Les 27 et 28 avril 2012 a eu lieu à la Faculté de médecine de Bobigny le colloque « Surmédicalisation, surdiagnostics, surtraitements », co-organisé par le Groupe Princeps (Omar Brixi, Elena Pasca, François Pesty, Jean-Claude Salomon, Michel Thomas), le Département de Médecine générale de la Faculté de Bobigny et la SFTG (voir le programme).
Conceptualiser pour faire comprendre les enjeux pour tous les citoyens
A ceux qui n’en ont pas encore eu connaissance, je conseille de commencer par cette page de présentation du colloque et des ateliers, avec mon introduction détaillée sur les enjeux et l’importance d’une prise de conscience globale, par l’ensemble des citoyens, de l’omniprésence de la surmédicalisation, de ses causes, formes et conséquences, de ses risques pour notre santé individuelle et publique, tout comme pour le système public solidaire de santé et de soins.
Cette compréhension est d’autant plus urgente que nous n’en avons pas conscience, parce que la surmédicalisation n’est pas un bloc ; son aspect systémique résulte d’une convergence de pratiques et d’intérêts d’acteurs divers, dans tous les champs du soin, acteurs qui lui donnent des justifications de santé publique (prévention…) et même des légitimations d’apparence éthique. Tous ces dérapages sont rendus possibles par le dévoiement de la fonction sociale de la médecine – thème de mon intervention -, et ils sont non seulement socialement acceptés, mais socialement valorisés… Parmi les distinctions que j’ai faites pour mieux expliquer le phénomène et ses justifications – car la conceptualisation et catégorisation est indispensable si l’on veut comprendre, expliquer et inciter à agir – figure celle entre médecine préventive, médecine prédictive et médecine prescriptive (au sens éthique du terme, illégitime).
Notre communiqué de presse, « La surmédicalisation : un dysfonctionnement majeur et systémique, à haut risque pour la santé publique comme pour notre système de soins », contient certaines formulations concises de nature à éveiller l’esprit critique sur l’étendue quantitative et les dégâts qualitatifs de la surmédicalisation et sur le fait que la médicalisation inutile (et les cercles vicieux qu’elle induit) ont pour contraire dialectique la sous-médicalisation. La tendance est à l’augmentation des deux, si cette thématique ne fait pas son chemin dans l’espace public, dans un débat public mené par l’ensemble des citoyens, car il concerne les choix de principe et les décisions à prendre sur nos modes de vie et sur le type de société dans laquelle nous imaginons notre avenir.
Sortir de l’entre-soi corporatiste pour un débat et des décisions citoyennes
Ce débat doit impérativement être soustrait aux corporatismes, et ce d’autant plus que les professionnels de santé se sont toujours trompés ou ont échoué, parce qu’ils n’ont pas su (ou voulu) sortir de l’entre-soi, ni aborder lucidement leur propre rôle et celui de leurs organisations (ordre des médecins, syndicats, associations, sociétés savantes…) dans la légitimation, la reproduction et même l’aggravation des structures systémiques qui ont pour résultat quasi automatique la surmédicalisation.
J’ai essayé de porter, parmi les organisateurs du colloque, ces idées et surtout la nécessaire sortie de l’entre-soi corporatiste, comme la sortie du petit cercle des convaincus. J’ai exprimé cela aussi lors du colloque et après, appelant à faire sauter les barrières (et les querelles de clocher) entre spécialités et entre professionnels de santé et usagers, à renoncer aux habitudes de décision et d’action exclusivement de médecins à médecins (et organisations médicales), à ne pas prendre des décisions autoritaires à la place des usagers, ni dans un sens ni dans l’autre, mais à leur apporter des catégories explicatives, des concepts et des exemples utiles et facilitant leur compréhension, les aidant à construire et exprimer leur esprit critique, leur subjectivité réflexive et délibérative, à faire un usage public de la raison, notamment dans les décisions qui leur reviennent de droit, de par les capacités juridiques qui sont leur apanage en République.
Ce danger d’entraver la création et l’essaimage d’un mouvement d’idées à cause des vieux réflexes corporatistes et de l’entre-soi médical est toujours présent. Je n’ai jamais agi dans un esprit opportuniste et cela ne changera pas. Je ne me limiterai pas à un rôle de perroquet et de panneau publicitaire et ne cautionnerai aucun acte qui risquerait d’entraver le mouvement citoyen et de limiter l’information et la possibilité d’appropriation de ces sujets par l’ensemble des citoyens. Eux seuls – et non pas quelques médecins et organisations bienveillants mais illégitimes s’ils veulent parler au nom de la majorité – peuvent mettre un terme à des pratiques aussi répandues et aussi fortement enracinées ; eux seuls peuvent y voir plus clair, car l’immense majorité n’a aucun intérêt à la reproduction de ce système et n’en vit pas.
Les lecteurs de Pharmacritique ne seront pas dépaysés, puisqu’il s’agit de thèmes et d’éléments déjà abordés largement sur ce blog, dans les articles des catégories « surmédicalisation », « prévention, abus de prévention », « disease mongering » et ailleurs. Car toutes les structures de notre pseudo-système de santé, et même la moindre forme de désinformation médicale, le moindre biais et le moindre conflit d’intérêt – tout cela a pour conséquence l’augmentation du nombre de bien-portants devenus malades consommateurs de médicaments, sous prétexte de prévention, dépistages, bilans réguliers…
Un mot sur l’atelier N° 2
J’ai parlé plus longuement que les autres contributeurs, car outre l’introduction à l’atelier (la catégorisation des causes exposées lors de la présentation du colloque) et la modération, j’ai aussi fait une contribution (comme les autres contributeurs).
C’est après lecture des résumés qui nous ont été envoyés que j’ai décidé d’en faire une, afin que des causes majeures de la surmédicalisation (thème de cet atelier) soient évoquées au moins une fois : des explications prenant en compte le contexte global, des hypothèses plus osées, très critiques, donc risquant la controverse, mais argumentées. Plusieurs personnes m’ont dit avoir eu un véritable « déclic », avoir compris comment tout s’est mis en place aussi du point de vue socio-économique, historique et idéologique, et avec quelles conséquences essentielles pour la santé, mais aussi pour le modèle actuel de société, avec la médecine comme outil de contrôle social exerçant une correction en vue de la mise au pas et de l’extirpation de la différence. Alors je me dis que le risque – me voir reprocher moult fois la longueur – valait la peine. Selon les retours que j’ai eus, cette interprétation fait sens et contribue à la construction d’une explication théorique plus globale, un cadre logique de pensée dans lequel viennent s’inscrire les informations et les exemples concrets.
Elena Pasca
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COMPTES-RENDUS DES SIX ATELIERS (par leurs modérateurs)
Atelier N°1: 27 avril matin : SURMEDICALISATION, MYTHE OU REALITE
Animation et compte-rendu par Jean-Claude SALOMON
Introduction – Jean-Claude SALOMON
Quelles hypothèses peuvent être explorées :
- – La surmédicalisation est une tendance lourde associée au mouvement médical.
- – La surmédicalisation fait progressivement obstacle au progrès médical et entrave le fonctionnement de l’action sanitaire et médicale.
- – La surmédicalisation résulte de l’obligation de moyens plutôt que de l’obligation de résultats . Elle détourne les moyens de leurs fins.
- – La surmédicalisation coexiste avec la sous-médicalisation et avec les inégalités de santé, sans parvenir à les réduire.
Quelles questions peuvent avoir des réponses :
- – Quel rapport y a-t-il entre la surmédicalisation et la marchandisation de la santé?
- – La démarcation entre le normal et le pathologique s’est-elle déplacée?
- – La médicalisation des problèmes sociaux est-elle extensive ?
