« Santé, jusqu’où irons-nous? » Entretien virtuel avec Oscar Grosjean

Le Pr Pierre Biron nous présente le livre d’Oscar GROSJEAN, Santé, jusqu’où irons-nous? Fabriquer des patients pour tuer la Sécu. Charleroi, Couleur livres, 2005, 120 pages, 13 euros.

Selon la présentation de l’éditeur, Oscar Grosjean est « chirurgien, maître de stage et diplômé en criminologie. Collaborateur de l’Université de Liège, il a poursuivi des travaux de recherche particulièrement en transplantation. Responsable du service de chirurgie à la Faculté de médecine du Rwanda de 68 à 71, il a aussi effectué une dizaine de missions chirurgicales en Afrique et au Proche-Orient ». L’introduction au livre, faite par l’éditeur, est sur cette page du site qui contient aussi les illustrations.

Pierre BIRON est professeur honoraire de pharmacologie à l’Université de Montréal, auteur et co-auteur de nombreux articles et d’un Alterdictionnaire médico-pharmaceutique anglais-français, critique et évolutif. J’ai fait une présentation détaillée de l’auteur, qui a publié plusieurs articles sur Pharmacritique, à la fin de son texte sur la « complicité médico-pharmaceutique [qui] dévoie le savoir médical ». [Elena Pasca]

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« Santé, jusqu’où irons-nous? » Entrevue virtuelle avec Oscar Grosjean 

Par le Pr Pierre BIRON

Un ouvrage décapant qui décrit les choses telles qu’elles sont devenues en matière de santé et de médecine. Un ouvrage sur la médecine d’aujourd’hui, « débordant de constatations surprenantes et de questions impertinentes », comme de savoir si les examens et soins proposés aujourd’hui, de plus en plus nombreux et coûteux, sont utiles à notre santé. Son regard critique nous rappelle celui des Américains Nortin Hadler (Malades d’inquiétude ?) et Gilbert Welch (Dois-je me faire tester pour le cancer ?), tous deux traduits par Fernand Turcotte, aux Presses de l’Université Laval (Québec, CA).

Oscar Grosjean est criminologue et médecin de formation, chirurgien de profession, Belge de nationalité, enseignant, chercheur. Il a effectué plusieurs missions chirurgicales au tiers monde. Son signe particulier est qu’il n’a pas la langue dans sa poche. Il a aussi publié Victimisation et soins de santé : Comprendre, prévenir et réparer. Bruxelles, Mardaga 2002 et La santé, à quel prix ? Charleroi, Couleur livres, 2005.

Q – Que fustigez-vous ?

R – Les dépistages, la médicalisation, la médicamentation, la médecine reproductive, l’acharnement sur les prématurés, l’acharnement en fin de vie, la privatisation des soins, la disparition du secret médical, la césarienne de convenance, les programmes d’accompagnement pour fidéliser les patients, l’eau embouteillée, et bien d’autres dérapages de la conception de la santé et de la pratique médicale modernes.

Q – Pourquoi l’histoire de la médecine est-elle si peu enseignée ?

R – Elle est étroitement liée aux religions qui lui ont fixé ses limites, ses règles et sa place dans nos sociétés. Mais il est temps de démystifier la médecine, ses apparats et son appareil, comme l’ont été les religions, leur cérémonial et leur clergé.

Q – Comment hiérarchisez-vous les déterminants de la santé?

R – Les facteurs médicaux n’y contribuent qu’à hauteur de 11%, loin derrière le style de vie (43%), la qualité de l’environnement (19%), le génome et le comportement individuel (27%). La santé est inégalement répartie au départ par le génome et elle s’use plus ou moins vite au fil du temps selon l’environnement de vie et de travail, alias statut socio-économico-environnemental-éducationnel.

Q – Les budgets gouvernementaux reliés à la santé sont-ils mal répartis ?

R – On multiplie les campagnes de dépistages de toutes sortes, les vaccinations discutables et les procréations médicalement assistées plutôt que de financer la recherche fondamentale, l’enseignement et l’éducation. On investit dans les promesses commerciales d’innovations diagnostiques et thérapeutiques.

Q – Comment les nouveaux produits et les nouvelles indications sont-ils promus ?

R – Par des campagnes de dépistages et de journées dédiées aux maladies; par le démarchage auprès des Agences du médicament pour autoriser des médicaments inutiles ou nocifs, par le dénigrement des produits génériques. La menace rampante de rendre obligatoires les dépistages, régulièrement proférée par des politiciens sous influence de l’industrie, est contraire aux droits humains et à ceux des patients qui doivent pouvoir choisir librement en ces matières.

Q – Quelles sont les conséquences des budgets alloués à la médicalisation et la médicamentation ?

R – Leur inutilité et leur inefficience rendent inaccessibles au plus grand nombre les soins de santé indispensables, utiles et nécessaires. Ils détruiront le caractère de service public de la santé, au grand bonheur des puissances financières qui veulent soumettre les soins de santé aux règles inhumaines et anti-démocratiques de l’Organisation mondiale du commerce.

Q – La relation patient-médecin en est-elle affectée ?

R – La relation soignant-soigné et la notion même de maladie ont pris un caractère commercial qui fait du patient un client.

Q – Quelles sont les principales sources des pressions à la privatisation ?

R – Elles viennent de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Coalition des industries de service américaines (United States Coalition of Service Industries). On milite pour enfoncer toutes les barrières à la libéralisation et donner ainsi l’occasion aux entreprises américaines de s’étendre vers les marchés de soins de santé à l’étranger. On milite pour faire sauter les réglementations jugées excessives en ce qui concerne le secret médical; ainsi, à l’OMC on souhaite reclassifier, du domaine de la santé vers le traitement informatique, les bases de données concernant les patients.

Q – Que pensez-vous de la médecine reproductive ?

R – L’infertilité n’est pas un si grand malheur, et les pouvoirs publics ne devraient pas financer le désir de se reproduire à tout prix. La procréation médicalement assistée est un véritable chemin de croix. Une litanie de manipulations attend la future mère. Inséminations artificielles, prélèvement d’ovules, fécondations in vitro, réimplantation… en fait une hyper-médicalisation douloureuse pour la personne, le couple, l’enfant. Avec le risque de grossesses multiples, de prématurité, de bébés fragiles.

