« Redéfinir l’endométriose à l’âge moderne » par le Dr David Redwine. En finir avec les préjugés de maladie des règles, chronique, incurable et à médicamenter

En juillet 2011, j’ai posté sur cette page la traduction d’un texte du Dr David Redwine que tout le monde devrait lire: Redéfinir l’endométriose à l’âge moderne. Précédé par un exposé détaillé de mon approche de l’industrie de l’endométriose, évoquant quelques-unes de mes batailles depuis le début des années 2000. N’en déplaise à ceux qui s’érigent en lanceur d’alerte, en France, il n’y avait alors que EndoFrance et moi, et nous étions sur des positions divergentes.

Ici, je reposte la traduction du texte du Dr David Redwine, après une première partie dans laquelle j’actualise mes approches.

Tous ces points sont abordés en détail dans mon livre en libre accès, paru en novembre 2016 et mis à jour jusqu’à la mi-février 2018. C’est le fruit de mes enquêtes et batailles depuis près de 15 ans. Mon travail part des aspects techniques abordés par le Dr David Redwine, mais pour aller bien au-delà. J’apporte une approche originale et globale sur le business de l’endométriose et sa chronicisation, ainsi que des analyses de détail de ses stratégies, ses discours, ses acteurs et moyens de diffusion et d’influence. Côté médico-pharmaceutique, naturo-holistique, psychanalytique, etc. Sans oublier les traitements et leurs effets indésirables, objet de l’association de victimes AVEAG que j’ai fondée en 2006.

Les autres textes sur l’endométriose et son business sont accessibles depuis la liste alphabétique des catégories, en descendant sur cette page.

Sur Pharmacritique, une première synthèse de mes divers articles et démarches date de 2008, sous le titre « L’industrie du cancer, modèle du business de l’endométriose chronicisée. Yellow-washing médico-industriel, psychanalytique, naturopathique, communicationnel… »

Mon analyse de la marchandisation et chronicisation est exposée aussi en 2009, par exemple dans cet article qui cite et traduit les propos du prix Nobel Richard J. Roberts: « Chroniciser les maladies est plus rentable que les guérir »… Propos que j’applique à l’endométriose, toutes différences gardées.

Des textes plus anciens sont sur le blog, entièrement rédigé par moi, de l’association AVEAG des victimes Enantone, Decapeptyl (que j’ai fondée en 2006). Et sur les divers supports tels que forums, débats, interventions médiatiques, etc.

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Les trois piliers de la médicalisation des femmes et de la chronicisation de l’endométriose

Marie-Anne Mormina a publié en 2015 un livre appelé La Maladie Taboue, utile et bien fait, semble-t-il, et qui renvoie à moi pour les sujets polémiques tels que le business, la psychologisation et les effets indésirables des médicaments. Or ce n’est pas l’endométriose qui est taboue, mais son traitement curatif et tout le business qui l’empêche. « Tabou », les « héros » qui « brisent les tabous » et « sortent l’endométriose de l’ombre » alors que personne n’en parlait et ne faisait des recherches avant, voilà des éléments de langage destiné à donner l’illusion que la communication et médiatisation actuelles sont informatives, se font dans l’intérêt de la santé des femmes, en rupture avec le passé. Or c’est l’involution que l’on constate, de plusieurs points de vue.

Évidemment, chacun de ces complexes doit être pensé avec ses satellites et sachant qu’il y a des recoupements entre les trois:

  • Complexe médico-industriel et scientifique conventionnel, sous contrôle des industriels pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux, et des leaders d’opinion médecins bombardés experts grâce à la communication,etc.
  • Complexe naturo-psycho- holistique (autour des deux pôles majeurs que sont les pseudo-médecines douces genre naturopathie, et la psychanalyse. Les deux tout aussi arbitraires scientifiquement)
  • Complexe communicationnel, médiatique, publicitaire et du lobbying

Autrement dit: les « industries de la santé » (sic) et ceux qui font leur promotion, diffusent l’idéologie consumériste et l’individualisme néolibéral, fabriquent et manipulent l’opinion.

Le mois de mars pour parler de l’endométriose confirme encore plus la désinformation : ce serait une maladie exclusivement féminine, liée aux règles, chronique et incurable (voir le début du documentaire de Claire Chognot, « L’endométriose. Une maladie sort de l’ombre », de 2015). Tout cela est faux. Et si l’on sort l’endométriose de l’ombre de cette façon, c’est seulement pour la chroniciser, pour une marchandisation qui étend le marché et nous transforme en otages et pigeons à vie de tous ceux qui vivent de l’industrie de l’endométriose et peuvent faire du business seulement si la maladie n’est pas guérie ou du moins améliorée de façon significative et durable.

La désinformation, le discours chronicisant, commence par ce véritable préjugé d’un lien avec les règles, et tout le reste suit, comme les dominos qui tombent: l’endométriose serait une « maladie des règles », nous dit carrément Martin Winckler (parmi tant d’autres) dans son livre de 2007 sur les règles. Ce sont là les auteurs qui ont de très bonnes intentions, mais sont influencés par le discours ambiant.

Or l’endométriose arrive chez des femmes qui sont nées sans utérus, est retrouvée par autopsie chez des foetus féminins ou alors chez des nourrissons de quelques mois à peine, comme on le voit avec les études du Dr David Redwine et du Pr Pietro Signorile. On retrouve des lésions chez des foetus dans les mêmes localisations et dans les mêmes pourcentages que chez la population féminine adulte. Et chez les hommes aussi, qui n’ont pourtant pas de règles car pas d’utérus, comme je l’écrivais en 2007 aux organisations médicales, à des leaders d’opinion, à des journaux médicaux qui continuaient à publier sur le sang menstruel qui refluerait par les trompes vers le pelvis…

Et évidemment, l’ironie cinglante de mes propos visait aussi les publications par ces mêmes organisations de textes des Dr Jean Belaisch et Alain Audebert et du psychanalyste Jean-Michel Louka, tous promus aussi par EndoFrance. Ils psychologisent l’endométriose à partir des mêmes clichés des règles, et finalement, de l’utérus selon la misogynie et gynophobie psychanalytique. Voir mon autre article de 2011, que j’ai écrit comme première partie à un texte du Dr David Redwine dénonçant la recherche d’explications psychiques pour les douleurs pelviennes. Sous l’influence de la psychanalyse et de la misogynie médicale et culturelle.

J’y parle de ma campagne contre la psychologisation, qui a obtenu plusieurs choses, parmi lesquelles l’arrêt de publication de textes taxant l’endométriose (et d’autres maladies) d’hystérie, l’arrêt de la mise en place d’une consultation publique pour ce psychanalyste dans le centre de traitement de l’endométriose de l’Hôpital Cochin, qui aurait signifié d’intégrer l’approche misogyne dans le schéma de traitement multidisciplinaire de cette maladie… Voir aussi le chapitre 11 et 12 du livre en libre accès.

J’ai conseillé à ces chers médecins d’aller faire un stage chez le Dr David Redwine et chez le Pr Marc Possover, pour apprendre à faire de l’exérèse en mesure de guérir l’endométriose, au lieu de pratiquer des chirurgies incomplètes sous Decapeptyl ou Enantone et de se servir des clichés misogynes comme alibi: ils ont bien travaillé et donné les bons traitements, mais si les femmes souffrent toujours, c’est parce que c’est dans la tête…

Endometrial-like tissue, c’est un tissu semblable à l’endomètre, mais ce n’est pas de l’endomètre qui serait ectopique (hors de sa localisation habituelle dans l’utérus, appelée endomètre eutopique). Les publications médicales désinforment, de même que les associations de patientes et les vidéos et articles de blogueuses ayant des bonnes intentions mais donnant des fausses informations et faisant des erreurs aux conséquences graves. Ainsi, sur « Endométriose, mon amour », Marie-Rose Galès parle de « tissu utérin » hors de l’utérus, en renvoyant à un dossier de l’INSERM. Quel dommage qu’elle ne mette pas toujours son talent en communication au service des meilleures causes ! Marie-Rose Galès nous parle d’un traitement par « un protocole lourd de neuroleptiques » ; elle promeut, directement et indirectement, toutes sortes de remèdes et pratiques telles que la « médecine » traditionnelle chinoise. Elle promeut aussi le livre de Anne Steiger comme une référence scientifique, reprend des erreurs en disant vouloir rectifier la désinformation. D’ailleurs, Anne Steiger remercie Marie-Rose Galès et Amandine Magnard pour « leur relecture attentive » de son livre « Une araignée dans le ventre. Mon combat contre l’endométriose », qui, sans même parler de la façon d’utiliser mon travail, fourmille d’erreurs et d’éléments fantaisistes. Une désinformation largement relayée dans les réseaux d’influenceurs.

