Voici le texte d’une conférence de 17 janvier 2008, organisée par la revue Prescrire, donnée par Monique DEBAUCHE, psychiatre à la Free-Clinic Bruxelles, membre du Groupe de Recherche et d’Action pour la Santé (Belgique). Elle aborde certains des facteurs essentiels qui nous ont amenés dans la situation catastrophique de surconsommation d’antidépresseurs et de marasme d’une psychiatrie dominée, à travers le DSM, par l’industrie pharmaceutique. Une psychiatrie devenue une technique de contrôle social et de normalisation de comportements et/ou tempéraments conçus comme déviants par rapport aux standards économiques néolibéraux en vigueur et aux représentations sociétales qu’il détermine. M. Debauche analyse aussi l’invention de maladies (« façonnage » ou disease mongering) pour écouler un médicament ; la production de « preuves » par la recherche médicale, à travers des études randomisées facilement manipulables pour donner les résultats attendus et permettre les ventes ; l’écriture des articles « scientifiques » par des « ghostwriters » (auteurs fantôme) ; un contrôle quasiment inexistant par les agences du médicament ; le déclin de la psychiatrie en faveur d’entretiens directifs se soldant par la prescription de psychotropes, etc.
Marché des médicaments psychotropes : construction historique d’une dérive
[Grandes lignes]
- « La découverte de médicaments psychotropes a suscité beaucoup d’espoirs dès les années 1950, et a contribué au développement d’un modèle explicatif restrictif des pathologies mentales, impliquant une anomalie de la chimie du cerveau.
- 50 ans après, la consommation de médicaments psychotropes a littéralement explosée, mais paradoxalement la prise en charge des patients s’est détériorée.
- La dérive du marché des médicaments psychotropes est multifactorielle. Elle s’est progressivement construite au cours des dernières décennies, à la faveur de modifications réglementaires (obligation d’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) avant commercialisation) et dans un contexte d’économie de marché.
- L’évaluation des médicaments psychotropes est basée sur des essais cliniques randomisés (en anglais,“randomised clinical trials” (RCT)), financés par les firmes pharmaceutiques, qui s’en servent avant tout comme d’outils de promotion.
- Les essais cliniques en santé mentale sont souvent méthodologiquement faibles, rendant leurs résultats peu pertinents pour la clinique.
- Les méthodes de la recherche appliquées à la pratique clinique peuvent avoir des effets pervers néfastes dans la prise en charge des patients (appauvrissement du diagnostic, prise en charge contrainte par des recommandations biaisées).
- En psychiatrie, le rapport humain et l’engagement dans la durée auprès des patients reste primordial.
Après la seconde guerre mondiale, dans un contexte de désinstitutionalisation des malades mentaux, sont apparus de nouveaux médicaments ayant une action sur le système nerveux. Ces médicaments psychotropes ont suscités de grands espoirs pour l’amélioration des soins en pathologie mentale (1). La psychopharmacologie ouvrait une troisième voie entre les thérapies de choc et la psychanalyse (2).
Avec la psychiatrie biologique, la psychiatrie espérait retrouver le champ clair et limpide de la médecine : une maladie = un traitement = la guérison. Mais ce faisant, elle rejetait dramatiquement dans l’ombre la réalité de la pratique de la clinique médicale, psychothérapeutique ou psychiatrique, qui est celle du traitement pluridisciplinaire, de l’engagement humain au long cours auprès du patient, avec ou sans l’aide de psychotropes (3).
La psychiatrie s’est orientée dans les décennies suivantes vers un modèle explicatif des pathologies mentales impliquant une anomalie de la chimie du cerveau (déséquilibre des neurotransmetteurs “bio-blabla”), utilisé comme support à des arguments promotionnels ou à des effets de mode dans les milieux scientifiques, et au service d’une dérive commerciale (2).