Q – Et de la prématurité ?

R – Certains progrès sont des régressions : en 1960, un prématuré de moins d’un kilo avait 95% de chances de mourir; en 2009, il a 95% de malchances de survivre. Assurer la santé des jeunes mères et de leurs nouveau-nés est infiniment moins onéreux que les acrobaties de la procréation médicalement assistée et des soins intensifs aux prématurés.

Q – Et des fins de vie ?

R – Aux santés défaillantes des riches vieillissants répond une médecine à la fois défensive et vorace qui se nourrit de dépistages, de bilans de santé et de traitements anti-âge. Il est devenu interdit de vieillir. Tant pis pour ceux qui n’entrent pas dans le format, ils n’avaient qu’à se faire dépister pour échapper aux cancers, au diabète, aux maladies cardiovasculaires, aux aléas de la ménopause et de l’andropause, à l’ostéoporose, aux démences.

Nos vieux courent à toutes les consultations, se soumettent à des interventions et avalent des médicaments comme les croyants invoquaient les saints et recouraient aux eaux miraculeuses. Par exemple, prendre une statine quand on ne souffre pas de maladie coronaire revient pratiquement à prendre un placebo qui pèse lourd dans le budget santé, surtout chez les femmes. La longévité dans nos pays fait que l’esprit s’éteint de plus en plus tôt que le corps dont la médecine prolonge la survie.

Q – La chirurgie est-elle parfois inutile?

R – Dans certaines régions, sans aucune raison, on pratique beaucoup plus de thyroïdectomies totales, de chirurgies de l’obésité, d’hystérectomies, de prostatectomies totales.

Q – Quel rôle peuvent jouer les omnipraticiens [NdlR : médecins généralistes] pour protéger leurs patients?

R – Un médecin de famille bien formé, mieux rémunéré et doté de pouvoirs décisionnels pourrait tempérer cette frénésie d’actes inappropriés ou injustifiés. Ce professionnel intègre est pour l’instant encore réduit à clamer dans le désert. Incidemment, ce rôle de « iatroprotection » se dit aussi « prévention quaternaire », concept mis en avant par l’omnipraticien Marc Jamoulle, Belge lui aussi : « Mesures prises pour identifier les patients à risque de surtraitement, de les protéger contre de nouvelles procédures médicales ». Le terme est dorénavant inclus dans le Dictionnaire de médecine générale et familiale.

Q – Que pensez-vous de l’aide à l’observance par des programmes industriels d’accompagnement ?

R – Généralisée et légalisée, cette aide [NdlR: consistant à faire en sorte que les patients « adhèrent » mieux au traitement, qu’ils prennent les médicaments en continu] constituerait une atteinte à la vie privée et aux droits des patients; elle court-circuiterait médecins et pharmaciens. Ces programmes prévoient des relances téléphoniques, des numéros de téléphone sans frais; une ‘éducation personnalisée’; des visites infirmières à domicile. Et ce pour fidéliser la clientèle à la marque et contraindre les patients à suivre les ordonnances.

La législation serait aussi dangereuse pour la santé et les finances publiques que l’est déjà la publicité directe pour les médicaments d’ordonnance qui pollue la relation médecin-patient. Demander aux entreprises de s’occuper d’observance, c’est demander aux loups de garder les moutons. L’industrie concentre ses efforts sur les médicaments nouveaux, pseudo-innovants, mais plus onéreux. Les projets dérivés vont des dépistages à la télévigilance.

[Novartis met au point présentement une « puce dans la pilule » qui communique avec sa jumelle réceptrice implantée sous la peau du patient, laquelle permet le relais à un téléphone intelligent ou un ordinateur. Elle émet le signal de sa présence quotidienne dans l’intestin, c’est en quelque sorte un bracelet électronique médical, à l’instar de celui des criminels en liberté surveillée. On commence par des greffés, où l’observance se justifie médicalement, mais jusqu’où dérivera cette surveillance? – PB]

Q – En 2011, le gouvernement du Canada ne s’oppose toujours pas à l’exportation d’amiante aux Indes, malgré les protestations de centaines de médecins, toxicologues, épidémiologistes et environnementalistes du Québec et du monde entier…

R – Les industries chimiques toxiques, explosives, polluantes sont refoulées vers les pays pauvres, où les lois et règlementations sur la protection des hommes et de l’environnement sont rudimentaires ou monnayables.

Q – Et le tabagisme ?

R – Les cigarettiers peuvent acheter à n’importe quel prix les décideurs politiques : ils le font directement dans les dictatures, ou en finançant les campagnes électorales dans les démocraties.

Q – Et les frites ?

R – En 1960, un cornet de frites commercial faisait 200 calories… pour arriver à 610 calories en 2003, et ce n’est pas fini. Le saupoudrage de sel a aussi triplé…

Q – Pourquoi le fructose est-il ‘le mauvais sucre’ ?

R – Le sirop de fructose (extrait du maïs) a un pouvoir sucrant bien supérieur à celui du glucose de la canne à sucre… on le trouve dans toutes les boissons gazeuses. Mais le métabolisme du fructose diffère de celui du glucose; il augmente : triglycérides, mauvais cholestérol, résistance à l’insuline, et mène au syndrome métabolique, à la stéatose hépatique, au diabète gras.

Q – Que penser des dépistages ?

R – Cesser de fabriquer des malades à force de dépistages, de bilans de santé et d’inventions de maladies réduirait bien des coûts et souffrances inutiles, sans accroître la mortalité globale. Ils font l’objet de promotions à la limite du harcèlement, alors que leur efficacité est controversée. Ils sont la cause de surdiagnostics et de surtraitements. Ils partent de bonnes intentions fondées sur des idées fausses pour parvenir à des résultats absurdes.

Q – Même pour le cancer ?