Marie-Rose Galès n’a même pas répondu à ma proposition de rencontre, en juin 2017. Elle et quelques autres personnes impliquées dans la production et la promotion du livre de Anne Steiger me bloquent sur les réseaux sociaux. Pourquoi pas ? Voilà qui fera avancer le débat… Après tout, j’ai le mauvais rôle depuis le début, lorsqu’il s’agissait de contrer la désinformation et la psychologisation véhiculées par EndoFrance, de « faire peur » en abordant beaucoup de travers de notre pseudo-système de santé, dans les près de 800 articles de Pharmacritique et dans toutes mes activités.

Mais le problème principal, c’est de communiquer sans bien maîtriser les sujets, de ne rien dire sur les erreurs et la désinformation contenues dans ce livre de Anne Steiger. Est-ce une attitude responsable ?

Je ne cesse de le dire: le fondement sur lequel repose l’ensemble de l’industrie de l’endométriose, sa marchandisation, chronicisation, psychologisation, c’est la question de l’origine, de la cause de l’endométriose. Avec les mystifications autour du reflux menstruel, donc de la menstruation rétrograde. Chaque mois, une certaine quantité du sang des règles ne s’écoulerait pas par le vagin mais irait vzrs le haut, par les trompes, sur les ovaires, dans la cavité péritonéale. Des cellules d’endomètre adhéreraient aux tissus et se grefferaient sur eux, dans un exemple d’auto transplantation, pour former les foyers d’endométriose. Certes, un tel phénomène de reflux menstruel, théorisé par Sampson en 1926, existe chez 90% des femmes. Notre système immunitaire se charge de détruire ces cellules qui ne sont pas à leur place. Mais Sampson et ses défenseurs prétendent qu’il y aurait une défaillance immunitaire qui serait responsable de l’adhérence et de la greffe, deux phénomènes qui n’ont jamais pu être constatées ni démontrées, malgré les dizaines de milliers d’interventions, de vidéos, etc. Le Dr David Redwine explique cela dans le texte. Et j’ai évoqué maintes fois la question.

Il s’agit d’en finir avec les mythes et les préjugés d’un autre âge, avec cette ignorance et ces clichés sur les règles et le reflux menstruel qui nous est rabâché comme cause parce que c’est la seule façon de justifier la chronicisation et la nécessité d’un traitement médicamenteux de longue durée: si l’endométriose dépend des règles et revient avec chaque menstruation, c’est qu’elle est forcément chronique, donc impossible à guérir, donc il faut prendre des médicaments pour baisser le taux d’oestrogènes et supprimer les règles. Donc on arrête les recherches sur les techniques chirurgicales qui peuvent guérir l’endométriose par exérèse et sut toute autre possibilité de guérison. Car si cela dépend des règles, pas de guérison possible.

Or la chronicisation de l’endométriose se fait pour les profits des laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent des analogues agonistes GnRH (Enantone, Decapeptyl…) ou des progestatifs tels que Lutenyl, Androcur, Luteran, le stérilet Mirena ou alors le Visanne tellement vanté par Bayer lors de la campagne médiatique soi-disant pour sensibiliser à la maladie… Alors qu’il s’agit de business, d’élargir le marché et faire du yellow-washing. J’ai écrit des centaines de pages sur le business, la chronicisation, la marchandisation de l’endométriose, synthétisées une première fois dans un texte de 2008, puis dans d’autres, jusqu’à une synthèse sur 200 pages dans le livre en libre accès.

Oui à la médiatisation, nécessaire. Mais attention aux contenus médiatisés et à la façon d’informer, car c’est seulement l’endométriose chronicisée qui est médiatisée. Sensibiliser d’emblée les jeunes en disant que c’est une maladie chronique liée aux règles, aller dans le sens de dépistages qui évitent la chirurgie, comme avec le projet fumeux d’EndoDiag, décrit dans un chapitre de mon livre, c’est orienter toutes les filles et femmes vers le cercle vicieux qui fait le bonheur de tous ceux qui vivent du business. Côté médico-pharmaceutique comme côté naturopathie et « médecines » dites douces et complémentaires, psycho-quelque chose. Et sans oublier le complexe communicationnel, publicitaire, médiatique, dont Havas (financeur de la campagne d’information actuelle, tout en étant le publicitaire des grosses firmes pharmaceutiques).

Et faire de l’EndoMarch, faire de la marche contre l’endométriose ainsi que d’autres initiatives, une opportunité de communication pour des partenariats avec des initiatives commerciales, cela n’aide pas. Avis aux organisateurs, dont les associations InfoEndométriose, EndoMind ou MEMS (Mon Endométriose Ma Souffrance), très active aussi par le biais de Marie-Rose Galès, qui nous parle dans une recension du 2 mars 2018 du business de l’endométriose, tout en faisant des articles sur la médecine chinoise, avec une proposition de servir d’intermédiaire à une école qui peut encaisser les chèques plus tard, s’il y a des soucis de paiement… MEMS est co-organisatrice de la marche qui, cette année a pour partenaires Livia (produit purement commercial, me-too (nouvelle version de ce qui existe déjà), de la vieille TENS ou électrostimulation transcutanée), les thermes de Challes-les-Eaux, des commerçants en naturopathie et autres pseudo-médecines alternatives, sans publier les médecins et réseaux toujours présentes, parmi lesquels Le Dr Erick Petit et le réseau RESENDO, cité souvent par les associations et par Marie-Rose Galès sur son blog Endométriose, mon amour », mais sans jamais mentionner les conflits d’intérêts.

Par le passé, l’on a eu aussi ProteaTec (clinique espagnole de PMA), promue souvent par l’association Ensemble contre l’endométriose (ECE), qui est allée jusqu’à organiser une journée portes ouvertes à Paris, avec une première consultation gratuite. ECE a fusionné avec EndoMind. Selon son site, celle-ci « a pour vocation d’aider, soutenir et valoriser les initiatives qui permettent de donner plus de visibilité à l’endométriose ». Sans aucune distinction. Le site de cette association promeut plus d’une centaine de médecins (mais aussi praticiens du complexe naturo-psycho-holistique) comme étant des experts en endométriose. Sans aucune mention des conflits d’intérêts et du fait que le choix d’un médecin implique de se faire opérer selon les produits promus par les financeurs de ses recherches ou activités. Le niveau d’expertise n’est pas non plus mentionné, et il y a des noms d' »experts » du CHU de Rouen qui n’ont eu le diplôme de médecin que deux ans auparavant.

Dans le livre en libre accès, j’ai donné les noms des auteurs d’études servant de références d’expert, qui sont pour beaucoup… des étudiants du CHU de Rouen. Aussi, EndoMind promeut « la recherche » avec l’énergie plasma au gaz argon, vieille recette, si l’en est. Sans parler du G4, « réseau de recherche à vocation industrielle », ni des femmes de la cohorte CIRENDO qui jouent les cobayes de ce qui est vendu comme la technique la plus performante.

L’on a vu la présidente d’EndoMind, Nathalie Clary, soutenir dans la presse le projet industriel EndoDiag, qui joue lui aussi sur le contournement de la chirurgie et sur la chronicisation, avec la promesse d’un test qui dépisterait l’endométriose et indiquerait la récidive, entre autres. Or il y a trop de risques de faux négatifs, parce qu’aucun marqueur n’est spécifique à cette maladie. Je n’ai jamais eu le moindre signe immunitaire ou de CA 125 ou autre. Ce sont des analyses qui ne servent à rien, si ce n’est au business pour les laboratoires de biologie médicale.