État des lieux succinct de la dérive du marché des médicaments psychotropes : l’exemple des antidépresseurs
L’exemple des antidépresseurs permet d’illustrer la dérive du marché des médicaments psychotropes et d’en mesurer l’ampleur. Cette dérive se traduit dans les faits par une détérioration de la prise en charge des patients.
Le cas des antidépresseurs.
La dépression, terme qui désigne une douleur morale qui peut frapper nombre d’entre nous, est largement décrite et médiatisée. Des campagnes successives nous incitent à y prêter plus d’attention et à être plus interventionnistes dans toute forme de traitement. Et étrangement, dans cette circonstance comme dans d’autres qui touchent à la pathologie mentale, il semble que la qualité de nos traitements soit en net recul (4 à 7). Plusieurs méta-analyses de grande ampleur concluent que sur tous les patients inclus dans des études cliniques sur l’efficacité des antidépresseurs, seuls 50 % des patients connaissent une amélioration clinique mesurable sur l’échelle d’Hamilton (4). Ce qui est un résultat assez médiocre comparativement aux 40 % d’amélioration sous placebo (lire plus loin “Essais cliniques randomisés dans le domaine de la santé mentale : les limites”).
Pourtant, dans deux rapports récents, nous observons en Belgique comme en France le même profil de surconsommation (8,9) : le volume de consommation a quasiment doublé en moins de 10 ans ; les femmes consomment davantage que les hommes ; les personnes âgées sont les plus concernées mais toutes les tranches d’âge sont affectées par cette extension (jeunes enfants y compris). 85% des prescriptions proviennent des médecins généralistes et font souvent suite à un bref entretien.
Deux faits inquiétants méritent d’être soulignés. Premièrement, les médicaments psychotropes manquent leur cible. En effet, la plupart de ceux qui bénéficient de traitements remboursés seraient finalement atteints de troubles existentiels passagers ou à résolution spontanée, alors que les mélancoliques nécessitant des traitements psychiatriques seraient eux laissés sans soins (2). Deuxièmement, d’après le Rapport annuel de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) publié le 1er mars 2007, l’abus et le trafic de médicaments psychotropes délivrés sur ordonnance mais consommés en dehors de tout contrôle médical seraient en train de dépasser ceux des drogues illicites (10).
Détérioration de la prise en charge des patients
Plusieurs études menées par Healy, un psychiatre et chercheur gallois, et ses collègues, sur la population d’un hôpital psychiatrique du Nord du Pays de Galles montrent une détérioration de la prise en charge des patients (6,7). En 50 ans, les mesures d’internement forcé en psychiatrie ont été multipliées par 5 ; l
es admissions pour pathologies mentales sévères par 7 ; le taux de suicide chez les patients schizophrènes par 20 et la mortalité générale pour les malades atteints de pathologies psychiatriques sévères a fortement augmenté.
Dérive du marché des médicaments psychotropes : une organisation multifactorielle
Pour comprendre comment a pu historiquement s‘organiser le dérapage actuel dans les pays occidentaux en ce qui concerne la prescription des médicaments psychotropes, nous allons nous pencher sur une apparition majeure dans la régulation du médicament au vingtième siècle, l’autorisation de mise sur le marché (AMM), puis sur ses conséquences en termes de méthode d’évaluation des médicaments psychotropes, sur la place occupée par les firmes pharmaceutiques dans cette évaluation, et sur les conséquences de cette évaluation sur la pratique clinique en psychiatrie.
Autorisation de Mise sur le Marché : nécessité d’une évaluation standardisée. Peu après l’arrivée des médicaments psychotropes dans les années 1960, la nécessité d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) avant de pouvoir commercialiser un nouveau médicament a été rendue obligatoire en Europe (Directive Médicament de 1965). Cette obligation a été motivée par l’urgence de protéger le consommateur des produits pharmaceutiques à l’utilité ou à la sécurité douteuse (suite notamment au scandale du thalidomide en Allemagne (a)). Et c’est également à ce moment-là, coïncidence historique, que se formait un marché commun européen, du médicament notamment. En matière de produits pharmaceutiques, les questions de santé publique et économiques sont donc d’emblée indissociables (b).