R – Les études bien conduites et statistiquement significatives n’ont jamais établi que le dépistage réduisait la mortalité globale, quel que soit le cancer ciblé. La plupart des personnes qui se font dépister n’auront jamais de cancer et ne tirent donc aucun bénéfice des dépistages, tandis que d’autres mourront du cancer malgré des dépistages assidus. On dépiste  surtout les lésions à évolution lente… Il en va ainsi de nombre de cancers du sein, du poumon, de la prostate et du côlon.

L’histoire montre une diminution spectaculaire de la mortalité par cancers du corps utérin, des testicules, de l’estomac, de la maladie de Hodgkin… sans doute par modification de l’environnement, du mode de vie, de l’alimentation… Ce résultat n’a absolument rien à voir avec les dépistages, puisque les cancers dont la mortalité a le plus baissé au cours des dernières décennies n’étaient pas dépistés.

Q – Et le dépistage génétique ?

R – Il n’y a jamais qu’un seul gène qui serait impliqué dans le développement d’un cancer ou d’autres maladies non spécifiquement héréditaires et que l’on pourrait dépister pour essayer de les prévenir. Il est trop tôt pour tirer des choix diagnostiques et thérapeutiques individuels depuis le décryptage actuel du génome humain. Un moratoire sur les dépistages des cancers, simultanément à une évaluation rigoureuse de leur efficience, en dehors de toute influence commerciale et politique, s’impose avant des les promouvoir.

Q – Qu’en est-il des bilans sanguins ?

R – Suite à leur mode de calcul, les marges des valeurs de référence rétrécissent sans tenir compte de l’âge ni du mode de vie. Il en va ainsi des glycémies, triglycérides, cholestérols… et autres valeurs fétiches, en sorte que peu de personnes en bonne santé ont la chance d’avoir aujourd’hui un bilan d’apparence normale. Avec les bilans et l’imagerie systématiques, on finit par donner des chiffres ou images hors normes qui rendent anxieux sinon malade.

Q – Et la tension artérielle ?

R – Une pression de 140 / 90 était, jusqu’à il y a peu, normale; elle est maintenant à traiter si la glycémie, le cholestérol dépassent la ‘normale’. Ce n’est pas raisonnable. Pourtant, l’utilisation de la pression artérielle ‘moyenne’ – le tiers de la différence entre systolique et diastolique + la diastolique – mènerait à beaucoup moins de pseudo-hypertendus sous traitement. Au-delà de 80 ans, un sevrage des antihypertenseurs devrait être envisagé systématiquement, pour éviter des chutes, déficits cognitifs ou pertes d’élan vital résultant d’hypotension induite médicalement.

Q – Et les vaccins antigrippaux ?

R – Dans les pays riches, certaines vaccinations à l’efficacité discutable sont encouragées et mises à charge de la communauté : l’influenza saisonnier et le virus du papillome humain (dit HPV). Pour la vaccination contre la grippe saisonnière, aucune étude épidémiologique de grande ampleur n’a démontré à ce jour son impact sur la mortalité globale là où elle est encouragée

Q – Et les antiviraux contre la grippe ?

R – Ils se vendent et se stockent de façon délirante, alors que leur utilité est controversée.

Q – Et la vaccination anti papillomavirus humain ?

R – Ces vaccins [NdlR: Gardasil et Cervarix] abusivement appelés « vaccins contre le cancer du col de l’utérus » ont été mis sur le marché à des prix prohibitifs, et pourtant très vite remboursés dans certains pays riches grâce à un lobbying intensif des firmes pharmaceutiques auprès des ministères compétents. L’efficacité, et en tout cas l’efficience, font toujours débat.

Q – Vous plaidez pour la valorisation de la médecine de première ligne [NdlR : médecine générale] ?

R – L’expérience apprend qu’il est bien plus important et difficile de former un généraliste – alias médecin personnel, médecin traitant, médecin de famille, omnipraticien – qu’un spécialiste. Une médecine de première ligne performante serait le meilleur garant de soins de qualité pour tous et d’une sécurité sociale viable. Les étudiants les mieux classés devraient être sélectionnés pour la formation en médecine générale, on devrait les rétribuer aussi bien que leurs collègues spécialistes.

Il faut valoriser l’acte intellectuel plutôt que les actes techniques, cela vaut aussi pour les spécialistes. [Donc rémunérer aussi bien la prise des meilleures décisions diagnostiques et thérapeutiques, plutôt que rembourser trop généreusement l’accomplissement de gestes techniques (imageries, interventions invasives…) – PB]

Q – Merci Dr Grosjean !

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[Lecture et édition par Elena Pasca]

9 réflexions au sujet de “« Santé, jusqu’où irons-nous? » Entretien virtuel avec Oscar Grosjean”

  1. Bonjour chère Elena.
    Comme beaucoup de vos articles , celui-ci contient quantité d’ observations tout à fait pertinentes.
    Ceci dit, ainsi que résumé dans « les brins du scoubidou »
    http://www.mgbretagne.org/2012/05/les-brins-du-scoubidou/
    on a un problème fréquent avec le système de santé que tout y est étroitement tissé et qu’ on ne peut parler d’ un problème sans en évoquer d’ autres:
    Ainsi, par exemple, peut-on faire l’ impasse sur le fait que le médecin de la première ligne de soins, (le MG) est dans notre beau pays un professionnel micro-auto-gestionnaire (traduisez « libéral ») et qui plus est rémunéré à l’ acte.
    Il fut un temps (sous notre « Ancien Régime », avant 1789) où les magistrats étaient rémunérés par un système assez compliqué:
    http://www.ordre-avocats-rennes.com/articles/Droit_Histoire/Droit_Histoire_2.htm
    toutes choses qui ont bien sûr disparu ensuite et il nous semble complètement naturel qu’un magistrat soit actuellement un fonctionnaire rémunéré par l’ état.
    De même il fut un temps où les commandements militaires, outre qu’ ils étaient réservé aux gens de la noblesse, étaient des charges (ce qui fait qu’on pouvait acheter ou hériter un « brevet » de colonel d’ un régiment), toutes choses qui ont disparu après les guerres révolutionnaires et d’ Empire qui ont montré que des gens d’ extraction tout à fait « populaire » fournissaient aussi de très bon généraux (les armes « techniques » comme la Marine ou l’ Artillerie , nécessitant plus d’ études, étant plus longues à s’ adapter)
    Tout çà pour arriver à ceci:
    Non seulement, bien sûr, nombre de généralistes pensent depuis longtemps que la rémunération à l’ acte est inadaptée et obsolète, mais il est permis de se demander si en fait ce n’ est pas le statut de « libéral » qui l’ est devenu.
    Je me pose simplement la question…
    Et ce n’ est qu’ un élément du bigoudi dont le Dr Grosjean montre d’ autres brins.
    Bien à vous.
    Jeep