- – Comment la surmédicalisation est-elle ressentie par les citoyens (bien portants ou malades), par les institutions, par les professionnels ?
- – Quels dysfonctionnements provoque-t-elle ?
- – Que peut-on mesurer avec méthode et rigueur?
- – Quelles catégories professionnelles sont concernées : épidémiologistes, économistes, démographes, géographes etc. (IRDES, DRESS) ?
- – Situation comparée entre pays et entre régions.
- – La surmédicalisation est-elle un dysfonctionnement du système de santé ? Dans l’affirmative est-ce un dysfonctionnement systémique ?
- – La surmédicalisation, les surdiagnostics et les surtraitements sont-ils seulement l’expression du consumérisme ordinaire commun à tous les pays industrialisés?
- – Surmédicalisation et sous médicalisation : 2 faces de la même médaille ou expression des inégalités de santé ?
Sylvie FAINZANG – La surmédicalisation, entre médecins et malades : en mettant la surmédicalisation en perspective avec les réactions de résistance qu’elle engendre chez les patients et les diagnostics auxquels ces derniers se livrent dans le cadre de l’automédication, on montre que les individus ne sont pas les simples objets, passifs, de la surmédicalisation puisqu’ils peuvent y être réfractaires, ou au contraire en être les auteurs. Dans ces deux cas, la surmédicalisation va de pair avec une sous-médicalisation, par un effet de sélection des symptômes médicalisés.
Jacques BIRGE – La non prescription en médecine générale : enquête de pratiques chez les maîtres de stage et stagiaires Stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS) lorrains
Hypothèse : Il existe une dispersion de pratiques en terme de prescription ou de non-prescription. Un nombre non négligeable de médecins s’abstienne de prescrire, quand cela ne met pas en cause la qualité des soins.
Méthode : Enquête de pratiques, prospective.
Résultats : Dispersion de non-prescription : 0 à 34 %.
Conclusion : Hypothèse validée, La non-prescription est une pratique réalisable et acceptée que l’ont peut promouvoir en France. Ceci vaut aussi bien pour les médicaments que pour les examens complémentaires.
Bernard DUPERRAY et Bernard JUNOD – Dépistage du cancer : le modèle de prévention contredit par les faits
La justification du dépistage procède d’un mythe : le modèle linéaire de l’histoire naturelle du cancer. La confiance des médecins dans la valeur pronostique de l’examen au microscope d’un prélèvement de lésions suspectes a renforcé la perception d’efficacité de la destruction des cancers diagnostiqués tôt. Morbidité et mortalité consécutives au dépistage de masse prouvent aujourd’hui que le surdiagnostic – confusion entre maladie cancéreuse et « cancer » qui n’aurait pas eu de conséquence sur la santé – a illusionné soignants et patients. Contrairement aux espoirs suscités par l’extension du dépistage organisé, l’incidence des cancers avancés ne recule pas. La frontière entre le normal et le pathologique est un thème de recherche beaucoup trop négligé en cancérologie mammaire.
Etienne ANTOINE – Surmédicalisation ou contre-productivité : un regard contemporain sur Ivan Illich
Ivan Illich commençait Némésis médicale, l’expropriation de la santé, par ces mots: «L’entreprise médicale menace la santé.»
Il analysait l’effet paradoxal de cette médecine en plein essor, qu’il divisait en trois formes de iatrogénèse: clinique, structurelle et sociale.
Nous nous demanderons si ce livre polémique publié en 1976 reste d’actualité. La surmédicalisation n’étant actuellement envisagée que sous son aspect de iatrogénèse clinique, il nous faudra donc nous interroger sur ses aspects structuraux et sociaux.
Débat et synthèse de l’atelier
Il est clair que les hypothèses et les questions formulées en introduction n’ont pas de réponse après la présentation des communications. Elles ne pouvaient en avoir, sinon de façon partielle. En partant des expériences et des observations rapportées, il n’est possible par induction de parvenir à la vision générale de la surmédicalisation que de façon progressive, par accumulation de résultats. Cet atelier ne pouvait prétendre à plus. Toutefois il est important que l’exploration de ce phénomène ait été amorcée. En ce sens le but recherché a été atteint. Il semble vain de dénoncer le consumérisme des patients ou les prescriptions abusives des médecins si on n’est pas capable de mesurer ce que l’on explore. L’économie et la politique de santé ne peuvent être évacuées ou être fondées sur des affirmations ou sur de simples intuitions. Alors que la médecine tente de se rebâtir sur des preuves scientifiques (Evidence Based Medicine – EBM), l’économie et la politique de santé doivent se construire sur des preuves d’une autre nature, mais aussi rigoureuses, pour enlever la conviction et aider à prendre des décisions (Evidence Based Policy – EBP).
On conçoit que cette démarche soit entourée d’un bruit de fond qu’il faut méthodiquement atténué.
Bien d’autres questions devront être l’objet des études pour les années à venir.
- – La surmédicalisation peut elle être une réponse adaptative ?
- – La prévention quaternaire permet-elle de réduire la surmédicalisation ?
- – L’orientation vers les actes, les examens et les produits essentiels est-elle illusoire ?
- – quels sont les avantages et les inconvénients des normes de médicalisation et de bonnes pratiques
- – La «règle ou la norme» doivent-elles résulter de démarches simultanées du terrain vers la conceptualisation (bottom up) et l’inverse (top down).
- – Si la surmédicalisation est bien réelle; ses déterminants peuvent-ils être mieux analysés ?
- – Dans l’affirmative sont-ils accessibles à l’action sanitaire et sociale?
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Atelier 2 : CAUSES ET SOURCES DE SURMEDICALISATION, vendredi 27 avril 2012, (9H30- 12H00), avec une cinquantaine de participants
Modération et compte-rendu: Elena Pasca
Contributions (par ordre de prise de parole) :
- Elena PASCA : La surmédicalisation, conséquence du dévoiement de la fonction sociale de la médecine
- Pierre-Guillaume PARIS: La santé, catégorie normative qui façonne les subjectivités
- Luc PERINO : Surmédicalisation : un dysfonctionnement systémique habilement exploité
- Laurent LETRILLIART, Denis POUCHAIN: Troubles cognitifs légers: une zone grise à risque de surmédicalisation
- Monique DEBAUCHE: Les médicaments psychiatriques : modes et tendances
- Edwige LE MOUEL, Olivier DECAUX, Antoinette PERLAT, Patrick JEGO, Bernard GROSBOIS: Incidentalomes biologiques : étude prospective en consultation de médecine interne
Dans l’introduction, Elena PASCA (philosophe) a insisté sur la nécessité d’une catégorisation et d’une analyse globale du contexte, des causes, des formes et des conséquences de la surmédicalisation. Elle a exposé et exemplifié quelques catégories.
Dans son intervention sur le dévoiement de la fonction sociale de la médecine, elle a évoqué certains apports des sciences sociales permettant de comprendre les changements à tous les niveaux – droit, idéologie, économie, psychologie sociale et mentalités… – qui sont soit les prémisses, soit les conséquences de la surmédicalisation.
Ces changements systémiques ou ponctuels ont permis la reproduction du complexe médico-industriel au prix d’adaptations minimes ; ils ont rendu possible l’instrumentalisation de la médecine, puis le dévoiement de sa fonction sociale vers des rôles illégitimes où elle transforme des bien-portants en malades pour élargir le marché de l’industrie pharmaceutique, à l’aide de techniques de persuasion, de marketing et de disease mongering, sous des prétextes paraissant scientifiquement fondés tels que la prévention, réduite à la médicamentation. Cette médecine préventive se double d’une médecine prédictive aux fondements douteux (le tout génétique…) et d’une médecine prescriptive (au sens prétendument éthique : le médecin édicte des préceptes comportementaux pour des individus et des populations, à travers des politiques hygiénistes et des normes médicales qui deviennent des normes sociales de mise au pas).
