Scandale de la pilule tourné contre le Planning familial et la santé des femmes. Exemple de l’endométriose

Le 4 février, lors de mon débat avec Renaud Lambert sur les conflits d’intérêts dans l’expertise, organisé par l’Association des Amis du Monde diplomatique à Villeneuve sur Ascq, j’ai eu le plaisir de pouvoir discuter plus longuement avec Véronique Séhier, du conseil d’administration du Planning familial.

Dans ce billet d’humeur spontané, je me demande qu’est-ce qui se cache derrière ces attaques contre le Planning familial (dont les trois derniers communiqués à propos des pilules de la 3ème et de la 4ème génération et de Diane 35 sont repris après mes commentaires). Je reviens sur la désinformation ambiante en matière médico-pharmaceutique, sur la médicalisation des femmes à des fins de profits – dans un système de soins surmédicalisé et sans empowerment, ni décision médicale partagée -, sur la misogynie médicale et culturelle et d’autres composantes d’un système délétère pour la santé des femmes. Avec un exemple concret et qui illustre toutes les tares structurelles : l’endométriose. Des mauvais traitements dans une relation médecin/patient teintée de pouvoir et de commerce : d’une part, l’offre qui crée la demande, d’autre part, notre comportement consuméristes. J’évoque d’autres influences et biais qui la déforment et la réduisent à un instrument de la logique mercantile néolibérale.

Dans un tel contexte, rien ne permet un changement du système menant à l’avènement d’un système dans l’intérêt de la santé. Le système structurellement déformé par la surmédicalisation se reproduit avec des adaptations infimes, en surface, qui arrivent après des scandales médicaux et médicamentaux. Les media, jadis silencieux sur toutes ces questions, ont adopté une démarche sensationnaliste, cherchant le scandale, gonflant la moindre information sur des risques.

Un système pharma-amical sans régulation

Au lieu d’élaborer une politique cohérente de santé qui induirait une refonte globale du système de santé et de soins et limiterait la surmédicalisation, les autorités réagissent au coup par coup, au gré des scandales, par des décisions arbitraires. Un médicament a-t-il des risques non décrits dans les RCP françaias auparavant ? Un médicament a-t-il été prescrit dans des indications hors AMM? Au lieu d’en limiter l’usage aux cas où son indication est raisonnable, aux cas des patients qui en ont besoin et n’ont pas d’autre recours, bref, au lieu de justifier leur démarche et de responsabiliser l’ensemble de la chaîne du médicament, les autorités jouent de plus en plus souvent la carte du retrait pur et simple du marché. Or on sait que beaucoup de médicaments peuvent être utiles et avoir un rapport bénéfices/risques favorable dans une certaine population restreinte, aux caractéristiques particulières. Le rapport bénéfices/risques devient défavorable lorsque les médicaments sont prescrits larga manu, à des patients qui ont d’autres caractéristiques, d’autres médications, d’autres risques… Et l’on sait que l’industrie pharmaceutique pousse à la prescription de plus en plus large.

Dans un tel cas, l’attitude raisonnable consiste-t-elle à retirer les médicaments du marché ou à réglementer pour mieux encadrer l’usage par diverses populations? Quid des médicaments prescrits hors AMM dans des maladies rares, pour lesquelles il n’existe aucune indication? Lorsqu’un médicament est utile à un patient grâce à un effet secondaire, faut-il interdire la prescription parce qu’il ne s’agit pas de l’AMM? C’est là l’un des effets pervers de l’affaire Médiator, qui pose de nombreux problèmes, parmi lesquels la disparition de la liberté de prescription et la prévalence de la bureaucratie sur l’intêrêt de la santé du patient

L’intérêt de la santé du patient exigerait un traitement/une prescription au cas par cas, et non pas une démarche administrative générale, gérée par les ordinateurs de la Sécurité sociale, qui peuvent rejeter une ordonnance sans recours possible. Nous allons vers un monde à la Kafka, avec des réglementations absurdes, des décisions non fondées, non explicitées, une bureaucratie et une administration illisibles. Le « monde administré » craint par les théoriciens de l’Ecole de Francfort, nous le vivons déjà: depuis l’administration qui pousse à la médicalisation et surmédicalisation (fortes incitations à des dépistages réguliers de cancers (et autres maladies) et à des bilans réguliers inutiles, qui déforment toute notion de prévention) jusqu’à l’administration qui fait des ordinateurs de la caisse primaire d’assurance maladie les seuls juges d’une prescription, sans régulation humaine possible.

