Surconsommation de psychotropes en France : leçons à tirer sur la société, le modèle néolibéral et le dévoiement de la médecine

Y aurait-il une « épidémie de dépression » en France?

C’est discutable, puisque

« La prévalence du taux de dépression en France dans la population générale varie de 5,8 à 11,9 %. » La France n’en détient pas moins le record mondial de la consommation de médicaments psychotropes (antidépresseurs, hypnotiques, anxio-lytiques). Le chiffre d’affaires des antidépresseurs a été multiplié par 6,7 entre 1980 et 2001. Cette tendance serait à la hausse, en dépit de contestations fréquentes sur l’efficacité et l’innocuité. Ainsi, par exemple, du risque de suicide associé aux antidépresseurs chez les enfants, rendu public ces derniers mois. Les pouvoirs publics s’inquiètent plus généralement de la multiplication des prescriptions non justifiées sur le plan médical et de la chronicisation des traitements. »

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Même si elle contribue fortement par ses stratégies marketing, et notamment le disease mongering, l’influence sur l’information médicale et du grand public, l’influence sur la formation médicale continue, etc., l’industrie pharmaceutique n’est pas la seule responsable, comme le dit le succinct article Antidépresseurs : un choix collectif ?, publié par Hélène Vaillé dans la revue Sciences Humaines et dont sont extraits ces quelques fragments.

Malaise social, fragilité des jeunes, remplacement de l’alcool par les antidépresseurs, mauvaises habitudes ou encore « des éléments culturels comme la pauvreté des régulations collectives, le faible support du groupe, les insuffisances de la médiation sociale » font partie des explications avancées. Cela dit, « la plupart des spécialistes admettent l’action conjointe de l’ensemble de ces facteurs ».

L’auteure note que les surprescriptions et la surconsommation se font sans fondement scientifique:

« Le besoin de soins pour ce trouble reste mal évalué. La fixation du seuil de pathologie a ici, en effet, quelque chose d’arbitraire, tant il est difficile de distinguer les réactions homéostatiques normales de tristesse des états dépressifs proprement dits. Les études épidémiologiques pour cette pathologie sont par conséquent peu nombreuses, difficiles à mettre en œuvre et souvent discutées. Leurs résultats varient beaucoup d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre ».

J’ai parlé dans plusieurs notes de la « marchandisation de la dépression » et des psychotropes en tant que moyens de régulation non de l’humeur, mais de la société… Régulation faite par une médecine qui remplit un rôle de normalisation, d’uniformisation et de contrôle social, en fonction de la logique sociétale-économique dominante. Le dévoiement de la psychiatrie, illustré surtout par ce roman qu’est le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) a ouvert la porte aux dérives, sans parler de ses conflits d’intérêts.

Et Hélène Vaillé de se demander avec Claude Le Pen si médecins et médicaments ne sont pas en train de devenir des régulateurs sociaux, des « tuteurs qui lissent entièrement notre vie », médicalisent à l’infini (Michel Foucault), nous rendent adaptables à souhait et nous « débarrassent » des dilemmes constitutifs de notre psychisme et de la socialité. Thèmes largement abordés sur Pharmacritique.

Elena Pasca

2 réflexions au sujet de “Surconsommation de psychotropes en France : leçons à tirer sur la société, le modèle néolibéral et le dévoiement de la médecine”

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