Quels patients serons-nous demain? De la naturopathie et la psychanalyse misogyne jusqu’à la médecine scientiste: même promesses illusoires de personnalisation et de « care »

NdR : L’annonce de cette table ronde débouche sur une nouvelle critique de la psychanalyse, apogée du complexe naturo-psycho-holistique, à partir des promesses illusoires communes aux composantes de ce complexe (naturopathie, pratiques énergétiques, « médecine » traditionnelle chinoise et autres méthodes douces) et à la médecine technicisée engagée sur la pente glissante du scientisme: médecine 4P, etc.
Le festival Sciences infuses a lieu du 17 septembre au 14 octobre sous le titre « Quelle santé pour demain?« . C’est la question d’ensemble, commune aux manifestations sur lesquelles vous pouvez vous informer à partir de cette page.

Le samedi 7 octobre à 17:00 aura lieu à la Bibliothèque Elsa Triolet de Pantin une table ronde sous le titre « Quels patients serons-nous demain? », à laquelle j’aurai le plaisir d’intervenir pour débattre avec Caroline BARRY, chercheure à l’INSERM, membre d’une équipe chargée d’évaluer les pratiques alternatives.

Cette équipe a déjà rendu plusieurs rapports d’évaluation scientifique de certaines pratiques (de pseudo- médecines dites douces, alternatives, naturelles,…) telles que l’ostéopathie, l’auriculothérapie, l’hypnose, etc. Caroline Barry présentera et commentera les résultats de ces évaluations et les perspectives d’avenir. J’aborderai, quant à moi, le volet technosciences en médecine, du point de vue des enjeux éthiques et de la nécessaire lecture critique des promesses…

Avant de commenter et de parler des critiques d’une psychanalyse qui est l’exemple-type de la mystification pseudo-scientifique, voici la présentation de la table ronde sur cette page du site des bibliothèques de Pantin, qui contient aussi toutes les informations pratiques:

"Une médecine sur mesure, c’est la promesse de la médecine personnalisée. Grâce aux progrès de la génétique, de la pharmacie et de l’informatique, une révolution scientifique est annoncée : traiter chaque patient en fonction de son profil génétique, de son environnement.
Mais cette médecine prédictive inquiète aussi: est-elle vraiment fiable ? Prédir une maladie qui se déclarera peut-être dans 20 ans, n’est-ce pas gâcher la vie des patients qui d’ailleurs se tournent de plus en plus vers les médecines alternatives : hypnose, jeûne, ostéopathie
Philosophe, animatrice du blog Pharmacritiques, Elena Pasca de l'association Sciences Citoyennes est connue comme lanceuse d’alerte, elle échangera avec Caroline Barry, chercheuse à l'INSERM qui travaille à l’évaluation des médecines alternatives.
Image : CC BY-NC-ND 2.0 Richard Ricciardi"

J'aimerais lire ces deux volets autrement, j'aimerais pouvoir dire que ce festival s'interroge cette année sur les formes de santé qui se mettent en place d'une part par l'emprise de plus en plus grande des pseudo- sciences ("médecines douces", "médecines alternatives", complémentaires), d'autre part par les changements de la médecine venant des technosciences et des applications technologiques. Car ces deux volets sont essentiels dans la réponse sur les patients que nous serons demain: soit croyants et acceptant tout ce qui vient des technosciences et va vers le transhumanisme et l'homme augmenté, aux capacités renforcées, etc. Cet homme augmenté théorique aura un impact très inégal et différentiel: il bénéficiera de source à quelques richissimes, mais son développement se fera en créant et en étendant de plus en plus un marché du corps humain redéfini comme un capital, une banque de données et de possessions à capitaliser, à fructifier, à transformer de valeur d'usage en valeur d'échange, ce qui commence par le corps morcelé et déconstruit en composants (organes, tissus, gènes, cellules, composants intra-cellulaires, etc.