Et nous, usagers et patients, nous continuons à accepter ce monde administré par diverses technosciences, qui met notre vie en coupe réglée; nous continuons à nous dire victimes, sans changer notre comportement, donc sans chercher à imposer en France aussi une variante de l’empowerment reconnu ailleurs comme la seule issue possible. Certes, l’empowerment et ce qu’il implique – décision médicale partagée, exercice de l’esprit critique, responsabilité partagée, etc. – ne serait pas aussi confortable que notre ignorance, puisqu’il nous enlèverait nos illusions de tranquilité, de risque zéro et d’abandon de la responsabilité aux techniciens experts du domaine médical.

Absurdités administratives, lâchetés du monde médical comme des usagers, recherche de profit – le système actuel pousse à la recherche de boucs émissaires et de pseudo-solutions qui permettent la reproduction de l’essentiel au prix de modifications cosmétiques, en surface. Le Planning familial est pris comme bouc émissaire dans une querelle aux contours bien plus vastes, qui fait ressortir nombre de défauts systémiques et de vieux démons – remise en cause de la contraception et de certains droits des femmes – qui ressurgissent régulièrement, comme un retour du refoulé…

Marchandisation des corps et des esprits, psychologisation et torture morale des femmes. Exemple de l’endométriose

La rencontre avec Véronique Séhier me replonge dans un domaine dans lequel j’ai été très investie pas le passé : militer pour le droit des femmes, réfléchir à tout ce qui entrave ces droits, étudier la littérature féministe, en développer certains aspects et contribuer à faciliter leur compréhension, leur connaissance et leur applicabilité aux questions de la vie quotidienne, puis formuler des analyses critiques de la double socialisation et de la double domination – masculine et capitaliste – que subissent les femmes.

Toute femme étudiant les sciences sociales ne peut être que sidérée en constatant le retard considérable pris surtout en France. Dans les pays anglo-saxons, et surtout aux Etats-Unis, puis rapidement en Allemagne, les théoriciennes féministes ont rapidement essaimé, donnant naissance à des écrits interdisciplinaires qui ont vite dépassé le cadre étroit des gender studies et des cultural studies. Judith Butler, Jessica Benjamin, Nancy Fraser, Margarete Mitscherlich et d’autres penseures ont su développer des théories sociales très riches pour l’ensemble de la philosophie et des sciences sociales. La problématique de la reconnaissance (Anerkennung hégélienne) – repensée depuis le cadre philosophique de l’idéalisme allemand – a été l’un des catalyseurs permettant la jonction entre études de genre et théorie critique de la société, notamment celle de l’Ecole de Francfort, qui a intégré cette dimension dans son corpus théorique (cf. Habermas, Honneth, Ritsert, Oevermann…), après avoir fourni des ferments théoriques.

D’autres ferments théoriques sont venus de France, de penseurs tels que Derrida, Henri Lefebvre, Deleuze et d’autres. Pourtant, ce n’est pas en France, mais dans les pays anglo-saxons que ces ferments intellectuels français ont été développés par les auteures mentionnées. En France, les évolutions sont minimales, même dans la production intellectuelle et universitaire. Nous en sommes toujours aux vieux clichés freudiens et lacaniens misogynes, qui alimentent et légitiment une médecine elle-même restée misogyne et parfois gynophobe. Comment s’étonner de voir tant d’aberrations théoriques et de mauvais traitements infligés aux malades ?

Je veux parler de ces dérapages de la médecine que l’on voit régulièrement, comme un retour du refoulé, dérapages à travers la médecine règresse aux thèses les plus obscures du 19ème siècle en faisant l’équation femme = hystérie, donc femmes souffrant de telle ou telle maladie = femmes souffrant de diverses formes d’hystérie/ névrose hystérique… J’en ai parlé en donnant l’exemple de l’endométriose et du dérapage d’une bonne partie de l’élite gynécologique française, celle installée entre autres aux commandes de la revue Gynécologie, Obstétrique et Fertilité (GOF).