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  2. Bonjour Jean-Pierre,
    Ca fait longtemps… Contente de vous lire ici.
    Ce sont les opinions d’Oscar Grosjean, pas les miennes.
    D’ailleurs, dans le mail envoyé à Pierre Biron pour lui dire que le texte était en ligne, je lui demandais – et s’il lit ce commentaire, merci de me répondre ici – si lui-même était d’accord avec tout ce qui était dit dans les livres qu’il nous présente à travers les entrevues virtuelles avec les auteurs, et en particulier dans le livre « Profession Médecin de famille » de Marc Zaffran et dans celui d’Oscar Grosjean, « Santé. Jusqu’où irons-nous? »
    Je pense notamment à l’idéalisation des médecins généralistes, au point d’en parler au singulier, ce qui est déjà un signe. J’ai constaté la même idéalisation partout, y compris lors du colloque « Surmédicalisation, surdiagnostics, surtraitements », où les seuls spécialistes qui avaient à peu près droit de cité étaient les internistes, qui seraient les généralistes hospitaliers, en somme.
    Or l’idéalisation, je la conteste partout, y compris en médecine et concernant les généralistes. Elle nous fait « oublier » trop de choses. La posture victimaire et le complexe d’infériorité chez les généralistes me semblent déplacés, à cause des conséquences sur certains (certains sont aigris, d’autres sont agressifs, d’autres prennent toute critique pour une sorte de lèse-majesté, etc.) On n’en peut plus (moi et mes correspondants, du moins) de les entendre toujours se plaindre de leurs faibles revenus, du mépris dont ils sont la cible, de la charge de travail, etc. Ils se plaignent de tout. On dirait que rien ne leur va.
    Dans la conjoncture actuelle, cela me paraît particulièrement déplacé. Et certains correspondants m’ont raconté que 3/4 de la consultation peuvent passer en plaintes, y compris devant un parent de famille qui crève la dalle au RSA et doit recourir au Restos du coeur pour les enfants…
    Et après, dans les 5 dernières minutes, le généraliste se reprend et dit, sur un ton de reproche: « mais il faut avancer, il y a plein de gens dans la salle d’attente. Qu’est-ce qu’il vous faut? » Comme un vendeur sur le marché: qu’est-ce que vous prendrez aujourd’hui?
    Mais ça peut aller aussi beaucoup plus loin (par exemple dans l’opportunisme).
    Avec moi, c’était des longues discussions – enfin, plutôt monologues – sur les lectures du généraliste d’alors, par exemple. Et comment dire poliment que ses vues philosophiques ou littéraires ne m’intéressent pas? Les monologues sur sa vie privée non plus. (Et je ne parlais pas de la mienne).
    Certes, j’ai aussi une formation psychanalytique (théorique), mais je ne vais pas voir un généraliste (ou autre médecin) pour l’exercer, mais plutôt pour que lui m’écoute sur des questions autres, a priori de sa compétence… Il m’est arrivé de dire à des médecins de prendre rendez-vous chez moi s’ils voulaient parler d’eux 😉 ironiquement, bien sûr, pour les ramener à la réalité de la consultation.
    Un ancien généraliste en particulier a dépassé les bornes. Il était fier d’être mon médecin, comme si cela avait quelque chose à voir avec le blog… et l’avait dit à d’autres collègues et à son entourage, en violation du secret médical. Affirmant aussi qu’il contribuait à des articles, alors que cela n’a jamais été le cas. Je n’ai jamais demandé conseil, ni n’ai fait relire l’un de mes textes par quelqu’un d’autre. (Mais j’ai fait de la relecture, corrections, conseils, etc. pour d’autres).
    Et comme les dires et vantardises non fondées de ce généraliste ont eu des conséquences et qu’il passait plus de temps en consultation à me demander comment il pourrait s’associer à Pharmacritique, etc., il a fallu réagir. Il m’avait proposé de figurer comme co-auteur pour l’ensemble de Pharmacritique, parce que, disait-il, même s’il n’a jamais contribué en quoi que ce soit, ni écrit une seule ligne, « le message passerait mieux s’il y avait un médecin comme co-auteur, garantie de sérieux et de rigueur scientifique »!
    J’ai dû lui rappeler clairement que nous ne sommes pas des potes, ainsi que le sens du mot « indépendance », etc. Quant à son travail proprement dit, comment pourrais-je admirer les généralistes, alors que c’est moi qui le faisais. S’il fallait une lettre, je la faisais et la lui envoyais par mail (je les ai toujours, d’ailleurs); il faisait un copier/coller et la signait. Etc. Côté compétences, il confondait un certain nombre de choses me concernant.
    Mais je dois dire que, côté compétences, je n’ai pas eu de chance avec les généralistes, et avec la médecine libérale en général.
    Assez parlé d’expériences personnelles, même si elles ont un rapport avec Pharmacritique et avec les questions qui devraient être posées ouvertement:
    -relation médecin /patient (une trop grande familiarité ou d’autres aspects)
    -respect du secret médical,
    – erreurs médicales,
    – compétences des médecins (libéraux et autres, bien sûr), etc.
    Renforcer le rôle et le pouvoir du généraliste: une bonne idée?
    Pas sûr.
    Je corresponds depuis des années avec des usagers de 7 pays, particulièrement avec des victimes d’erreurs médicales, d’effets secondaires de divers médicaments, etc. Dans les pays où les généralistes ont beaucoup de pouvoir – sans le « referral » donné par eux, les gens ne sont pas remboursés du tout -, ça ne se passe pas très bien, notamment dans les affections un peu compliquées. Si le généraliste se trompe et persiste à refuser de donner un « referral » pour un spécialiste ou à explorer lui-même le cas, c’est le calvaire pour les patients en Grande-Bretagne, par exemple…
    Donc je ne suis pas favorable non plus au système du médecin traitant, qu’il soit généraliste ou autre, dès qu’il a un pouvoir de « blocage ».
    Heureusement, en France, on n’est que peu pénalisés si on le contourne. D’ailleurs, le nomadisme médical est d’ordre de 0,02% (chiffres de 2008, de mémoire). Pour ce qui me concerne, j’avais trouvé les spécialistes hospitaliers avant d’avoir le médecin traitant (dont les contacts spécialistes libéraux ont tous fait preuve d’incompétence me concernant). Et ce sont les spécialistes hospitaliers qui gèrent, sans passer par le généraliste.
    (Suite dans le prochain commentaire)

