Bien avant que Pharmacritique ne voie le jour, j’informais autour de moi de l’existence de dispositifs de
transparence aux Etats-Unis, depuis 1993 au Minnesota, puis dans d’autres Etats (Vermont, Maine, New Jersey…), ainsi que des initiatives du sénateur républicain Charles Grassley (dit Chuck Grassley), sensibilisé par le lanceur d’alerte du Vioxx, le Dr David Graham (épidémiologiste à la FDA: agence états-unienne du médicament).
David Graham et Charles Grassley continuent à faire un vrai tandem, l’épidémiologiste signalant au politique tout médicament défectueux, dont le rapport bénéfices/risques est défavorable, ou toute malversation ou manipulation des données de telle ou telle firme pharmaceutique à propos de tel produit qu’elle souhaite voir autorisé par la FDA. Et depuis que Charles Grassley a dû dire publiquement que le Dr Graham était sous sa « protection » (!) pour que celui-ci ne subisse plus de représailles de toutes sortes, le sénateur a pris conscience des difficultés que connaissent les lanceurs d’alerte, malgré la législation protectrice la plus avancée au monde, dont les débuts remontent à… 1863, avec le False Claims Act, renforcé par de nombreux amendements et par d’autres dispositifs spécifiques dont le Whistleblower Protection Act de 1989. Il a mis à disposition des lanceurs d’alerte une ligne de fax qui leur est réservé et figure sur son site internet.
Outre les nombreuses enquêtes lancées sur des médicaments (Avandia et les glitazones, etc.) et des classes de médicaments précis (anticorps monoclonaux, etc.), Charles Grassley est aussi à l’origine d’un programme de transparence au niveau fédéral, soutenu en particulier par les démocrates. Ce Sunshine Act (Physician Payment Sunshine Act ou Physician Payment Sunshine Provisions) a été intégré dans la loi de réforme de la santé promulguée par Barack Obama en mars 2010, comme je l’ai souligné dans ce communiqué de presse de la Fondation Sciences Citoyennes, qui appelait les autorités françaises à suivre l’exemple d’Obama. Car il a fallu du courage pour une telle réforme et pour tenir bon, malgré la campagne de dénigrement lancée par l’industrie pharmaceutique, par les assurances privées et par toutes les composantes de « l’industrie de la santé », qui profitaient de cette opacité pour influencer les prescriptions des médecins à travers un registre de méthodes allant de la corruption aux diverses formes de conflits d’intérêts et aux multiples formes de biais et d’influences conscientes et inconscientes.
La précédente tentative de Sunshine Act et de réforme de la santé et de l’assurance-maladie a été portée par Hillary Clinton (sous la présidence Clinton) ; elle a échoué après une campagne extrêmement violente d’injures et de dénigrement contre « Hillary la rouge »… Car une assurance-maladie publique est assimilée à du communisme. Et tous les républicains actuellement en course aux primaires, pour l’investiture et la candidature aux présidentielles de novembre prochain, ont déclaré vouloir supprimer l’ensemble de la loi réformant la santé, y compris le Sunshine Act. Vivement la réélection d’Obama !
L’histoire du Sunshine Act et ses dispositions les plus importantes sont présentées dans divers articles sur Pharmacritique, avec des liens permettant d’approfondir (voir par exemple les articles sur cette page, surtout celui-ci et celui-là).
La version originale du texte de loi est sur cette page. 
Le Sunshine Act – la lumière du soleil comme le meilleur désinfectant dans cet abcès qu’est l’imbrication entre médecine et industrie pharmaceutique – est une réglementation de transparence sur les conflits d’intérêts qui oblige les laboratoires pharmaceutiques à déclarer, à partir de 2013, sur un site web en libre accès, toute somme ou tout cadeau dépassant 10 dollars donnés à des médecins et à des institutions médicales (de formation et/ou de soins). L’obligation de déclaration concernera aussi d’autres formes de conflits d’intérêts intervenant dans la pratique des professionnels de santé et à plusieurs niveaux du circuit du médicament et des soins.
Un éditorial du New York Times en date du 20 janvier 2012, appelé « Who Else is Paying the Doctor ? » (Qui d’autre paie votre médecin? Sous-entendu : transparence sur toutes les sources de revenu des médecins, y compris l’industrie pharmaceutique), nous apprend que tous les moyens nécessaires à la mise en place du Sunshine Act ont été finalisés. Ainsi, le Department of Health and Human Services (ministère fédéral de la Santé) a développé les procédures de signalement. De leur côté, les firmes pharmaceutiques avaient jusqu’au 1er janvier 2012 pour collecter les informations qui seront publiées sur un site gouvernemental en accès public. Les réglementations proposées à chaque niveau concerné ont été finalisées le 14 décembre 2011 et sont ouvertes aux commentaires et critiques jusqu’au 17 février 2012, date à laquelle les préliminaires seront clos.
Le Sunshine Act pourra désormais s’appliquer comme prévu et entrera en vigueur pleinement en 2013, pour le volet « sanctions ». Les laboratoires, les producteurs de dispositifs médicaux et autres fabricants de produits santé pourront être punis d’amendes allant jusqu’à 150.000 dollars par an s’ils ne déclarent pas tous les paiements ; ces amendes pourront atteindre un million de dollars par an si l’omission est volontaire.
Elena Pasca
J’aime ça :
J’aime chargement…