Dans les articles sur l’endométriose, j’ai décrit les thèses aberrantes du Dr Jean Belaisch, selon lequel la cause de l’endométriose serait un traumatisme psycho-sexuel, en particulier des viols et incestes (il parle de « cause », tout en disant qu’elle en s’applique pas dans tous les cas ; parfois, c’est un abandon par les parents, etc. En tout cas, « c’est dans la tête », comme on dit. Soucieux de faire école coûte que coûte, le Dr Jean Belaisch a mis en selle un psychanalyste aux méthodes charlatanesques auquel il a ouvert les portes de la profession gynécologique – surtout à travers la presse spécialisée, dont Gynécologie, Obstétrique et Fertilité – et d’une association de malades appelée EndoFrance, mais non représentative de l’opinion, à ce sujet, de la grande majorité des femmes souffrant de cette maladie. Les deux sont tombées dans le panneau et ont coopéré.

Résultat? L’on a vu Gynécologie Obstétrique et Fertilité publier dans son numéro de mars 2007 un article disant qu’un nombre potentiellement illimité de maladies, pour autant que ce sont des femmes qui en souffrent – auraient pour cause des viols dans l’enfance, et surtout des incestes, ce qui conduirait à des névroses traumatiques de type hystérique. La patiente endométriosique serait particulièrement obtuse et formerait, avec les chirurgiens, le « couple de l’hystérique et son maître » dont parle Lacan… Le psychanalyste Jean-Michel Louka – connu pour recruter sur internet et pour évoquer, dès qu’une femme s’adresse à lui, le viol comme « cause » – se base sur 16 cas qu’il aurait rencontré dans sa pratique et qui lui permettraient de généraliser de la sorte. A noter que même les maladies neurodégénératives auraient la même « cause » – mais seulement lorsque ce sont les femmes qui en souffrent.

Jean-Michel Louka se dit par ailleurs spécialiste de tout ; cela dépend de ceux auxquels il propose ses services. Les textes sont légèrement changés en fonction de cela et parsemés de quelques pseudo-citations déformées (de Kant, Freud, Lacan), pour une allure intellectuelle.

Seule une inculture crasse du comité de rédaction de Gynécologie, Obstétrique et Fertilité et de tous ceux qui ont pu faciliter la tâche de ce psychanalyste (et du Dr Jean Belaisch, dont les thèses et la position de leader d’opinion ont rendu possible une telle excroissance maligne) permet d’expliquer comment de tels textes peuvent passer et comment on peut donner le moindre crédit à celui qui se fait appeler « docteur » sur un forum, qui imagine des interviews avec lui-même, se présente comme un « sauveur » et, tout en insultant les femmes par le biais de références instrumentalisées – se dit spécialisé en femmes et alcool, troubles alimentaires, femmes battues, problèmes posés par la chirurgie esthétique, infertilité, cancers gynécologiques, maladies neurodégénératives (Alzheimer, sclérose latérale amyotrophique…), maladies gynécologiques et auto-immunes, relations de couple, etc.

La psychologisation / psychiatrisation / psychanalysation de l’endométriose, qu’elle avance masquée (avec le Dr Jean Belaisch) ou alors en faisant du sensationnalisme pour faire parler de lui (avec le psychanalyste aux méthodes charlatanesques JML) plaît aux médecins. Il la promeuvent – sans se rendre compte que Jean-Michel Louka s’est moqué d’eux aussi au passage et qu’ils font preuve d’une inculture crasse en avalisant des pseudo-citations et pseudo-références culturelles – parce que dire que « c’est dans la tête » des femmes leur permet de se laver les mains d’une éventuelle incompétence ou mauvaise pratique ou médicamentation inefficace…

La psychologisation permet d’excuser la méconnaissance d’une maladie – l’endométriose, en l’occurrence – par les médecins français et de justifier sa chronicisation, qui est d’ailleurs un excellent exemple de surmédicalisation du corps des femmes pour le profit de tous ceux qui en vivent, sauf pour les femmes elles-mêmes…

Oui, surmédicalisation et chronicisation, c’est-à-dire traitements inutiles par médicaments inefficaces, au lieu d’une guérison chirurgicale (qu’il faut savoir exécuter techniquement, ce qui est plus difficile qu’une prescription, mais aussi moins profitable, car non gratifié par l’industrie). Au lieu d’apprendre correctement une technique performante capable de guérir l’endométriose – l’exérèse radicale conservatrice – les médecins français maintiendront les femmes pendant des dizaines d’années dans un cercle vicieux de traitements hormonaux inutiles, contre-productifs (ils diminuent les chances de la chirurgie de voir et enlever toutes les lésions), au rapport bénéfices/risques et au rapport coût/efficacité défavorables, pseudo-traitements suivis de chirurgies partielles, suivies de traitements hormonaux inefficaces, etc. 

