La santé publique ne connaît pas la crise ! Le business des ONG dans les pays pauvres, initié par l’OMS

Par le Dr Cesar Eduardo Wong Alcazarmédecine humanitaire dérives,santé publique pays pauvres,ong humanitaire éthique,santé publique profit affaires,organisation mondiale de la santé commerce profit,nations unies politique santé,oms pays pauvres profit santé,cesar eduardo wong alcazar,médecine profit pays en voie de développement *

 

En temps de crise économique, si vous hésitez dans quel domaine investir afin d’assurer votre avenir, tournez-vous dans un secteur épargné par la crise, un bon business rentable : la santé publique dans des pays en voie de développement.

J’ai 33 ans, je suis médecin et je rêvais un jour de « sauver le monde » ou d’y contribuer. Pour moi, la santé publique, c’était le moyen qui allait me permettre de réaliser mes rêves.

Je suis parti en mission humanitaire en Asie et en Afrique pour des programmes de lutte contre le  paludisme et le VIH. Au cours de ces missions, j’ai été confronté à des réalités difficiles, tant sur le point médical que sur le point éthique et j’ai rencontré des gens qui ne partageaient pas du tout mon point de vue…

J’ai compris que de leur point de vue, la santé est un très bon business. Chacun a intérêt que le développement d’un programme de santé ne se fasse pas trop vite (sauf la population qui devrait tirer bénéfice de ce programme).  Tant qu’il y a des malades, il y a des soignants, des philanthropes, des bénévoles, mais aussi des investisseurs, des organismes internationaux, des agences de développement, des gouvernements corrompus, et un nombre incalculable de profiteurs !

Par ces quelques lignes, je voudrais vous faire partager ma brève expérience et mes désillusions sur ce que j’ai rencontré dans les programmes de santé publique à l’étranger.

L’époque du rêve…

A l’époque de mes rêves d’étudiant, ceux dans lesquels  je sauverais le monde grâce à des programmes de santé publique, quelle était précisément ma définition de la santé publique ?

Pour moi, c’était « sauver le monde » des maladies et des épidémies, mais aussi des inégalités ; soigner les populations malades et affamées, les éduquer, contribuer à leur développement et leur donner la possibilité d’un développement durable par la formation, l’apprentissage d’un métier.

En apprenant des expériences des « professionnels de la santé publique » (les nations unies, les ONG et les agences de développement…), je pensais qu’un effet « boule de neige »  allait opérer pour réduire la pauvreté, les maladies et améliorer la condition de l’humanité.

Le tout en voyageant autour du monde…

Pendant mes études de médecine au Pérou,  je disais qu’avec les programmes de santé publique, j’allais « casser le business » de mes collègues cliniciens (les vrais médecins, ceux qui portent une blouse blanche et utilisent un stéthoscope) ; eux allaient soigner un patient à la fois alors que moi,  je pourrais en soigner des milliers à la fois.

Diplôme en poche, je suis parti pour un stage à l’Organisation Mondiale de la Santé à Genève. Cette opportunité me donna des ailes ; mon rêve pourrait-il devenir réalité ? Devenir un jour secrétaire-général de l’OMS et être en position de réaliser mon rêve ?

Depuis le bureau que j’occupais, avenue Appia, je découvre que l’OMS est une machine infernale avec plus de 3000 salariés ! Bureaucratie, inertie étouffent les projets dans leurs coquilles… mais l’envie d’avancer est plus forte.

Je fais donc un master de santé publique et un autre en droit médical en Europe : l’objectif est de travailler à la fois sur le VIH et les droits des patients infectés par le VIH.

A la fin de mon master, deux  possibilités s’offrent à moi : partir et me forger une expérience sur le terrain ou perfectionner les bases théoriques avec une vision plus académique de la santé publique en travaillant dans un organisme de santé publique en Europe.

Mon envie de rencontrer d’autres cultures et de voyager me fait choisir la première option.

Je pars au Gabon, en Indonésie, en Guinée Equatoriale, au Cameroun et au Vietnam.

Malheureusement, la réalité sur le terrain est bien loin de mes rêves…

 

Face à la réalité

Après plusieurs missions effectuées à l’étranger, j’ouvre les yeux sur la réalité des programmes !

Non, la vision des Nations Unies, agences de développement et autres ONG n’est pas le monde enchanté de Disney !