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  3. Quelques petits points:
    Je comprend que l’ idéalisation – comme vous dites- des MG vous irrite. En fait le problème vient, déjà de la tendance à la globalisation , autrement dit, dire LES généralistes;
    Tendance qui n’ est que trop humaine et probablement en partie inévitable (comme on dit LES anglais, LES psychanalystes, LES travailleurs immigrés etc…), alors qu’on ne devrait essayer de paler de tel ou tel sous-groupe, voire plutôt de tel MG – et encore: tel MG , tel jour où il était plus ou moins en forme, avec tel tel patient, pour tel problème-
    Concernant en particulier le groupe humain professionnel des MG, un problème (qui est d’ailleurs un autre « brin » du bigoudi) qui nous est particulier, c’ est la grande hétérogénicité des pratiques – et , partant de là, des personnalités qu’ elles sélectionnent-, il y a certes des MG des villes et des MG des champs, mais aussi des MG de « stricte obédiance EBM » et d’ autres qui admettent un peu, beaucoup de techniques non académiques (acu, ostéo, homéo) , voire qui les pratiquent tellement qu’ onpeut hésiter parfois à les ranger dans le groupe « MG »;
    Il y en a qui confient leur FMC à la Revue Prescrire et à quelques sources étrangères sans lien d’intêret, et parmi eux certains qui ne reçoivent même plus les labos, et d’ autres qui ne voient encore aucun inconvénient à voir d’ accortes jeunes femmes les inviter à des agapes gratuites pour leur présenter tel ou tel produit.
    Enfin trouvez-moi beaucoup de groupes professionnels qui n’ aient pas tendance à s’auto-protéger, à avoir du mal à reconnaitre ses erreurs.
    En plus – puisque vous êtes de formation psychanalytique vous devez le comprendre- faire un métier à haut niveau d’incertitude (quand on connait tous les points discutables que contient la médecine) où, in fine, on a quand même en charge la santé et la vie d un être humain, et EN PLUS où il faut , comme dans le système français, « gérer sa boutique », çà necessite et donc çà sélectionne des egos assez fort.
    Ce n’ est pas simple du tout
    (pauvre, pauvre ministre chargé de prendre des décisions dans ce domaine(;-))
    Jeep