La mise en place de l’AMM va nécessiter l’élaboration de critères d’évaluation reproductibles d’un pays à l’autre et une standardisation des pratiques. Il s’agit de démontrer qu’une thérapeutique remplit bien 3 critères : efficacité, sécurité, et qualité pharmaceutique. Pour obtenir l’ouverture d’un marché, et d’autant plus si l’on vise l’obtention d‘un remboursement, il faut donc prouver que son médicament soigne une maladie, selon le schéma : une maladie = un traitement = la guérison. L’obtention d‘une AMM, accordée par les agences de régulation dès qu’il est prouvé que le médicament “fonctionne”, ouvre l’accès du marché aux firmes, qui en font la promotion, et que les cliniciens se mettent ensuite à prescrire abondamment.
Pour identifier les caractéristiques idéales du produit qui aura le plus de chance de devenir un gros succès commercial, les firmes pharmaceutiques vont à la rencontre de patients et soignants en attente de solutions, et ensuite leur proposent une réponse simpliste (un médicament) (12).
Évaluation des médicaments psychotropes : essais cliniques randomisés.
L’introduction d’un dossier d’AMM exige de la part des industriels la production d’études qui doivent être fiables, élaborées selon le modèle des essais cliniques randomisés en double aveugle (Randomised controlled trials, RCT). Il s’agit de tester sur une cohorte divisée en deux groupes comprenant de nombreux patients atteints de la pathologie, sur les uns la substance active et sur les autres un placebo ou un médicament de référence plus ancien. Le style d’interviews utilisés dans ces études est le plus souvent le remplissage d’échelles de scores ayant une allure “scientifique”. Les cliniciens travaillant dans le cadre de ces études passent en général plus de temps à rédiger des protocoles de recherche qu’à proposer une réflexion clinique sur leurs patients. L’ancienne méthode de construction du savoir clinique, c’est-à-dire l’étude de cas cliniques, est complètement tombée en désuétude.
Les essais cliniques randomisés (RCT) sont très coûteux et réalisés par les firmes pharmaceutiques dans le but d’obtenir l’AMM. Les firmes sous-traitent près de 2/3 de la réalisation de ces recherches à des sociétés privées (Contract Research Organizations, CROs) plutôt qu’à des centres académiques (16). Cette nouvelle pratique de la recherche a complètement remodelé les règles de confidentialité, de publication et de propriété intellectuelle en matière de recherche scientifique et pose question quant au contrôle du recrutement des patients.
Conséquences du financement de l’évaluation par les firmes pharmaceutiques.
Les firmes et leurs prestataires (CROs) fixent les règles méthodologiques des essais avant de s’assurer la participation de psychiatres cliniciens, qui ont par ailleurs beaucoup à y gagner financièrement et en termes de notoriété. Face à la panne de l’innovation dans le domaine pharmaceutique, les firmes conçoivent actuellement les essais cliniques comme support à la promotion d’un produit récemment breveté pour une nouvelle indication ou pour un autre segment du marché. Les échelles de scores ne sont souvent pas conçues sur la base de critères de jugement pertinents ni afin de répondre à des questions qui se posent en pratique.
Les difficultés théoriques de s’accorder sur des diagnostics psychiatriques et leur degré de pertinence (14) ainsi que celles de l’aspect fuyant et mouvant dans le temps des classifications nosologiques (15) ont ouvert la porte au découpage des pathologies en myriades de troubles, désordres et symptômes. Une “boite de Pandore” pour les médicaments en recherche d’une pathologie à traiter. Les classifications et les outils diagnostiques sont devenus en eux-mêmes des outils commerciaux pour le marché local et l’exportation.