Quant à EndoDiag, la situation serait: une femme souffre, mais comme le test est négatif, on la rembarre et on ne fait pas de chirurgie. Car le but affiché est d’éviter la chirurgie. Et, d’autre part, EndoDiag risque de donner beaucoup trop de faux positifs ou de découverte de marqueurs sans traduction clinique, c’est-à-dire que si tel marqueur est identifié (pourtant non spécifique à l’endométriose, puisque, encore une fois, la recherche n’en a pas trouvé), on va poser l’étiquette « endométriose »/ maladie chronique imposant une médicamentation à vie… à des femmes qui peuvent n’avoir jamais le moindre souci. J’ai décrit cela pour plusieurs autres dépistages inutiles… Il y a un sous-chapitre dans mon livre en libre accès, sur les activités et les sociétés de conseil (lobbying, publicité pour les firmes pharmaceutiques, etc.) de la fondatrice d’EndoDiag, Cécile Réal. Elle aussi est un produit de la communication, du moins pour le moment. Femme de l’année… Je décris comment elle arrive à des initiatives de recueil de données personnelles, forme de data mining, qui valent de l’or pour tous les industriels, assureurs, etc. L’on parle de Big Data, gros marché du moment. Vous avez dit business?

Nous avons les communicants qui saisissent le filon et écrivent des livres pour dénoncer le business, après avoir oeuvré dans le journalisme publicitaire, celui du business sur la santé des femmes. Ainsi Anne Steiger, journaliste de l’industrie pornographique et de la presse « féminine » donnant dans le trash, à organiser des concours de pénis, présenter le triolisme ou le ponyplay (femme déguisée en cheval, cravachée, etc.) comme étant la norme sexuelle, ou encore faire des reportages sur des questions médicales d’intérêt général telles que la pénoplastie (avec placement des noms de chirurgiens esthétiques, de psys, etc. mais aussi de la bonne marques d’huile d’amande douce pour le massage post-opératoire). Anne Steiger a saisi l’occasion de vendre un témoignage (ce qui est son droit) avec une « enquête » qui revient à vendre une version commerciale de mes analyses données gratuitement. Par lesquelles elle est arrivée à des références anglophones aussi. Anne Steiger nous est présentée par Marie-Rose Galès comme lanceuse d’alerte (!) dans la recension du 2 mars 2018 qui, dans tous les exemples donnés concrètement, lui attribue mon travail. Alors que Anne Steiger n’a jamais rien fait sur l’endométriose, ni même sur des sujets de santé, domaine dans lequel elle clame son incompétence mais avoue « s’improviser technicienne » pour vendre des sujets selon les ficelles commerciales, quitte à inventer. Les nombreuses erreurs, contradictions, inepties, inventions et propos farfelus contenus dans son livre sont effarants. L’association féministe Les Chiennes de garde avait épinglé Anne Steiger nommément pour des écrits misogynes dans l’industrie pornographique où elle a fait carrière.

Sur l’arroseur arrosée, c’est-à-dire la façon erronée dont Anne Steiger utilise mon travail dans son livre de 2018 « Une araignée dans le ventre. Mon combat contre l’endométriose » (Autrement), en oubliant de me citer, voir cet article. Les intimidations et menaces par ses avocats cherchant à ce que j’efface mon travail n’ont pas marché.

Et les stars se bousculent, en plus de toutes les autres sources de désinformation, pour nous présenter des fausses solutions purement marchandes, car à l’efficacité et utilité jamais démontrée de façon scientifique, telles que les médicaments ou les remèdes des pseudo-médecines « douces », les coachings, formes de développement personnel, etc. Laetitia Millot fait de la publicité au NutriEndo, complexe de vitamines et minéraux disponible pour 5 euros dans tout supermarché mais vendu 180 euros par moins grâce au suffixe « endo ». Sans oublier la publicité, grâce aux documentaires et posts des stars, pour des chirurgies partielles par des techniques inadaptées (soit d’ablation soit d’exérèse partielle et superficielle), elles aussi business de praticiens avec des instruments me-too (versions soi-disant nouvelles de ce qui existe déjà, juste plus chères), partenaires des industriels avec lesquels ils ont des conflits d’intérêt. Lena Dunham et Enora Malagré parlent d’hystérectomie, avec des conséquences dramatiques sur les femmes qui pensent tenir la solution.

Or les documentaires, les sites des associations, les pages, groupes et forums leur font de la publicité sans mentionner ces intérêts et reproduisent la communication, les stéréotypes du cercle vicieux. On a même assisté à la fabrication d’un centre expert (le CHU de Rouen autour du Pr Horace Roman) grâce à la communication, avec l’aide d’EndoFrance. Et la publicité pour le Pr Horace Roman veut dire publicité pour le PlasmaJet, entre autres produits qu’il promeut, ainsi que pour sa stratégie de médicamentation à vie pour compenser des chirurgies incomplètes. Dr Sylvain Tassy fait lui aussi partie des « héros » qui « brisent des tabous ». Invité avec EndoMind dans l’émission « Mille et une vies », sur France 2, il n’a pas hésité à tenir le discours chronicisant et à faire de la publicité pour le Plasma Jet comme un instrument qui devrait se généraliser. Toutes les associations et tous les groupes ont commenté l’émission, fières, mais sans un mot pour cette entorse à la déontologie médicale.

Je craignais l’extension de cette régression thérapeutique, puisque des chirurgiens allaient sauter sur l’occasion et vouloir l’argent de Plasma Surgical, de IPSEN, Bayer et les autres. Et j’ai eu raison, malheureusement. Mon analyse, exposée sur des dizaines de pages dans le livre en libre accès, est juste et s’est vérifiée. Elle confirme aussi mon approche globale du business de l’endométriose et du yellow-washing. J’ai analysé l’ensemble, l’historique, les détails, les méthodes et les objectifs de la stratégie de communication qui commence à Rouen et continue par le G4 (groupement d’hôpitaux et de cliniques de Rouen, Caen, Amiens et Lille).

Cette stratégie de communication de chronicisation et marchandisation de l’endométriose s’impose, comme je le craignais, au niveau national, jusqu’à entraîner une régression spectaculaire dans les schémas thérapeutiques, dans la pratique et désormais aussi par l’influence sur les recommandations de bonne pratique du CNGOF. Celles publiées en janvier 2018, élaborées avec le concours d’EndoFrance et d’EndoMind et dont tout le monde se félicite, à part moi, consacrent ce que je craignais: pour imposer comme standard le recours à la médicamentation à long terme et aux chirurgies partielles, l’on dézingue ce qui est à l’heure actuelle le gold standard international, à l’utilité démontrée par la littérature médicale. A savoir la chirurgie d’exérèse complète (couper / exciser non seulement la lésion, mais aussi un peu de tissu sain aux alentours; exciser (sans médicamentation préopératoire) toutes les lésions, quelle que soit leur localisation, au cours d’une seule intervention, préparée par une imagerie et par un examen clinique incluant le toucher rectal, faits par des experts et eux aussi en dehors et à distance de tout traitement hormonal. Et faits tout au début des règles ou juste avant. Voilà des conseils pratiques pour toute femme souffrant d’endométriose, détaillés dans mes articles sur les deux blogs et aussi dans les commentaires.

Mon objectif en faisant Pharmacritique, qui donne des outils de connaissance pas seulement sur l’endométriose mais sur tout le système, et livre gratuitement (donc hors et contre l’endobusiness) des outils d’orientation dans la jungle médicale, c’est justement d’amener les malades et les associations à lire la littérature médicale, à apprendre et à résister, à exiger que leur prise en charge change, au niveau individuel et collectif. En apprenant à décrypter les stratégies de désinformation du complexe médico-pharmaceutique et les techniques habituelles de la communication d’influence, exploitant les mêmes leviers et les mêmes biais cognitifs, l’on acquiert une attitude de scepticisme sain, de doute méthodique, en vue d’un emowerment, d’une décision médicale partagée, d’un recul critique face à la communication des médecins. Car, par leurs conflits d’intérêt ou alors parce qu’ils sont influencés par leur formation médicale continue et par divers autres moyens dévoilés sur Pharmacritique, leur discours est souvent celui marketing des industriels pharmaceutiques et des fabricants de dispositifs médicaux. Relayés par les journalistes dans des publi-reportages reprenant les communiqués de presse ou alors allant faire relire leurs articles par les leaders d’opinion et commerçants qu’ils promeuvent.