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  4. Bonjour Jean-Pierre,
    Merci de votre réponse – et de ne pas m’avoir catalogué vite fait anti-médecine, comme c’est déjà arrivé (des médecins qui refusent tout débat, toute critique, en particulier de la part d’un non médecin, ce qui me fait durcir le ton).
    Nous sommes d’accord, bien entendu: les généralistes sont très hétérogènes. Je parlais justement de la même chose, d’une autre façon, en critiquant l’expression courante dans les livres ou les articles qui idéalisent en créant une entité abstraite « le médecin généraliste » (LE médecin de famille, etc.) au centre du système de soins, etc. Comme on parlait jadis de LA femme, la condition de la femme, alors que cela n’existe pas, tellement les personnalités, les pratiques, les contextes sont pluriels, différents…
    Bref, une abstraction parée de tous les vertus pour laquelle on demande toujours plus, c’est à mon avis le meilleur moyen d’obtenir le contraire: agacer par la posture victimaire, la réclamation de toujours plus d’argent, etc. C’est en lisant la presse poubelle, qui parle fric à longueur de colonnes, en écoutant mon généraliste et en écoutant plein d’autres patients qui entendent les mêmes plaintes, parfois indécentes (comme face à des patients pauvres qui crèvent la dalle) – c’est comme ça que j’ai commencé à en avoir marre.
    Il faudrait que j’en dise un peu plus un jour sur mes expériences, qui expliquent une partie du ton critique: depuis près de 10 ans, j’interviens pour écouter, aider, conseiller, etc. des patients maltraités et mal traités par les médecins. Il s’agit d’erreurs médicales de toutes sortes; effets indésirables non reconnus; écoute inexistante; relation médecin/patient comme rapport de pouvoir, avec des patients soumis, intimidés, voire sortant en pleurs; médecins particulièrement arrogants, voire même odieux; quasi chantage pour aller se faire opérer en privé (et payer des dépassements d’honoraires…); quasi chantages pour prendre tel médicament, autrement, le chirurgien n’opère pas (généralement, le médecin qui impose tel médoc est consultant pour le laboratoire qui fabrique ce dernier); misogynie médicale sous des formes très diverses; psychologisation abusive qui sert d’alibi lorsque les médecins ont mal fait leur travail; situations bloquées par cette « solidarité » des médecins qui se couvrent – et cela pose d’énormes problèmes dans des petites villes où ils se connaissent tous, par exemple…
    Etc.
    Ce sont des cas très divers, hommes, femmes, parents d’enfants, et des maladies très diverses.
    je dialogue aussi avec des usagers et patients de divers pays, comme avec des professionnels de santé.
    Vous comprenez que mon point de vue n’est pas celui d’un naïf et que la dureté de mon ton n’est rien par rapport à ce qu’endurent les personnes que j’écoute…
    Et mes expériences personnelles s’ajoutent à cela: erreurs médicales en série; tous les médecins libéraux en ont fait. Au point où, après avoir changé je ne sais combien de médecins, tous plus médiocres les uns que les autres (pour rester polie), après perdu beaucoup beaucoup de temps à écouter beaucoup beaucoup d’inepties (heureusement que je n’ai pas donné suite) et à me voir prescrire n’importe quoi (je ne prenais pas les médocs), j’ai dû à un moment donné les envoyer balader et me mettre à apprendre et à chercher.
    C’est moi qui ai posé tous les diagnostics et trouvé les médecins les plus susceptibles de m’orienter vers ceux capables de prendre cela en charge; mes diagnostics ont tous été confirmés.
    Mes relations avec mes médecins, trouvés peu à peu, sont excellentes.
    (Précision par rapport à ma réponse précédente: Lorsque je disais que je ne veux pas qu’ils soient des potes et qu’ils prennent RV s’ils veulent me parler d’eux, c’est bien évidemment pour ce qui dépasse certaines limites, comme me parler de leurs problèmes intimes, etc. Autant le préciser. Autrement, je m’adapte; certains parlent d’eux, d’autres moins. Mais le généraliste évoqué dans un commentaire passé avait dépassé toutes les bornes).
    Mes médecins actuels sont tous conscients des travers de leurs confrères et en parlent ouvertement. Ils ont certaines qualités en commun, tout en étant très différents par ailleurs.
    J’ai quand même un médecin libéral, qui s’était lui aussi trompé sur mes soucis de santé (certes très compliqués), mais sans être arrogant et sans clore la discussion, donc nous avons continué, alors que j’ai changé les autres. C’est lui qui fait office de médecin traitant.
    J’en viens ainsi à ce que vous disiez de l’incertitude, etc. Pour ma part, je n’attends pas d’un médecin qu’il soit omniscient et m’offre la solution, en prenant tout seul la responsabilité. Loin de là.
    Mais j’attends qu’il assume ses actes, dise « je ne sais pas », cherche avec moi s’il y a quelque chose à chercher (habituellement, je suis bien informée, donc on peut dialoguer). La décision m’appartient. La capacité à s’excuser est importante, tout comme l’absence de relations de pouvoir (je fais ce qu’il faut si cela arrive).
    Je ne considère donc pas, comme vous, que le médecin a la « charge de la santé et de la vie d’un être humain », à moins qu’il s’agisse d’un patient inconscient dans le coma, en soins intensifs. Autrement, si vous avez des patients qui veulent vous laisser toute la charge et toute la responsabilité, c’est à vous de dire non, de les aider à s’éduquer de façon à pouvoir partager les décisions et la responsabilité.
    Donc justifier les egos forts par cette charge (et les autres) ne me paraît pas suffisant. En tout cas, je n’accepte pas cette explication. Ce serait mieux pour tous, médecins comme patients, que les patients aient une éducation critique à la santé, pour que puissent être « transplantées » et enracinées en France aussi certaines « valeurs » éthiques anglo-saxonnes:
    – shared decision-making
    – empowerment
    – patients’ values and preferences
    Le consentement mutuel n’est rien en comparaison…
    Si les charges sont trop importantes – éternelle plainte des médecins libéraux – eh bien, il a le salariat. Je l’ai dit plus d’une fois: si la médecine libérale a tellement de tares et mécontente tout le monde, pourquoi la garder? Il n’y a aucune raison, bien au contraire.
    (Suite)