Il y a danger d’une dérive irréversible vers une médecine outil de contrôle social imperceptible mais omniprésent, une médecine gardienne de l’ordre établi (voir la réforme de la psychiatrie…) et instrument d’ingénierie sociale aux mains d’une biopolitique qui uniformise les individus, les normalise selon des standards arbitraires et extirpe la différence. Les auteurs de l’Ecole de Francfort – largement cités – ont mis en garde contre ce nivellement et contre l’exclusion des différents (ceux qui n’acceptent pas la « correction » par le « traitement » médico-pharmacologique). Il est socialement valorisé de se dire malade – dépressif, bipolaire, hyperactif… -, mais disqualification et stigmatisation sociales guettent si l’on ne s’ajuste pas aux rôles socio-économiques, si l’on est différent, critique, marginal, inadapté au système et à son marché du travail. C’est soit l’identification à une case selon les normes néolibérales, soit un diagnostic de « trouble » selon le DSM (Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux). La diversité humaine (psychodiversité…) risque de disparaître au profit d’individus devenus permutables, interchangeables, façonnés selon les mêmes standards biologiques, morphologiques et psychiques.
Sous l’influence d’un marketing pharmaceutique décuplé depuis l’avènement de la psychopharmacologie et de l’individualisme néolibéral qui accentue les droits subjectifs et défensifs, les individus revendiquent un droit à la santé conçue comme un vague bien-être (cf. définition de l’OMS). La « correction » médico-pharmaceutique qu’ils reçoivent annihile le potentiel de subjectivité réflexive et délibérative qui nous sortirait du cercle vicieux entre notre consumérisme et l’offre médicale qui crée la demande.
Il faut rendre cela conscient à l’aide de concepts critiques et porter le débat dans l’espace public politique, afin qu’un mouvement citoyen empêche le complexe médico-industriel d’achever la mutation anthropologique (K. Applbaum) et l’état de biopouvoir quasi-totalitaire anticipé par Foucault et d’autres.
Si la médecine peut jouer un tel rôle, c’est que la santé est une catégorie normative en fonction de laquelle se construit la subjectivité et le rapport à soi. Pierre-Guillaume PARIS, philosophe de la santé, l’a montré par des exemples tirés du domaine des cancers – publicités et préceptes édictés à diverses époques -, qui illustrent l’évolution des représentations de la relation médecin/patient et des façons de concevoir la médecine. L’on comprend comment se forment historiquement les attentes des médecins, et notamment l’homo medicus : un patient idéal, qui serait capable d’objectivation et surtout de compliance, donc d’observance non critique des prescriptions. L’on comprend aussi comment se construisent les représentations de soi des usagers en tant que patients et au-delà, dans leur subjectivité, puisque le savoir médical joue un rôle de médiation dans cette construction. Le corps du patient tend à devenir un objet de la médecine, son autocompréhension et ses conduites étant en rapport avec les attentes des médecins et les médiations de ce type.
Cette construction est déterminée par le contexte économique et historique : celui d’une gouvernementalité et d’une rationalité libérales, avec toutes les conséquences sociales, sociétales et idéologiques. La médecine, qui paraît être transparente et dire la réalité telle qu’elle est, est un outil parfait. Ces dehors scientifiques appuient la demande implicite faite aux patients : entrer dans le monde tel qu’il est circonscrit par la médecine, regarder leurs corps comme des objets cliniques, se battre et « positiver », agir en « entrepreneur de soi », bref, se soumettre aux exigences et aux outils d’une médecine entrée en hybridation avec le management, la psychologie, la publicité, comme on peut le voir avec la psycho-neuro-immunologie, par exemple…
Les facultés qui sous-tendent le rapport à soi sont sujettes au déclin avec le vieillissement, pris de plus en plus pour un « facteur de risque », comme le souligne Luc Perino. Faut-il pour autant diagnostiquer et médicamenter les « troubles cognitifs légers » (TCL) ? Laurent LETRILLIART, médecin généraliste, a montré que cette « zone grise » est sujette à surmédicalisation d’abord parce qu’elle est conçue dans l’optique de la prévention d’une maladie à venir (ou pas…) : Alzheimer ou d’autres démences. Les recommandations, qui ont connu quelques péripéties à cause des conflits d’intérêt des experts, ne sont pas claires. Le dépistage n’est pas recommandé par la Haute autorité de santé; pourtant, un diagnostic précoce et des réévaluations régulières sont encouragés, alors qu’il n’y a pas de thérapeutique efficace.
Sur le plan clinique et épidémiologique, les troubles cognitifs légers sont un syndrome hétérogène, dont la prévalence et l’incidence sont variables et l’évolution imprévisible. Cette situation clinique pas claire à laquelle sont confrontés surtout les généralistes laisse place à des interprétations floues et à des erreurs de diagnostic, induisant des inquiétudes inutiles. Mais ce flou permet surtout des pratiques de prescription influencées par le marketing pharmaceutique, avec des conséquences délétères pour les patients.
Il faudrait un inventaire critique et une évaluation des pratiques actuelles, pour dire clairement que les troubles cognitifs légers ne sont pas une maladie, qu’il s’agit d’un facteur de risque de démence, sans qu’il y ait forcément de causalité. Le seul intérêt évident de la consultation, c’est qu’elle permet de faire un diagnostic différentiel avec d’autres affections (dépression, AVC léger…) qui peuvent causer des symptômes apparentés.
Luc PERINO, médecin généraliste, nous décrit la surmédicalisation comme un « dysfonctionnement systématique habilement exploité » aux raisons très diverses. Elles vont des défauts organisationnels inflationnistes telles que le paiement à l’acte et l’usage de techniques diagnostiques non maîtrisées jusqu’aux facteurs relevant des limites identitaires et des lacunes dans l’enseignement de la médecine : fierté du diagnostic qui est l’apanage du médecin, refus de l’évolution vers la mort et donc des conséquences du vieillissement, absence de définition de la maladie, pas d’enseignement de l’épistémologie, relégation des règles hygiéniques et diététiques au profit d’un interventionnisme médical et pharmacologique, etc.
Des facteurs économiques (mercantilisme, marché des soins entre médecine et bien-être…) et politiques (principe de précaution, électoralisme…) constituent d’autres raisons, de même que la médiatisation des sciences biomédicales, sans aucun rapport avec la pratique clinique. Sans oublier d’autres facteurs tels que l’exploitation pharmaceutique de l’espoir et de l’angoisse (techniques de disease mongering…), la nature commerciale de certaines relations médecin/patient, les choix de confort du patient, ses « intuitions » et préférences… Si l’evidence-based medicine est le seul label de science, en dehors de l’EBM, de nombreux systèmes de référence coexistent et contribuent à la surmédicalisation.
Il faut que la littérature médicale et les administrations s’intéressent aux coûts de la surmédicalisation, à ses formes et conséquences et contribuent à éliminer un biais majeur : l’absence d’évaluation du bénéfice clinique pour le patient, qui n’est pas identique à la signification statistique dans un essai clinique.
L’énumération des raisons de la surmédicalisation et des lacunes actuelles du système renvoie en creux à certains moyens évidents de la limiter. Un autre moyen nous est exposé par la psychiatre Monique DEBAUCHE : il peut résulter d’une collaboration de qualité entre patients et médecins dans la compréhension de l’impact des effets indésirables et de la nécessité d’un signalement précis et efficace.
