Le livre de Guy BECHTEL « Les quatre femmes de dieu: la putain, la sorcière, la sainte & Bécassine » (Plon 2000, puis rééditions chez Pocket) éclaire le présent en retraçant l’histoire des tortures morales, des humiliations et contraintes infligées aux femmes par le christianisme, particulièrement dans sa variante catholique.
Je parle en détail de ce livre, pris comme point de départ d’un exposé des racines du sexisme, de la misogynie et gynophobie mais aussi de plusieurs formes sous lesquelles ils continuent de se manifester de nos jours, y compris dans l’éducation, la justice, la petite enfance et en santé / médecine.
Je donne des exemples concrets, particulièrement l’endométriose, rappelle mes campagnes contre des pratiques et des praticiens misogynes, commente les thèses psychanalytiques, donne des liens et des références… Cet article détaillé finit par des extraits du livre de Guy Bechtel.
Je reprends ici ma critique du livre, parue en 2003 dans la revue de philosophie et littérature « Place aux Sens », précédée par quelques remarques préliminaires et exemples de misogynie traduite dans une psychosomatique à deux balles.
Je donne en particulier l’exemple du dérapage de l’élite de la gynécologie française, qui s’est laissée mener en bateau par un psychanalyste [Jean-Michel Louka] cherchant à faire parler de lui et à recruter. Les grands pontes et leurs revues ont avalisé des interprétations sectaires ahurissantes de l’endométriose (et d’autres maladies à prédominance féminine), dont la cause serait une « névrose hystérique » due à des viols et autres sévices sexuels… Ca dépasse l’entendement… Une campagne que j’ai initiée a heureusement réussi à obliger le Pr Patrick Madelenat, le Pr Charles Chapron, le Dr Jean Bélaisch et d’autres à faire marche arrière avant que cela aille trop loin. C’était en 2007 – 2008, mais des tendances déviantes existent encore… Décidément, les femmes doivent lutter tous les jours pour se faire respecter – et bien soigner…
Connaître les causes pour mieux comprendre les effets
L’une des fonctions essentielles de l’éclairage historique du présent est circonscrite par la formule de Vladimir Jankélévitch: « le déniaisement par l’histoire »… Pourquoi? Pour apprendre comment des faits sociaux se sont agrégés de telle façon plutôt que d’une autre, apprendre à quoi les luttes des féministes nous ont arraché(e)s et dans quelle nuit nous risquons de retomber peu à peu si nous ne prenons pas conscience du fait que la libération des femmes est un processus, une lutte de tous les jours, et non pas un état acquis une fois pour toutes. Le livre de Guy Bechtel contribue à ce « déniaisement par l’histoire » et donne des outils d’empowerment.
On parle des femmes portant la burqa, torturées physiquement, éliminées… Et les images nous détournent de l’abîme tout aussi inacceptable qui existe toujours chez nous – qui prétendons pourtant être progressistes et éclairés, sortis de la barbarie – entre les droits des femmes et ceux des hommes.
Les tortures morales et autres mauvais traitements infligés aux femmes par le christianisme sont une conséquence de la diabolisation des femmes par le catholicisme, l’orthodoxie et le protestantisme. Les femmes sont considérées comme des êtres maléfiques et impurs, comme la racine de tous les maux (Ève coupable d’avoir mangé la pomme…), ce qui justifierait qu’elles subissent à l’infini le soupçon d’être responsables de toutes les formes du mal, réels ou imaginaires et/ou inventés pour légitimer une intrusion permanente dans leurs vies et les injonctions pour imposer des standards de pensée, de comportement et de (mé)connaissance de soi.
Cette culpabilité justifierait aussi des formes de « violence douce », de « punitions », rappels à l’ordre établi et « corrections » en tous genres, incluant la normalisation par les moyens de la psychopharmacologie. Ces moyens sont de plus en plus sophistiqués et de moins en moins directement identifiables comme tels, mais l’objectif reste le même : que nous restions à l’état de minorité et d’incapacité civile, ou alors, lorsque cela n’est plus défendable dans des sociétés ayant un système juridique qui permet l’égalité des droits, les moyens servent à empêcher l’égalité dans les faits. Des moyens nouveaux apportés par les technosciences au service du néolibéralisme font des femmes l’objet d’une surveillance et d’un contrôle omniprésents.
La médecine a de tout temps contribué à opprimer les femmes, et la gynécologie s’est même construite sur l’interdiction des pratiques solidaires et de soin, sur l’expropriation des femmes, de leur savoir-faire et de leur connaissance de leur propre corps. La féminisation du corps médical ne change rien à cette oppression fort bien enracinée dans la doctrine comme dans les pratiques conscientes ou pas, et qui s’exercent par la médicalisation (surmédicalisation et sous-médicalisation), par l’instrumentalisation du corps des femmes et son contrôle.
Car c’est le corps des femmes qui est le plus médicalisé, surmédicalisé au profit de l’industrie pharmaceutique et à d’autres « industries de la santé ». Ce corps, idéalisé pour mieux pouvoir le contrôler de multiples façons, est soumis à la dictature d’une « normalité » inventée de toutes pièces, pour le bénéfice de la domination de genre et de celle économique. Cette normalité n’a d’existence qu’au même titre que d’autres outils marketing – c’est un « standard » imaginaire avec tout son cortège de clichés et de préjugés très efficaces pour le pharmacommerce. On ne peut pas dénoncer la normalisation des femmes entreprise (aussi) par la médecine sans la situer dans le contexte, parce que la misogynie de la médecine a ses racines dans la misogynie culturelle et religieuse que Guy Bechtel met en évidence avec toute la rigueur de l’historien qu’il est, et sans intention militante ni polémique. D’où l’efficacité du livre.
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Quelques facettes de cet exposé de Bechtel qui nous fait acquérir des outils de réflexion
Cet aspect « leçon d’histoire », syntagme sans aucune connotation péjorative, est d’autant plus intéressant que le livre n’est nullement didactique ou prescriptif...
L’ouvrage « Les quatre femmes de dieu: la putain, la sorcière, la sainte & Bécassine » dépasse largement l’objectif premier d’un livre, qui est d’apporter des informations sur l’objet en question. C’est un véritable apprentissage que fait le lecteur, sans même s’en rendre compte.
Les « enseignements » livrés par Bechtel ne tombent pas dans la facilité consistant à dire de façon prescriptive quoi penser, mais aident à construire un comment penser, et aussi comment s’orienter dans les questions actuelles liées à la vie des femmes ainsi que dans la thématique et les dénonciations contenues dans les écrits féministes et perçues parfois comme agressives et exagérées.
Le travail de l’historien Bechtel à atteint son but: permettre au lecteur de transformer les informations dont il est abreuvé en connaissances s’inscrivant dans un cadre de pensée et de réflexion que Bechtel contribue à construire chez les lecteurs par le recours à l’histoire au sens documentaire du terme, aux exemples concrets.
Le lecteur pourra décrypter beaucoup de détails, de comportements et de clichés en les percevant non pas comme des phénomènes isolés, comme des informations disparates, mais comme des éléments interdépendants qui forment un système lisible.
Et, en rapport avec tout ce qui précède, Bechtel a réussi à rendre intelligibles les structures qui relient ces phénomènes en apparence isolés ainsi que la multiplicité des déterminations contextuelles de ces phénomènes, déterminations croisées d’un aspect à l’autre. Il a réussi à mettre en évidence la nature et la spécificité culturelle des médiations (Vermittlungen) socio-historiques et économiques qui ont abouti à l’image et à la (décom)position actuelles des femmes dans nos sociétés.
Cette illustration, inspirée par le livre de Bechtel, est tirée du blog « La chaire domestique« .

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Médicalisation du corps et du psychisme des femmes, principale cible du pharmacommerce
Je parlais de cet outil marketing qu’est cette normalité illusoire, dont les dimensions sont exposées dans les articles de la catégorie « contrôle social, normalité, mise au pas ». C’est un « outil » que les médecins représentant les intérêts des laboratoires pharmaceutiques (qui les paient et les influencent par divers moyens) traduisent en pratique, lui donnant réalité, l’érigeant en norme, avec tous les dégâts physiques et psychiques qui peuvent en résulter. Ces dégâts seront à leur tour un prétexte pour vendre d’autres médicaments, tels des psychotropes pour « normaliser » le psychisme, gommer les hauts et les bas perçus comme pathologiques, lisser l’effet d’éventuelles fluctuations hormonales physiologiques, « traiter » la dépression et l’anxiété induites par le décalage entre les caractéristiques de chacune d’entre nous et les superwomen et top models imposés comme idéal de la femme.