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  5. Quant à l’auto-protection des groupes professionnels, il me semble que ça va quand même trop loin avec le Conseil national de l’Ordre des médecins qui prétend autoréguler la profession, au point de faire parfois barrage à la justice, etc.
    J’ai longuement critiqué l’ordre des médecins dans des articles et commentaires. Il ne devrait pas exister. L’ordre des médecins – et tous les ordres et corporations, d’ailleurs – est une négation des lois républicaines, depuis la loi Le Chapelier de 1791. Il fait beaucoup plus de mal que de bien aux médecins eux-mêmes, en particulier par ses liens intimes avec l’industrie pharmaceutique, dont il a toujours voulu garder l’argent.
    Il y a trop de comportements réflexes consistant à faire de la santé une sorte de chasse gardée, une forteresse dont les citoyens seraient exclus, où ils n’auraient rien à dire, sauf à avaler les pilules et à payer.
    Je constate souvent les conséquences de ces préjugés, de cette arrogance tellement répandue et enracinée qu’elle n’est même plus perçue comme telle. C’est très français. Nulle part ailleurs, on ne m’a traitée de la sorte, comme si je devais me limiter à servir de perroquet au discours fait par des médecins, à être l’usager alibi dans une association médicale, par exemple, à servir de panneau publicitaire à telle association ou organisation, etc. On attendait de moi que je me laisse formater, que j’accepte que mes textes (pas ceux sur Pharmacritique, fait justement pour que je puisse m’exprimer librement) soient formatés, modifiés, etc. par des médecins, et même publiés modifiés, sans mon accord… Et ça paraissait dans l’ordre des choses, puisque les médecins savent, eux.
    C’est incroyable, tout ce à quoi j’ai eu droit pour avoir refusé de publier des textes, refusé que tel auteur voulant publier ici me traite comme une secrétaire, m’en veuille (et se répande même en calomnies) pour avoir refusé des textes, corrigé des erreurs (le docteur CMT confondait syndrome de Guillain-Barré et sclérose en plaques, par exemple, et elle persistait, malgré ma correction faite très diplomatiquement), puis refusé de publier tout court et rompu les relations.
    Il faudra un jour que je détaille tout ce qu’il y a eu (insultes, calomnies, injures, dénigrements, faits inventés, etc.), d’autant que j’ai gardé tous les écrits et tous les mails. Mais j’ai la nausée rien qu’en pensant à descendre dans ce caniveau, alors je laisse dire pour le moment.
    Vous parlez d’egos forts… Il y a des limites, quand même. Ils ont les mêmes devoirs éthiques et moraux.
    Ah oui, il ne faut pas oublier les syndicats médicaux. A l’exception de quelques-uns, rarissimes (SMG, par exemple), ils ne parlent que d’argent. J’avoue même avoir évité de saluer et de serrer la main de Michel CHASSANG, président de l’un des pires et des plus voraces syndicats: la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) et vice-président de l’Union Nationale des Professionnels de Santé (UNPS), Président de la Commission Paritaire Nationale de la Convention Médicale, etc.
    On comprend qu’avec Michel Chassang responsable de la convention médicale, les médecins libéraux négocient uniquement des incitations financières (pour faire leur travail !), comme les 9.100 euros supplémentaires de paiement à la performance.
    J’ai été invitée en octobre dernier par le syndicat CFTC à débattre avec Jocelyn Courtois, responsable du Département médicaments et produits de santé de la Sécurité sociale, dans le cadre des journées de formation de la CFTC. En sortant, j’ai croisé Michel Chassang qui attendait que nous sortions de la salle pour y entrer avec ses interlocuteurs. Nous nous sommes regardés, mais lui serrer la main aurait dépassé ce que je peux accepter par politesse.
    Et vous, avez-vous accepté la nouvelle convention, comme la grande majorité des médecins? Quelles sont vos raisons?
    Vous évoquez ma formation. Je suis philosophe et germaniste, avec d’autres activités (journalistiques, de traduction, etc.) et centres d’intérêts. Il s’agit d’une philosophie sociale (voyez ma réponse à Lionel, dans un commentaire récent), c’est-à-dire que le cursus classique que j’ai choisi dans le cadre de l’Ecole de Francfort comprend toute la philosophie et les sciences sociales; j’ai beaucoup travaillé en psychanalyse et ai une formation théorique, mais pourrais travailler dans n’importe laquelle des sciences sociales. C’est l’analyse interdisciplinaire de tel fait social qui est passionnante, le fait de pouvoir passer de l’une à l’autre, etc. Je devrais appliquer cela sur Pharmacritique et revenir à des sujets philosophiques, d’ailleurs.
    Vous disiez que je devrais comprendre ce qu’il en est des egos forts, par cette formation psychanalytique.
    J’évoquais mes échanges avec des professionnels de santé de plusieurs pays, autour des points communs (dans la critique du complexe médico-pharmaceutique, etc.) Outre cela et outre les nombreux médecins que j’ai vu en tant que patiente ainsi que pour d’autres patients, j’ai connu beaucoup de médecins, dans un contexte familial et personnel. Comme vous dites, je pourrais probablement écrire des livres entiers sur leur psychologie, celle des musiciens (et dans une moindre mesure, celle des journalistes).
    Les médecins généralistes sont les moins présents parmi ces connaissances et amis actuels ou passés. C’est peut-être un biais, qui sait… Pratiquement tous sont (ou étaient) des hospitaliers. J’ai profité d’un très long séjour en Allemagne pour couper les ponts avec un certain nombre d’entre eux, et ce n’est pas plus mal.
    Ces détails pour vous dire que je ne parle pas sans connaître…
    Au plaisir de vous lire,
    [Modifié le 11 juin pour effacer des détails trop personnels (sur ma santé…)]

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  6. « Et vous, avez-vous accepté la nouvelle convention, comme la grande majorité des médecins? Quelles sont vos raisons? »
    Une petite précision s’impose:
    Comme la précédente, la convention signée en 2011 comprenait un volet d’ intéressement financier du médecin à certains types de résultats (dont le détail m’amènerait un peu loin), appelé outre-atlantique et outre manche « P4P » pour « pay for performance ».
    En revanche, si la précédente convention nécessitait un volontariat actif du médecin (autrement dit il fallait signer un truc ) pour participer à ce volet « P4P »,
    la nouvelle convention , au contraire, en a fait un choix « par défaut », SAUF SI le médecin manifestait par lettre recommandée à la sécu de NE PAS y adhérer, avec un délai assez court de réflexion. Et une fois laissé passé ce délai le choix d’ adhésion « par défaut  » devenait irréversible;
    Il était donc en revanche possible d’adhérer à cette convention (et donc que les patients soient dûment remboursés) sans pour autant adhérer à ce fameux volet P4P.
    Ca été, très personnellement, mon choix.
    J-Pierre