Tout cela se passe avec la complicité des laboratoires pharmaceutiques qui paient leurs « recherches » et leurs gratifications et facilitent leurs carrières de leaders d’opinion et leur « intégration » partout – presse médicale, sociétés savantes, comités scientifiques d’associations, media grand public, hôpitaux de renom…-, à toutes les articulations stratégiques de la gynécologie médicale, de la chirurgie gynécologie et de tout ce qui tourne autour et vit de cette industrie de l’endométriose, ou, plutôt, de cette industrie fort profitable qui résulte de la médicalisation et surmédicalisation des femmes.

Tous les aspects de la vie des femmes sont concernés par cette médicalisation et surmédicalisation, et leurs corps sont réduits à des objets qui doivent correspondre à des normes sociales que la médecine aidera à imposer, fournissant une « correction » médico-pharmacologique ou chirurgicale – ou une punition ou camisole chimique en cas de différence et d’aspérité subjective qui ne serait pas promptement lissée. Quelques exemples : pensons aux normes esthétiques, mises en place par la médecine et la chirurgie esthétiques, aux normes de comportement, imposées grâce à la psychiatrie et surtout à toutes les thérapies comportementales et cognitives qui asséneront sans relâche la bonne conduite à avoir, etc., aux coachs qui viendront colmater toutes les brèches subjectives qui auraient pu subsister malgré toute l’industrie médicale. Etc. (Ces aspects sont développés dans les dizaines d’articles sur le contrôle social (la médecine comme outil de contrôle social et d’uniformisation et extirpation de la différence), la normalité, la culture psy, le DSM et sur d’autres problématiques liées à la psychiatrie. Voir la liste alphabétique de sujets à gauche de la page).

Il faut que les femmes réfléchissent à ce qui favorise, étaie et légitime l’état de minorité dans lequel elles sont maintenues. Lors du débat qui a eu lieu à Vitry en mars 2003, pour marquer la fin de la marche « Ni putes, ni soumises », j’ai insisté sur l’une des causes majeures de cette domination masculine – les religions et les conséquences de leur vulgarisation – et appelé les femmes à penser et à exercer un véritable droit à la désobéissance, à la désappartenance, à la critique.

J’y rappelais aussi l’une des thèses que je défendais et pour laquelle les arguments sont légion : l’alliance objective entre religions et médecine. Certes, cette alliance ne peut plus se manifester aussi directement qu’au 20ème siècle, alors elle emprunte des biais censés la légitimer intellectuellement. La psychanalyse en est un, surtout en France, surtout à la sauce Lacan. Non seulement la psychanalyse n’a pas dépassé la misogynie qui lui est consubstantielle depuis le début, mais n’a même pas développé une théorie du psychisme féminin qui soit autre chose qu’une sorte de « négatif » du psychisme masculin, puisque l’absence, le manque, l’envie de phallus – pour ne citer que quelques leitmotivs – ne sont que des traductions des stéréotypes et préjugés religieux et culturels.

Certains ont tenté de donner à ces stéréotypes une signification anhistorique, suprahistorique, intemporelle : l’éternel féminin, avec ses variantes telles que le féminin sacré, le rythme cyclique lunaire et d’autres façons d’essentialiser une nature non perméable à l’histoire et à l’évolution. S’il s’agit d’un ordre naturel dans lequel le seul pouvoir des femmes est celui de l’utérus, alors les thèses de la psychanalyse sur la capacité naturelle des hommes de porter le pouvoir se justifient et justifient la domination de la raison conquérante sur une nature amorphe.

Les supposées valeurs féminines « naturelles » sont présentées toujours dans les couples d’opposés binaires de valeur inégale, de type raison/affect, lumière/ténèbres, froid/chaud, sec/humide, dynamique et action/passivité, graine (active)/ terre nourricière (réceptacle passif), soleil/lune… Ces aspects sont développés dans mes articles sur la surmédicalisation des femmes, ceux sur la psychologisation de l’endométriose, etc.