Les communicants sont des lobbyistes, les media professionnels de santé et généralistes, et des publicitaires divers, dont Havas. Oui, Havas qui finance la campagne d’information sur l’endométriose alors qu’elle a parmi ses client IPSEN (fabricant du Decapeptyl) et les autres industriels qui financent les groupements médico- pharmaceutiques et les réseaux de formation médicale continue telle que RouEndométriose.

Je combats les préjugés et stéréotypes sur cette maladie (variante de ceux habituels sur les femmes) dans tous les textes sur l’endométriose, son business et la communication déformante qui nous les met dans la tête. Ils sont accessibles à partir de la catégorie « Endométriose ». Aucune association, et personne d’autre, d’ailleurs, ne remet en cause à l’heure actuelle la totalité des préjugés et ne décortique l’ensemble des éléments de langage, identifiés et exposés dans mon livre ouvert, posté fin 2016 et mis à jour jusqu’à la mi-février 2018. Or les avancées pour les droits des femmes malades, ce n’est pas en faisant le perroquet ni en collaborant avec les médecins et autres porteurs d’intérêts qu’on les obtient. J’en ai obtenu quelques-unes, et cela a été contre eux et sans les associations.

Quoi de mieux que de reposter ce texte du Dr David Redwine, que j’ai traduit et posté une première fois en 2009 sur des listes de discussion, sur le blog de l’association des victimes des analogues agonistes de la GnRH, puis sur Pharmacritique en 2011. Avec l’autorisation de l’auteur. Sur cette page de 2011, je fais précéder la traduction par un texte décrivant à nouveau l’endobusiness, sous le syntagme « industrie de l’endométriose ».

Mais ici, je voudrais laisser parler le texte tout seul, car il est édifiant et synthétique, donc insister sur les aspects médicaux à proprement parler: la mulleriose comme cause de l’endométriose, ses symptômes, ses formes qui peuvent être très diverses, l’absence d’efficacité des traitements médicaux et son seul traitement efficace, par exérèse complète. (Car, soit dit à l’intention des copieurs, c’est moi qui ai rajouté la description du mode d’action des agonistes GnRH Enantone/ Lupron, Decapeptyl, etc. grâce à des recherches très poussées. Et j’ai fait une base de données là-dessus déjà entre 2003 et 2006, pour des groupes anglophones, puis continué ailleurs. En 2006-2007, j’ai présenté mes recherches aux autorités de pharmacovigilance, ce qui les a amenées à reconnaître et intégrer beaucoup d’effets indésirables dans les notices, qui ne contenaient pas grand-chose. C’est l’un des aspects par lesquels j’ai repris et développé, au moyen d’analyses et approches originales, ce que que j’avais trouvé en travaillant avec les groupes, organisations et professionnels de santé anglophones, en lisant la littérature médicale, en collaborant à des réseaux français et internationaux de critiques du monde médico-pharmaceutique. Et grâce à un travail beaucoup plus général sur tous les aspects médico- pharmaceutiques mené depuis près de 15 ans.

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Présentation du Dr David Redwine

« Redéfinir l’endométriose à l’âge moderne » (« Redefining Endometriosis in the Modern Era ») est un texte de 2003 écrit par le chirurgien états-unien David B. REDWINE et repris début 2005 dans la revue italienne Leadership Medica.

Il s’agit de l’un des chirurgiens reconnus comme une référence internationale en matière d’endométriose. monde. Pionnier de la technique de l’exérèse, il a aussi beaucoup contribué à la description des formes moins évidentes et moins connues de la maladie, telles que les « lésions subtiles », les vésicules et papules, les formes fibreuses, etc. (Voir son site ENDOPAEDIA pour plus de détails).

Le Dr David B. Redwine a exercé au St. Charles Medical Center, Bend (Oregon), aux Etats-Unis. Son site internet très complet et instructif consacré à l’endométriose – Endopaedia – contient aussi des informations sur ses activités, la liste de ses publications, etc.

Outre les très nombreux articles, présentations et chapitres de livres, il est auteur ou co-auteur de plusieurs livres: « Laparoscopic Appearance of Endometriosis » (avec les Drs Dan Martin, Harry Reich, Arnold Kresch), « Endometriosis: Advances and Controversies » (avec Togas Tulandi, 2004), « Surgical management of endometriosis » (2004) et « 100 Questions and Answers about Endometriosis » (2009, réédité en juillet 2011).

Son dernier livre s’appelle « Googling Endometriosis. The Lost Centuries » (A la recherche de l’endométriose. Les siècles perdus. 2011) et contient une histoire détaillée de l’endométriose, constatée et décrite depuis la nuit des temps.

Habituellement, l’endométriose est attribuée à l’utérus et aux règles, à la nature supposée maléfique des femmes, selon les préjugés que j’ai décrit maintes fois en détail sur tous les supports, depuis mes deux blogs aux forums et listes de discussion françaises et anglophones. Sans oublier les dizaines de posts sur Facebook, lorsque les problèmes techniques récurrents du blog Pharmacritique et mes soucis de santé me cantonaient à l’alitement et à taper avec un doigt sur le smartphone. La plate-forme 20 minutes, c’était vraiment la galère, surtout pour le contre-talent technique que je suis. Une recherche « psychanalyse » sur mon profil Facebook serait très utile pour les intéressés.

Je profite de cette parenthèse pour rajouter ma propre analyse : non, l’endométriose n’est pas ce qui est désigné historiquement par le terme « hystérie ». Non, ce n’est pas non plus une découverte du 19ème siècle, comme le laissent croire à tort les influenceurs qui ont commencé enfin à s’intéresser à la question depuis quelques années et parlent seulement de « psychanalysation » (Marie-Rose Galès, par exemple, qui se cantonne, qui plus est, à l’hystérie selon Freud, sans remettre en question ni même évoquer toutes les conceptions misogynes et gynophobes de la psychanalyse, et de tout ce qui la précède, d’ailleurs. Peut-être faute de connaissances aprofondies. Ayant une formation en philosophie et sciences sociales, dont psychologie sociale et psychanalyse, j’ai pu avoir beaucoup d’arguments dans les batailles menées sur la racine des problèmes, en me confrontant aux médecins et à leurs organisations et moyens de communication comme à tous les intervenants tels que psychanalystes, associations telles que EndoFrance, influenceurs et profiteurs voulant se faire un nom vite fait donc sans prendre le temps de se donner les moyens de compréhension, chercher, lire, vérifier, etc. Et utilisant aussi d’autres méthodes telles que le plagiat plus ou moins direct, fréquent.

Décidément, l’industrie de l’endométriose est très profitable, et pas seulement pour ceux que l’on identifie directement comme des marchands…

Comme s’il n’y avait pas eu de problèmes avant la théorisation par la psychanalyse et les conceptions renouvelées d’un utérus à contrôler car maléfique, baladeur, cause de troubles évalués comme psychiques. L’hystérie ne se superpose pas à l’endométriose, et encore moins le tableau de névrose traumatique décrit par Jean-Michel Louka, qui a été théorisé par la psychanalyse pour les hommes, principalement des soldats revenant de la guerre.

C’est un comble de voir des sites et blogs dire que les femmes cataloguées d’hystériques auraient été des endométriosiques. Cela revient à nous tirer une balle dans le pied, et en plus, cela n’a rien à voir avec le tableau de l’hystérie tel qu’il est décrit : de la simulation, de la conversion hystérique, somatisation, etc. L’hystérique se donne en spectacle et tombe dans les pommes sur commande, lorsqu’elle est influencée par les soignants tels que Charcot, qui disposait d’une troupe de comédiennes appelés à se produire devant ses confrères..