La même chose s’applique aux idéologues et marchands du complexe naturo-psycho-holistiqu. Certains vendront des granules d’homéopathie pour l’humeur ou la dépression, en fonction du « terrain », sachant que les terrains sont d’une misogynie crasse, déjà dans les intitulés. D’autres vendront des plantes ou diverses variantes d’une « Nature » reconstruite et mise en boîte pour les besoins de la santé financière. D’autres encore (ou les mêmes, d’ailleurs) vendront des programmes de coaching, psycholibération émotionnelle, pratiques « énergétiques » et pseudo-médecines exotiques dites « traditionnelles » mais en fait souvent reconstruites pour le profit et l’idéologie respective.
Quoique sans se référer explicitement aux femmes, Alain Ehrenberg dénonce fort bien dans ses livres « l’abrasion chimique » (et celle « naturelle » relève de la même façon de faire) de nos dilemmes, des humeurs, c’est-à-dire des états qui façonnent la subjectivité. Car la subjectivité n’est en aucun cas lisse et uniforme, permutable et réductible à une moyenne et à une abstraction de manuel médical. À moins de vouloir la faire ressembler à la mort psychique, au tracé plat de l’électrocardiogramme d’un(e) décédé(e)…
L’industrie pharmaceutique est prête à toutes les inventions, comme l’illustre le faisceau de techniques marketing connu sous le nom de disease mongering (voir les détailsttrès utiles dans ces textes), principale méthode de la surmédicalisation ayant pour cible principale les femmes et consistant à induire une consommation de médicaments et de techniques médicales – ou à l’augmenter et la chroniciser là où cette consommation existe déjà.
Il suffit de penser à la médicalisation d’états physiologiques tels que la ménopause, à la quantification, la standardisation et l’unification de force de la diversité des femmes et de leurs caractéristiques. Pour ne prendre que quelques exemples: le désir est quantifié, le physique est standardisé, le vieillissement (fragilisation des os, diminution de certaines capacités, etc.) est conçu comme une maladie à prévenir ou à traiter, l’âge de la puberté est unifié et fixé arbitrairement, et ainsi de suite.
On n’est plus en capacité de se poser la question des facteurs qui influencent le désir, parce qu’on a déjà la réponse, celle qui en fait une affaire commerciale: il y aurait un « trouble » appelé « dysfonction sexuelle féminine », occasion pour les labos de recycler quelques antidépresseurs qui n’ont plus la côte ou dont le brevet expire, ou alors de trouver un marché pour des nouveaux psychotropes inutiles… Mes articles sur la marchandisation de la dépression parlent aussi spécifiquement des femmes, à partir de cette page.
Par leur complicité et leurs prescriptions intéressées ou du moins non réfléchies, les médecins sont les instruments la plupart du temps volontaires ou consentants de ce commerce et de ce moyen de contrôle social et d’oppression pas immédiatement identifiable comme tel, donc d’autant plus efficace. Rappelons ce qu’a donné la médicalisation de la ménopause, due aux liens financiers des médecins avec les firmes pharmaceutiques: une prescription massive de traitements hormonaux substitutifs induisant une augmentation du nombre de cancers du sein et d’autres effets secondaires nocifs pour la santé des femmes.
Une épidémie d’effets secondaires due à des traitements rarement justifiés est probablement en train d’arriver avec l’autre grand chantier d’une pseudo-« prévention » qui n’est que du commerce: le traitement préventif (sic) d’un facteur de risque présenté comme une maladie, à savoir la diminution progressive de la densité osseuse aboutissant à l’ostéopénie. Or on voit que le traitement « préventif » par les médicaments de la classe des bisphosphonates est loin d’être sans effets indésirables (lire mes notes sur la médecine préventive et l’abus de prévention à partir de cette page ): fractures atypiques, ostéonécrose de la mâchoire, douleurs articulaires et musculaires pouvant être irréversibles…
L’abus de prévention est un vaste sujet, qui comprend aussi les mammographies inutiles (mais exposant à des risques cumulés, par exemple des cancers radio-induits), de même que les vaccins censés protéger contre le cancer du col de l’utérus, qui sont une vaste expérimentation grandeur nature sur nos jeunes filles. Quelle que soit la forme qu’elle prend, cette médecine préventive, prédictive (en particulier depuis le tout génétique) devient aussi prescriptive, s’agissant des femmes. Prescriptive au sens de préceptes moraux, exactement comme l’était l’église à une époque pas encore si lointaine (pensons aux repentances et autres devoirs imposés par le curé, en plus du comportement prescrit sous peine d’invoquer les foudres du ciel…
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Misogynie de la médecine: une psychosomatique à deux balles, dont la place est hypertrophiée dans une médecine paresseuse et incapable de reconnaître son ignorance et ses limites
Depuis toujours, la médecine fait preuve d’une misogynie indécrottable, qui a ses racines dans les cultures et les mentalités dont les religions sont une déterminante essentielle. Or les religions sont pour la très grande majorité non seulement misogynes, mais aussi gynophobes.
Bechtel éclaire, entre autres, ce que j’appelle l’alliance objective entre le curé et le médecin, qui participe de l’oppression des femmes en donnant des arguments d’autorité – divine plus scientifique – pour étayer la prétendue infériorité des femmes et les réduire à leur fonction de porteuses d’hommes : utérus sur pattes remplissant les églises et s’activant aux fourneaux, selon la formule « 3 K » qui définissait la féminité selon les ecclésiastiques allemands : Kinder, Küche, Kirche (enfants, cuisine, église).
Et si la misogynie est moins évidente dans la médecine actuelle, ce n’est pas parce qu’elle aurait disparu. Non, elle s’est simplement merveilleusement adaptée, actualisée, transformée. Pour plus d’efficacité, bien entendu. Elle peut paraître même un allié, surtout pour celles et ceux qui souhaitent voir les femmes en éternelles victimes, plantes fragiles à qui l’on doit protection, après avoir reconnu leurs spécificités (lisez faiblesses) constitutionnelles. C’est la fameuse « différence biologique » déclinée à toutes les sauces, pour justifier des comportements différents à l’égard des femmes, voire des droits différents, qui cassent l’universalité de la loi commune, divisant la citoyenneté en deux, en forts et en faibles…
Ce n’est pas pour rien que les études de genre (gender) soulignent la « double socialisation » (Regina Becker-Schmidt) – et la double domination – exercée sur les femmes : familiale / masculine mais aussi économique / capitaliste.
La médecine est un instrument efficace dans les deux dimensions de cette double socialisation et domination, puisqu’elle se sert de son aspect prescriptif – c’est le cas de le dire – par le renvoi au rôle de mère comme par l’inculcation d’un standard auquel les femmes doivent s’ajuster, moyennant psychotropes aussi bien que traitements hormonaux, régimes ou chirurgie esthétique…
Dans un autre registre, on notera que tout est fait en médecine, consciemment ou non, pour humilier les femmes. Pensons aux procédures gynécologiques telles que la position lors de l’accouchement et même lors de l’examen clinique, où seul le confort du médecin compte… Et ainsi de suite.
La médecine intervient activement pour imposer des « devoirs », et elle franchit en permanence la barrière entre faits scientifiques (plus ou moins démontrés) et prescriptions éthiques, par exemple s’agissant de l’allaitement. D’une pratique, il devient une éthique, un devoir moral à remplir sous peine de culpabilisation.
Je me souviens – et ai relu récemment les mails – de toutes les critiques qui se sont déversées sur moi lorsque j’ai osé dire cela sur une liste de discussion du Formindep / Prescrire, lorsqu’une rédactrice de la revue a fait de la publicité pour un colloque co-organisé par Prescrire et parlant de l’éthique (!?) de l’allaitement.