En 2011, j’ai repris un travail plus ancien partant d’un livre dans l’article « Misogynie médicale et culturelle. Le livre de Guy Bechtel « Les quatre femmes de dieu ». L’exemple de l’endométriose ». Le sous-titre du livre de l’historien républicain Guy Bechtel est « La putain, la sorcière, la sainte et Bécassine ». Je souligne à dessein le républicanisme de Guy Bechtel, pour rappeler que la laïcité républicaine est une alliée des femmes, une « défenseure » des femmes, si l’on veut. Il nous faut la défendre à tout prix, dans sa forme rigoureuse, et ne pas céder aux sirènes de je ne sais quelle « laïcité positive » ou « laïcité ouverte » ou tolérance. La tolérance est une impasse; l’on tolère parce qu’on ne peut pas modifier. Ce qu’il faut défendre, c’est la reconnaissance (au sens d’Anerkennung): reconnaissance d’autrui en tant que sujet à part entière, à égalité, permettant de créer une intersubjectivité. Ce n’est pas un hasard si les théoriciennes féministes ont refondé les sciences sociales à partir de la théorie de la reconnaissance, qui n’admet pas de sujets au sens d’asujettis, maintenus dans un état de minorité, de dépendance, de discrimination, bref, tout ce qui fait la situation actuelle des femmes…


Eternelles victimes, éternelles mineures, éternelles suivistes ? Renoncer au confort de l’ignorance pour l’inconfort de la réflexion critique et de la décision médicale partagée

Je mets fin à cette longue divagation, pourtant nécessaire parce qu’il faut comprendre le contexte idéologique dans lequel arrivent les attaques les plus récentes que subit le Planning familial. Et il faut comprendre l’état de misogynie – et souvent d’inculture – de la médecine française, parfaitement illustré par les activités du Dr Jean Belaisch et de Jean-Michel Louka.

Des centaines de milliers de femmes subissent les conséquences d’une médecine misogyne – et des normes et pratiques sociales qu’elle contribue à déterminer –, dont on peut dire qu’elle maltraite et mal traite souvent les femmes. La médicalisation et la surmédicalisation ne sont possibles que parce qu’il y a une désinformation des femmes, ainsi maintenues dans un état de minorité, de dépendance vis-à-vis des prescripteurs, des industriels et d’un certain type de société de consommation ; ces prescripteurs – dans tous les sens du terme, puisqu’ils se comprennent aussi comme des intervenants « éthiques » – parlent et décident pour elles et à leur place.

Les réactions de masse – peur et rejet total succédant à l’acceptation totale et sans interrogation critique – démontrent que ce ne sont pas les femmes qui décident. Nous sommes désinformées et la communication d’influence s’adresse à nos affects pour fabriquer l’opinion et nous amener à la décision qui conforte au mieux divers intérêts. Notre décision ne se fait pas en connaissance de cause mais découle de l’exploitation de beaucoup de préjugés et biais cognitifs qui nous font reprendre les discours intéressés allant contre nos intérêts objectifs. Nous suivons le mouvement, pour ou contre telle pilule, en l’occurrence, et attendons que qu’les leaders d’opinion nous donnent des directives : quelle est la pilule sans risque ? Faut-il faire un dépistage du cancer du sein ou pas? Etc. Mais la pilule sans risque n’existe pas et la décision correcte généralisable à toutes non plus.

L’idéologie du risque zéro n’est qu’un mirage utilisé à des fins marketing. Et aucune organisation ni personne ne pourra donner des garanties et exonérer les femmes de ce qu’elles doivent faire, qu’il s’agisse de la pilule ou de tout autre médicament ou norme sociale : penser par elles-mêmes.

Il nous faut refuser les « guides » tels que Jean Belaisch ou tel médecin qui impose son choix sans informer du choix réel et sans créer les conditions de l’empowerment de sa patiente, qui permettrait une décision médicale partagée, en connaissance de cause. Là, la responsabilité serait elle aussi partagée, donc les femmes – comme les hommes dans d’autres situations – ne pourraient pas se dire éternellement victimes des médecins et de l’industrie pharmaceutique.

La décision médicale partagée (shared-decision making) n’est pas un consentement éclairé, car ce dernier signifie que le médecin amène la patiente à consentir à ce qu’il a décidé pour elle.