Lorsqu’elle veut satisfaire les désirs du maître, pour rester dans les termes de la relation de l’hystérique à son maître, décrite par Jacques Lacan et adaptée par Jean-Michel Louka à la relation entre les médecins et les malades d’endométriose. Celles-ci ne voudraient pas entendre parler de cause psychique (traumatisme psycho-sexuel, notamment viol et inceste refoulés qui donneraient l’hystérie) pour ne pas guérir (!), pour ne pas renoncer au « bénéfice secondaire » commençant par un statut de victimes qui en fait le centre de l’attention…

C’est moi qui, en 2007, ai découvert les articles de Jean-Michel Louka, ses relations avec le Dr Jean Belaisch et avec EndoFrance, puis ai mené un combat acharné contre cette misogynie. Tout est décrit dans les articles parlant de la psychologisation et psychanalysation de l’endométriose, évoquant en détail les thèses psychanalytiques, mes batailles et les victoires obtenues, traduisant un texte du Dr David Redwine à ce sujet et donnant des outils d’analyse sur beaucoup d’aspects relatifs au sexisme, à la misogynie et gynophobie culturelles et surtout médicales. Qui persistent.

Elena Pasca

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« REDEFINIR L’ENDOMETRIOSE A L’AGE MODERNE »

par le Dr David B. Redwine

« L‘endométriose est un tissu qui ressemble dans une certaine mesure à l’endomètre, c’est-à-dire à la muqueuse tapissant la cavité utérine. L’on peut trouver ce tissu à des endroits différents de cette cavité qui est sa place naturelle. La douleur est le symptôme le plus important de cette maladie.

L’endométriose symptomatique touche 5 à 10% des femmes, même si l’on estime que jusqu’à 40% des femmes asymptomatiques pourraient être porteuses de la maladie (indépendamment d’une éventuelle indication chirurgicale) [1], ce qui fait de l’endométriose l’une des maladies les plus fréquentes et les plus répandues au monde.

Bien que l’endométriose soit l’objet d’études médicales depuis le 19ème siècle, les controverses font rage depuis des décennies quant à l’origine et au traitement adéquat de cette maladie. A l’aube du 21ème siècle, les faits finissent par remplacer les opinions et permettent aujourd’hui non seulement un meilleur diagnostic, mais surtout le choix d’un traitement plus rationnel de la maladie.

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BREF HISTORIQUE DE L’ETUDE DE L’ENDOMETRIOSE

Dans l’évolution historique des connaissances sur n’importe quelle maladie, les signes cliniques les plus graves et les plus flagrants sont ceux qui sont susceptibles d’être identifiés le plus vite. La forme la plus grave d’une maladie peut cependant ne pas refléter la vraie nature de celle-ci. L’endométriose est une maladie dont le diagnostic nécessite une intervention chirurgicale. Pourtant, des erreurs de diagnostic surviennent même lorsque des interventions chirurgicales sont pratiquées. En analysant les choses de près, on doit se rendre à l’évidence: il y a certains facteurs qui obscurcissent le diagnostic et l’approche de cette maladie en général.

Il existe deux niveaux de biais de sélection dans le diagnostic, biais qui contribuent à obscurcir un peu plus la vraie nature de l’endométriose.

Une maladie dont les symptômes sont semblables à ceux d’une autre risque d’être interprétée de façon inadéquate eu égard à ce qu’elle est. Tous ces facteurs générant des confusions contribuent à une méprise sur la maladie et font naître – au sein d’un corps médical perplexe au point d’être prêt à suivre des faux prophètes – toutes sortes de mythes destinés à expliquer la confusion des soignants. Tout cela entraîne inévitablement des tentatives futiles de traitements inutiles, dans une cacophonie intellectuelle. Et c’est exactement ce qui s’est produit ces 85 dernières années avec l’endométriose.

Parmi les premières manifestations d’endométriose identifiées chez les malades et exposées comme telles dans la description des cas, on retrouve les nodules recto-vaginaux [2, 4] et les volumineux kystes ovariens dits kystes “chocolat” [5].

Au fil du temps, on a noté dans diverses études que des nodules d’endométriose impliquant des structures parenchymateuses telles les ligaments utéro-sacrés ou la paroi intestinale ressemblaient du point de vue histologique à des adénomyomes, connus pour affecter le myomètre utérin.

Suite à ces descriptions, des manifestations précoces d’endométriose sévère furent qualifiées d’emblée d’ »adénomyomes » à localisation vaginale, rectale, ou alors situés sur le ligament rond de l’utérus traversant le canal inguinal.
L’une des premières publications influentes parue dans un journal réputé présentait des kystes ovariens « chocolat » identifiés chez 23 femmes d’une façon telle que l’on concluait que les ovaires constituaient la localisation la plus important de l’endométriose pelvienne. Et ce alors même que la plupart des kystes « chocolat » décrits dans cet article étaient en fait des corps jaunes (corpora lutea), sans rapport avec l’endométriose.

Comme ce groupe de 23 patientes porteuses de kystes ovarians « chocolat » ne contenait pas une seule adolescente ou femme ménopausée, les auteurs conclurent que l’endométriose était une maladie affectant essentiellement la femme en âge de procréer et que la ménopause l’en protégeait. L’idée persiste même de nos jours.

A cette époque encore crédule sur le plan intellectuel, on considérait que la fertilité naturelle approchait les 100%. Comme l’étude révéla que 60% des femmes mariées et affectées par l’endométriose étaient tombées enceintes, il fut assumé que la grossesse protégeait de la maladie et que l’endométriose diminuait considérablement la fertilité.

Dans la mesure où, histologiquement, certaines lésions endométriosiques ressemblent à l’endomètre, l’idée simpliste d’un reflux du sang menstruel comme mécanisme et origine de la maladie vit le jour et resta très largement répandue jusqu’à une période très récente. La théorie du reflux menstruel par Sampson [6] supposait un mécanisme de menstruation rétrograde : lors des règles, des fragments de l’endomètre normal reflueraient dans la cavité péritonéale en passant par les franges des trompes de Fallope pour aller se greffer sur différentes zones. Ces cellules s’implanteraient dans la cavité péritonéale, proliféreraient et envahiraient les tissus environnants pour former cette maladie appelée endométriose.

Pendant longtemps, l’endométriose fut considérée comme une maladie incurable, notamment à cause de sa supposée récurrence dans la zone pelvienne à chaque nouvelle menstruation. Puisque l’on considérait que les lésions d’endométriose étaient des autogreffes de l’endomètre utérin et identiques à lui, elles étaient censées provoquer des saignements à chaque menstruation. Du coup, les lésions d’endométriose avaient une image largement hémorragique lors de la visualisation directe, d’où le nom de « lésions noires en poudre brûlée » (black powderburn), qui seraient l’apparence la plus visible et la plus commune de la maladie.

Il fallut attendre le milieu des années 80 pour que des cliniciens chercheurs, aidés en grande partie par le grossissement que permet le laparoscope, puissent documenter la fréquence de lésions précoces, subtile et non hémorragiques, complétant ainsi la description de l’éventail morphologique de l’endométriose [7,8].

Aussi, ce qui était considéré auparavant comme la manifestation visible la plus courante de l’endométriose, s’avéra être l’une des moins fréquentes en pratique, ce qui eut pour conséquence de remettre en cause tout ce qui avait déjà été publié sur le sujet.

Ce fut le début de la fin de ce paradigme.

On se rendit compte qu’en réalité, les premiers gynécologues auteurs d’articles sur la maladie ne savaient pas à quoi ressemblait l’endométriose. La prise en compte de certains faits porta de sérieux coups à la théorie de Sampson. Ces faits étant que l’endométriose pouvait être soignée par une chirurgie conservatrice, qu’il y avait de nombreuses différences entre les lésions endométriosiques et l’endomètre et que la supposition d’une implantation initiale de cellules endométriales sur le péritoine et d’une prolifération et invasion secondaires des tissus environnants n’avait pas pu être validée par la pratique qui cherchait à confirmer la théorie [9], alors même que ces cellules étaient censées migrer et s’implanter par milliards… Lorsque les partisans de la théorie du reflux menstruel refusèrent d’apporter les preuves vérifiant cette hypothèse – pourtant facile à confirmer ou à infirmer par la photodocumentation -, la théorie de Sampson fut écartée par de nombreux experts.