Les effets indésirables sont la 4ème cause de mortalité aux Etats-Unis et en Europe, avec 197.000 décès par an (Lancet 2011), dans un contexte d’augmentation constante des prescriptions – caractéristique de la surmédicalisation – et de polymédications. Or, outre le problème de l’information très partielle sur les effets indésirables, qui fait des victimes, il faut noter que moins de 5% sont signalés à la pharmacovigilance, ce qui crée une désinformation en chaîne à tous les niveaux. La notification directe par les patients se met en place peu à peu aussi dans les pays européens, grâce à des initiatives telles que celle de Health Action International. Mais les signalements faits par les patients ne sont parfois pas exploitables, faute de précision. Monique Debauche souligne, exemples à l’appui, l’intérêt majeur d’un site tel que RxISK.org (terme assimilant « Rx » qui désigne les médicaments d’ordonnance aux Etats-Unis et « risk »). Ce site a été mis en place par David Healy et Kalman Applbaum, pour permettre à des professionnels de santé de travailler avec les patients en toute confiance, en vue d’améliorer et de peaufiner les déclarations d’effets indésirables.
Michel THOMAS, médecin interniste, a exposé les résultats d’une étude prospective menée par Bernard GROSBOIS et ses collègues dans leurs consultations de médecine interne, sur les incidentalomes biologiques. L’usage de ce terme, utilisé d’abord pour désigner des anomalies morphologiques, s’est étendu à d’autres découvertes fortuites qui inquiètent les patients mais n’ont généralement pas de conséquences – ou pas de rapport avec des symptômes décrits en consultation.
L’on peut mieux cerner la surmédicalisation en regardant le nombre de consultations et d’examens induits par la découverte d’incidentalomes biologiques dans un temps donné. En l’occurrence, ces découvertes ont été faites lors d’examens sanguins prescrits dans le cadre de bilans réguliers, sans raisons particulières. Les auteurs notent qu’il y plus d’anomalies (44) que de patients (36) et soulignent le cercle vicieux qui en résulte : d’autres examens sanguins et d’imagerie sont prescrits pour vérifier les résultats des premiers, ce qui mène aussi à des consultations supplémentaires. La plupart du temps, il s’agit d’anomalies d’électrophorèse des protéines à la limite de la signification pathologique. Un diagnostic a quand même été formulé dans 61% des cas (22 patients). Dans 75% des cas, une simple surveillance a suffi.
Les détails des découvertes étayent les conclusions des auteurs : la remise en cause de la pratique d’examens sanguins systématique est un moyen de limiter la surmédicalisation.
D’autres moyens de lutter contre ce phénomène global, ancré dans les structures de notre système de santé et de soins, ont été évoqués au cours de la discussion, notamment la remise en cause des dépistages systématiques et des recommandations et anciennes « conférences de consensus » biaisées et grevées de conflits d’intérêt, la distinction à faire entre critique de la surmédicalisation et volonté de maîtrise purement comptable des dépenses de santé.
En conclusion, un consensus s’est dégagé autour de deux remarques d’Elena Pasca :
- La surmédicalisation n’est pas un dysfonctionnement, mais au contraire, un fonctionnement parfait, attendu et recherché de la logique mercantile néolibérale appliquée au domaine de la santé marchandisée.
- Les esprits critiques, quelle que soit leur profession, devraient promouvoir la prévention quaternaire (Marc Jamoulle et al.), c’est-à-dire la prévention de toutes les préventions et de tous les actes inutiles…
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Atelier N°3: SURDIAGNOSTICS sources de SURTRAITEMENTS 27 avril, après midi
Modérateur : A. Siary
JUNOD Bernard
Surdiagnostic et surtraitement du cancer du sein par radiothérapie
Le risque de surdiagnostic dépend du stade du cancer du sein. Il est plus élevé lorsqu’il s’agit d’un cancer in situ versus infiltrant ou alors sans versus avec envahissement ganglionnaire.
La définition du surdiagnostic : Cancer histologique qui n’évolue pas vers des symptômes cliniques
Les risques associés à une radiothérapie pour cancer du sein sont surtout des affections cardiaques et des cancers du poumon. Les conséquences néfastes d’un surtraitement par radiothérapie sur la mortalité globale résultent d’une balance bénéfice/risque tributaire de la proportion de surdiagnostics parmi les patientes traitées. Le dernier travail sur les risques de la radiothérapie à long terme est une étude de l’IGR qui montre une surmortalité cardio-vasculaire de 76% 20 ans après Irradiation pour cancer du sein dans une cohorte traitée entre 1954 et 1984
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BRAILLON Alain
Médecin des hôpitaux viré du CHU d’Amiens par le Ministère de la santé contre l’avis de la Commission Statutaire Nationale
Dépistage du cancer de la prostate, un scandale sanitaire de plus ?
Le test PSA pour dépister le cancer de la prostate ne doit plus être fait aux hommes en bonne santé et ne devrait plus être remboursé. Une procédure formelle d’autorisation, comme pour un médicament, est nécessaire pour les programmes de santé publique. Il est de la responsabilité de l’Etat de mettre fin à une dérive dont les conséquences sont catastrophiques. Malgré les mises en garde, la pratique du PSA est passée de 2,7 millions en 2003 à 4,6 en 2010.
Il existe depuis des années un aller retour entre les instances officielles qui restent évasives ( ANAES, HAS) et l’Association Française d’Urologie qui prône par des campagnes médiatiques sans fondement scientifique , le dépistage systématique du cancer prostatique .
Il n’y a aucune corrélation entre la participation à un dépistage des personnes concernées et sa validité :
Prostate : 75% des hommes ont effectué des dosages de PSA. Ce dosage est estimé en cout au 7ème rang des examens biologiques chez les généralistes en 2003
Sein : 53% des femmes de 50 à 74 ans ont effectué des mammographies de dépistage (2011)
Colon : 34% des personnes de 50 à 74 ans ont eu un Hémocult (2011), alors que ce dépistage a fait la preuve qu’il apportait un bénéfice
Col : La participation au dépistage n’est pas précisée .
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LASSOUED Ibrahima, JAMOULLE Marcb, Cancer du sein ; dépistage ou surdiagnostic ?
a Résident de deuxième année de médecine générale, b Maître de stage
Espace Temps, Maison de Santé, Rue du Calvaire 98, B 6060 Gilly, Belgique
Contact ; ibrahim@lassoued.be
Introduction
Les auteurs ont tenté d’actualiser les connaissances en matière de dépistage du cancer du sein par une revue de la littérature scientifique, des recommandations faites par différentes institutions nationales de santé ainsi que par les avis d’experts. On tente de cerner les limites du dépistage ainsi que les potentiels effets indésirables par le surdiagnostic et le surtraitement. Les auteurs pensent que les médecins généralistes peuvent informer leurs patientes sur les enjeux du dépistage.
Méthode
La revue de la littérature, ainsi que la lecture d’ouvrage sur les enjeux du dépistage, les travaux de certains experts ont pour but d’éclaircir les points suivants
- Les principes de base épidémiologique pour qu’un dépistage soit utile
- Le bénéfice éventuel du dépistage systématique des femmes de 50 à 69 ans
- La réalité du surdiagnostic en général et dans le cancer du sein en particulier
- Les risques et effets indésirables potentiels du dépistage du cancer du sein par la mammographie.
- L’information des femmes invitées au dépistage
Résultats
Il existe des divergences entre diverses institutions quant à l’efficacité du dépistage du cancer du sein. Les conclusions de la Cochrane ainsi que de la revue Prescrire sont très réservées et même si il y a un bénéfice, celui-ci est minime et insuffisant que pour avoir un avis tranché sur la question. En effet, le NNS pendant 10 ans (number need to screen) est de 2000. Dans le même temps 10 femmes en bonne santé seront traitées inutilement d’un cancer et 200 femmes seront faussement alertées par ce dépistage.