Sommes-nous, hommes et femmes, prêts à ce qu’implique la décision médicale partagée, c’est-à-dire la responsabilité partagée ? Apparemment non, puisque tout se passe comme avant : un système poussant structurellement à la surmédicalisation, une sorte de croyance que tout problème à une solution médicale (médicamenteuse), que seuls les techniques / experts (médecins, etc.) peuvent s’en charger et décider, un refus de réfléchir assorti d’une sorte de croyance que tous les produits pharmaceutiques et médicaux (médicaments, dispositifs médicaux…) seraient utiles, bénéfiques, sans trop de risques – puisque les scandales sanitaires auraient abouti au retrait du marché des médicaments risqués.

Bref, notre façon de penser et notre comportement consumériste entretiennent la surmédicalisation et les dérives actuelles de la médecine commerce et de l’industrie pharmaceutique sous le signe du marketing. Mais nous ne remettons pas en cause notre comportement et ne cherchons pas de solutions structurelles et systémiques. Non, nous nous bornons à chercher des boucs émissaires, à taper de nouveau sur l’industrie pharmaceutique, car c’est à la mode de prendre pour cible les grands méchants laboratoires dont des documentaires en caméra cachée nous font croire qu’ils occultent tout et nous maintiennent dans l’ignorance. L’ignorance est volontaire ; elle est confortable, comme le statut d’éternelle victime de lobbies obscurs et puissants, qui nous exonère de toute responsabilité dans le recours à la médecine et à tel médicament.

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Attaques contre le Planning familial ou comment se servir d’un scandale pharmaceutique pour tenter de discréditer son action en faveur de la contraception en général

Après le débat avec Renaud Lambert, j’ai pu parler avec Véronique Séhier, féministe engagée exemplaire, membre du conseil d’administration du Planning familial. Je lui ai fait part de l’immense respect que j’ai pour le combat de cette association, qui ne s’est pas arrêté à des discours lénifiants et des vœux pieux, mais a œuvré qu quotidien pour l’information des femmes et pour la concrétisation de leurs droits. L’un de ces droits fondamentaux est la maîtrise de leurs corps par les femmes et rien que par elles, ce qui implique la maîtrise de la reproduction, le choix d’avoir (ou de ne pas avoir) d’enfant.

Entre attaques pour raisons politico-idéologiques et recherche de bouc émissaire, le Planning familial est une cible facile. Véronique Séhier m’a décrit les grandes lignes des attaques qu’il subit, dont certaines sont plus ahurissantes que d’autres.

L’on sait que des tentatives multiples sont régulièrement faites pour casser le Planning, soit en coupant les subventions, soit en essayant de le discréditer sous des prétextes très divers. Le Planning familial subit le même sort que les quelques organisations qui ont la confiance (méritée) des femmes et ont démontré leur efficacité au cours d’actions menées en toute indépendance. C’est d’abord cette indépendance qui est remise en cause, puis les « réactionnaires » (mot utilisé pour la facilité) cherchent des failles qui leur permettraient de saper la confiance des citoyens. Le scandale des pilules de 3ème et 4ème génération était un bon prétexte, et les fossoyeurs des droits des femmes s’en sont servis, présentant le Planning comme une sorte d’empoisonneur à grande échelle, alors même que l’organisation a toujours mis en garde contre de type de contraceptifs et n’a jamais fait de publicité pour ces pilules et pour la pilule en particulier. Bien au contraire, le Planning a toujours exigé une information complète sur toutes les méthodes contraceptives disponibles, afin que les femmes puissent décider en connaissance de cause, et non pas simplement gober la pilule prescrite par tel médecin en fonction du laboratoire avec lequel il a des conflits d’intérêts ou à la propagande duquel il succombe.

Ne nous trompons pas de combat ! Ne nous trompons pas d’ennemi ni de cible de la critique ! Et réfléchissons sur le pourquoi de cette énième tentative de discrédit du planning familial et de la contraception en général, comme si c’est la contraception tout entière qui posait problème… Prenons un recul critique suffisant pour percer à nu le contexte idéologique actuel et les raisons de ces attaques, les motivations politiques et idéologiques, partant de préjugés et stéréotypes religieux et pseudo-culturels sexistes.

Nous assistons à un recul des droits des femmes, visible de façon éparse dans bon nombre de débats de société actuels. Sauf mobilisation et réflexion critique de notre part à tou(te)s, le recul détruira même le peu d’éclaircies acquises de haute lutte.

