater que l’on utilise un terme anglo-saxon ! Ce n’est pas anodin. Est-ce si difficile de trouver un mot dans la langue française pour définir « La prise en charge de l’individu par lui-même ». Autonomie? C’est un concept qui a pris de l’importance dans le domaine de la santé au début des années 80, et il a fallu attendre plus de 15 ans pour qu’il apparaisse dans une revue médicale française indexée. On cumule pauvreté conceptuelle, paresse sémantique et inertie. Mais c’est vrai que le développement de l’autonomie dans un pays qui est vu par beaucoup comme un pays d’assistés n’est pas chose évidente.
Dans la relation médecin – malade, le champ de l’autonomie est vaste, cela va de la prise de décision du traitement à sa mise en œuvre.
Bien entendu, la prise d’une décision doit être partagée avec le malade. Il faut informer des bénéfices et des risques des différentes possibilités. C’est plus simple à dire qu’à faire. La médecine n’est pas une science exacte, l’information prend beaucoup de temps, elle doit être adaptée à la situation de chaque malade. Or on est dans un système de prise en charge de plus en plus éclaté entre les spécialistes et où le process de type industriel est devenu le credo. En plus, l’enseignement dispensé sur la relation médecin malade est quasi nul, et ce n’est pas un critère évalué lors des examens. Donc il y a encore des trésors d’amélioration.
Pour la mise en œuvre du traitement, le développement de l’autonomie, c’est aussi l’éducation thérapeutique. C’est un principe ancien appliqué depuis longtemps par exemple par les diabétologues ou encore pour les traitements anti-coagulants. Cela est à l’évidence une bonne chose, si on améliore le résultat thérapeutique et on ne transfère pas au malade une charge top lourde. Hélas, le résultat attendu est loin d’être toujours obtenu, et c’est en particulier trop souvent le cas quand on évalue les choses sur le long terme. Quant à la charge que l’on transfère sur le malade, elle n’est pas négligeable. A l’extrême, la situation des aidants familiaux pour les malades atteints d’Alzheimer montre bien comment le système de santé se décharge de ses missions sur des tiers. L’éducation thérapeutique est difficile, c’est un vrai métier, dans certaines situations elle peut apporter un vrai plus en terme de résultat, en particulier en terme de mortalité, mais ce n’est pas la panacée comme certains le croient. On a la chance d’avoir quelques très bons spécialistes, comme Catherine Tourette Turgis, mais il y a hélas pas mal de gourous.
EP: Entre surdépistages et fichages divers, normalisation des comportements et réduction de la diversité, la santé publique ne risque-t-elle pas de devenir un outil de contrôle social, avec les médecins comme gardiens de l’ordre ?
Virchow a déclaré au milieu du XIXème : « La Médecine est une science sociale, et la politique n’est rien de plus que la médecine pratiquée en grand. » C’est remarquable, car à cette époque la santé publique n’existait pas et qu’en plus il était pathologiste. Il ne s’occupait pas directement des malades, mais il étudiait les lésions des tissus et des cellules en cherchant comment elles pouvaient expliquer les maladies. Là aussi, c’était un pionnier.
Il y a des risques de dérapages, c’est incontestable. Par la nature même de son objet : l’intervention sociale. Aussi, par son importance et le pouvoir qu’elle représente, car la santé, c’est plus de 11% du Produit intérieur brut.
L’épidémiologie est indispensable pour la santé. Le remboursement par l’assurance maladie implique aussi le recueil de données personnelles. Tout cela n’est pas exempt de risque. Les dispositions qui existent pour protéger ces données semblent assez bien adaptées. Mais il faut rester très vigilant, les techniques sont très évolutives et pour certains intérêts, l’accès aux données individuelles de santé peut être source de profits considérables.
Oui, la santé publique intervient dans le comportement des individus. Oui, cela peut être coercitif, comme l’obligation de porter la ceinture de sécurité, avec un système répressif. A l’époque, que de cris d’orfraie sur l’atteinte aux droits fondamentaux ! La réalité, c’est des morts évitées, tout comme les traumatismes graves du crâne et de la face. Idem du port obligatoire du casque pour les motards. Pourtant, Claude Got qui est à l’origine des progrès en matière de sécurité routière, le combat de sa vie, a été présenté comme le « chef des ayatollahs ».
Il y a aussi les mesures directes d’interdiction, comme celle de fumer dans les lieux publics. Elle est indispensable pour protéger les non fumeurs des complications du tabagisme passif. Ces complications sont graves et indiscutables, il n’y a que les cigarettiers pour les contester et ils n’ont pas hésité à financer des chercheurs à leur solde pour semer le doute.
L’interdiction de la vente aux mineurs est une autre mesure. Un fumeur sur deux décède d’une maladie liée au tabac, l’industrie doit donc trouver en permanence de nouveaux clients. Quoi de mieux que les jeunes pour remplacer les 60 000 consommateurs de tabac qui meurent chaque année. Ils sont une cible parfaite, particulièrement vulnérable. Ils sont plus sensibles aux messages promotionnels et l’industrie du tabac à même développé des produits adaptés comme les cigarettes légères puis les bonbons. Enfin, plus on commence jeune à fumer, plus la dépendance s’installe rapidement et profondément. (Voir ici).