Dans des discussions la plupart du temps houleuses, j’ai pu constater à quel point la plupart des médecins pensent que leur rôle en la matière serait prescriptif au sens éthique (au sens de toutes ces éthiques arbitraires et concurrentielles, traduisant à leur sauce particulariste les principes moraux). Ils font pression et culpabilisent les femmes en invoquant le bien suprême de l’enfant. Ceci est un exemple de plus du dévoiement de la fonction sociale de la médecine et de la similitude entre les comportements du curé et ceux du médecin…
L’écologie « profonde » et celle démesurée en général contribue elle aussi parfois à cette culpabilisation. Il suffit de penser aux couches lavables et à d’autres injonctions faites aux femmes au nom de la planète…
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Dr Jean Belaisch : misogynie cachée sous la sollicitude envers ces pauvres femmes, éternelles victimes…
Il y en a qui prétendent sérieusement que toutes les maladies des femmes ou presque viendraient du psychisme, de traumatismes psycho-sexuels, de viols et autres sévices sexuels… Et le crime est parfait, puisque si les femmes prétendent ne pas avoir subi de telles choses, c’est qu’elles ont refoulé des expériences traumatisantes… On voit qu’il suffit de prendre deux ou trois concepts de la psychologie et de la psychanalyse sans rien connaître, pour donner des « explications » à la mode et qui vont faire marcher le commerce…
On voit aussi l’extraordinaire pérennité du cliché qui fait des femmes les éternelles victimes des hommes. On pourrait même dire que même dans la maladie, elles ne sont pas autonomes; même les maladies leurs viennent des hommes.
C’est là une illustration extrême, mais de telles 70 les thèses très fantaisistes font leur chemin, puisqu’il suffit d’un gros ponte bien placé tel le patriarche de la dynastie gynécologique Bélaisch, j’ai nommé le Dr Jean Bélaisch, pour les diffuser avec le soutien désintéressé, si, si, des laboratoires pharmaceutiques.
Le discours de 2007 de ce médecin très intéressé par le sort des pauvres femmes victimes et qui voit des traumatismes sexuels partout (comme cause ( !!) de maladies auto-immunes, endométriose et autres maladies gynécologiques, troubles fonctionnels, etc.) nous a été délivré d’un palace luxueux à Monte-Carlo, dans le cadre d’un congrès annuel de formation médicale continue appelé Gynovations. L’édition 2007 de ce congrès a été sponsorisé par pas moins de 42 (quarante-deux) laboratoires pharmaceutiques. De quoi confirmer tout ce que j’ai écrit sur les effets de la mainmise des firmes sur la formation médicale continue, appelée développement professionnel continu.
Jean Bélaisch est un vrai leader d’opinion ou « key opinion leader » (voir l’excellent dossier du British Medical Journal), c’est-à-dire une manne d’or pour les firmes, vu les implications de son discours en matière de prescription médicamenteuse: il préconise des traitements hormonaux pendant des (dizaines d’) années à la place de la chirurgie, pourtant seule chance dans l’endométriose… Et, au cas où les molécules ne seraient pas efficaces, il préconise d’ajouter des psychotropes de toute sorte, de faire intervenir des psys, etc.
Ce médecin une vraie manne d’or aussi pour les médecins de plusieurs spécialités, auxquels il procure une clientèle assidue, car à la recherche perpétuelle d’un soulagement: imaginez une endométriose profonde sévère et répandue partout, qu’il veut traiter par des médicaments hormonosupresseurs et des psychotropes. Cela ne va pas marcher, on le sait d’avance, les vrais experts (qui traitent cette maladie avec succès) le disent, et je relaie les travaux du Dr David Redwine, du Dr Harry Reich et du Pr Marc Possover depuis des années. Tout en donnant l’alerte officiellement à partir de 2005, auprès des associations, auprès des autorités sanitaires (HAS, AFSSAPS / ANSM,…), des organisations et journaux médicaux, etc.
Et comme les combinaisons médicamenteuses sont multiples, il va falloir les essayer toutes. Avec des interventions de chirurgie inadaptée, partielle, plus les pseudo-médecines douces et tous les produits des marchands du complexe naturo-psycho-holistique. Les idées, pratiques et initiatives du Dr Jean Belaisch sont une manne d’or aussi pour toutes les techniques psy, allant de celles reconnues jusqu’aux charlatanismes les plus patents. L’on dénombre environ deux cent « psychothérapies » qui aimeraient toutes suivre le modèle très lucratif de la psychanalyse, cette secte basée sur des théories sexistes, misogynes et gynophobes dont l’influence est énorme. Au détriment des femmes.
De fait, à prendre en compte ce que disent beaucoup de ses anciennes patientes, le Dr Jean Bélaisch a toutes les qualités du prêtre (confesseur) / médecin, paternaliste à souhait, protégeant ces faibles créatures sans défense et dont le discours fait office de lettre d’évangile auprès de ses brebis. Inutile de préciser que je n’ai aucun lien avec lui, mais ai lu ce qu’il a écrit et ai participé très activement a une campagne visant à endiguer les dérapages de certains médecins français qui se sont fait avoir par des disciples de Jean Bélaïsch comme par un psychanalyste aux méthodes charlatanesques et sectaires.
Les pratiques du Dr Jean Belaisch sont à peu près le meilleur contre-exemple : nous avons là tout ce de quoi les femmes devraient se débarrasser, si elles veulent être prises au sérieux, sortir de l’archétype « malade parce que souffrant d’une névrose hystérique » due à des sévices sexuels, et bien soignées…
Puisque sa misogynie se cache sous des dehors contraires, il n’a pas l’air de réaliser ce qu’il en est, puisqu’il pense être un défenseur des femmes… Il semblerait qu’il ait été très affecté par cette campagne au cours de laquelle des femmes ont protesté contre son discours et ses conséquences et, reprenant mes conclusions, lui ont souhaité une belle retraite.
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La vulgarisation d’une psychanalyse datée et d’auteurs tels Lacan: caution supplémentaire de la misogynie
A part les soubassements religieux, les diverses formes occidentales de misogynie ont une origine commune et plus récente : ces discours découlent de l’application au psychisme féminin d’une même version vulgarisée des théories freudiennes – et surtout lacaniennes – misogynes et gynophobes. Et ce alors que la psychanalyse internationale a quand même reconnu leur indigence depuis belle lurette. Mais cette version-là, désormais mondialisée, est trop profitable pour le pharmacommerce et le commerce médical comme pour le sentiment de pouvoir des médecins paternalistes ; ses bénéfices secondaires sont trop importants et ne permettent pas la remise en question de cette version au-delà des cercles scientifiques qualifiés (dont manifestement la plupart des médecins ne font pas partie…
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Un exemple : l’alliance entre un patriarche de la médecine cherchant à faire école qui encourage un psychanalyste qui voit des sévices sexuels partout
Quant à Jacques Lacan, son rapport aux femmes est pour le moins complexe. On pourrait remplir des pages pour le décrire. Et il est très facile pour des adeptes tels le psychanalyste Jean-Michel Louka utilisant des méthodes charlatanesques de se réclamer de Lacan pour voir des hystériques partout. Car c’est soi-disant en appliquant Lacan qu’il était question de voir la relation entre les femmes endométriosiques et les chirurgiens comme une « relation entre l’hystérique et son maître » (!)
C’est au nom de la théorie lacanienne que Jean-Michel Louka a élargi les thèses de Bélaisch: pour lui, toutes les femmes malades ont été violées, et cela concerne quasiment toutes les maladies, y compris celles qui sont communes aux hommes et aux femmes. Cancers compris.
J’ai hésité pendant quelque temps à donner son nom, parce qu’il semblerait que Jean-Michel Louka, qui est allé jusqu’à inventer des interviews avec lui-même et à parler de lui-même comme d’un « sauveur » (texto), dit que l’indifférence lui est insupportable. Il faut qu’on parle de lui, qu’on se positionne par rapport à ses thèses… Une pathologie qui semble relever du registre narcissique. Alors j’ai préféré ne pas entrer dans son jeu, ne pas lui rendre ce service, tant qu’il ne s’est pas fait connaître par d’autres moyens.
J’ai préféré répondre par l’humour, l’ironie et le sarcasme à cette obsession de la sexualité des femmes, qui sont ses seules clientes, à croire qu’il aurait du mal à se défaire de quelques archétypes maternels ou autres. C’est une réponse dans le genre de l’image ci-jointe (tirée du site Bulletworm) que méritent de telles fanfaronnades ridicules. Pardon pour la vulgarité, ce n’est pas dans mes habitudes, mais là…
A noter qu’il a été directement encouragé par Jean Bélaisch, qui l’a fait publier, ainsi que par l’association EndoFrance, qui met en scène Bélaisch (et vice-versa) et propage ses spéculations sur une prétendue origine psychique de l’endométriose (viols, abandons et autres sévices), en prenant le risque de provoquer des scissions et des protestations répétées de femmes qui s’estiment (à juste titre) insultées et trahies. La relation de l’association avec Jean Belaisch semble résister à tout et valoir toutes les divisions.