D’autre part, réfléchissons à notre propre responsabilité dans le maintien et la reproduction inchangée de ce système de santé et de soins surmédicalisé, consumériste, dans lequel la relation médecin-patient est teintée de pouvoir et/ou de commerce. Il nous faut prendre nos responsabilités pour notre propre santé, renoncer à l’obéissance, à l’ignorance et aux assurances faciles, de même qu’à l’illusion du risque zéro et à la polarisation en coupables et victimes. L’empowerment et la décision médicale partagée (shared-decision making) nous imposeront de nous informer, de faire une lecture critique des informations que nous recevons, de nous forger un avis (que nous assumerons jusque dans ses conséquences) et de prendre une décision pour nous-mêmes. [Elena Pasca]

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Voici les communiqués du Planning familial, par ordre chronologique

Sale temps pour la pilule ! Vers un « tout sauf la pilule » ? (18 décembre 2012) planning familial,contraception risque,contraception méthodes,pilules 3ème 4ème génération,véronique séhier,misogynie médicale

Le Planning Familial s’inquiète des retombées médiatiques qui, en s’appuyant sur des accidents dramatiques, jettent un discrédit sur toutes les pilules, avec le risque de faire peur aux utilisatrices.

Ces messages partiels n’évoquent à aucun moment les conséquences d’un arrêt brutal de contraception et de ses effets, et omettent toujours de mentionner les risques thrombo-emboliques plus importants liés à la grossesse : l’information doit être complète et objective. Le risque zéro n’existant malheureusement pas.

L’annonce du déremboursement des pilules de 3ème génération prise en octobre dernier par la ministre de la santé avait semé le trouble par son ambiguïté. Soit cette génération de pilules est dangereuse et elle doit être retirée du marché, soit ce n’est pas le cas et le service médical rendu est intéressant alors elles doivent être accessibles à toutes et remboursées. Il faut une position claire, cohérente et rassurante !

Le choix d’une contraception est un droit fondamental que les femmes doivent pouvoir l’exercer librement et de façon éclairée, quelle que soit leur situation. Le choix de la contraception adaptée est un élément de ce droit et il doit se faire de manière égalitaire quelles que soient ses ressources, loin des intérêts commerciaux des laboratoires pharmaceutiques dont on connaît la puissance marketing auprès des prescripteurs.

Exercer ce droit aux choix contraceptif suppose :

– Que les professionnels de santé -notamment prescripteurs- soient réellement formés par une formation initiale et continue tant sur les différentes méthodes, leurs avantages et inconvénients que sur l’écoute.

– Que les femmes et les hommes, jeunes et adultes soient informés sur les bénéfices et risques de chaque méthode (pilule, patch, anneau, DIU, implant, préservatifs, injections, contraception définitive…) par des campagnes d’information régulières aux messages clairs comme sur l’existence des lieux ressources

– Que l’ensemble des méthodes contraceptions soient remboursées.

L’accès à l’information complète en toute transparence est une responsabilité de l’Etat et la condition nécessaire d’un choix éclairé de la meilleure contraception, celle que l’on choisit librement.

Ne tombons pas dans le piège de l’injonction contraceptive : après le tout pilule, tout sauf la pilule !

Contacts presse :

Véronique Séhier # 06 86 65 25 19

Carine Favier # 06 88 52 09 10

4, Square St Irénée – F75011 Paris– Tel +33 (0)1 48 07 29 10 – Fax +33(1) 47 00 79 77 – http://www.planning-familial.org

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Pilules, pas de panique : il faut le redire ! (communiqué de presse du 29 janvier 2013)

Chaque semaine, chaque jour presque, sont mis avant les dangers d’une pilule puis d’une autre… sans que jamais ne soient évoquées les conséquences d’un arrêt brutal de contraception, en l’occurrence une grossesse non prévue ! Résultats : peur et méfiance !

On en oublierait presque que la pilule est d’abord un moyen de contraception efficace, et qu’à ce titre, c’est un vrai progrès pour les femmes et les hommes qui choisissent de vivre une sexualité libre et épanouie ! Que c’est le choix des femmes de maîtriser leur fécondité, de décider si et quand elles veulent être mères ou pas !

Sans vouloir minimiser les situations dramatiques et douloureuses vécues par les familles qui déposent plainte, Le Planning Familial s’interroge sur la façon dont se fait l’information aujourd’hui.