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Les thématiques concernent chacun d’entre nous, en tant que patients, mais aussi en tant que citoyens conscients de l’impact du néolibéralisme (et de ses choix technoscientifiques profitables) sur une médecine dont la fonction sociale a été dévoyée pour entériner les investissements économiques et l’individualisme…

Est-ce que tout ce qui est scientifiquement faisable doit être fait? C’est l’une des façons de formuler la question morale et de poser la question des choix collectifs qui doivent être faits, de la reprise en main des citoyens de ces questions qui ont un impact sur nos modes de vie et nous engagent sur des voies difficilement réversibles, à cause des investissements économico-financiers faits sans décision collective et qui sont le critère ultime retenu par les élites économiques, puis, sous leur influence et grâce à l’énorme réseau de conflits d’intérêts et de lobbying, par les décideurs politiques.


Le néolibéralisme prend les concepts et termes à connotation éthique (personne, totalité, humanisme,…) et les utilise dans des pratiques qui en sont des contradictions. C’est une instrumentalisation comme le storytelling sait si bien en faire, pour nous présenter face à un discours structuré et touchant des points sensibles, qui semble consensuel. Qui dirait son opposition à la personnalisation?


Il y a un point commun aux deux volets: la prétention de prise en charge globale, holistique, de l’être humain. L’emprise de plus en plus grande des pratiques alternatives par les idéologues et les marchands de ce que j’appelle le complexe naturo-psycho-bio-holistique vient en bonne partie par le temps que les praticiens consacrent ou semblent consacrer à chaque individu. « Semblent », parce que les formes récentes, utilisant internet, permettent de voir qu’il s’agit souvent de programmes collectifs de régimes, recettes, conseils de bon sens, remèdes, etc., par exemple par vidéo contenant des généralités, adressées à tout le monde, programmes suivis d’échanges en groupe de soutien entre clients – et avec divers vendeurs d’autres remèdes intervenant eux aussi, pour placer leurs publicités et capter les intéressés, gardés ainsi en famille -, plus des échanges par mail avec le naturopathe, coach, formateur, accompagnateur, pour « personnaliser » l’approche.

La personnalisation, voilà l’un des mots-clé. Une démarche adaptée aux besoins de la personne en fonction d’une écoute compréhensive et empathique de ce qu’elle a à dire et d’une prise en compte de toutes les dimensions de l’individu, d’où l’usage du mot « personne », qui a ces connotations de totalité, de dignité humaine à respecter. L’écoute n’est pas ce qu’elle semble être, non plus, car les propos sont canalisés par le praticien d’alchimisation, l’homéopathe, le cupping thérapeute ou le reiki -coach de façon à correspondre à ce que le marchand a à vendre, selon le modèle classique de l’orientation de la parole (prétendûment coulant selon l’association libre) par le psychanalyste, qui influence le choix thématique comme la sélection des mots, etc.

La psychanalyse est le modèle parfait de secte qui a réussi, de charlatanisme qui vend du n’importe quoi, mais très cher… Inutile d’en parler en détail ici, car j’aborde depuis des mois les élucubrations, le verbiage, les méthodes d’enfumage, les stratégies marketing de la psychanalyse largement sur Facebook, au même titre que les méthodes marketing et de communication d’influence de ses soeurs, à savoir les alternopathies (naturopathie, homéopathie, médecine intégrative, olfactothérapie, reiki, fleurs de Bach, etc.) composant le complexe naturo-psycho-bio- holistique. Et la critique de la désinformation, des stratégies marketing, des méthodes classiques de la communication d’influence, du marketing et du lobbying qui sont utilisées par les idéologues et les marchands de ce complexe seront des sujets majeurs sur Pharmacritique aussi.

La misogynie et la gynophobie de la psychanalyse seront abordées maintes fois (et le sont déjà dans les textes sur l’endométriose et mes nombreux posts Facebook).