Toutes les institutions étatiques (KCE, HAS, Canadian Task forces, U.S Task forces, etc.), recommandent la poursuite du dépistage des femmes de 50 à 69 ans et considèrent que le bénéfice c’est à dire détection de la tumeur à un stade précoce avec pour conséquence un traitement moins lourd ( ce qui est faux) et une réassurance des femmes dont l’examen est négatif (ce qui est une erreur 20% de FN) est supérieur aux effets indésirables c’est à dire faux positif, faux négatifs et traitement de tumeurs à croissance très lentes. Ces institutions espèrent que, au fil du temps, le dépistage fera ses preuves par une diminution plus significative de la mortalité même si actuellement, on ne dispose pas d’arguments scientifiques pour attribuer cette petite baisse de mortalité au dépistage. Par ailleurs l’information biaisée donnée aux patientes fait émerger de fausses croyances sur la mammographie.
92% des femmes ignorent les risques des surtraitements
68% pensent que la participation au dépistage diminue le risque d’avoir un cancer du sein
La majorité estime que par le dépistage, même si il y a un cancer, le traitement sera moins agressif.
60% pensent que le dépistage réduit de 50% la mortalité.
Le rôle du médecin généraliste est d’informer les femmes sur les incertitudes de ce dépistage
(les incertitudes de l’imagerie avec les faux positifs, les faux négatifs, le surdiagnostic, la fausse réassurance) afin qu’elles décident de leur choix ( se faire dépister ou pas) en toute connaissance de cause
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TESTART Jacques, Le cas de l’Assistance médicale à la procréation (AMP)
La surmédicalisation dans l’AMP est particulièrement remarquable. Les interventions médicales concernent des personnes non malades, traitent des couples plutôt que des individus, visent seulement à supprimer le symptôme (stérilité), cachent les causes exogènes (environnement) ou non médicales (âge, angoisse,…) et favorisent de nouveaux diagnostics (DPI). Ces diagnostics, à visée éliminatoire, camouflent les échecs de la thérapie génique et ouvrent des perspectives infinis à la « médecine préventive ».
15% des couples présentent une infertilité, 3% des naissances procèdent d’une AMP.
La proportion de stérilités idiopathiques est passée de 10 à 25%
On est passé des indications médicales (obstruction des trompes, dysovulation, déficiences du sperme) à des indications sociales : femmes seules, couples homo, femmes ménopausées
1 an d’infertilité suffit pour se voir proposer une AMP.
Les conséquences sont les suivantes :
- Les examens complémentaires et les traitements s’inscrivent dans le cadre d’une médicalisation croissante du corps féminin avec multiplication des dosages hormonaux sous agonistes LH-RH.
- Les tests génétiques n’ont d’autre effet que d’augmenter les angoisses des couples concernés.
- La technique de l’injection des spermatozoïdes dans l’ovule concerne actuellement les 2/3 des FIV.
- 1/3 des enfants nés sont des jumeaux.
- Risque de dérives eugéniques avec le diagnostic préimplantatoire avec recherche de l’enfant idéal par tri des embryons
- Prévention de l’infertilité consécutive à une ménopause précoce : Bilan à 33 ans en vue d’une procréation 10 ans plus tard
Malgré cette surmédicalisation avec des traitements couteux faisant appel à une large utilisation d’hormones recombinantes et l’engouement des médecins, le taux de succès n’a pas changé depuis 38 ans.
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Atelier N°4: SURTRAITEMENTS non liés aux SURDIAGNOSTICS, 27 avril après midi
Modérateur : François PESTY
Propos introductifs et contributifs du modérateur sur les « surtraitements dans le Cancer » :
Surtraiter, à partir d’un diagnostic posé, consiste à initier un traitement surdimensionné ou inapproprié, alors qu’une alternative thérapeutique moins lourde, pouvant aller jusqu’à l’abstention ou faisant appel à des soins palliatifs, était possible, moins délétère, moins traumatisante, voire moins coûteuse ou sans fausses promesses :
- – opérations chirurgicales, radiations, prescriptions médicamenteuses inutiles (ou futiles) ;
- – exérèses, irradiations ou doses de médicaments trop importantes ;
- – durées de traitement, d’intervention, d’exposition trop prolongées ;
- – recours à un traitement non éprouvé, voire non autorisé (ex : hors AMM) et sans bénéfice clinique clairement démontré (effet uniquement sur des critères intermédiaires), alors que d’autres le sont ;
- – combinaison (surenchère) de moyens thérapeutiques telles que des associations
médicamenteuses futiles, la chimiothérapie adjuvante (après chirurgie) ou néo-adjuvante (avant chirurgie), la chimiothérapie combinée à la radiothérapie ;
L’atelier se propose d’illustrer les surtraitements, par des exemples et de tenter avec les contributeurs et tous les participants d’en analyser les causes et les moyens de les éviter, ou tout au moins de les limiter…
Les surtraitements dans le cancer, représentent un bon exemple pour illustrer le sujet de notre atelier. 1. Un numéro spécial récent du Lancet Oncology, intitulé « Prodiguer des soins abordables dans le cancer dans les pays développés »1 est particulièrement éclairant. Co-signés par 37 éminents cancérologues de la commission oncologie de la revue médicale, les traitements inutiles à éviter sont définis comme ceux dont le bénéfice clinique est nul, marginal ou non clairement établi, ceux non souhaités par le patient, les redondants, et chaque fois qu’une alternative aussi efficace et moins coûteuse existe. Les essais cliniques sur lesquels les autorisations de mise sur le marché sont octroyées présentent des limites ; La majorité des nouvelles biothérapies ciblées du cancer, récemment introduites ou qui arriveront ces prochaines années, ne seront pas capables de guérir les malades en phase avancée et ne permettront d’obtenir que des gains très limités de survie ; S’agissant de la chirurgie du Cancer, la commission note que si elle reste le principal moyen de guérir ou de contrôler l’évolution des tumeurs solides, elle est caractérisée par la pauvreté des données cliniques de bonne qualité disponibles pour juger du bénéfice qu’elle apporte. Quant à la génomique, dont la commission considère que les tests ne doivent pas se contenter de prédire la présence d’une séquence génétique, mais concourir à l’amélioration du devenir clinique du patient, elle juge qu’actuellement seul un test (HER2) serait dans cette position. Au total, « Dans les pays développés, le traitement du cancer est tombé dans la culture de l’excès. Nous surdiagnostiquons, surtraitons et « surpromettons ». Cela va du recours à des technologies sophistiquées, à la chirurgie, aux médicaments, à l’apparition d’événements indésirables consécutifs à l’acceptation des effets secondaires des traitements. Notre société se focalise sur un bénéfice qui est souvent faible… Nous ignorons que toute intervention comporte ses effets indésirables et présente un coût financier ».
2. La place des soins palliatifs précoces dans le cancer du poumon métastasé mériterait d’être développée selon une étude récente2. Elle permet en effet d’améliorer la qualité de vie et la survie globale par rapport à la poursuite d’une prise en charge standard plus agressive (avec notamment davantage de chimiothérapie). L’allongement obtenu de 2,7 mois de la survie est comparable aux meilleurs résultats des biothérapies ciblées…
3. La proportion des chimiothérapies inutiles en fin de vie peut être estimée entre 19% et 27% selon une enquête menée dans 1.051 hôpitaux au Royaume Uni3.
4. Le progrès thérapeutique des 10 premières molécules anticancéreuses est modique dans leurs principales indications thérapeutiques4 : Progrès absent, mineur ou non évalué dans 59%, progrès modeste dans 22%, progrès majeur ou important dans seulement 19%.