Sous la pression de protestations extérieures, et notamment de la campagne mentionnée plus haut à laquelle j’ai très activement participé, notamment en déconstruisant tout le discours soi-disant scientifique, EndoFrance a quand même dû se démarquer des idées de Jean-Michel Louka. Mais seulement après avoir tenté de nier le contrat ( !) signé avec l’association GynéPsy fondée par ce dernier afin de mieux recruter. Ce contrat, annoncé officiellement dans la Gazette de l’association EndoFrance, consistait entre autres à encourager les femmes souffrant d’endométriose et cherchant soutien sur le forum de l’association à se confier à Jean-Michel Louka sur la dimension psychologique de leur souffrance… (Même s’il n’était pas question directement d’établir une causalité avec des viols dans l’enfance). Et ces femmes se voyaient proposer de retrouver des souvenirs de sévices sexuels – thème abordé dès la première séance par Jean-Michel Louka, selon plusieurs témoignages.
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Le psychisme des femmes: excuse parfaite pour une médecine mal pratiquée, pour une ignorance non reconnue
Mais pourquoi donc des chirurgiens et autres médecins, y compris très réputés, tombent dans le panneau? Au point que le Pr Patrick Madelenat, qui se prend pour un dieu intouchable du fait de ses fonctions, publie un écrit scandaleux, lamentable et très mal ficelé de Jean-Michel Louka dans la revue « Gynécologie, Obstétrique et Fertilité »? Et que le comité de rédaction de cette revue – qui a accepté cet écrit selon les procédures habituelles, et non pas par une quelconque erreur – ait pu tomber dans le panneau montre à quel point la culture générale des médecins est inexistante. Il suffit de donner quelques noms (Freud, Lacan…) et de se revendiquer de quelques théories pour que tout passe.
Selon Jean-Michel Louka, toutes les maladies gynécologiques, et même « un nombre potentiellement illimité » ( !) de maladies auraient pour « cause » les prétendus sévices sexuels subis par les femmes (et niés ou oubliés). Mais comment même le plus nul des médecins peut concevoir qu’une même maladie aurait une cause biologique chez un homme et serait due à des sévices sexuels lorsque ce sont des femmes qui en souffrent ?
Jean-Michel Louka a proposé ses services aux patientes souffrant de sclérose latérale amyotrophique, entre autres… Suprême instrumentalisation de la souffrance que de se servir de l’état de personnes qui se savent condamnées à la mort et cherchent désespérément à donner un sens à leur souffrance, à chercher une cause, une réponse à la question « pourquoi moi » ? Mais il s’est aussi improvisé spécialiste des femmes souffrant d’alcoolisme, de comportements addictifs autres, spécialiste des violences conjugales et de toutes les souffrances pour autant qu’il s’agisse de femmes.
Et c’est stupéfiant qu’un tel individu – dont les méthodes, prévoyant entre autres son déplacement à domicile, l’appel à des dons, etc., méritent un article à part – ait pu être appelé en renfort par des médecins d’un service hospitalier parisien. En particulier parce qu’il intervenait gratuitement, pour pouvoir se prévaloir de cela et se réclamer de l’hôpital. Mais certains lui ont aussi adressé des patientes, sans chercher à en savoir plus. autre preuve de l’irresponsabilité de certains médecins, qui devraient eux-mêmes prendre le temps d’écouter.
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Le syndrome de la fausse mémoire – psychothérapies déviantes et sectaires, cautionnées par la gynécologies française…
Les conséquences, on les connaît, parce que ce qui se passe là, c’est un remake du « false memory syndrome », qui a fait des ravages aux Etats-Unis dans les années 90. Des psychothérapeutes plantaient des faux souvenirs dans l’esprit de femmes fragiles et/ou malades, qui retrouvaient par miracle, au cours de la thérapie, des souvenirs de viol, d’inceste, de sévices sexuels qu’elles auraient subis dans l’enfance, puis refoulés. Il y a eu une véritable épidémie de souvenirs de viol, qui a mené à des accusations portées contre les hommes de la famille ou de l’entourage, à des drames familiaux, des suicides…
Cette pratique – insinuer / induire un faux souvenir de sévices sexuels – est reconnue comme relevant des pratiques sectaires et des psychothérapies « déviantes » qui visent à séparer les cibles de leurs familles, pour mieux les embrigader.
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L’élite de la gynécologie française est tombée dans le panneau !
Cela se passe avec le concours de Patrick Madelenat, de Charles Chapron (qui voulait ouvrir une consultation publique à Jean-Michel Louka, à l’hôpital Cochin, obligeant les endométriosiques à aller le voir…), de Philippe Descamps, du patriarche Jean Belaisch et de bien d’autres…
Je le disais, Jean Bélaisch a été très surpris par la campagne menée par les femmes protestaires, puisqu’il se voyait comme leur protecteur et ne comprenait pas ce que cela a de condescendant, d’humiliant, de méprisant.
D’autant que ses confrères ont du faire marche arrière et donner raison aux femmes protestataires. Madelenat a lui même publié dans Gynécologie, Obstétrique et Fertilité une réponse qui ressemble à des excuses et fait en tout cas marche-arrière. Puis il a conçu un texte sur l’endométriose dans lequel il ne pipe pas mot de ces soi-disant causes psychiques (traumatismes dus à des sévices ou à… l’abandon par les parents – ce dernier étant lui aussi évoqué comme possible cause par Bélaisch, pour « expliquer » l’endométriose des femmes qui n’aurait quand même pas retrouvé des souvenirs de viol, malgré tous les efforts et toutes les suggestions de psychanalystes de la trempe de Jean-Michel Louka…
Et le CNGOF (Conseil national des gynécologues et obstétriciens français), dont la direction n’a jamais été mêlée à cette affaire, nous a envoyé une lettre très claire disant qu’il se désolidarisent complètement de ce genre de propos, quelque soient les auteurs qui les ont tenus (Bélaisch, le psychanalyste charlatan et d’autres, car d’autres ont aussi sauté sur l’occasion de justifier l’échec de leurs traitements inadéquats par le psychisme des femmes).
A noter que la lettre du CNGOF est signée par le président d’alors (fin 2007), Emile Darai, comme par le secrétaire, mais pas par la vice-présidente, puisqu’il s’agit de la propre fille de Jean Bélaisch, la Dre Joëlle Bélaisch-Allart, grande figure médiatique de la procréation médicale assistée, et dont le mari co-écrit des textes avec Jean Bélaisch, y compris pour parler de cette façon de l’endométriose… C’est pourquoi je parlais de la dynastie gynécologique… Je reviendrai un jour enh détail sur cette affaire, documents à l’appui.
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L’excuse facile pour une médecine mal faite ou qui ne sait pas reconnaître ses limites, son ignorance
La réponse à la question du « pourquoi », pourquoi les médecins sont-ils tombés dans le panneau et ont donné carte blanche à Jean-Michel Louka, a une portée plus large que ce seul exemple. Elle nous amène à un raisonnement plus général utilisé comme excuse imparable par certains soignants : si les médecins font mal leur travail, ils peuvent toujours nier cela et tout mettre sur le compte du psychisme de la femme qui souffre malgré les soins ou malgré les dires des soignants la déclarant en parfaite santé.
Il n’y a pas que les médecins pour se servir de ces clichés afin de cacher un mauvais travail. L’industrie pharmaceutique est passée maître dans l’art de laver ses médicaments de tout soupçon en cherchant des poux dans la tête des femmes.
Tout effet secondaire du Gardasil et du Cervarix (vaccins anti papillomavirus selon les labos) est mis sur le compte de réactions psychosomatiques ou psychogènes tout court. Les deux jeunes filles espagnoles hospitalisées pour des convulsions et des états épileptiques en Espagne ont été déclarées hystériques par un comité d’experts dont les conflits d’intérêts sont légion et dont la réunion a été mise en place et financée par les firmes Sanofi Pasteur MSD, Merck (et GSK aussi, me semble-t-il). Elles souffriraient d’une hystérie de conversion… Je conseille à ces laboratoires de prendre contact avec le Dr Jean Bélaïsch et avec Jean-Michel Louka afin de peaufiner leurs discours…
Tout effet secondaire d’un médicament quelconque qui arrive chez une femme est presque toujours automatiquement mis sur le compte de la somatisation. Les exemples sont légion, et cela m’a d’ailleurs été confirmé par des chargés de pharmacovigilance dans des centres régionaux de l’AFSSAPS. Ce n’est pas la même chose s’il s’agit des hommes. Là, les signalements sont pris au sérieux et comptabilisés. Même chose quant aux douleurs dont se plaignent les femmes, réduites à des douleurs psychogènes (et certains disent ouvertement « hystérie ») et quant aux autres symptômes qu’elles signalent en allant aux urgences, par exemple. Toutes les études ont confirmé les biais et préjugés qui retardent et empêchent le diagnostic, la prise en charge et le traitement corrects et adéquats.