L’on se demandera aussi pourquoi les femmes – et ayant un certain niveau d’éducation – sont beaucoup plus nombreuses à succomber aux promesses de l’empire naturo-psycho-holistique.

Les femmes sont aussi plus médicalisées que les hommes pour des raisons que des études ont montré, en rapport avec leur position dans la sphère domestique, en charge des affaires privées (dont la santé) de toute la famille, et surtout de la petite enfance. Ce sont elles qui livrent l’immense majorité du bataillon des aidants, elles qui doivent être contrôlées, sédatées ou stimulées par des psychotropes, pour se conformer aux rôles socio-économiques et accepter que toute rébellion soit traitée comme un signe de maladie mentale; elles qui sont soumises au disease mongering (invention de maladies, voire les articles en descendant sur cette page) sur leurs états physiologiques, aux diktats des modes, du jeunisme, donc subissant des injonctions à « ne pas se laisser aller », à user de la chirurgie esthétique et de la médecine régénérative, etc. Cette dernière étant au croisement entre la médecine conventionnelle et les pseudo-médecines (alternatives, complémentaires, douces et autres termes abusifs, vu qu’il ne s’agit aucunement de médecine).

Les intérêts de beaucoup d’industries dépendent de l’emprise des stéréotypes et clichés sexistes et différentiels (sur les capacités différentes, donc des fonctions différentes) sur les femmes. Donc, en fin de compte, ces intérêts dépendent de l’emprise des théories psychanalytiques sur tous les domaines impliqués d’une façon ou d’une autre dans la discussion de la nature des femmes et les conséquences (applications diverses). D’autant que, étant (décrite comme) un manque, une absence, un négatif, une énigme au sens péjoratif du terme, une perverse sans surmoi, envieuse du pénis, hystérique par définition, etc., toute femme doit vivre des problèmes psychiques, à cause de la destructivité inhérente à sa nature, à ses débordements d’affects amorphes, et ainsi de suite.

Tout cela découlant d’une anatomie reconstruite par la psychanalyse en fonction des besoins de la cause, et érigée en destin: l’absence d’organes sexuels externes (?!), car la psychanalyse voit la femme comme un trou anatomique, doublé d’un « trou dans la culture et la civilisation »…

Il faut « barrer la femme », dit Jacques Lacan, puisqu’on ne peut que « mi-dire » de cette chienne décrite par l’absence de toutes les capacités proprement humaines, détenues par les hommes (raison, logique, forme (versus affects amorphes), capacité d’abstraction, éthique et morale) qui sont les seuls à mettre en place et à pouvoir perpétuer l’ordre symbolique, la Loi de l’espèce humaine, garantie par l’équation visant à placer le Nom-du-Père sur le désir de la mère… Equation que Yann Diener, autre lacanien en position de pouvoir et sur les deniers publics que les psychanalystes ne veulent pas perdre, nous rabâche régulièrement dans Charlie Hebdo, avec d’autres dogmes et quelques citations du maître charlatan Jacques Lacan. Il a dit tout et son contraire.

Pourquoi les mâles sont-ils les seuls dotés des facultés humaines? Compte tenu de l’anatomie comme destin, c’est forcément dans l’anatomie que la réponse se trouve: les mâles n’ont rien à prouver, à accomplir pour se montrer dignes de l’appellation « être humains », « humanité ». Au contraire même, au vu des risques encourus par l’humanité du fait des nouveaux droits des femmes, dont « l’empire du ventre », les hommes devraient montrer physiquement qui est le chef, pour affirmer la Loi contre tout ce qui détruit leur armature juridique- symbolique de maîtres. Ce qui a pour conséquence qu’ils perdent de leur superbe, « la forclusion du Nom-du-Père » qui met en danger les enfants…

Ce genre d’ineptie qui rencontre celles issues des religions et domine toujours les mentalités dans des domaines clés touchant aux femmes tels que santé, médecine, éducation, justice (cf. l’expertise judiciaire), vous le trouverez en lisant les élucubrations psychanalytiques d’une haine incroyable à l’égard des femmes et de leurs droits, en plus de la misogynie et de la gynophobie habituelles. Entre autres chez le psychanalyste lacanien Gilbert Levet, par exemple dans son livre Enfant hyperactif, enfant trahi.