Le fait d’être présent dans un pays a un impact politique, géopolitique et les programmes de santé sont parfois le moyen d’être sur le terrain… la préoccupation médicale ou sanitaire n’est donc parfois pas l’intérêt premier…

 

La santé publique dans un drôle d’état…

Lors de mes différentes missions, je suis confronté à de nombreuses préoccupations éthiques…

Que reste-t-il après le départ des humanitaires ?

Après le départ des humanitaires (faute de budget ou par décision politique), comment la population peut-elle poursuivre le travail engagé ? L’accès aux médicaments étant souvent impossible, les gens continueront-ils à mourir du paludisme (plus d’1 million de morts/an) comme avant l’intervention des ONG ?

N’est-on pas venu faire du « saupoudrage de bonnes actions », sans réel impact sur la vie des populations dans l’avenir ?

Le financement des programmes par des gouvernements, l’implication des politiques sur les décisions d’orientation d’un programme est-elle acceptable ?

Que faire pour contrer la « corruption à tous les étages » ? Céder aux pressions ou refuser de le faire au risque d’être dans le collimateur des autorités et rencontrer de nombreuses difficultés dans le développement des projets ?

Est-il possible de développer de façon durable un programme si les autorités politiques ne sont pas partie prenante, autrement que par l’enrichissement personnel qu’elles en attendent ? Pourquoi continuer à « enrichir » certains en justifiant de bonnes actions qui n’auront aucun impact à long terme sur la santé des populations ? Est-ce que l’impact immédiat sur un nombre réduit de bénéficiaires  peut justifier ces engagements ?

 

La santé publique corrompue par l’argent ?

J’ai pu constater que la santé est un domaine très attractif !

Tout le système est basé sur des fonds obtenu par un lobbying ; on va montrer à la télé des enfants mourir de faim et récolter ainsi l’argent nécessaire au programme. Mais la réalité a 2 visages : oui, les enfants meurent de faim mais on oublie de montrer que certains employés d’ONG ou autres organismes des Nations unies vivent dans des villas avec piscine…

Et là, le bât blesse….

Quel regard poser sur les donateurs de toutes ces ONG ? Quand Mamie signe un chèque de soutien pour l’Unicef en voyant au journal télé la famine en Somalie, sait-elle qu’elle paye peut-être le loyer d’une villa avec piscine ou le salaire confortable d’un salarié des nations unies dans un autre pays ?

Que penser des salaires gagnés par certains humanitaires ?

Est-il éthique de gagner plus de 5000 euros « en travaillant dans l’humanitaire » ? Est-il éthique en tant qu’humanitaire, d’avoir les mêmes conditions de vie (villa avec piscine) qu’un expatrié qui travaille pour une banque ou une compagnie privée ? Est-ce moral de « se faire de l’argent » sur la pauvreté et la famine ?

Heureusement, certaines ONG ont su garder une certaine éthique et refusent de loger leurs employés dans des conditions de luxe évident et de faire des ponts d’or à leurs employés !

L’argent appelle l’argent… il ne faut pas tuer le business !

Les bailleurs allouent un certain budget pour une durée déterminée. L’objectif est de dépenser cet argent… malheureusement, ces dépenses ne sont pas toujours judicieuses. Pourquoi commander un surplus de médicaments qui va périmer avant d’être distribué ? ou d’acheter du matériel coûteux qui ne pourra jamais fonctionner sur le terrain, faute d’alimentation en électricité ?

Est-il éthique de partir en congrès aux Etats-Unis ou d’organiser une réunion de travail « sous les tropiques » pour justifier de l’utilisation du budget alloué ?

Les chiffres de « rendement » ou résultats du programme doivent être suffisamment positifs pour qu’on puisse justifier d’une « rallonge budgétaire » mais stratégiquement, personne n’a intérêt que le programme aille trop vite ou soit trop efficace…

Des actions concertées pourraient permettre de gagner en efficacité mais est-ce l’objectif ?

Devant ce gaspillage, on peut se poser la question : à qui la faute ?

Les agences de coopération, les bailleurs de fonds ne devraient-ils imposer une feuille de route stricte pour le bon déroulement des opérations sur le terrain ? Ne devraient-ils pas contrôler davantage la bonne réalisation du programme ou ne sont-ils là que pour se donner bonne conscience ?

 

Un labyrinthe ou un avenir possible ?

Une question demeure : que se passerait-il à long terme si les programmes de santé publique devaient s’arrêter.

L’impact sur les populations seraient-ils si catastrophiques qu’on veut bien le dire?