L’un des meilleurs exemples de l’influence de la psychanalyse est la tendance des médecins français à donner dans une psychosomatique de Monoprix : dire que « c’est dans la tête », dès lors qu’une femme se plaint de quelque chose qui n’est pas immédiatement diagnostiquable, etc. Le nombre d’erreurs médicales commises de la sorte est impossible à estimer. Le préjudice moral infligé aux femmes ainsi méprisées et humiliées s’ajoute aux souffrances non soulagées, car non reconnues. Il est stupéfiant de voir la quantité de théories plus farfelues les unes que les autres – et dont les fondements psychologiques sont inexistants, pour ceux qui connaissent le corpus théorique – véhiculées par des médecins et par tous les charlatans satellites ayant bien senti le bon filon.
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Quelques contradictions du discours idéologique sur l’altérité des femmes…
On insiste beaucoup sur les différences entre les hommes et les femmes, pour étayer la prétendue supériorité des hommes, même en passant par des détours dans le genre de la « complémentarité ». Les femmes sont même essentialisées, ontologisées, y compris par certaines féministes. Et cela est une autre manière d’enfermer les femmes dans un enclos fait d’idéologie, certes moins visible que l’enclos qu’est une burqa, mais pas moins contraignant et de nature à déformer toute la construction du genre, des rôles sociaux, de l’identité personnelle et sociale, ce qui inclut la déformation de l’image que les femmes peuvent avoir d’elles-mêmes et l’estime de soi.
Je milite non pas pour des droits et des lois spécifiques, pour mais pour la stricte égalité en droit de tous les citoyens et contre toute discrimination. Par conséquent, cette essentialisation de la différence biologique, cette identification avec un rôle ou avec des qualités prétendument intemporelles et relevant d’une « féminité » naturelle, que l’on pourrait définir en la soustrayant à la construction socio-historique, selon certains, est inacceptable et doit être interrogée de manière à dégager les composantes idéologiques et les intérêts qui la déterminent.
Si j’évoque ici la question des différences, c’est pour dire qu’elles sont passées sous silence là où elles existent, sans relever pour autant de je ne sais quelle essence… Voilà une preuve du « traitement » idéologique de ces questions: l’industrie pharmaceutique ne dit pas que les statines (Zocor, Tahor, Crestor…) et d’autres médicaments anticholestérol (Inégy, Ezétrol) sont inefficaces chez les femmes en prévention primaire, c’est-à-dire chez celles qui n’ont pas eu de problèmes cardiovasculaires notables. Et la question se pose partiellement même pour la prévention secondaire, comme je l’ai dit dans cette note et celle-ci . Mais pourquoi Pfizer s’intéresserait-il aux différences, alors que son intérêt est de perpétuer, voire de multiplier ce que lui rapporte le Tahor (atorvastatine), à savoir 13,5 milliards de dollars (chiffres de 2007) ?
L’altérité ou la mêmeté, tout est fonction non pas d’une nature immuable et éternelle et de je ne sais quelles valeurs associées à une « féminité » qui ne veut rien dire, mais d’une historicité bassement matérielle, faite d’intérêts marchands… Ou fonction des intérêts idéologiques, comme jadis pour la religion catholique.
Mais marchandisation et idéologie se renforcent l’une l’autre, puisque plus la marchandisation et l’homogénéisation du néocapitalisme avance, plus il a besoin de cacher ses dégâts collatéraux en mettant en avant un « supplément d’âme » apporté par les religions et par ces « cultures » et autres ressources identitaires devenues tout d’un coup essentielles et censées être reconnues comme des interfaces entre les individus et la communauté politique… Sauf que les identités (et les supports culturels et religieux qui les portent) sont devenus eux-mêmes des produits, des marchandises sur le marché néolibéral, au même titre que le corps et la santé des femmes marchandisés. Les profiteurs du néolibéralisme y voient une source inépuisable d’affaires rentables et se réjouit que les identités et autres produits de l’industrie de la culture contribuent à occulter les dégâts des logiques de marché et la déshumanisation rampante, en servant de « supplément d’âme ».
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Les femmes doivent comprendre toutes les conséquences de l’emprise des religions et s’en libérer
Pour ce qui est des religions, ma position est claire, et je l’ai exprimée par exemple en mars 2003 lors d’un débat organisé par la mairie de Vitry, à la fin de la marche de « Ni putes ni soumises« , partie de cette ville dans laquelle avait été brûlée la jeune Sohane. Ce type de violences faites aux femmes est inspiré directement ou indirectement par les religions, puisque les hommes grandissent avec des préjugés culturels, dans des habitus dont ils pensent qu’ils les confortent dans leur « droit » et « devoir » de contrôler les femmes. Y compris en les surveillant et en corrigeant leurs soi-disant « écarts » de conduite. Ils se pensent légitimés par le statut et les « devoirs » conférés par les religions ou par des interprétations plus ou moins sauvages et opportunistes.
J’ai appelé pour ma part à la désobéissance religieuse envers tout précepte portant préjudice aux femmes, à un droit de critique et d’inventaire concernant toutes les religions, parce qu’elles sont toutes des instruments d’oppression des femmes. L’émancipation devrait commencer par cette distanciation critique et par des exigences d’aggiornamento formulées par les croyantes elles-mêmes, pour que les religions cessent toute ingérence dans l’espace public, dans le domaine temporel.
Pour le reste et pour les autres dont je suis, il faut se battre pour que la laïcité républicaine telle qu’elle est formulée par la loi de 1905 ne change en rien: une indifférence totale de l’Etat républicain par rapport aux religions, inexistantes à ses yeux. Il ne faut faire aucune concession, refuser toute brèche permettant une laïcité « positive », toute reconnaissance des religions dans l’espace public, tout lobbying allant vers la reconnaissance de droits culturels et communautaires, vers un statut de droit privé pour les religions, tel que le réclamait Joseph Ratzinger dans un ouvrage des années 80. La République n’a que faire des religions, comme elle n’a que faire de toute croyance privée. Tant qu’elles restent dans l’espace privé et n’ont pas d’influence sur les lois, le droit, la justice, l’éducation, etc., les droits des femmes ne sont pas attaqués directement.
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Ce livre de l’historien républicain Guy Bechtel est-il en décalage avec son oeuvre et l’objet habituel de ses études?
Guy Bechtel sort ici de la thématique habituelle de ses ouvrages – histoire de certaines régions telles le Languedoc ou d’époques telles la Renaissance; histoire de faits sociaux tels l’imprimerie ou le racisme aux arguments pseudo-scientifiques (Délires racistes et savants fous, Plon, 2002); biographies (Paracelse, Gutenberg); romans burlesques; dictionnaires, y compris le Dictionnaire de la bêtise…
Mais il est plus que jamais fidèle à sa fonction sociale d’historien républicain, qui se doit d’éclairer aussi les ratages et les hésitations du camp républicain quant aux femmes, longtemps frappées d' »incapacité civile ». Et ce en violation des principes égalitaristes et de la démarche d’universalisation propre à l’idée de République. Je conseille vivement les autres livres de Guy Bechtel sur la religion, la sexualité et les femmes, abordant eux aussi certains aspects de la « sainte alliance » entre les prêtres et autres dignitaires religieux, d’une part, et les médecins et leurs organisations, d’autre part. Alliance pour continuer à inférioriser les femmes, en faire d’éternelles malades, faibles par nature, pleureuses, chochottes, douilettes et persistant dans la plainte. Comme la médecine, la psychanalyse n’a fait que systématiser le sexisme, la misogynie et la gynophobie, leur donnant l’apparence de constats scientifiques grâce, entre autres, à la terminologie utilisée : patientes, praticien, clinique, psychopathologie, nosologie, étiologie, cure, diagnostic, névrose / psychose / perversion, et ainsi de suite.