Le fait qu’une telle théorie ait pu prévaloir pendant si longtemps, malgré toutes les contradictions fatales et en l’absence de toute preuve tangible mérite d’être noté, tant il est symptomatique de l’incompétence de la profession gynécologique, qui s’est servie pendant des décennies de l’hypothèse d’une migration et d’une autogreffe perpétuelles comme d’une justification facile des échecs de tous les traitements proposés. Et ce alors que les gynécologues auraient dû être les premiers à affirmer haut et fort l’inefficacité des traitements médicaux et chirurgicaux de l’époque, que certains continuent d’utiliser même à l’heure actuelle.

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L’ORIGINE DE L’ENDOMETRIOSE

Pour pouvoir prétendre à la validité, toutes les théories relatives à l’origine de l’endométriose doivent correspondre à ce que l’on sait de la maladie, et notamment aux faits suivants. L’occurrence la plus précoce de l’endométriose a été constatée chez une fillette de 10 ans [10], alors que la plus tardive a été diagnostiquée chez une femme de 78 ans [11]. Des éléments biologiques pouvant relever d’une endométriose ont été retrouvés dans le cul de sac de Douglas d’une petite fille décédée de la mort subite du nourrisson [12].

Une endométriose précoce peut se manifester sous des formes très subtiles, facilement ignorées, qui peuvent gagner en visibilité avec le temps, donnant ainsi l’impression incorrecte de l’apparition de nouvelles lésions [13].

Les hommes d’un certain âge traités par oestrogènes pour un cancer de la prostate métastasé peuvent développer une endométriose [14, 16].

L’endométriose n’est pas une autotransplantation de cellules endométriales, puisque ses composantes sont fondamentalement différentes de l’endomètre eutopique. Ces différences peuvent être d’ordre morphologique, histologique, immuno-histo-chimique, enzymatique, elles peuvent être chromosomiques (chromosomic makeup) et relatives à l’expression des gènes. Alors que l’on sait que les autogreffons restent pour l’essentiel identiques au tissu dont ils sont issus [17].

L’endométriose est liée à un nombre croissant d’associations anormales, impliquant des différences immunologiques [18,19], génétiques [20 ,23], ainsi que des différences fondamentales par rapport à l’endomètre [24,26].

L’endométriose ne s’étale pas géographiquement dans le pelvis avec l’âge [27,29], bien qu’une propagation locale ou une métaplasie fibro-musculaire puissent se produire et donner l’impression d’une légère extension locale [29]. La plupart des patientes non traitées ne verront pas leur maladie progresser [30,33].

L’endométriose peut être guérie par exérèse chirurgicale chez plus de 50% des patientes au terme d’une seule intervention [34,35] et chez un bon nombre d’entre elles au cours d’une deuxième intervention chirurgicale (données non publiées).

Sampson ne disposait pas de tous les éléments accessibles aujourd’hui, donc sa théorie reposait largement sur de la spéculation. Les circonstances de l’époque n’auraient pas permis d’affirmer la validité de cette théorie.

Les faits mentionnés ci-dessus indiquent indubitablement une origine embryonnaire de la maladie. Au moment de la conception, des facteurs génétiques, environnementaux et accidentels se combinent pour donner naissance à des tractus de tissus qui se disposeront à travers la cavité cœlomique postérieure pendant la genèse des organes pelviens (combine to result in tracts of target tissue being laid down across the posterior coelomic cavity during pelvic organogenesis).

Etant donné la petite taille et la plasticité de l’embryon ainsi que la variabilité spécifique aux tissus vivants, ces tractus peuvent être situés à l’extérieur du pelvis, dans le diaphragme, le cerveau ou dans les membres inférieurs. Ces tractus sont le résultat d’une différenciation anormale et d’une migration des précurseurs des canaux de Muller pouvant contenir des fragments d’endométriose ou avoir simplement le potentiel nécessaire pour subir une métaplasie sous l’influence des œstrogènes au moment de la puberté. Au départ, les fragments sont incolores et discrets – ou alors les tractus du substrat mésenchymal cible (mesenchymal target substrate) peuvent être indifférenciés, donc non identifiables. Sous l’effet de l’augmentation du taux d’œstrogènes, les éléments glandulaires commencent à secréter une substance paracrine non identifiée pouvant irriter le tissu et être source de douleur. Les capillaires voisins peuvent être déstabilisés et saigner. Des facteurs de croissance du tissu épithélial qui interviennent de concert avec les chemokines et cytokines (associées à une réparation tissulaire en réponse à l’agression chronique) débouchent sur l’angiogenèse, la néovascularisation et la fibrose en surface. Des tractus mésenchymateux associés à des structures parenchymateuses telles les ligaments utéro-sacrés ou la musculeuse de l’intestin ou de la vessie peuvent subir une métaplasie fibro-musculaire autour de petits fragments d’endométriose.

Dès lors, des lésions auparavant incolores ou claires peuvent devenir rougeâtres, puis jaunâtres ou blanchâtres à cause de la fibrose, puis noirâtres lors de l’altération du sang qui ne peut pas s’écouler. Les structures parenchymateuses peuvent développer une nodularité progressive, et la chronicité de ce processus irritatif est à l’origine de la formation d’adhérences. Tous ces tractus et fragments embryonnaires n’auront pas le même degré d’activité biologique potentielle ; cela différera d’une femme à l’autre, voire d’un élément à l’autre à l’intérieur du même pelvis. Il est possible de constater l’apparition d’une endométriose discrète d’un côté du pelvis et d’une forme beaucoup plus active et agressive de l’autre côté. Certaines endométrioses ne changeront pas d’apparence au fil du temps, et certaines femmes auront toujours la même forme d’endométriose superficielle et incolore. Autour de leurs 25 ans, les femmes auront probablement développé la plus grande partie de leur endométriose, et savoir cela permet de les soigner par une exérèse complète.

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SYMPTOMES

L’endométriose provoque des douleurs généralement bien localisées géographiquement, même s’il peut arriver que les lésions provoquent une douleur plus diffuse et étendue. Le cul de sac de Douglas est le site pelvien le plus fréquemment touché par la maladie ; les douleurs à cet endroit sont donc aggravées par les rapports sexuels, les mouvements de l’intestin ou la position assise, et ce particulièrement avant ou pendant les menstruations. Les endométriomes ovariens peuvent causer des douleurs ipsilatérales, surtout si les adhérences péri-ovariennes sont mises sous tension au fur et à mesure que les kystes augmentent de taille. Une fuite du contenu des endométriomes peut provoquer des douleurs aiguës prolongées et sévères, ainsi que des symptômes d’inconfort pelvien et abdominal qui vont durer plusieurs jours, jusqu’à la réabsorption du liquide irritant.

L’endométriose intestinale peut être asymptomatique lorsqu’elle est superficielle, alors que des nodules du rectum associés à un cul de sac de Douglas complètement oblitéré provoqueront des douleurs lors des mouvements intestinaux même à distance des règles. Une endométriose qui envahit un ligament utéro-sacré peut mettre en danger l’uretère adjacent par la fibrose ou, plus rarement, l’envahir en provoquant un hydro-uretère ou une hydronéphrose. Si la sténose de l’uretère est progressive, une perte définitive de la fonction rénale peut arriver en silence.

Des gros nodules de l’iléum terminal peuvent causer des symptômes d’obstruction intestinale partielle. Des douleurs cataméniales au niveau de l’épaule droite et de la poitrine, toujours à droite, doivent faire penser à une endométriose diaphragmatique.
Il est important d’essayer de bien identifier la douleur pelvienne qui peut ne pas être causée par une endométriose, afin d’éviter toute erreur de diagnostic qui aurait pour conséquence l’administration d’un traitement inadapté. A titre d’exemple, les crampes utérines au moment des règles peuvent ne pas être causées par une endométriose, mais par d’autres pathologies telles une adénomyose, des léiomyomes utérins ou une dysménorrhée primaire.