N’est-il pas légitime de soutenir des programmes à une échelle plus petite mais géré efficacement ? par exemple, en soutenant des programmes sans lien avec les autorités politiques chargés de promouvoir l’information et la formation (information nutritionnelle avec les produits locaux, fabrication de puits et explications de l’importance de l’eau, éducation des enfants…) 

N’est-il pas éthique de refuser de collaborer avec les « politiques » corrompus qui mettent en avant leurs intérêts personnels sur l’intérêt de la population ?

Le « manque à gagner » pour la population est-il si important qu’il puisse légitimer cette corruption ?

De ces expériences personnelles, je veux retenir le positif : la population de Lembata qui était impliquée dans notre projet, la construction d’un esprit critique sur la réalité des choses…

Devant l’équation pauvreté + maladies + fonds + corruption = désillusion en santé publique, j’ai choisi l’équation œufs + sucre + farine + beurre +chocolat ou fruits = délicieux dessert en pâtisserie !

 

* [NdR] Pour en savoir plus sur le Dr Cesar Eduardo Wong Alcazar, voir l’article paru le 27 novembre 2011 dans Le Pays : « Un médecin péruvien de 33 ans se lance dans un CAP de pâtisserie à Belfort ».

 

5 réflexions au sujet de “La santé publique ne connaît pas la crise ! Le business des ONG dans les pays pauvres, initié par l’OMS”

  1. Je peux vous donner un exemple : les vaccins contre les rotavirus.
    Il est reconnu par l’OMS et notre CSHPF avant de muer en HCSP que les SRO (Soluté de réhydratation oraux) sont remarquablement efficace contre les diarrhées en générale y compris le choléra.
    J’en fait état le 4 mai 2011 au colloque organisé par des parlementaires sur les vaccinations. Mon propos va être attaqué par l’intervenante sur les vaccins rotavirus en affirmant que les SRO n’étaient pas efficaces contre les rotavirus !!! Quand la diarrhée est provoquée par un rotavirus ils ne réhydratent pas !!!
    MAIS mon propos va être très vigoureusement défendu par DousteBlazy qui est là pour présenter des financements innovants. Un bon point pour lui. Il dira même qu’on lui a fait visiter dans un pays déshérité une super salle de chirurgie cardiaque mais qu’avec le coût d’une seule opération on pourrait sauver 15000 enfants avec des SRO.
    Il me fut aussi répondu que des SRO on n’en avait pas assez alors il fallait le vaccin. Le SRO c’est du sucre, du sel et des minéraux dans un sachet d’aluminium.
    On m’a fait la même réponse au congrès de la Sfsp à Lille début novembre 2011 (Un expert de l’InVS).
    De plus n’importe quel hôpital devrait être capable d’en faire un à la demande sans sachet d’aluminium. Cela coûte presque rien alors que les vaccins rotavirus … Ainsi va la santé dite publique et mondiale …

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  2. Merci Docteur pâtissier,
    Je crois que les gens, moi y compris, n’ont pas suffisamment de renseignements sur ce sujet et, croyant aider, face à toute cette misère, se font en fait berner.
    L’Unicef, je ne donnais plus, tout comme à Médecins sans Frontières. J’ai appris dernièrement de la Fondation Raoul Follereau était en fait une organisation d’extrême droite.
    Mais pétard de Schnock, je donne encore à Médecins du Monde, à Handicap International.
    Zut et zut, je vous préfère en médecin et je n’aime pas trop les gâteaux. Bonne chance quand même dans ce nouveau métier.