En France, en Europe et dans le monde, ces droits des femmes à disposer de leur corps sont toujours malmenés : 222 millions de femmes dans le monde n’ont toujours pas accès aux services de planification familiale [1] et une femme meurt toutes les 8 minutes des suites d’un avortement clandestin, faute de cet accès aisé à la contraception et à un avortement sûr et légal…

Qui se soucie aujourd’hui de l’inapplication de la loi française de 2001 ? Qui se soucie que l’information et l’éducation à la sexualité manquent de moyens, que des méthodes de contraception toujours mal ou pas remboursées, que l’accès à la contraception définitive soit souvent refusé et qu’il manque de lieux d’accueil pour les jeunes sur les territoires ?

Chaque femme, chaque homme, sans condition de situation ou de ressources doit pouvoir exercer le droit de choisir une contraception adaptée et remboursée, en toute confiance, après avoir reçu une information claire et objective sur les avantages et les risques de l’ensemble des moyens de contraception. Tous les jeunes doivent pouvoir accéder à cette contraception de manière gratuite, confidentielle, autonome et responsable : 59% des 15-17ans utilisent un préservatif non remboursé comme moyen de contraception, parfois en association avec la pilule dans 15% des cas (Enquête Fecond 2010, Bajos et al,). Ce sont les conditions nécessaires à l’exercice de ce droit fondamental.

L’accès à une information claire, complète et en toute transparence est une responsabilité de l’Etat. Il lui appartient donc de veiller à la formation des professionnels et à l’information du grand public sur TOUS les moyens de contraception, la pilule bien sûr, mais aussi tous les autres, d’autoriser ou non la mise sur le marché de ces produits, de faire les recommandations auprès des prescripteurs et de veiller à leur application.

Garantir à toutes et tous l’accès en toute sécurité et sans jugement à l’information, à toutes les méthodes de contraception et à l’avortement, est un combat universel ! Les droits sexuels sont des droits fondamentaux et au-delà d’une question prioritaire de santé publique, il s’agit bien d’autonomie, de liberté, d’indépendance, dans le respect des différences.

Droit à l’information et droit de choisir vont ensemble !

A quand une véritable campagne d’information sur TOUS les moyens de contraception ?

A quand des messages clairs, objectifs, cohérents et rassurants ?

[1] UNFPA Etat de la population mondiale 2012 « Oui au choix, non au hasard, planification familiale, droits de la personne et développement »

 

Contacts presse :

Marie Pierre Martinet # 06 70 19 83 48

Véronique Sehier # 06 86 65 25 19

 

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Diane 35 et génériques retirés du marché (30 janvier 2013)

Le Planning Familial est étonné de la décision de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) de la suspension de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) de Diane 35 et ses génériques dans les trois mois. En début de semaine, l’avis de l’ANSM était beaucoup plus mesuré.

Cette décision, dans la foulée de celle d’encadrer la prescription des pilules de 3ème et 4ème génération comme si cela n’était pas suffisant, vient :

– renforcer et aggraver fortement l’angoisse des femmes et la suspicion qui pèse désormais sur l’ensemble des méthodes de contraception

– démontrer que le seuil d’acceptation des risques en matière de prévention est très largement inférieur à ceux liés aux grossesses ou pathologies

– mettre en exergue que le caractère « de confort » de ces produits (dont leur action contraceptive) ne peut être toléré et s’oppose au droit fondamental des femmes de maîtriser leur fécondité

Le Planning Familial déplore qu’aucune autre mesure ne soit annoncée notamment quant à l’encadrement des prescriptions, la formation des professionnels et l’information des personnes et tient à rappeler que le risque zéro n’existe pas.

Il encourage les femmes sous Diane 35 ou génériques à ne pas interrompre brutalement ni leur traitement ni leur contraception et à prendre contact avec les prescripteurs.

Contacts presse :

Marie Pierre Martinet # 06 70 19 83 48

Une réflexion sur “Scandale de la pilule tourné contre le Planning familial et la santé des femmes. Exemple de l’endométriose”

  1. Bonjour, je reviens vers ce qui est dit par le Dr Belaish sur l’endométriose, c’est quand meme effarant de lire des trucs pareils ! Quand on en sait rien on en sait rien, point barre. Je ne vois pas l’interet d’aller masquer son ignorance par des stupidités pareilles.

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