Donc les hommes n’auraient rien à prouver, car ils possèdent le seul symbole psychanalytique, le garant des capacités humaines nobles: le pénis, seul organisateur de la sexualité, de l’inconscient et de la culture, selon les lacaniens…

Les femmes avec leur Penisneid (envie de pénis) vivent dans la perversion même si elles prouvent avoir toutes les capacités et savoir les utiliser… Là, elles sont phalliques et doivent être matées, ramenées à accepter « la position féminine » et à en faire l’apologie. La psychanalyse est une thérapeutique en ce sens. Mater les femmes. Maintenir l’ordre symbolique, les privilèges des mâles, garants de la Loi.

La secte psychanalytique tout entière se mobilise pour ne pas céder un pouce de l’emprise culturelle énorme – toute la culture psy en résulte -, de l’emprise totale sur la médecine et les soins en général. C’est ce que l’inénarrable Gérard Pommier – autre auteur d’élucubrations misogynes doublées d’un verbiage pseudo-scientifique, comme les maîtres gourous Freud et Lacan l’ont toujours fait – appelle « l’empire de la psychanalyse« , rappelant entre autres que la majorité des pédopsychiatres ont une formation psychanalytique.

Gérard Pommier est le président de l’association « Pour la psychanalyse », qui mène la bataille visant à garder une emprise totale sur l’ensemble de la culture psy, et à ne rien céder en matière d’hyperactivité et d’autisme. Je reviendrai maintes fois là-dessus, en expliquant en détail que la défense d’enfants sans défense est un prétexte – une cause noble, qui passe mieux dans les media que le sexisme direct – pour attaquer les femmes, responsables des maladies de leurs enfants (mère crocodile, mère araignée, causant des ravages sur les filles, …) et, en tant qu’hystériques, aussi des leurs…

L’INSERM a rendu en 2004 un rapport d’évaluation de la psychanalyse (que l’on peut télécharger à partir de cette page), qui a rendu furieux les psychanalystes, mobilisés pour le censurer. Censure, intimidations, pressions, verbiage et enfumage partout sur les media et grâce aux relais de leurs positions de pouvoir – voilà ce qu’est la psychanalyse, comme on le voit encore et toujours dans l’essai de perturber la tenue d’un colloque sur l’hyperactivité, le 29 septembre dernier. Parce que Gérard Pommier et les autres ne supportent pas que d’autres approches soient évoquées. Il y a comme une odeur de disparition d’argent public à financer des centres médico-pédagogiques, des centres médico-psychologiques et d’autres structures dans lesquelles le psychanalyste s’installe et laisse un enfant autiste rester dans un coin pendant toute la séance, s’il veut.

L’on entend de telles déclarations de leur part dans le documentaire de Sophie Robert, Le Mur. La psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Documentaire que les psychanalystes ont essayé de censurer, en intentant des procès à la réalisatrice, en lançant une campagne de désinformation et de dénigrement sans précédent.

La Haute autorité de santé à classé la psychanalyse parmi les méthodes n’ayant pas fait preuve de leur efficacité dans l’autisme, et c’est un précédent que les psychanalystes ne veulent surtout pas voir se reproduire et dont ils veulent limiter les conséquences. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, ils ont réussi à noyer tout dans une communication 100% psychanalyse, se victimisant, disant que c’est leur potentiel critique, leur statut échappant au contrôle, les spécificités d’une science qui s’appose à l’uniformisation et au grand méchant DSM (Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux), bref, ce seraient les vertus exceptionnelles de la psychanalyse en termes de thérapeutique, de critique sociale (où ça?), de vision critique du monde, de résistance, de dernier bastion de l’humanité et de l’écoute de la souffrance du sujet, bla bla, qui auraient le don d’irriter tous ceux qui veulent servir les intérêts de l’industrie pharmaceutique, veulent rester dans leur névrose pour en tirer des bénéfices secondaires (notamment les femmes, toutes hystériques mais se disant malades somatiques), etc.