1ère contribution « Surmédicalisation : à propos de deux situations qui m’ont interrogée »
Mme le Pr Marie-France LE GOAZIOU, Médecin généraliste enseignante, Lyon
Le Pr LE GOAZIOU décrit deux situations cliniques qu’elle a rencontrées dans sa pratique et qui témoignent d’un dysfonctionnement relationnel avec les médecins hospitaliers consécutif au cloisonnement dont les patients font les frais la plupart du temps. Une jeune femme migraineuse chez laquelle un spécialiste hospitalier avait prescrit un tryptan et ordonné l’arrêt de l’allaitement ; Un homme âgé de 75 ans, en rémission d’une leucémie traitée par chimiothérapie, avec une grosse prostate au scanner, mais ne se plaignant de rien. L’interne à la vue d’un résultat élevé de PSA s’apprêtait à décider de l’intervention chirurgicale… Ces deux observations soulèvent de nombreuses questions : Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi traiter des images ? Quel bénéfice ? Quel risque ? Comment intervenir auprès des décideurs que sont les spécialistes d’organes ? De quel droit le médecin traitant (généraliste) s’immisce-t-il dans les soins hospitaliers ? Comment peut-il expliquer sa position vis-à-vis du patient et de sa famille ? L’une des pistes proposée est l’enseignement de l’erreur médicale aux internes de médecine générale.
2ème contribution « Licence to pill5 – AMM et RBP, substituts pratiques au raisonnement EBM »
Xavier BRIFFAULT, CNRS – CERMES3 équipe CESAMES, Paris
M. Xavier BRIFFAULT, chercheur en sociologie, plus particulièrement sur les enjeux de santé publique en santé mentale, intervient comme enseignant auprès de formateurs en soins infirmiers, auxquels il dispense un cours consacré à la médecine fondée sur les preuves. Reprenant la funeste affaire du benfluorex, Médiator®, après avoir écouté les propos du ministre de la santé expliquant qu’il voulait « savoir pourquoi ce médicament avait-il pu rester 33 ans sur le marché », le chercheur apporte la démonstration qu’à l’aide d’une simple recherche sur Google il était possible de vérifier l’appartenance de cette molécule aux amphétamines. Il montre aussi comment en tapant juste quelques mots-clés sur Medline, il devenait évident que ce médicament n’avait été que très peu étudié (quelques études seulement, avec très peu de patients, aucune méta-analyse disponible, pas plus d’analyse Cochrane…). Les auteurs de l’un des principaux essais thérapeutiques publié dans une revue peu cotée, appartenaient à « IRIS », Institut de recherche des laboratoires Servier… Le sociologue estime contrairement à certaines interventions entendues dans les médias, que le fait que les autorités l’avait autorisé (Médiator®), ne dispensait pas pour autant les médecins prescripteurs de réfléchir ; Poursuivant, il indique que la démarche EBM (médecine fondée sur les preuves) doit être complète afin d’adapter au cas par cas le raisonnement de l’analyse bénéfice / risque. En conclusion, il propose de développer une culture systématique du doute et du raisonnement fondé sur des données probantes, ainsi que de doter les médecins dans leur pratique courante d’un outil informatique leur permettant non seulement d’accéder aux informations de l’AMM et des RBP, mais aussi aux critères de qualité des études réalisées.
3ème contribution « Réflexion sur le(s) Cancer(s) de la Prostate »
Dr Bertrand GUILLONNEAU, Chirurgien, Chef de service Urologie, Groupe Hospitalier Diaconesses – Croix St Simon, Paris
Ce chirurgien ayant exercé pendant plus de dix ans à New York, est un spécialiste du Cancer localisé de la prostate ; Après avoir resitué les enjeux de ce cancer, le plus fréquent du monde occidental et représentant la 3ème cause de mortalité par cancer chez les hommes, il rappelle qu’en France apparaissent chaque année près de 66.000 nouveaux cas, pour un peu moins de 10.000 décès. Une étude scandinave a démontré un bénéfice chez les patients jeunes, mais pas au-delà de 65 ans. Les chiffres à retenir sont que pour éviter un décès par cancer de la prostate, il serait nécessaire de dépister 1.400 patients et d’en opérer 50 (prostatectomie totale). Poursuivant, le chirurgien indique qu’il n’y a pas un seul, mais probablement plusieurs cancers de la prostate. Ils n’évoluent pas tous. L‘incidence augmente avec l’âge. Alarmiste sur l’évolution qu’il constate dans la prise en charge de ce cancer, avec des prostatectomies totales réalisées pour des tumeurs de plus en plus petites, clichés radiographiques de l’organe réséqué à l’appui, il propose la métaphore suivante : « Comme pour la pêche en haute mer pour laquelle les gros thons ont déjà été pris dans les filets des pécheurs, les petites tumeurs deviennent le marché de demain ». Comment en est-on arrivé là ? Pour l’expliquer il avance un changement de paradigme : le glissement de la mission du médecin du traitement du malade à celui de la maladie. Avec la peur (Cancer = mort), le pouvoir du médecin, et l’action « agir » supérieure au « non agir ». Le « primum no nocere » a disparu au profit d’un primum à faire plutôt qu’à ne pas faire. Le spécialiste conclue en rêvant d’un système où le chirurgien serait payé à faire de la surveillance active (rémunérer autant à ne pas opérer qu’à opérer).
Discussion suites aux contributions
Le débat débute par une question du Dr Florence TAPIÉ, médecin en centre de santé, qui souhaitait savoir comment faire l’analyse des travaux se rapportant à un traitement. Le Dr Jacques BIRGÉ répond en contestant l’accessibilité à la plupart des médecins français des outils proposés par Xavier BRIFFAULT, car ceux-ci ne maîtrisent ni l’anglais, ni l’informatique. De surcroit, ils n’auraient ni le temps, ni la volonté de faire ce type d’investigations. Le mieux est encore pour les praticiens de se fier aux recommandations de bonnes pratiques, et autres avis de la commission de la transparence, ainsi qu’aux recommandations de la revue Prescrire. Le Dr Michel THOMAS propose d’inculquer aux jeunes médecins un esprit de doute systématique. Les essais cliniques ont été imaginés par les firmes pharmaceutiques pour répondre à leur intérêt, avec un abandon par les médecins de la propriété intellectuelle des études aux labos. Aujourd’hui, il convient de se poser à chaque fois les questions : Qui a fait le travail ? Qui l’a financé ? Quels sont les conflits d’intérêts ? Le Dr Dominique BEDOIN interroge le Dr Bertrand GUILLONNEAU au sujet de la surveillance active. La subjectivité va à l’encontre de l’EBM. Or, le « vécu » et la subjectivité interviennent beaucoup dans les décisions médicales. Un intervenant indique que les échelles de type Hamilton (pour mesurer l’anxiété) ont été inventées par les firmes pour objectiver une différence significative là où c’était plus difficile à faire. Mais, même ce qui parait objectif peut être critiqué. Xavier BRIFFAULT rappelle l’existence d’un article fameux intitulé « Evidence biased medicine6 ». Jean-Marie DESPREZ-CURÉLY, Pharmacien Hospitaliers, Hôpitaux de Chartres, rappelle également que les laboratoires ont aussi inventé les études dites de « non-infériorité », que les études négatives ne sont pas publiées et que certaines peuvent être biaisées, voire truquées. Puis il mentionne que la judiciarisation n’existe pas en France en dehors de quelques cas en pédiatrie, gynécologie-obstétrique et anesthésie. Le Dr Michel THOMAS se demande si le Plan Cancer n’a pas été un « pousse au crime ». L’absence ou la non-invitation quasi systématique du médecin traitant aux réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) à l’hôpital est dénoncée. Le Dr Jacques BIRGÉ se dit persuadé qu’il s’agit de lieux à investir, peut être pas physiquement mais que l’avis du médecin traitant devrait être pris en compte à l’hôpital. « Des malades qui meurent en cours de chimiothérapie, on en connait plein… ». Le Dr Michel THOMAS propose que le médecin traitant puisse donner son avis sur la décision prise en RCP. N’oublions pas néanmoins que la RCP a apporté un progrès sur la situation antérieure où les oncologues faisaient leur cuisine chacun de leur coté. Ce que confirme Jean-Marie DESPREZ-CURÉLY, ajoutant que le problème actuel est le passage trop tardif des patients en soins palliatifs ; Selon le Dr Luc PERINO, médecin et auteur de nombreux ouvrages, nous sommes aujourd’hui dans un recul scientifique où il suffit que l’on prouve un mécanisme pour admettre un progrès thérapeutique. C’est une dérive grave non seulement de la médecine, mais tout simplement de la science exacte.