« La Sorcière et l’Occident » et « La Chair, le diable et le confesseur » sont deux autres livres de Guy Bechtel à lire absolument si l’on veut comprendre les racines des stéréotypes, clichés, préjugés et façons sexistes dont la médecine traite les femmes, et qui ont été systématisés par la psychanalyse.
D’autre part, l’historien républicain se doit de nous apprendre quelles conséquences pourrait avoir une « laïcité ouverte », à la Sarkozy, parce que les droits des femmes, comme les droits sociaux, d’ailleurs, ne sont jamais acquis. Il a fallu les arracher, sans qu’on réussisse à atteindre l’égalité homme – femme, et il faut toujours se battre pour qu’ils ne disparaissent pas, grignotés peu à peu sous divers prétextes. Une République laïque est indifférente face aux religions et doit le rester. L’histoire est là pour montrer à ceux qui voudraient jouer aux apprentis sorciers pourquoi cette indifférence doit rester telle quelle.
Parlant du passé, l’histoire de la médecine nous en apprend beaucoup, en particulier la façon dont la gynécologie s’est construite en s’appropriant les savoirs pratiques des femmes vilipendé es comme sorcières: des sages-femmes, guerrisseuses, etc. La référence à la science, exclusivement masculine, a permis de prendre le savoir des femmes tout en les excluant, en les stigmatisant et en les dépossédant de la connaissance et du savoir-faire pratique de leur propre corps. La médecine naissante a rendu les femmes dépendantes même pour la façon de découvrir, penser et faire l’expérience de leur propre corps. Conçu comme inférieur, vulnérable, malade perpétuel, etc. Il faut lire les livres des féministes anglophones, et en particulier ceux de Barbara Ehrenreich et Deirdre English : Complaints and Disorders ou encore For Her Own Good. 150 Years of Experts’ Advice to Women, etc. Sans oublier les écrits de Kate Millett, Jessica Benjamin, Judith Butler, Susan Sontag, Andrea Dworkin, Juliet Mitchell, Margarete Mitscherlich et tant d’autres.
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La remise en question de l’avortement, l’un des signes de la dégradation des conditions de vie et de santé des femmes
Je parlais d’un recul progressif des droits des femmes, que l’écran de fumée émis par ceux qui s’estiment castrés par une prétendue « féminisation » de la société (Aldo Naouri, Eric Zemmour…) n’arrivent pas à cacher.
Le droit à l’avortement est de plus en plus mis à mal en pratique, par exemple, et retirer une bonne partie des subventions au Planning familial est un autre coup porté aux droits des femmes, bien au-delà de la seule question de l’IVG (interruption volontaire de grossesse). La pétition du Planning familial a réuni plus de 140.000 signatures en peu de temps, mais la garantie des subventions ne porte que sur trois ans… D’autres détails montrent la volonté de désengagement de l’Etat.
Le gouvernement vient d’annoncer le doublement des tarifs des médecins et des services et cliniques qui pratiquent l’IVG. C’est une bonne chose. Mais, comme d’habitude, ce qui va dans la poche des médecins sort de la poche des femmes, puisque le tiers payant augmente lui aussi de 50%… Cette façon de faire contribue au fossé qui se creuse de plus en plus entre médecins et usagers. C’est inacceptable que l’on demande toujours aux usagers de faire des sacrifices.
Cela est inadmissible surtout dans le cas de l’avortement, puisque les cas de grossesse non désirée, on les constate très souvent chez des adolescentes, des femmes des couches socio-économiques basses, qui sont mal éduquées sur les moyens de contraception – et qui sont aussi les plus pauvres. Une adolescente qui ne connaît pas les moyens contraceptifs ni ses droits et a peur de ses parents, donc n’a pas recours à leur mutuelle, d’où pourra-t-elle sortir un minimum de 100 euros à payer de sa poche? Dans de tels cas, l’IVG devrait être gratuite. Et, pour éviter que cela augmente le recours à l’avortement – comme pour beaucoup d’autres raisons -, il est urgent de mettre en place une vraie éducation à la sexualité, comprenant les moyens très divers de contraception qui existent.
Parler du livre de Bechtel, de la pétition du Planning familial, du droit essentiel à l’avortement me semble être une bonne façon de marquer la journée internationale des droits des femmes – et non de la femme, cette illusion dangereuse – et de réaffirmer l’actualité du prisme historique qui redonne sens à quelques-unes des connotations majeures de cette journée.
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Médecine et science devraient se méfier de leur servilité envers toute idéologie
Avant de parler de ce livre, j’avais fait un compte-rendu d’un autre livre du même auteur: « Délires racistes et savants fous » (Plon 2002), dans lequel la médecine en prend aussi pour son grade… C’en est même hilarant, tant la médecine et la psychologie fourmillent d’énormités et se mettent au service des idéologies. Ainsi, lors de la première guerre mondiale, il s’est trouvé des leaders d’opinion de l’époque pour analyser les soi-disant spécificités physiologiques des Allemands, allant jusqu’à l’odeur de l’urine, qui serait aussi « plus toxique »… Ainsi l’ouvrage de 1917 du Dr Edgar Bérillon sur « La physiologie de la race allemande ».

D’autres grands pontes tels que le Pr Charles Binet-Sanglé ont voulu défendre la laïcité en faisant une analyse psychologique de… Jésus, de son hérédité, sa constitution, sa physiologie, notamment dans un texte très sérieux paru en 1908 sosu le titre « La folie de Jésus ». Il s’agirait là d’un fugueur, alcoolique, tuberculeux, retardé, anorexique, impuissant, « mégalothéomane », etc. Et c’est censé être un diagnostic médical.
Sans oublier Lombroso ou les délires anthropologiques d’un Paul Broca qui quitte un peu trop aisément son domaine pour se hasarder là où il ne connaît rien – comme tant de ses confrères passés et présents…
Leur point commun – et qui rappelle Jean Bélaisch et les autres qui délirent sur le psychisme des femmes? Vouloir trouver une cause, une seule, qui explique tout. Comme le disait fort bien Henri Louis Mencken (cité de mémoire), il existe pour chaque problème complexe une solution simple, claire, directe – et fausse.
Cela vaut encore plus en psychologie, puisque, comme je l’ai rappelé et démontré lors de cette campagne de 2007 – 2008, la relation de causalité ne peut pas s’appliquer en psychologie / psychanalyse (et autre psy) et n’existe même pas. Je remercie mère-nature d’avoir fait ma formation en Allemagne, échappant ainsi aux « lacaneries ». Autant la psychiatrie française reste de qualité, globalement, autant la psychanalyse française, dominée par les disciples de Jacques Lacan, est un ratage.
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Le compte-rendu fait en 2003 du livre « Les quatre femmes de dieu: la putain, la sorcière, la sainte & Bécassine »
Guy Bechtel met en évidence le caractère systématique – et fondamental pour l’édifice hiérarchique de la religion catholique – de ce « vaste projet de tenir la femme en tutelle, de la fermer à la culture et à la distraction, de l’interroger régulièrement sur sa sexualité, de surveiller sa fécondité, de lui interdire toute indépendance, même quand elle était inspirée de Dieu, toutes choses supposées au-delà de ses trop maigres compétences ».
Guy BECHTEL– Les quatre femmes de Dieu. La putain, la sorcière, la sainte & Bécassine. Ed. Plon 2000, 335 pages, 20 euros.
Ce n’est pas une coquille, le livre est paru en 2000. Pas étonnant qu’il soit marginalisé, compte tenu du cocktail explosif que donne un tel sujet traité par un auteur dont on ne peut pas discréditer le travail sous prétexte de militantisme féministe.
Car c’est en historien que Bechtel analyse les moyens par lesquels l’Eglise chrétienne – et surtout le catholicisme – inflige aux femmes une véritable torture morale. Et le succès de cette doctrine semble dépendre dès le début du degré de la soumission des femmes.
Si les chrétiennes ne subissent pas de mutilations physiques et connaissent moins de restrictions sociales que d’autres croyantes, elles doivent vivre dans une prison intériorisée, vivre avec une identité qui ne peut se construire que selon des paramètres négatifs, dans la mesure où elle se constitue par rapport à une religion qui les disqualifie par principe et quoi qu’elles fassent. Eve ne peut être que coupable, même quand on ne sait pas de quoi. Le soupçon s’impose, et l’Eglise n’a d’ailleurs toujours pas changé de discours.