La médecine se voit reprocher, y compris par les psychanalystes, la déshumanisation, la dépersonnalisation, la froideur d’un plateau technique et d’actes expéditifs éliminant le plus important, à savoir l’écoute d’une personne en souffrance.

Il n’y a pas que sous l’angle de la verbalisation de la souffrance que l’écoute est cruciale. Car les études portant sur les causes des erreurs médicales ont montré que plus de 90% résultent d’une écoute insuffisante, parce que le malade est interrompu après treize secondes en moyenne. Ce manque d’humanité, ce côté expéditif ont des explications abordées ailleurs, qui sont d’ailleurs co-responsables de la surmédicalisation (voir l’introduction à l’atelier N° 2 sur les causes de la surmédicalisation, ainsi que mon exposé qui la développe, lors du colloque de Bobigny de 2012, sur cette page). Car au lieu de prendre le temps d’écouter la description des symptômes par le malade, le médecin prescrit des examens complémentaires, ce qui peut mener à une spirale sans fin, par exemple si l’on découvre un incidentalome, qui donnera lieu à d’autres examens d’imagerie, à des prises de sang, etc.

Alors les technosciences – comble de la déshumanisation – viennent au secours de la médecine et promettent d’être le vecteur par lequel l’humanité et la totalité de la personne seront réintégrés dans les soins. Si, et seulement si, l’on accepte que la médecine intègre les technosciences jusqu’à changer profondément sa raison d’être, à aller encore plus loin dans ce que j’ai appelé dévoiement de la fonction sociale de la médecine, dans l’exposé sur les causes de la surmédicalisation déjà évoqué.

Les limites sont floues entre une santé marchandisée et le bien-être qui est mis en avant par la définition floue de l'OMS et permet une infinité de formes de marketing et de commerce, et du côté du complexe médico-industriel et du côté du complexe naturo-psycho-holistique. Les deux utilisent les mêmes stratégies marketing de désinformation, les mêmes techniques de la communication d'influence, consistant entre autres à faire peur pour nous manipuler, nous vendre des produits de plus en plus chers. Les deux relèvent de la même logique de médicalisation et surconsommation.

Il faut le souligner, parce que les marchands et idéologues de la nature mise en boîte et du décryptage psychique (en fonction de préjugés et de croyances) nous enfument en présentant les alternatives comme si elles étaient hors du système marchand, voire anti-système.

Avec eux, ce sont juste les produits vendus qui changent, pas la logique, ni la marchandisation. De plus, ces produits peuvent se multiplier à l'infini, malgré l'absence de toute preuve d'efficacité, parce qu'ils relèvent des règlementations sur les compléments alimentaires... Aucune garantie, aucun contrôle.

Le néolibéralisme atteint son apogée avec ce commerce-là, estampillé "nature", "holistique", intégratif, corps-esprit, qui en est l' un des pôles les plus productifs car exploitant au mieux tous les moyens du néolibéralisme... L'autre pôle, celui de la médecine technicisée, atteint son apogée néolibérale avec les applications biotechnologiques qui frayent la voie au transhumanisme, marchandisent le corps et développent une communication très habile permettant d'obtenir l'acceptation et la valorisation sociales par des discours d'enfumage autour des technologies de contrôle social (biométrie, fichage, catégorisation sociale avec des moyens nouveaux tels que le profil moléculaire, génétique, protidique,...) que l'on nous fait avaler en mettant en avant leurs utilisations dans la médecine qui seraient synonymes d'un énorme "progrès" à la fois scientifique, clinique / thérapeutique et démocratique puisque ces technologies permettraient, à condition que l'on accepte leur généralisation et l'utilisation de nos données personnelles (Big Data et intelligence artificielle...) une véritable démocratisation des soins par l'égale chance donnée à chacun d'entretenir et fructifier son "capital santé".