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  3. Bonjour,
    D’abord une question à Bernard Guennebaud, pour comprendre le propos, sans aucun jugement:
    A priori, il y a deux niveaux distincts là: les vaccins contre les rotavirus sont faits en prévention, alors que les solutés viennent traiter une diarrhée déjà installée. En principe et sans préjuger de l’application, s’il y a un vaccin au rapport bénéfices/risques favorable, il me semble logique de l’administrer. Pensons à ces personnes très pauvres et très éloignées de tout centre médical, qui, en cas de diarrhée de leur enfant, doivent parcourir des kilomètres et des kilomètres pour obtenir un soluté de réhydratation et/ou un autre traitement. Et peut-être que l’enfant meurt en cours de route. Si un vaccin peut éviter de telles situations, au moins pour certains types de diarrhées…
    Bref, je ne comprends pas pourquoi opposer vaccin et moyens de réhydratations (ou traitements autres, d’ailleurs), puisque le niveau n’est pas le même. Mais il y a peut-être des choses qui m’échappent. Le médecin pourra nous éclairer, avec sa connaissance du terrain.
    Sans argent, il n’y a pas de voix qui puisse se faire entendre sur la santé publique…
    Parlant du congrès de la Société française de santé publique, en novembre à Lille:
    Je devais y aller pour la Fondation Sciences Citoyennes. La communication a été acceptée, tout a été fait. Mais l’association n’a pas eu l’argent nécessaire pour financer les frais d’adhésion, les frais d’inscription et les frais de transport… Et ce n’est pas le seul exemple où l’argent empêche l’action, l’intervention, la parole citoyenne.
    Comme quoi, l’argent en santé est un problème partout, certes sous des formes très différentes. Il n’y a pas que dans les pays pauvres que le problème se pose, même si les situations ne sont pas comparables.
    Mais le fait est qu’on revient toujours à l’argent, parlant de santé publique. Et la participation citoyenne, l’expertise citoyenne, etc., ce sont des paroles, paroles… Les associations n’ont pas les moyens d’exister, à moins de fonctionner comme celles évoquées par Chantal, où l’argent attire l’argent, et qui font du lard en communiquant sur la famine des pauvres.
    La santé publique est la parente pauvre de la médecine dans les pays occidentaux aussi. J’ai évoqué cela sur Pharmacritique, de façon très insuffisante, certes. A détailler dans un prochain commentaire.
    Cordialement

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  4. Bonjour Elena et d’abord MERCI pour votre propos mesuré.
    D’abord pour le congrès SFSP pour financer les frais d’inscription (250€ + adhésion 22€) plus l’hôtel et le train, plus le tirage des 2 posters j’ai sacrifié une croisière sur le Costa Concordia ! Mais ça valait la peine, surtout avec 3 communications.
    Ceci dit, vos objections entre le SRO et le vaccin rotavirus m’ont été faites. MAIS ce n’était pas moi qui opposait vaccin et SRO, je rappelais seulement l’existence des SRO, ce sont les réponses qui m’ont été faites malgré que mon propos était très fortement soutenu de la voix et du geste par DousteBlazy !
    On peut dire ceci : ces vaccins ne sont efficaces, au mieux, que pour certains des virus provoquant les diarrhées du nourrisson alors que la réhydratation marche à chaque fois bien qu’on m’ait dit que ça ne marchait pas avec les rotavirus ! Faut le faire !
    De plus, ils sont très chers, l’une des raisons pour lesquelles ils ne sont pas recommandés en France malgré l’insistance de GSK. Alors que le SRO coûte presque rien.
    Ils sont d’une assez grande limitation d’emploi puisque la vaccination doit être achevée (2 doses) avant l’âge de 6 mois. Le risque d’invagination n’est pas écarté.
    Il est reconnu que l’allaitement maternel est la meilleure protection contre les diarrhées du nourrisson (par exemple avis du CSHPF de 2006, mon article du 18/09/2007 sur mon blog – utiliser le calendrier). Extrait de mon article :
    « Aussi, la recommandation du CSHPF dans son avis du 5/12/2006 recommande de différer la vaccination systématique des enfants de moins de 6 mois mais d’assurer la prise en charge optimale des gastro-entérites aiguës dont le financement devra être prévu, la réhydratation orale, la réalimentation dans les premières heures. »
    De plus et pour la même raison sans doute, l’allaitement maternel neutralise le vaccin alors que l’OMS recommande cet allaitement jusqu’à 6 mois tout en recommandant ces vaccins pour tous les enfants et pas seulement ceux qui sont allaités…
    On m’a dit aussi qu’on manquait de SRO… Mais on ne manquerait pas de vaccins pour vacciner tous les enfants dans le monde avec la chaîne du froid ? L’inventeur du SRO, un médecin indien, a été fêté par l’OMS qui considérait, en cette occasion, que c’était la plus belle découverte en santé publique du XXè siècle en raison de son efficacité et de sa commodité (mon article du 2/02/2009 sur mon blog). Mais ça freine, y compris du côté de l’OMS …The Lancet disait « La principale avancée du XXè siècle ». Mais on cherche à l’enterrer.
    En France de nombreux médecins prescrivent des médicaments dangereux pour les nourrissons plutôt que des SRO (sans doute après le passage des visiteurs médicaux). J’avais fait un article en 2008 sur ce sujet après un article du BEH sur ce sujet : sur mon blog article du 26/03/2008.
    Je m’excuse de renvoyer aux articles de mon blog mais je ne peux pas tout expliciter ici.
    Cordialement

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