Comment renoncer à des techniques de discipline et de domination, à des moyens si efficaces dans le contrôle des femmes ? Elles qui inspirent une telle terreur à l’Eglise qu’elle se laisse aller dans des discours haineux pleins de contradictions et d’irrationnel…
Si les femmes sont indignes de sacerdoce, c’est que même les saintes suscitent la méfiance : ça pourrait être encore une ruse traduisant le caractère éternellement diabolique des femmes, un résultat de quelque maléfice ayant inspirée une passion pour le Christ.
Et puis c’est la nature indépassable des femmes que d’être perverses, paraît-il, d’où la nécessité d’actionner à tout va le levier de la culpabilisation pour s’assurer que les femmes se soumettent, reproduisent d’elles-mêmes le discours qui les oprime et font ce qu’on attend d’elles, dans ce qui ressemble fort à un élevage de Bécassines. Cela, c’est le moindre mal selon l’Eglise, puisqu’il faut quand même des femmes pour donner naissance à des hommes.
Alors autant n’avoir que des porteuses pieuses et discipliner celles qui voudraient sortir du lit de Procuste des cases imparties. Qu’aucune ne sorte du rang et ne dépasse, autrement le monde entier court le risque de se désintégrer en un chaos incontrôlable! Un tel désordre ferait vaciller l’édifice de la création tout entier – et l’histoire l’a démontré. Il suffit de regarder les conséquences de l’acte d’Eve, qui a fait rentrer l’humanité dans l’histoire, une histoire du péché et de l’impur.
Alors, pour éviter de nouveaux cataclysmes, répétons avec les Saints-pères : « quand Dieu est le chef des hommes, l’homme est le chef de la femme ». Dixit Saint Paul, repris par Mgr Lefebvre et cité abondamment à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, cette citadelle inexpugnable de l’ordre moral.
Cette identité négative millénaire continue de marquer l’éducation et l’ensemble de la socialisation des femmes. Et notre mode de perception s’en ressent encore : tout comportement non traditionnel est perçu comme transgression – une femme masculine, une mauvaise mère, une vieille fille, une putain, etc. A croire que la seule nouveauté, c’est qu’il n’y a plus de volontaires pour la sainteté et le martyre religieux.
A part ça, les autres figures relevées par Bechtel perdurent dans l’approche de l’église catholique, dès qu’on va au-delà de la surface. Les mentalités restent. Elles imprègnent même les sciences sociales, comme la psychanalyse, qui ne trouve rien de mieux que de définir le psychisme féminin en termes d’absence, de manque et d’infériorité, passivité, etc. Autrement dit, les mêmes oppositions binaires dont résulte déjà l’image traditionnelle de la femme.
Et si jamais le droit se communautarise, on aura de nouveau des mineures à vie, que la « recette » religieuse de l’ordre social livre à des hommes « promus ainsi à bon compte en guides et geôliers de leur compagnes infantilisées et exploitées » (p. 308). Mais, en trahissant le message d’amour qu’elle était censée transmettre, en livrant « une victime caricaturale et caricaturée à la vindicte générale » (ibidem), en refusant l’émancipation des femmes, l’Eglise risque de perdre non seulement une bataille, mais tout sens.
Et, puisqu’il arrive que le Vatican présente des excuses une fois par siècle, il devrait commencer par les femmes – ce sont des victimes infiniment plus nombreuses que toutes les autres réunies. [Elena Pasca]
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Quelques extraits de l’introduction du livre de Bechtel (c’est moi qui souligne en rouge)
« La femme a toujours provoqué à la fois attirance et inquiétude chez ses partenaires. L’angoisse devant la femme a sans doute été vécue par chaque homme depuis les origines. Pour lui, les interrogations sont multiples : est-il à la hauteur, se met-il en danger en la pénétrant, sortira-t-il vivant du contact, son salut ne sera-t-il pas compromis ?
Il existe chez les mâles une terreur permanente de la femme, qui explique, bien mieux que la faiblesse musculaire du deuxième sexe et l’apparition du cheval dans la traction des charrues vers 8 000 avant Jésus-Christ, le fait historique qu’ils ont sous toutes les latitudes cherché à encadrer la liberté féminine, la sexualité féminine, la personnalité féminine, la nocivité féminine.
Dès lors que ces motifs d’angoisse sont des invariants pour les mâles de tous les temps, on comprend mieux que toutes les religions aient fait à peu près un sort identique aux femmes, et même, comme Pierre Bourdieu l’a montré (La Domination masculine, Seuil, Paris 1998), se soient employées pour que les institutions (famille, école, monde du travail) perpétuent cet état de dépendance.
« (…) pratiquement toutes les religions et morales anciennes ont insisté sur l’infériorité de la femme. L’Eglise (catholique) aussi.
On a vu partout la femme en putain, quelque fois aussi en être diabolique, mais déjà plus rarement, pour la raison qu’il existe peu de diables en dehors du christianisme. L’Eglise a tout cru, tout suivi. Elle a accumulé les griefs et en a rajouté.
Seule elle a pensé à la fois la femme inférieure, putain, infernale et, en plus, idiote, ce qui est d’ailleurs contradictoire : comment pourrait-on en même temps avoir les ruses du Diable et la bêtise de la bécasse ? »
« Matériellement, le christianisme a été généreux et protecteur pour la femme. On n’y trouve pas l’obligation du port du voile, ni les mariages d’enfants de moins de douze ans, ni toutes les séquestrations que d’autres religions ont recommandées ou au moins tolérées : gynécée, harem, purdah.
Inconnues aussi chez les chrétiennes sont les mutilations sexuelles et autres, les pieds déformés, la clitoridectomie, l’incision clitoridienne, la couture des grandes lèvres, et plus généralement la vente et l’asservissement corporel des femmes qui se perpétuent encore aujourd’hui dans d’autres civilisations.
En revanche, le christianisme a été plus sévère moralement. A tous les adjectifs minorants soulignant son infériorité, qu’il a utilisés concurremment avec les autres religions, il a ajouté des mots qui visaient à ridiculiser la femme, à la faire passer pour une enfant, une demi-personne, quelquefois la considérant comme un animal, et non des plus intelligents : oie, dinde, bécasse, etc.
Surtout, la femme portraiturée par les ecclésiastiques est coupable, elle le sera éternellement parce qu’elle est la descendante d’Eve. Et l’Eglise, restée fidèle à sa malédiction première à travers les siècles, a voulu que la femme s’humilie plus que d’autres, reconnaisse cette culpabilité sans équivalent chez l’homme : le péché d’être femme. Elle a longtemps exigé que la confession, en principe aussi à l’écoute des hommes, fût plus inquisitoriale chez la femme. »
Elena Pasca – Copyright Pharmacritique
UN GRAND MERCI pour votre courage! J’ai suivi toute la campagne contre la psychiatrisation de l’endométriose, les textes de JML, de J.Belaisch et A. Audebert, l’arrogance de P. Madelenat …Ca paraissait tellement incroyable au début! Mon entourage a refusé de me croire jusqu’à ce que je leur montre les textes.
Je regrette -et vous prie de m’excuser- de ne pas avoir eu le courage d’écrire moi aussi à la rédaction de Gynécologie, Obstétrique et Fertilité, aux organisations de gynécos, à Belaisch et à tous les autres destinataires que vous avez cherché.
J’ai laissé faire, sans participer, croisant les doigts pour que vous y arriviez, pour que d’autres aient plus de courage que moi. Car ‘espérais beaucoup d’une intervention faite par Madelenat (qui m’a obligée de me faire opérer en privé pour qu’il gagne un maximum) …J’avais peur qu’il se venge sur moi, ou refuse, ou je ne sais quoi, si je participe. désolée … mais au moins j’ai écrit moi aussi, avec d’autres femmes, à tous les sites web et forums où JML a pu publier ces horreurs.
Avec succès.
Maman d’une jeune fille qui souffre désormais elle aussi d’endométriose, je me rends compte maintenant que j’aurais dû me battre pour elle, pour qu’elle ne vive pas ce que d’autres ont vécu, cette « torture morale » qui amplifie la souffrance physique et retarde la prise en charge.
Presque toute seule, vous avez remporté une bataille. Beaucoup de femmes connaissent l’histoire et vous en savent gré! MERCI ENCORE et BRAVO!!
martine
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A Marine (ou Martine?)
je vous remercie pour ces mots très sympathiques, mais exagérés. Non, je n’ai pas été seule, et j’en sais gré à celles qui ont participé à cette campagne.