L'on parle d'une médecine de précision, de prédiction et prévention qui serait personnalisée, faite sur mesure, dans la mesure où l'on est devenu complètement transparent en laissant les technologies accéder à toutes les particules élémentaires de notre corps, de notre psychisme, de nos interactions et compétences identifiés selon des échelles de mesure, de valeur et de hiérarchisation opaques, puis disséqués, quantifiés, mesurés, comparés, évalués, monétisés en fonction des variables du marché. L'on lira avec profit l'ouvrage de la sociologue Célia Lafontaine, "Le Corps-Marché. La marchandisation de la vie humaine à l'ère de la bioéconomie" (Seuil 2014).

Contrairement aux illusions vendues sous des syntagmes tels que "médecine personnalisée", médecine préventive, prédictive (tordant la génétique et d'autres disciplines scientifiques), etc., ces pratiques médico-industrielles nient la personne et la fragmentent jusqu'à dissocier le corps et le transformer en banque de données (tissus, cellules, gènes, organes, ...).
Chaque individu serait un entrepreneur de soi, détenteur d'un "capital santé" qu'il doit entretenir, augmenter, fructifier. Les conceptions de la protection sociale, de la médecine et des soins en général sont transformées, altérées en même temps que les notions de causalité, normalité, pathologie versus déviance, responsabilité...

Renforcer son capital avec l'aide de la technique présentée comme un prolongement de l'humain et permettant d'en développer et démultiplier les capacités, c'est le premier pas vers l'acceptation de l'homme augmenté. Mais ni l'homme augmenté, ni l'homme bionique ne seront pour tout le monde. Les pauvres seront les cobayes et les donneurs, comme on l'a vu dans le cas de John Moore, qui a donné des leucocytes particulières pour permettre le développement d'un médicament anti-cancer. Il a été totalement exclu de tout ce qui relève de la valorisation de son "don", à savoir brevets, profits, etc.

L'individualisme néolibéral semble mettre l'individu au centre, comme si tout était mis à son service, pour mieux le rendre responsable et coupable des tares d'un système économique sur lequel il n'a en réalité aucune prise. Un système qui met une majorité de pauvres (qui en viennent à vendre des organes, tissus, gamètes, en plus de leur force de travail) au service des quelques riches qui peuvent payer et disposer effectivement d'une médecine personnalisée...

Diverses stratégies sont mises en place pour récupérer et instrumentaliser tout ce qui relève de l'éthique et de l'humanité, notamment le don. Mais ce sont toujours les pauvres qui donnent (ou vendent à un prix proche de zéro), comme les femmes pauvres qui rationalisent la location de leur corps dans la gestation pour autrui, le don d'ovocytes, etc., sous prétexte d'aider les femmes riches. L'idéologie en arrive à présenter de tels actes comme une valorisation : telle vendeuse aurait ainsi plus de valeur... Une valeur quasi nulle sur le marché, et une force de travail manifestement tellement peu valorisée qu'elles doivent mettre même leurs corps en vente ou en location.
Quant à la prévention et à la triade médecine préventive, médecine prédictive, médecine prescriptive/proscriptive (au sens éthique, donc précisant le rôle d'agent de contrôle social exercé par la médecine), je les ai abordés dans les articles à ce sujet ("prévention, abus de prévention"), à partir des critiques de Sackett, mais aussi dans le contexte théorique des écrits de la Théorie critique, de Michel Foucault, de Ivan Illich et d'autres.
Un résumé des positions critiques sur la médecine préventive et la triade ainsi que d'autres références sont dans mon exposé de 2012 déjà cité traitant du dévoiement de la fonction sociale de la médecine.
Elena Pasca