Les CROs délocalisent souvent la réalisation des études cliniques dans les régions du monde où elles sont les moins coûteuses à réaliser (Europe de l’Est, Asie, Afrique). Quelle est la validité des échelles de score et des critères diagnostiques établies dans nos pays quand ils sont transposés dans d’autres cultures ? Et quelle sera la pertinence des règles de bonnes pratiques européennes (“guidelines”) qui sont basées sur les résultats de ces études cliniques randomisées ?
Vu les enjeux économiques majeurs et la concurrence acharnée, les firmes gardent la maîtrise du contenu de ces études et le traitement des données statistiques. La firme produit, souvent sans négociation avec les cliniciens, le rapport final sur l’efficacité, la sécurité, les effets secondaires et les recommandations de dosage. Les résultats de ces études restent la propriété des firmes et les détails des données brutes des études, publiées ou non, ne sont pas accessibles à l’analyse des scientifiques indépendants (16). Les données brutes de certaines études ont parfois été rappor
tées de façon tronquée (16,17,18). Les refus de collaboration, ou les conséquences scientifiques de négociations déséquilibrées entre industriels et chercheurs qui souhaitent rester indépendants, ne font que très rarement la une des revues médicales.
La grande majorité des études de phase IV (études menées après obtention de l’autorisation de mise sur le marché, souvent à des fins promotionnelles) ne sont pas soumises aux agences de régulation. Ne seront souvent publiées que celles de ces études qui montrent un bénéfice du médicament produit par la firme. Par exemple, la firme pharmaceutique produisant la sertraline n’a finalement obtenu des résultats positifs que dans une étude sur les quatre réalisées et uniquement sur une cohorte comprenant 76 % de femmes. Les résultats des études qui montrent un bénéfice sont souvent repris dans des articles “scientifiques” rédigés par des agences spécialisée (phénomène de “ghostwriting”) et sont ensuite attribués et signés par des personnalités académiques (“experts scientifiques” ou “leaders d’opinion”), avant d’être publiés dans des revues scientifiques.
Essais cliniques randomisés dans le domaine de la santé mentale : les limites. Contrairement aux études réalisées dans d’autres champs de la médecine, les études randomisées concernant les nouveaux médicaments psychotropes n’apportent le plus souvent pas de preuves que ces médicaments sauvent des vies ou permettent de remettre des gens au travail. Tout au plus, ces études montrent que ces substances ont un effet, “fonctionnent” chez certaines personnes.
Sur des études englobant un très grand nombre de patients, même une petite différence d’un ou deux points sur une échelle peut donner une différence “statistiquement significative”. Ce qui veut dire qu’une substance qui est soit un peu sédative, soit un peu calmante, donne des résultats positifs pour “soigner la dépression”, si l’échelle de scores utilisée pour mesurer l’efficacité inclut des items tels que la qualité du sommeil ou l’anxiété (c). Et cette différence, même minime à condition qu’elle soit “statistiquement significative”, entre les effets de la substance active et le placebo, est considérée comme suffisante pour attester que le médicament “fonctionne”.
Par exemple, les patients qui reçoivent un “antidépresseur” ont 50 % de chance de ne pas ressentir d’effet bénéfique et 50 % de chance de ressentir un effet peut-être un peu plus bénéfique (ou peut-être simplement comparable) qu’avec de la nicotine ou un antihistaminique. Il ne s’agit donc certainement pas d’un traitement spécifique (“magic bullet”). Avoir un effet sur une échelle de score ne veut pas dire qu’il s’agit d’un traitement efficace. C’est l’efficacité spécifique qui reste à prouver (par exemple, un effet sédatif avéré n’est pas une preuve d’efficacité sur les symptômes dépressifs). Pourtant, le patient sera convaincu par différentes sources d’information sur les antidépresseurs de recevoir un médicament à l’effet équivalent sur son mal-être que l’effet d’un antibiotique sur une pneumonie ou de l’insuline pour le diabète…
Malgré leurs faiblesses méthodologiques, les RCT ont aujourd’hui un impact considérable sur le développement de la connaissance médicale, la formation des élites scientifiques, l’élaboration des recommandations de prescription (18). Elles sont par ailleurs devenues un des principaux vecteurs d’échanges d’informations entre les firmes et les cliniciens.