Figure 1. Les lésions symptomatiques d’endométriose du diaphragme (voir flèches) sont habituellement situées sur la partie postérieure de l’hémidiaphragme droit. Cette zone n’est pas facile à explorer à l’aide du laparoscope introduit par le nombril, mais est toujours visible lorsqu’on utilise un laparoscope de 5 mm avancé à travers la gaine musculaire située au-dessous du rebord costal droit, comme on peut le voir ici.

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EXAMEN CLINIQUE

Une sensibilité ou une nodularité au niveau du cul de sac de Douglas et des ligaments utéro-sacrés lors du toucher (gently stroke) explorant ces zones sont pathognomoniques d’une endométriose. L’augmentation de volume d’un ovaire peut être due à une endométriose ou avoir une autre cause.

Il arrive qu’une patiente ait une endométriose visible dans le cul de sac vaginal postérieur (figure 2) qui est en fait la protrusion d’un nodule situé sur un ligament utéro-sacré ou sur le rectum. Il sera visible au cours de l’examen si le spéculum est orienté vers l’arrière. L’endométriose située sur une cicatrice de césarienne ou sur un ligament rond à sa sortie du canal inguinal se manifeste par des grosseurs douloureuses qui peuvent augmenter de taille pendant les règles.

Figure 2. L’endométriose du cul de sac vaginal postérieur a provoqué un amas épithélial (voir l’intérieur du cercle). Une endométriose vaginale peut être associée à une obstruction du cul de sac de Douglas et résulter d’une extension invasive de la maladie qui va des ligaments utéro-sacrés ou d’un nodule rectal vers le vagin.

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DIAGNOSTIC

Dans la mesure où l’endométriose constitue la cause la plus fréquente des douleurs pelviennes chez les femmes en âge de procréer, la recherche d’une éventuelle endométriose doit figurer en tête de liste des diagnostics recherchés. Chez la plupart des patientes, un diagnostic présomptif d’endométriose peut être établi d’après l’historique typique de la patiente (longue histoire de douleurs), associé à ce qui a été trouvé au cours de l’examen pelvien. L’imagerie est généralement négative, dans la mesure où beaucoup de patientes ne présentent ni des endométriomes ovariens ni des endométrioses intestinales sévères.

Cependant, des examens radiologiques négatifs n’éliminent en rien la nécessité de recourir à l’exploration chirurgicale, en présence de symptômes évocateurs.
Lorsque les examens radiologiques sont positifs, les patientes présentent déjà depuis longtemps des signes flagrants à l’examen clinique, tels que des endroits sensibles et douloureux, une nodularité du pelvis postérieur ou une augmentation de la taille des ovaires.

Chez les patientes obèses ou sujettes aux crampes utérines, les examens radiologiques peuvent aider à déceler d’autres détails non trouvés à l’examen clinique, ou alors faire penser à une pathologie utérine non liée à l’endométriose et qui ne tirerait aucun bénéfice d’un traitement chirurgical.

Puisque l’endométriose peut toucher plusieurs organes, le traitement chirurgical (surgical management) spécialisé inclut la capacité à traiter à la fois les foyers pelviens, intestinaux, vésicaux, diaphragmatiques ou urétéraux, même si l’imagerie ne laissait rien présager de tout cela. C’est ce qui explique que ce que trouvent les chirurgiens experts dans la chirurgie de cette maladie n’a souvent rien à voir avec les examens radiologiques, qui peuvent être tout à fait normaux.

La chirurgie reste l’épreuve diagnostique la plus fiable pour détecter une endométriose, mais le chirurgien doit connaître parfaitement toutes les manifestations et les formes possibles de l’endométriose, allant de la plus subtile à la plus extrême. Voir les figures 3 à 7.

Figure 3 : Une endométriose discrète chez une adolescente peut être pratiquement incolore. Il est possible d’observer sur le ligament large gauche des papules claires et des macules blanchâtres, chacune avec une glande endométriosique (flèche) visible sous la surface péritonéale.

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Figure 4 : Avec le temps, des lésions glandulaires incolores (flèches) peuvent secréter une substance paracrine pouvant déstabiliser les capillaires voisins et provoquer une hémorragie. Une légère fibrose du péritoine peut également survenir et masquer en partie les vaisseaux présents sous le péritoine. Une angiogenèse débutante est visible près du milieu de la zone hémorragique, conséquence de la sécrétion d’un facteur de croissance de l’épithélium vasculaire (VEGF).

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Figure 5 : Avec le temps et en cas d’activité biologique suffisante, l’activité fibrotique et l’angiogenèse peuvent évoluer et cacher des foyers d’endométriose péritonéale. On peut toujours apercevoir d’autres structures glandulaires biologiques (flèches). Une petite agrafe utilisée lors d’une intervention chirurgicale précédente est visible dans le cul de sac de Douglas.

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Figure 6 : La moitié supérieure de cette image montre le péritoine vésical, avec la partie antérieure de l’utérus au-dessous. Chez les patientes plus âgées, des lésions noires dites en « poudre brûlée » comme celles-ci sont plus proéminentes. Elles indiquent la présence de plus de lésions cicatricielles et de sang emprisonné sous la surface péritonéale.

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Figure 7 : Chez cette patiente, les ovaires sont plus volumineux et accolés à la face postérieure de l’utérus. Le cul de sac de Douglas, caché en dessous, est complètement oblitéré. Beaucoup de chirurgiens interpréteraient cette image chirurgicale comme étant essentiellement une endométriose ovarienne associée à des adhérences, alors que l’interprétation correcte est celle d’une forme plus agressive d’endométriose du plancher pelvien et du rectum. Seule la dissection permet de trouver ces lésions additionnelles.

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TRAITEMENT MEDICAMENTEUX DES SYMPTOMES

Les descriptions passées de l’endométriose ont fait état de ce qui passait pour une relative protection apportée par la grossesse et une symptomatologie moindre après la ménopause. Ces observations ont conduit au développement de médicaments destinés à mimer l’effet apparemment bénéfique de ces états hormonaux. La pilule contraceptive ou les progestatifs [NdT : Lutéran, Lutényl, Surgestone, etc.] miment l’état de grossesse, tandis que le Danazol ou les analogues agonistes de la GnRH [NdT : analogues agonistes GnRH : Enantone, Décapeptyl, Zoladex, Synarel, etc.] miment l’état post-ménopausique.

Lorsque ces médicaments furent proposés comme thérapie de l’endométriose, tout le monde croyait fermement que celle-ci pourrait être soignée et éradiquée physiquement, si seulement on arrivait à imiter par des moyens pharmacologiques ces états hormonaux naturels dont on pensait qu’ils pouvaient guérir la maladie.

Mais comme aucune étude n’avait été faite pour prouver que la grossesse ou la ménopause pouvaient soigner l’endométriose, ces espoirs étaient infondés, car basés sur l’observation de la réponse des symptômes à des médicaments, et non de la réponse de la maladie elle-même – ce qui constitue une erreur épidémiologique majeure. En endométriose, la seule indication d’une thérapie médicamenteuse concerne la réduction temporaire des symptômes. Et puisque les études ont montré que les traitements médicaux n’améliorent pas la fertilité, ils sont contre-indiqués dans le traitement d’une infertilité liée à l’endométriose.

Le traitement médicamenteux de première intention – traitement des symptômes – inclut des antalgiques ou la pilule contraceptive. Lorsque le diagnostic d’endométriose est enfin suspecté ou confirmé par chirurgie, les prescriptions de médicaments plus spécifiques commencent. Ils incluent des analogues agonistes GnRH [Enantone / Lupron, Décapeptyl], le danatrol [Danazol] ou la gestrinone. Beaucoup de patientes qui ne répondent pas à un premier traitement médical devront répéter ce même traitement, ce qui n’a évidemment aucun sens, car si un traitement a échoué une fois, deux fois, comment peut-on raisonnablement s’attendre à ce qu’il fonctionne la troisième ou la quatrième fois ?

Les laboratoires pharmaceutiques ont constaté que la plupart des gynécologues ne savaient pas bien traiter l’endométriose par voie chirurgicale, et ils ont donc promu ces médicaments comme une possibilité thérapeutique à la disposition de ces cliniciens inexpérimentés dans le traitement chirurgical de cette maladie. Par conséquent, le traitement médicamenteux est désormais la marque de fabrique de ceux qui ne sont pas spécialisés dans le traitement de l’endométriose.