2 réflexions au sujet de “Quels patients serons-nous demain? De la naturopathie et la psychanalyse misogyne jusqu’à la médecine scientiste: même promesses illusoires de personnalisation et de « care »”

  1. Malgré plusieurs tentatives, mon commentaire ne passe pas.
    Je me contenterai donc de dire que le premier professeur de soins palliatifs de Suisse, Gian Domenico Borasio s’inquiète également de « la médecine personnalisée. »
    Journal Le Temps.ch : « La médecine personnalisé ? De grands risques derrière un beau slogan. »
    Amicalement.

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  2. Merci pour ce billet très complet Elena.
    L’avenir que l’on nous prépare est effrayant, et pourtant il faut le regarder en face afin de l’analyser. Bien peu de gens me semblent au courant et si l’on en parle, on a en retour des « arrête, tu nous fais peur ! » Mettre la tête dans le sable, être dans le déni, c’est plus simple, mais lorsque les gens ouvriront les yeux, ils se recevront cette réalité en pleine figure.
    Arriverons-nous à arrêter cette machine à détruire ?
    Après avoir testé, inutilement, l’homéopathie, les médecines alternatives ont ne m’y reprendra plus. Mais je les vois avancer leurs pions sur le net et elles avancent vite. Le pire, elles sont crues par nombre de personnes et chaque scandale sanitaire leur fait gagner des points.
    Dans le courant de l’année, j’ai été contactée par une ancienne de Doctissimo. Elle s’était reconvertie de pharmacienne (l’était-elle ?) à donneuse de conseils et vendeuse de produits ne venant pas de l’industrie pharmaceutique. Il fallait absolument que je la rejoigne, son nouveau produit était formidable. Puis j’ai reçu des audios. Ce nouveau produit était un miracle à lui seul à écouter les audios, même les cancéreux, condamnés par la médecine, avaient retrouvé la santé, ils dansaient (eh oui……) !
    J’ai immédiatement compris qu’elle me prenait pour un pigeon. J’ai fait des recherches sur internet, je suis allée chercher jusque dans les forums américains (faciles pour quelqu’un qui ne connait pas un mot d’anglais..). J’ai lu des messages de femmes qui étaient menacées pour vouloir quitter la « petite » affaire cotée au Nasdaq.
    Alors, j’ai envoyé tous ce que j’avais pu réunir à Que Choisir. Résultat : poudre de soja aromatisée, testée sur des cochons (rien que ça) ! Pas mal pour une pharmacienne……. !!
    La nouvelle ne l’a pas dérangée et elle continue à sévir. Lorsqu’elle a changé d’adresse mail, l’idiote m’a incluse, et j’ai pu voir qu’elle avait entre 400 et 500 revendeurs.
    http://www.ufc-quechoisir-var-est.org/12236-2
    https://www.quechoisir.org/actualite-boisson-lunarich-de-reliv-riche-et-bien-portant-grace-a-un-extrait-de-soja-n5699/
    Alors, voyez-vous, si vous êtes une très bonne vendeuse, la société vous offre un voyage. Pas n’importe quel voyage, dans une contrée pauvre, très pauvre si possible, pour y distribuer (devinez quoi…..) des boissons au soja aromatisées aux petits enfants dénutris !! Vous n’imaginiez quand même pas que cette société allait donner de quoi construire un hôpital ou même un service d’eau courante et propre.
    Et pour gagner plus sans travailler plus, on vend de mère en fils :
    http://fr.viadeo.com/fr/profile/patricia.pacaut
    http://fr.viadeo.com/fr/profile/christophe.pacaut

    Je précise qu’elle est très présente sur le net, active sur Google+.
    Je laisse à Elena le soin de supprimer mes liens si elle le désire. Avec tous mes bons souvenirs et mes encouragements à continuer le travail d’informations qu’elle fait si parfaitement.

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