C’est moi qui ai découvert l’article de JML et donné l’alerte puis formulé l’argumentation « scientifique » déconstruisant la sienne et celle de Belaisch (qui ne sont pas identique, Belaisch ne va pas si loin).
Avec le recul, ça paraît vraiment dingue, inconcevable qu’un tel texte ait pu être repris dans une revue sérieuse (Jean Belaisch faisait partie du comité de rédaction de « Gynécologie, Obstétrique et Fertilité »…)
J’espère que votre fille n’a pas eu à souffrir de ce genre de choses!
Il y a un excellent texte de David B. Redwine (chirurgien américain pionnier de la meilleure technique adoptée désormais partout dans le monde: exérèse radicale conservatrice) qui montre comment un cercle vicieux peut s’installer dès l’adolescence, lorsqu’une jeune fille est suspectée de tout, sauf d’avoir une vraie maladie…
« Endometriosis: ignorance, politics and “Sophie’s Choice”. » (Endométriose: ignorance [des médecins], politique et « le choix de Sophie »)
http://www.medforum.nl/gynfo/endometriosis_ignorance,_politics_and___.asp
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La campagne a apporté juste une petite victoire provisoire, ne nous faisons pas d’illussions!
Même si, vu la lettre très claire du CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français), il est clair qu’ils n’ont jamais eu de tells idées farfelues et ne risquent pas de les avoir. (Je vais publier cette lettre dès que j’aurai le temps. La condamnation de tout propos parlant de sévices sexuels ou de cause psychique de l’endométriose y est nette et tranchée. Le rejet de tout auteur de ce genre de propos est aussi sans aucune ambiguïté).
Il faudrait regarder où en sont les choses maintenant, trois ans après, voir si JML n’a pas ouvert d’autres tranchées, ailleurs que dans les revues médicales sérieuses (celles éditées par Elsevier ne publieront plus jamais un seul mot de lui ou de qui que ce soit d’autre qui défendrait de telles idées. Je m’en suis assurée)
Mais il reste beaucoup de possibilités.
A ce que j’ai vu (par hasard) et à ce qu’on m’a dit, Belaisch – qui a encouragé JML, trop content que quelqu’un le suive, quitte à accepter des énormités – garde certes ses deux textes sur le site d’EndoFrance (!!), mais il ne parle plus du tout dans les mêmes termes depuis la campagne de protestation.
Nous l’avons mis en cause ouvertement, le mettant en copie de tous les mails. Et trois ou quatre d’entre nous lui avons aussi écrit directement, moi en particulier, pour défaire son argumentation point par point et défendre les résultats de la chirurgie. Car il y avait deux dimensions dans son ancien discours:
– cause psychique (traumatisme psycho-sexuel pour une moitié de femmes souffrant d’endométriose et abandon par les parents pour l’autre moitié. Lorsque, malgré tous les efforts d’un charlatan tel que JML, les femmes en question ne se souvenaient pas d’avoir subi des incestes, c’était l’abandon ou un autre traumatisme provoqué par les parents (les pauvres, ils ont vraiment tous les torts…))
– traitement hormonal pendant des années, voire des dizaines d’années. Et surtout pas de chirurgie!
Bizarrement, personne ne lui a reproché la contradiction: pourquoi donner des traitements hormonaux lourds (progestatifs macrodosés tels que Lutényl, Lutéran, Surgestone ou autres, ou alors analogues agonistes GnRH tels que Décapeptyl ou Enantone) s’il pense que ces femmes sont des malades psy???
Dans un article de 2009 ou 2010 paru dans un journal médical gratuit, où il présente de façon synthétique l’endométriose et ses traitements, le discours n’est plus du tout le même. Belaisch évoque de façon marginale des « facteurs psychiques », mais en tant que CONSEQUENCES de cette maladie, et non plus du tout comme des causes. Et encore moins comme LA cause…
Il faut que les endométriosiques et les autres restent vigilantes. Ne surtout pas prendre cela pour un acquis et ne pas se taire en général devant des signes de misogynie. Parce que nous sommes toutes concernées, pas besoin d’avoir fait soi-même telle expérience ou de souffrir de telle maladie.
Ce n’est que si on riposte à tout et ne se laisse plus faire nulle part qu’on a des chances de changer un peu la situation globale.
Merci encore.
Je vous souhaite bon courage à vous et à votre fille et j’espère que vous avez trouvé la bonne solution!
cordialement,
Elena Pasca
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Bonjour,
Encore une volée de bois vert 😉
Beaucoup de dimensions intéressantes, OK. Cela dit, vous gagneriez en lisibilité si certains articles étaient moins touffus. commençons par celui-ci: pourquoi ne pas parler dans un billet à part de cette « campagne de protestation » dont on ne comprend pas très bien le début et la fin?
Plus c’est clair, mieux le message passe.
Bien à vs
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@ Madame Pasca
Bravo pour cet article qui fait écho aux propos de Martin Winckler et de Marc Girard sur leurs sites respectifs. Je rajouterai pour provoquer la misogynie fondamentale de la psychanalyse (il faudrait développer…).
Je voudrais signaler quand même que les hommes ne sont pas bien lotis : longtemps les amygdalectomies ont été masculines, la circoncision masculine n’est pas un geste misogyne et, last but not least, le sort fait aux prostates des hommes et… à leur virilité. J’ai aussi écrit un post sur la question et sur le retour de l’eunuquisme au vingtième siècle.
La médecine n’aime pas les femmes, certes, mais aime-t-elle les hommes ?
La médecine n’aime pas les humains qui ne veulent pas céder à son arrogance.
Bien à vous.
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Une petite partie de cette campagne est accessible sur Doctissimo. On devine aisément de qui vient l’argumentation… Les liens vers les textes permettent de mieux comprendre.
Elena, je te mercie moi aussi pour tout ce que tu as fait! Pourrais-tu écrire un article à part, rien que sur cette campagne, dans l’ordre chronologique et avec les documents et les preuves? je sais que tu es débordée, mais toi seule as une vue d’ensemble. Ce qui s’est passé est exemplaire à plus d’un titre et peut donner des idées à d’autres.
Amicalement,
Jessica
http://forum.doctissimo.fr/sante/Endometriose/revoltant-traumatisme-psychosexuel-sujet_1063_1.htm
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Bonjour Elena, je suis journaliste à Marie-Claire et prépare un dossier sur la misogynie médicale. J’aimerais bien en parler avec vous. […]
cordialement,
Elisabeth
[Note d’Anne pour Pharmacritique: coordonnées effacées et transmis à Elena].
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Votre article m’a beaucoup intéressé en tant qu’auteur d’un ouvrage qui vient de sortir aux éditions La Martinière intitulé : « l’enfer au féminin ». Je me heurte à des obstacles culturels immenses quand j’essaie de faire comprendre aux femmes que les cycles et les règles ne servent qu’à concevoir. Dans le débat de la semaine sur le site du journal Marie Claire consacré à mon livre, environ une femme sur deux se dit attachée à ses règles même si elles sont cancérogènes.
Merci de votre éclairage sur la gynophobie. Car si la femme fait peur, la femme sans règles fait encore plus peur.
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Article complet et plus qu’intéressant … les femmes ne sont pas des dindes décérébrées qui arrivent chez le gynécologue sans connaître les hormones … le fonctionnement des ovaires etc etc.
Agée de 41 ans et certainement atteinte d’endométriose depuis mes premières règles, il a fallu consulter pas moins de 4 gynécologues et conseillée par David Redwine lui – même pour qu’on m’écoute et veuille bien me faire une coelioscopie car- d’après Mr Descamps lui même- je me suis trop documentée et donc invente mes douleurs à l’arrêt des hormones. Celui- là même qui réfute qu’une endométriose est probable à plus de 120 % …………….
Redwine a même dit dans un post sur sa page FB que nos médecins français sont » des porcs « , un autre que l’ éxérèse radicale conservatrice c’est de » la connerie » , depuis un an maintenant je me bats contre cet » obscurantisme » et tente d’ouvrir les yeux aux femmes que l’on somme en sorte de rester idiotes et hystériques ..
un scandale nommé endométriose qui profite aux malfrats et aux laboratoires pharmaceutiques en nous contraignant à nous exécuter et avaler comme du bétail des hormones plus que dangereuses et uniquement suspensives. Du coup il y a de quoi devenir hystériques … mais pour leur faire entendre que nous avons aussi un CERVEAU .
Bien à vous .
Melle Berger
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