Méthodes d’évaluation des médicaments psychotropes appliquées à la pratique psychiatrique : effets pervers.
À partir des années 1980, l’instauration des essais cliniques comme “instruments de connaissance” dans la recherche a eu tendance à s’étendre à la pratique psychiatrique clinique, ce qui va accélérer le recours, notamment par les psychiatres, à un outil diagnostique commun dans le monde entier : le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM). Cet outil diagnostique va profondément modifier et appauvrir l’élaboration de la clinique psychiatrique.
Les entretiens directifs deviennent la règle en appauvrissant la relation au patient et sont responsables d’une perte d’informations cruciales sur l’environnement et l’histoire du patient (d). Plus inquiétant encore, une fois établies “les preuves” de l’efficacité des psychotropes via les essais cliniques randomisés, l’étape suivante est de s’assurer que les cliniciens adhèrent aux recommandations de bonnes pratiques en matière de prescription (“guidelines”), le plus souvent synthétisées par un groupe d’experts. Les gestionnaires de soins attendent des cliniciens qu’ils suivent ces “guidelines”. Le clinicien est fortement incité à traiter ses patients non pas d’après son expérience clinique mais d’après des études statistiques dont la méthodologie semble souvent douteuse. Toute déviation par rapport aux recommandations de la part d’un clinicien implique de pouvoir être justifiée, ce qui transforme peu à peu ces lignes de conduite en règles contraignantes.
Ainsi, les résultats de l’évaluation des médicaments psychotropes telle qu’elle est actuellement menée peuvent amener à des régressions dans la prise en charge des patients. Par exemple, ces dernières années, des patients qui se sentaient bien sous des médicaments plus anciens (benzodiazépines, antidépresseurs tricycliques) se sont vus fortement incités, sous l’influence d’une promotion agressive, à se sevrer pour prendre un IRSS, ceux-ci ayant reçu une AMM pour le traitement de la dépression (e).
Nous ne disposons actuellement d’aucune alternative aux RCT construites par les firmes pour rédiger ces “guidelines”. C’est aux pouvoirs publics et donc aux décideurs politiques de décider de mettre les moyens pour le financement d’études indépendantes.
Conclusion
Actuellement le savoir psychiatrique, celui qui est partagé par les médecins comme celui qui est diffusé dans le grand public, est orienté par la nécessité pour les firmes d’obtenir des autorisations de commercialisation et par des contraintes marketing. De façon tout à fait évidente, les essais cliniques tels que réalisés actuelleme
nt par les firmes ne sont pas construits pour orienter la pratique clinique. Si c’était le cas, elle devrait s’intéresser plus largement à tout le processus de soins dans lequel le médicament n’est qu’un élément marginal.
La question de l’objectivité de la recherche biomédicale nécessite un débat beaucoup plus vaste sur les rapports de pouvoir qui structurent ce secteur, sur les mécanismes de sélection des projets, sur le statut de la recherche après mise sur le marché (études post- AMM) et finalement sur le rôle de la puissance publique dans le processus d’innovation en matière de médicament (17). Le combat pour la transparence des données reste primordial.
De façon plus générale, c’est toute une logique de type marchand qui met à son service les soignants, en réduisant la pratique des soins à l’échange d’un produit de consommation, clairement délimité, et en élaguant de ce fait tout ce qui n’entre pas dans ce cadre et principalement le rapport humain et l’engagement dans la durée auprès des patients (1). Pourtant, prendre en compte la subjectivité des patients comme une donnée irréductible ne relève en rien d’une vision passéiste de la psychiatrie (16).