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TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’ENDOMETRIOSE

Dans la mesure où les médicaments ne traitent que les symptômes, la chirurgie demeure le seul traitement pour soigner l’endométriose, la seule cure. La seule question qui doit se poser désormais est celle-ci : quel type de chirurgie permettra d’éradiquer l’endométriose le plus complètement possible?

Compte tenu de la nature invasive de la maladie, tous les experts s’accordent à dire que l’exérèse chirurgicale est le traitement de choix. C’est d’ailleurs le seul traitement qui ait fait l’objet d’études qui ont prouvé son efficacité en vérifiant la persistance ou non de la maladie lors de bilans chirurgicaux ultérieurs. Même si l’ablation thermique par vaporisation laser ou l’électrocoagulation sont fréquemment utilisées pour soigner la maladie, il arrive très souvent que ces deux méthodes ne brûlent pas assez en profondeur pour faire disparaître complètement les lésions [8,9], et certains chirurgiens hésiteront, à juste titre, à trop brûler ou à brûler d’autres structures vitales envahies par la maladie. Aucune de ces techniques d’ablation thermique n’a prouvé une efficacité suffisante lors de chirurgies ultérieures, et l’électrocoagulation de l’endométriose n’a pas été décrite avec suffisamment de détails dans la littérature médicale pour qu’on puisse en faire un usage rationnel chez les êtres humains.

Des techniques d’exérèse de l’endométriose ont été développées, qui peuvent aujourd’hui traiter toutes les formes de la maladie, habituellement par laparoscopie. Voir les figures 10 et 11.

Les cancers gynécologiques sont très difficiles, mais leur prévalence est bien moindre que celle de l’endométriose; de ce fait, le traitement chirurgical d’une endométriose sévère est universellement reconnu comme étant le plus difficile du répertoire gynécologique. Pour cette raison, trois niveaux de traitement de l’endométriose ont été identifiés :

Au premier niveau de la maladie, les symptômes peuvent être soignés par thérapie médicamenteuse, soit par un médecin généraliste soit par un gynécologue.

Au deuxième niveau, un chirurgien gynécologue généraliste diagnostique la maladie par voie chirurgicale et tente de la traiter par un essai d’ablation thermique superficielle. Cette opération ne devra pas être répétée en cas d’échec.

Au troisième niveau, un chirurgien expert de l’endométriose procède à une exérèse radicale conservatrice complète, aidé par un urologue ou par des chirurgiens généralistes, si nécessaire (figure 12).

Le soulagement des symptômes après une exérèse agressive, radicale et complète de l’endométriose est prévisible et généralement couronné de succès. Les symptômes causés par d’autres pathologies gynécologiques ne seront pas concernés par l’exérèse de l’endométriose, et, dans le cas de patientes traitées pour certaines pathologies utérines, une hystérectomie peut être indiquée (figure 13).

Dans certaines régions, il arrive fréquemment que l’on veuille traiter chirurgicalement l’endométriose en enlevant non pas les lésions, mais des organes : soit l’utérus, soit les trompes ou les ovaires. Ces praticiens espèrent que l’endométriose disparaîtra d’elle-même en l’absence d’œstrogènes. Mais puisque la maladie se développe primairement sur les surfaces péritonéales, à distance des organes pelviens féminins, cette stratégie chirurgicale laissera la maladie en place chez la plupart des patientes. 10% à 20% des femmes auront toujours les mêmes symptômes à cause de la maladie qui reste en place. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que beaucoup de lésions d’endométriose contiennent l’enzyme aromatase qui est capable de convertir les androstenédiones circulants en œstrogènes. Par conséquent, même en l’absence d’œstrogènes endogènes ou exogènes, l’endométriose peut continuer à produire ses propres œstrogènes et rester symptomatique.

Figure 8 : Ces glandes individualisées d’une endométriose superficielle du ligament large gauche n’ont pas été détruites par la vaporisation laser, alors que des adhérences fines et transparentes sont une conséquence du traitement au laser (pour l’aspect microscopique, voir la figure 9).

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Figure 9 : Une glande d’endométriose (astérisque) se trouve juste au-dessous du péritoine de la patiente (figure 8). Des adhérences transparentes (flèche) peuvent se développer suite à un dégât de la chirurgie au laser.

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Figure 10 : Une endométriose biologiquement active du ligament large gauche est associée à des épaisses lésions cicatricielles jaunâtres et à du sang emprisonné sous la surface du péritoine (en rétropéritonéal). L’uretère se trouve au-dessous de la lésion.

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Figure 11 : Une exérèse agressive radicale de la lésion montrée dans la figure 10 requiert une urétérolyse. L’uretère gauche (flèche) était atteint par une légère fibrose rétropéritonéale qui s’était étendue depuis le nodule fibreux péritonéal (à l’intérieur du cercle).

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Figure 12 : Le rectum est légèrement arrondi (flèche) à l’endroit où il rejoint le ligament utéro-sacré droit. Cette forme arrondie montre que la paroi rectale est atteinte d’endométriose et nécessitera une forme de chirurgie digestive pour enlever complètement le foyer. Le cul de sac à gauche du rectum montre des lésions glandulaires superficielles d’endométriose entourées de cicatrices stellaires.

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Figure 13 : La paroi postérieure de l’utérus montre plusieurs taches hémorragiques représentant soit une adénomyose, soit une endométriose avec une néovascularisation contiguë. L’exérèse de l’endométriose ne soignera pas les symptômes utérins révélés par ces découvertes et qui ne sont pas dus à l’endométriose. Le cul de sac est complètement obstrué, mais la paroi rectale est lisse, ce qui indique qu’il y a très peu où pas d’endométriose rectale. L’ovaire gauche est kystique et caché sous des sinuosités péritonéales accolées au ligament utéro-sacré gauche. Des lésions glandulaires superficielles d’endométriose touchées par une fibrose légère peuvent être observées sur le ligament large droit.

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L’AVENIR

Des recherches sont menées actuellement sur des nouveaux traitements médicaux orientés contre l’enzyme aromatase ou contre l’angiogenèse qui accompagne le développement de certaines – mais pas de toutes – lésions d’endométriose. Comme la genèse de l’endométriose est intimement liée à des facteurs héréditaires et embryologiques, il se peut qu’une véritable prévention de la maladie ne puisse se faire qu’à l’aide d’une forme de thérapie génique.

Alors qu’il y a encore tant à apprendre sur cette maladie, une chose est claire : de nombreuses femmes à travers le monde souffrent de cette maladie et ne bénéficient pas d’un traitement adéquat et efficace, qui consisterait en une exérèse complète de tous les foyers d’endométriose. On pourrait faire beaucoup plus et bien plus rapidement pour ces femmes si l’exérèse était adoptée par plus de praticiens qui enverraient les patientes souffrant des formes les plus difficiles à traiter à des chirurgiens spécialisés en endométriose qui exercent dans certains centres d’excellence triés sur le volet. »

David B. Redwine,
Directeur du programme de traitement de l’endométriose au St Charles Medical Center, Bend, Oregon

REFERENCES

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35) Abbott et al (unpublished).

© Copyright Elena Pasca pour la traduction française

3 réflexions au sujet de “« Redéfinir l’endométriose à l’âge moderne » par le Dr David Redwine. En finir avec les préjugés de maladie des règles, chronique, incurable et à médicamenter”

  1. Bonjour et un grand grand merci pour cet article. J’ai une info à vous communiquer en privé si possible (pièce jointe), pouvez-vous me contacter afin que je vous donne mon tél pour un premier échange au cours duquel vous me direz si ma pj vous intéresse. Cordialement

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  2. Bonjour, merci pour beaucoup pour cet article, qui rejoint ma pensée sur le lobbie médiatique et commercial de l’endometriose, mais paradoxalement, une indifférence, méconnaissance des médecins dans la prise en charge de cette maladie, une injustice à grande échelle ! Je vais partager cet article à un grand nombre, merci encore et continuer à lever le voile sur l’endo.

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