Il y a une chose bien établie quand on doit pratiquer la médecine, c’est de ne pas juger le malade sur la base de normes sociales ou culturelles et le stigmatiser. Un médecin est là pour l’aider pas pour juger. Je pense que tous les médecins y sont attachés au plus haut point dans leur pratique quotidienne. C’est la même chose en santé publique. En plus, stigmatiser ou faire appel à la morale n’est pas efficace.
En réalité, le problème est tout différent, mais tout aussi inquiétant. Les conclusions des recherches médicales ne sont pas mises en œuvre par la société pour des raisons doctrinales. On le voit avec le retard qu’il y a eu à la mise en place des programmes d’échanges de seringue pour les toxicomanes. Ces échanges permettent d’éviter la transmission du SIDA ou des hépatites. Idem pour la mise en place des programmes de substitution par la méthadone : en 1984 en Hollande, en 1986 au Danemark, en Grande Bretagne et en Allemagne ; en France, c’est 1992, deux ans après l’Italie. C’est l’opposition de certains, pour des raisons purement doctrinales, qui a retardé ces mesures. Les médecins et certaines de leurs instances se sont mobilisés pour ces mesures, mais comme les associations militantes, cela n’a pas suffi.
On constate donc que, pour des raisons purement doctrinales, la société française est incapable d’être à l’heure au rendez-vous avec l’efficacité, même quand celle-ci est scientifiquement démontrée. C’est le cas de plus en plus souvent, pas seulement dans le domaine de la santé publique.
La difficulté qu’il y a avoir un débat scientifique serein en France est aussi illustré par l’exemple de l’expertise collective « Psychothérapie, trois approches évaluées », publiée en 2004 par l’Inserm. Le 5 février 2OO5, Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé, fait retirer ce rapport du site internet du ministère. Il cédait ainsi à la pression de ceux qui avaient vu leur approche contestée dans ce rapport. (Voir cette page).
EP: Voyez-vous des raisons d’espérer, malgré tout ?
Il est incontestable que la situation générale n’est pas ce qu’elle devrait être, sur de nombreux aspects, qu’ils soient sociaux ou économiques. Années après années, la situation se dégrade, et l’on voit des plus en plus de pays qui progressent et font mieux que nous. Selon les indicateurs internationaux, pour la majorité des domaines évalués, la France ne se place plus dans les premiers pays, mais dans la partie moyenne/médiocre des pays d’Europe. Trop souvent, c’est l’élargissement de l’Europe à des anciens pays du bloc soviétique qui nous évite d’être lanterne rouge.
La France fait partie des pays très riches, elle a des atouts formidables. Si les Français espèrent que cela va s’arranger tout seul ou attendent l’homme providentiel, on continuera à dévaler la pente. S’ils sont plus nombreux à comprendre qu’ils ont une part de responsabilité dans la situation actuelle et s’engagent personnellement, chacun dans la mesure de ses moyens, pour que la situation s’améliore, la situation s’améliorera. Mais on ne peut avoir le beurre, l’argent du beurre, le troupeau … et la fermière.
[Entretien, édition et relecture par Elena Pasca]
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Quelques articles consacrés à l’éviction d’Alain Braillon :
- Alain Braillon le médecin bâillonné Birgitte Bègue – Viva, Juin 11
- La Santé publique au Pilori Véronique Gallais – Action consommation, 17 Janv 11
- Et au milieu coule la Santé publique Le Canard Enchaîné, 8 Déc 10
- Plutôt guérir que prévenir Fakir, 22 Fév 11
- Pourquoi faut-il sauver le soldat Braillon Pr Fabry – Risques et Qualité, Janv 10
- Les empêcheurs de tuer en rond, espèce menacée Roger Lenglet – Charlie Hebdo, 7 Avr 10
- Public à ta santé Dominique Dupagne – Atoute, 15 Fév 10
- Un médecin évincé car «peu rentable» il rapporte 2 fois son salaire à l’hôpital Courrier Picard, 22 Déc 10
- Quel avenir pour la santé publique ? La Revue Prescrire, Juin 10
- Haro sur la Santé publique Marie Kayser – Pratiques, Juil 10
- Quelle santé publique dans les CHU ? Pr Dubois – Panorama du Médecin, 8 Fév 10
- The gagging of public health experts in France Tobacco Control, Nov 2010
- Whistleblowing and abuse of libel law in France Healthwatch, Oct 2010
- Doctor’s sacking is setback for French public health British Medical Journal, Feb 2010
- Silence is not always golden Medical Independent (Ireland), Feb 2011
- Public health advocate in court… and more Crickey (Australia), June 11
Dans le cadre de mon activité de consultant j’ai été amené il y quelques temps à faire une étude : Dépistage du cancer de la prostate : vers un outil d’aide à la décision pour le citoyen et le médecin – Une question éthique
Vous pouvez trouver cette étude au lien suivant :
Cliquer pour accéder à 75051491rm-ve-050129-lille-cancer-prostate-pdf.pdf
Merci de transmettre au Dr Alain Braillon cette référence, ainsi qu’à Elena Pasca
Bonne journée
Daniel Oberlé
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