- Delivering affordable cancer care in high-income countries. The Lancet Oncology Commission. Lancet Oncol 2011; 12: 933–80.
- Early Palliative Care for Patients with Metastatic Non–Small-Cell Lung Cancer; Jennifer S. Temel et al. N Engl J Med 2010;363:733-42.
- For better, for worse? A review of the care of patients who died within 30 days of receiving systemic anti-cancer therapy. A report by the National Confidential Enquiry into Patient Outcome and Death (NCEPOD) – UK – 2008
- Analyse des avis de la commission de la transparence (HAS) – Rapports de l’INCa sur la situation de la chimiothérapie du cancer
- Jeu de mot faisant référence au film de James Bond « Licence to kill ». Licence to pill signifie : « permis de pilule »
- Evidence b(i)ased medicine—selective reporting from studies sponsored by pharmaceutical industry: review of studies in new drug applications. BMJ. 2003 May 31; 326(7400): 1171
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Atelier 5 : CONSIDERATIONS ET ENJEUX, samedi 28 avril 2012 de 9h00 à 13h00
Modérateur : Omar BRIXI
Une quarantaine de participants
Introduction
Conçu autour des considérations économiques, cet atelier a été élargi à d’autres dimensions, notamment éthiques, sociales et de santé publique.
Cet élargissement fait suite à des propositions de communications sur ces sujets. Il traduit aussi nos difficultés de jonctions avec des économistes ou des analystes des dimensions financières et économiques.
Il n’en reste pas moins que les aspects économiques sont incontournables tout comme la question de base : à qui cela profite ? Mais aussi les enjeux économiques en termes de travail, d’emplois, de marchandises, d’acteurs, de logiques …?
D’où plusieurs niveaux de questionnement:
- Sommes-nous dans un champ marchand : strictement marchand ou de service à finalité sociale d’intérêt général ?
- Quelle logique prime : celle des patients, des usagers, des professionnels, des actionnaires, des décideurs institutionnels ?
- Les surcoûts, les marges de profits et les gabegies sont ils des dysfonctionnements du système ou intrinsèques aux logiques consuméristes et médicalisantes ?
- Ces tendances sont-elles dépendantes des contextes de type libéral ? Ou les retrouve t on aussi dans les contextes « socialisés »?
- La surmédicalisation est-elle liée aux situations d’expansion ou de récession ?
- Entre acheter des services, y compris dans des systèmes solidarisés, et consommer des soins à travers des produits et des dispositifs, quelle est la frontière de l’utile et du superflu ?
Interventions
Anne Pellissier-Fall, sociologue à Nantes, a introduit la problématique de la Médicalisation et de l’anticipation de la maladie.
Partant de l’analyse des résultats d’une enquête sociologique par entretiens auprès de 48 praticiens hospitaliers du CHU de Nantes, elle a développé pour l’essentiel les idées suivantes :
- les possibilités prédictives de la médecine se développent d’autant que les technologies le permettent et qu’un imaginaire collectif y est favorable : la santé contenant la maladie, la médecine idéale et le mirage de la génétique.
- mais cette anticipation n’est pas recherchée à tout prix, car les coûts et la rareté de certains outils y mettent un frein.
- les actes de prédiction volontaire sont rares, la plupart des prédictions ont lieu de manière involontaire. La médicalisation du « risque de devenir malade » ne résulte pas toujours d’un « projet » médical.
- les médecins s’enferment souvent dans une prescription « défensive » des examens complémentaires, liée à la perception qu’ils ont des attentes des patients et de l’administration du CHU.
Lui succédant, Anne Vega anthropologue et chercheur à l’Université Paris Ouest (LASCO) traitera de l’influence des visiteurs sur la quantité de médicaments prescrits.
Elle rappelle que de nombreuses recherches en sociologie ont quantifié l’influence des visiteurs sur la quantité de médicaments prescrits. Partant d’une une étude qualitative récente (en ligne), réalisée par entretiens et observations du travail en médecine générale, elle caractérise les prescripteurs et les prescriptions à partir de leurs profils et nombre de visites.
Les représentants des firmes induisent également des habitudes en distribuant des produits gratuitement, ou via des logiciels. D’autres efforts de promotion, moins directs, sont tout aussi efficaces pour encourager des prescriptions. Elle décrypte les messages portés par les visiteurs médicaux et relèvent l’inexactitude de certains de leurs propos, leur référence permanente et récurrente à la science, à l’épidémiologie et aux travaux nord américains.
Elle insiste sur les dons et la logique des contre dons et ne manque pas de rappeler les lacunes des formations, initiales et continues, en soulignant à quel point les étudiants en médecine sont très tôt dans leurs facs habitués à la proximité des laboratoires. Le climat positiviste et la faiblesse des enseignements critiques y participent largement.
Elle conclue en appelant à ce que « les médecins devraient être sensibilisés pendant leur formation aux méthodes qu’utilisent les firmes pharmaceutiques pour les influencer ».
Guy Minguet, professeur de sociologie à l’École des Mines, Nantes, rapportera un extrait d’un projet sur les conséquences socio économiques du Dépistage Néonatal Systématique de la Mucoviscidose (DNSM) conduit par une équipe pluridisciplinaire basée à Nantes (Langeard, C ; Minguet, G ; Guéganton, L ; Cam, P ; Faquet ,C ; Lombrail, P ; Rault, G).
Généralisé en France depuis 2002, ce dispositif agit comme un révélateur des situations de tensions auxquelles les pédiatres cliniciens sont confrontés : l’émergence d’une pluralité et d’une variabilité d’états cliniques, le repérage d’hétérozygotes (porteur sain), le diagnostique de formes « frontières » de la maladie.
En prenant appui sur une enquête de terrain quantitative et qualitative menée en 2009 auprès des médecins et d’équipes soignantes exerçant au sein de centres de soins spécialisés dans la mucoviscidose (CRCM), ce travail montre l’éclatement du champ clinique de la mucoviscidose et du travail bioéthique mené par les pédiatres cliniciens suite à la mise en place du DNSM.
La complexification des génotypes remet en question la dichotomie malade/bien-portant, une démultiplication des états cliniques entre le pathologique et le normal mais aussi leur variabilité tout au long de la trajectoire du sujet : « c’est des situations où l’on a beaucoup de doutes, et d’inquiétude, sur ce que l’on doit faire parce qu’engager dans un suivi très lourd de mucoviscidose standard, un individu qui peut-être ne sera pas malade, ou pratiquement pas malade, n’est pas dénué de conséquences ».
Cette possibilité de sur- médicalisation de la vie d’un patient chronique conduit le médecin à jouer désormais le rôle d’un « co -gestionnaire de biographie », gouvernée par le principe d’incertitude au cœur du pacte thérapeutique.