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a) Le thalidomide est une substance qui a été à l´origine de plusieurs milliers de cas d´atrophie d´un ou plusieurs membres chez les enfants de femmes enceintes ayant consommé ce médicament pendant la grossesse.
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b) Les dispositifs de régulation vont se construire en même temps des deux côtés de l’Atlantique et se développent chez nous tant au niveau national qu’européen pour aboutir en 1995 à la création de l’Agence Européenne du Médicament (EMEA correspondant de la célèbre FDA : Food and Drug Administration aux U.S.A.).
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c) Si cette constatation théorique sur l’effet placebo était utilisée dans la pratique clinique, il devrait y avoir un plus grand usage de placebo ou à tout le moins, une attente prudente avant de prescrire des médicaments. En cas de réponse positive, le clinicien devrait informer le patient du fait que l’amélioration pourrait être induite par d’autres facteurs. Ou encore, il devrait être possible d’optimaliser ces autres facteurs pour arriver pratiquement au même résultat que les substances qui “fonctionnent” et donc éviter les effets indésirables et les risques non négligeables qu’occasionnent les substances actives (21).
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d) De cette façon, il serait possible de prouver que la nicotine, les benzodiazépines, les antihistaminiques, le méthylphénidate, les antipsychotiques et la plupart des anticonvulsivants sont aussi des “antidépresseurs”.
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e) Voici une citation extraite de la préface rédigée par le Pr Van Praag HM : « Le diagnostic psychiatrique était au siècle passé et jusqu’aux années 80, il est vrai, peu fiable et valide, mais il était raffiné. Ce raffinement était dû à la phénoménologie et à la psychanalyse, en ce temps-là deux mouvements dominants de la psychiatrie, du moins en Europe occidentale. Le diagnostic psychiatrique est devenu “plat”, a perdu de sa richesse et s’est desséché (…) L’être individuel, tant dans ses manifestations normales que dans celles éventuellement pathologiques, demeure en majeure partie un livre clos lorsqu’il est détaché de son passé (…) La personnalité ne peut être assimilée au cerveau. Ne pas tenir compte du passé ou de l’analyse du passé, sans tenir compte de la structure de la personnalité sont, sur le plan diagnostique, des fautes médicales (…) Un manque d’intérêt (pour la psychodynamique) mène à peu de recherche. Peu de recherche mène (depuis quelques décennies) au mépris de notre profession (…) Des tentatives de suicide et des suicides réussis, les complications les plus inquiétantes de la maladie dépressive, diminuaient à peine durant l’ère des antidépresseurs. Il n’est pas clair quelle en est la cause. Beaucoup sont imaginables, mais il semble que des facteurs comme : a. la surestimation des déterminants biologiques des dépressions et donc du traitement psychopharmacologique et ; b. la sous-estimation du fait que des fondements neurobiologiques de la dépression peuvent être (co)-induits par des facteurs psychologiques et psychodynamiques – une attitude qui mène facilement à la marginalisation de la psychothérapie et à la prescription d’antidépresseurs en monothérapie – ont contribué a cette situation décevante. Tout compte fait, nous avons payé un prix élevé pour l’innovation diagnostique telle qu’elle a été instaurée en 1980. » (réf. 4).
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f) De leur côté, la nicotine ou les antihistaminiques (trop connus pour d’autres usages) n’auraient pas été commercialisés de façon crédible pour cette indication.
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hola, te mando un saludazo…
hizo su efecto el aloe ?
sigue trabajando y machacando !!!!
besitos
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Salut Jorge,
Merci pour ton message et l’aloe… Tu devrais faire dans la phytothérapie 😉
Arrête de travailler autant, le surmenage guette… J’ai l’impression que c’est ce qui risque de m’arriver bientôt.
A bas le travail! ;-)))
Besitos.
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quel article passionnant et si jsutement vrai
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