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  7. Bonjour Jean-Pierre,
    Bravo et merci d’avoir refusé ce « marché » inacceptable!
    Pardon, je me suis mal exprimée. La question portait uniquement sur le volet paiement à la performance, pas sur la convention en tant que telle. Je connais un certain nombre de détails, grâce à la lecture de ce blog que je conseille à tout le monde:
    « Les médecins qui refusent la prime Sécu »
    http://www.les-medecins-qui-refusent-la-prime-secu.org/
    Merci à Dominique Dupagne, qui l’a mis en place et a écrit cet article:
    http://www.atoute.org/n/article218.html
    Pour ceux qui veulent avoir d’autres informations, j’ai abordé l’échec du paiement à la performance en Grande-Bretagne (dans le cadre de la privatisation rampante du National Health Service) et la méfiance au Canada dans cet article de juin 2009:
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2009/06/18/la-privatisation-du-systeme-public-de-sante-et-de-soins-la-c.html
    Et j’ai pesté maintes fois contre feu le CAPI (contrat d’amélioration des pratiques individuelles).
    Mon avis sur la prime actuelle est dans les commentaires à la suite de cet article (en réponse à Tiameo Tuarau, à qui je souhaite bon courage dans la négociation de la nouvelle convention en Polynésie):
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/04/25/programme-du-colloque-surmedicalisation-surdiagnostics-surtr.html
    Mais il faudrait faire un article, au moins pour relayer les contenus du blog « Les médecins qui refusent la prime Sécu ».
    Les médecins devraient afficher cela dans la salle d’attente. A mon sens, c’est un conflit d’intérêts. Ethiquement inacceptable. Par certains aspects, c’est comme nous traiter comme du bétail, par classe d’âge et par pathologie, par taux de procédures à appliquer.
    Encore une fois: bravo! Chapeau bas pour avoir refusé la prime!
    Si cela vous dit de faire un article à ce sujet, je serais ravie de le publier. Regardez la liste des auteurs invités: vous seriez en bonne compagnie.
    Et chapeau au SMG (Syndicat de médecine générale), qui a refusé le paiement à la performance (comme le secteur optionnel et d’autres dérapages). Le SMG se distingue une fois de plus dans ce paysage des syndicats médicaux qui ne pensent qu’à l’argent. Car je n’oublie pas non plus comment les syndicats médicaux ont négocié le prix de chaque acte de vaccination contre la grippe AH1N1, au lieu de refuser net, au nom du seul intérêt qui vaille dans ce domaine: celui de la santé des patients et de la santé publique.
    *
    Dans un tout autre registre, merci d’avoir lu le reste; je me suis défoulée, pour une fois. Il faut dire, comme circonstance atténuante, que je n’entends que les histoires de dégâts médicaux, d’erreurs médicales et d’effets indésirables, de souffrances des victimes et de leurs proches. La face sombre de la médecine, celle dont presque personne ne parle. Et j’ai eu mon lot aussi.
    De plus, je venais d’avoir quelques très mauvaises nouvelles de trois correspondantes (iatrogénie médicamenteuse aux conséquences dramatiques).
    C’est à se demander si ce ne sont pas des médecins extraterrestres qui seraient responsables de tout cela, puisque, à lire la blogosphère médicale, tous les médecins sont sans reproche. Personne ne revendique les erreurs, et rares sont les médecins qui doutent vraiment. Il y avait un article sur un site anglophone, intitulé simplement « Sorry works », que je voulais relayer (mais la liste est tellement longue…). Le mot « excuses » semble disparaître du vocabulaire des médecins lors de leurs études.
    Je n’ai aucun « blindage », puisqu’il ne s’agit pas d’une écoute professionnelle. Il y a des moments où la coupe est pleine, à entendre tout cela. Et je tiens à l’expression spontanée de la révolte contre tout ça. Lorsque je ne réagirai plus, c’est que j’aurai perdu ma sensibilité face à la souffrance de l’autre (pensez à Lévinas…)
    D’autre part, j’ai aussi connu un système entièrement différent, qui se distinguait en particulier par une qualité excellente de la relation médecin/patient. C’est crucial, à mes yeux.
    Vous ne serez donc pas étonné de lire à quel point j’apprécie les écrits de Claude Béraud et de Marc Zaffran. Je n’ai pas vu d’autres qui soient à la même hauteur, dans les écrits, du moins, même si cela existe certainement dans la pratique. Mes propres médecins excellent de ce point de vue aussi, et je leur dis à quel point ils sont exceptionnels, professionnels au sens anglo-saxon, qui inclut toutes les dimensions (éthique, humaine… en plus de la maîtrise technique. Mais il a fallu les chercher, et tout le monde n’a pas la même chance, et pas le même choix non plus…
    Cordialement

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  8. Bonjour Eléna,
    Le traitement à la performance, c’est le beurre sur les épinards de certaines entreprises, comme Cegedim http://www.cegedim.fr/Pages/default.aspx
    Page 3 du rapport :
    « Perspectives 2012 Dans les prochains mois, Cegedim va bénéficier :
    • Du lancement de nouveaux produits innovants ;
    • De la généralisation, pour les médecins, des politiques du paiement à la performance, en particulier en France ;
    • De la dynamique commerciale engagée en 2011 dans les offres CRM, Compliance et OneKey ;
    • De la révolution du contrôle des droits en ligne pour l’assurance santé ;
    • De la poursuite, en interne, du Plan d’Amélioration de la Performance.
    Ces facteurs impacteront positivement le chiffre d’affaires et l’EBITDA consolidés du Groupe à partir du second semestre 2012. »

    Cliquer pour accéder à Cegedim_CA_1T2012_FR.pdf

    Rapport financier semestriel au 30 juin 2011 :

    Cliquer pour accéder à RFS-2011-VF%20du%2022-09-2011.pdf

    Plus besoin de visiteurs médicaux, la promotion se fait directement sur les écrans de veille publicitaire (9 000 médecins équipés) :
    http://www.cegedim.fr/solutions/Sciences-de-la-vie/Opt-Sol-Pharma/Pages/Medexact.aspx
    Cibles marketing : Métiers : professions libérales, administrations, élus.
    http://www.cegedim.fr/solutions/tous-secteurs/MarkDirect/Pages/default.aspx
    RNP, Réseau National de Promotion, est la référence française de la publicité sur le lieu de vente dans le circuit pharmaceutique et parapharmaceutique
    http://www.cegedim.fr/solutions/Sciences-de-la-vie/Opt-Sol-Pharma/Pages/RNP.aspx
    La santé passe par Cegedim
    http://www.cegedim-cd.com/Prospecter/Pages/Medecins-et-Professionnels-de-sante.aspx
    Partenariat avec SANOFI :

    Cliquer pour accéder à CegedimRM_SanofiRenewalMI_040612_eng.pdf

    La santé, tout le monde a à y gagner, sauf les patients…… !!
    Bien cordialement.

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  9. Bonjour Chantal,
    Merci pour tous ces liens. J’ai vu sur le site de Cegedim que leurs logiciels sont déjà adaptés aux « critères » du paiement à la performance. Quelle réactivité! De quoi faciliter la tendance au traitement quasi automatisé des patients, par pathologie, tranche d’âge et demandes d’examens et de vaccins par la Sécurité sociale. Un peu comme du bétail (pardon pour la répétition).
    Vous dites que « la santé, tout le monde à y gagner » Comment pouvez-vous penser cela un seul instant ? ;)) Tout le monde est désintéressé. A part les revenus décents, personne ne va chercher autre chose.
    On ne devrait même pas parler d’industries de la santé, de complexe médico-industriel, de conflits d’intérêts, des gains des assureurs, etc.
    L’acceptation aussi large du paiement à la performance par les médecins n’a aucune raison financière, c’est exclusivement dans l’intérêt de la santé du patient. Comment pourrions-nous ne serait-ce que poser la question ? A la rigueur, si des médecins posent ce genre de questions, on peut applaudir. Mais que des usagers posent des questions et fassent des remarques, c’est inacceptable, Chantal. Où va-t-on comme ça? Faisons notre mea culpa, vous et moi et tout ceux qui sont sortis de leurs rôles ;))
    Cordialement

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