Dans le débat qui s’en est suivi, des contributions complémentaires plutôt que des questions suite autour des axes suivants :
- Les liens entre prescriptions, formations, influences et intérêts,
- Les rapports entre prévention et prédictions et les limites de ces dernières,
- Les dévoiements de la recherche et la faiblesse de l’enseignement critique.
- Les gâchis particulièrement illustrés par le témoignage d’un pharmacien d’officine.
Que retenir ?
Un atelier qui a bénéficié de l’éclairage des sciences humaines et sociales sur les rapports d’intérêts entre les prescripteurs et les firmes pharmaceutiques mais aussi les difficultés des soignants face aux progrès technologiques et à leurs limites.
Les autres dimensions des enjeux économiques ayant été peu investiguées, à ce stade.
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ATELIER N° 6 : MEDICAMENTS ESSENTIELS
Animé par Michel DORE et Michel THOMAS.
L’atelier consacré aux Médicaments Essentiels à réuni une trentaine de participants le matin du samedi 28 avril.
En introduction à l’atelier, Michel THOMAS a rappelé comment avait mûri, au sein du groupe Princeps l’idée de concevoir une liste actuelle des Médicaments Essentiels, et, constatant la faillite des institutions dans ce domaine (malgré une liste établie par l’AFSSAPS en 2008, restée totalement confidentielle), d’en confier la réalisation à l’expérience de médecins Internistes et Généralistes. Travail débuté en déc. 2010 par 10 Internistes hospitaliers (dont 8 Universitaires) au sein de la Société Française de la discipline, et des Généralistes du département de Médecine Générale de la faculté de Bobigny. Michel DORE a ensuite montrer les difficultés parfois rencontrées par les généralistes pour établir une telle liste, mais aussi l’influence qu’un tel travail a eu sur la pratique de ceux qui l’avaient réalisé.
La 1° communication, par Dominique BEDOIN de Saint Etienne s’est intéressée en préambule à l’attitude des médecins généralistes face à la prescription médicamenteuse. A partir d’une enquête auprès de 11 médecins , il a distingué deux attitudes, deux logiques : Une logique de réparation où chaque médecin, à partir de sa pharmacopée personnelle, répond à 2 désirs inconscients : celui de réparer la santé en « faisant quelque chose », « on est toujours tenu de donner », et celui d’avoir un pouvoir sur la maladie, y compris en utilisant des placébos . Une logique de restriction où le médicament est jugé inutile, inefficace, dangereux face à telle plainte du patient, où l’usage de « placébo impurs » (c’est-à-dire non totalement dénué d’activité) est vécu comme « malhonnête ». L’importance de l’implication du médecin est soulignée : « soigner c’est donner ».
Maïlys MICHOT-CASBAS, de Toulouse a envisagé ensuite, à partir de sa thèse de sciences, la problématique de la place des « médicaments de confort » parmi les Médicaments Essentiels. Face à une plainte de « jambes lourdes », à la difficulté des malades mais aussi des médecins à faire la part entre jambes lourdes, varices, insuffisance veineuse, à l’inexistence de moyen objectifs d’apprécier l’importance des symptômes, la notion de handicap apparait comme nécessaire à prendre en compte. Le déremboursement des veinotoniques n’empêche les patients d’aller mieux quand ils les prennent et plus mal quand ils les arrêtent… La seule réponse reconnue par les instances (et prise en charge financièrement) dans le domaine est la chirurgie des varices, incapable de régler la grande majorité des situations.
Michel THOMAS a présenté la façon dont les Internistes, entre décembre 2010 et févier 2012, étaient parvenus à un consensus sur une première liste de 100 Médicaments Essentiels. Sur les 100 molécules (sur un total de 333 différentes citées initialement) seuls 7 avaient initialement été retenues par les 10. Quarante-quatre figuraient déjà dans le livre de Maurice RAPIN « les 200 médicaments essentiels » en 1983, 70 parmi les 360 médicaments essentiels de la liste de l’OMS de 2011, 71 étaient sur la liste confidentielle de381 médicaments de l’AFSSAPS de 2008. 59 étaient génériqués en 2011. Cette première liste de 100 médicaments sera mise en débat au sein de la Société Française de Médecine Interne dès juin 2012 afin d’aboutir à une liste définitive, après comparaison avec les listes établies par les Généralistes, et qui devrait comporter 150 à 200 molécules.
Yassine HILAL a synthétisé les 7 listes actuellement établies par les Généralistes du Département de Médecine Générale de Bobigny. 7 molécules étaient choisis par les 7 généralistes, 61 par une majorité d’entre eux (4/7). A l’opposé, 155 molécules n’étaient citées que par un seul médecin. 52% étaient déjà choisis par M. RAPIN, 67% figurent dans la liste de l’OMS, 83% dans celle de l’AFSSAPS. Sur ces 61 molécules, 87% ont un SMR (Service Médical Rendu) reconnu important. 85% sont génériquées. Ces données doivent être (et seront) comparées avec la liste des internistes et avec celles en cours de recueil de Généralistes de province.
La faisabilité, comme l’intérêt pédagogique d’une telle liste apparaît déjà comme démontrés.
La discussion (12 intervenants) a mis en débat la place de l’industrie pharmaceutique dans l’établissement d’une liste de Médicaments Essentiels. La grande majorité de l’assistance estime que ce n’est pas souhaitable, même s’il n’est pas impossible de tenter « d’évangéliser plutôt que de diaboliser l’industrie ».
2 confrères coordinateurs d’EPAD montrent l’impossibilité pratique qu’une liste imposée (comme il a été tenté de le faire dans ces établissements) soit respectée. Les participants à l’atelier sont d’accord qu’une liste de Médicaments Essentiels ne peut avoir de valeur et d’impact réel que comme outil pédagogique de proposition, suggestion et rappel, d’aide à la prescription.
La place des « placebo impurs » a été discutée. Même si un large accord se dessine sur leur nécessité comme médiateur thérapeutique, leur reconnaissance comme Médicaments Essentiels ne semble pas possible. Plus délicate est la place des médicaments de confort. M. MICHOT-CASBAS estime qu’il faut prendre en compte l’importance numérique de populations souffrant d’un symptôme handicapant et persistant. Où se situe la limite de ces « médicaments de confort » ? Les médecines « douces », l’homéopathie, peuvent elles y émarger ? Ce n’est pas l’avis général. Le nombre croissant de médicaments vendus hors prescription médicale doit être pris en compte si l’on discute la place qui pourrait être réservée à des médicaments de confort dans une liste d’Essentiels
Enfin l’idée d’associer les associations de malades à la réalisation (discutée) et à la diffusion d’une liste de Médicament Essentiels a été discutée.
Iaorana Elena et encore merci pour ce compte rendu. J’attends patiemment la suite. En tant qu’administrateur de l’équivalent de Sécurité Sociale (Caisse de Prévoyance Sociale de Polynésie Française), nous sommes actuellement en négociation avec le syndical des médecins libéraux de Polynésie afin de signer une convention collective. Je peux vous assurer que les informations collectées sur ton blog me sont d’une grande utilité. Je constate toutefois que la grande majorité des professionnels de santé font très peu d’efforts pour se tenir au courant des dernières études sérieuses relatives aux questions de surmédicalisation, de surmédicamentation et surexamen. Votre Blog et ceux que vous mettez en lien me permette d’intervenir constructivement (je l’espère) sur la construction d’un système de santé adapté aux réalités de la société polynésienne. Encore Merci et bonne journée ou bonne nuit.
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Quel plaisir de lire le commentaire d’un professionnel qui reconnait que ce blog contient moult renseignements de qualité, que l’on ne retrouve pas ailleurs.
Construire quelque chose avec Eléna, par le biais d’Eléna, espérons que cela amènera d’autres interlocuteurs à réfléchir.
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