Endométriose chronicisée et dépistage du cancer du sein par mammographie: constructions sociales érigées en science. Business par yellow-washing et pink-washing

En 2008, lorsque j’ai posté quelques petits articles critiques sur les dépistages réguliers du cancer de la prostate par dosage du PSA et du cancer du sein par mammographies régulières, il n’y avait pas grand monde à en parler en public, références à l’appui, à l’intention de tout le monde, et d’abord des femmes et des hommes concernés.

(Je ne compte pas les quelques exposés faits lors de colloques scientifiques exclusifs, dans l’entre-soi de quelques professionnels convaincus, qui allaient définir ce qu’il fallait dire et demander aux femmes de faire. Comme si tout ce qu’on attendait d’elles, c’est qu’elles s’adaptent encore et toujours, en substituant les anciens maîtres à penser par des nouveaux, qu’elles changent de nuances de rose, sans chercher à comprendre des choses qui dépassent les bécassines, par définition. D’ailleurs, n’est-ce pas ce qu’on attend des patient(e)s en général, en France?).

Les notions de médicalisation des (corps des) femmes, avec tout l’éventail du disease mongering, les notions de surmédicalisation, surdépistage, surdiagnostic, surtraitement… n’étaient pas encore à la mode dans le débat public, et personne ne parlait des effets indésirables graves des hormonothérapies de type analogues agonistes GnRH (Enantone/ Lupron, Décapeptyl, Zoladex…) dans les cancers de la prostate et les cancers du sein hormondépendants.

Cela a changé, une ammorce de débat sur le surdiagnostic existe, surtout concernant le cancer de la prostate, et c’est tant mieux. Cela dit, les effets indésirables graves de la classe de médicaments évoquée ne sont toujours pas débattus, même pas dans les colloques scientifiques fermés aux principales personnes concernées… Je les évoque plus bas et donne des liens pour en savoir plus, là-dessus et sur d’autres aspects.

Après des remarques critiques sur « octobre rose » et toute la campagne de communication, de manipulation et d’influence, avec un arrière-plan commercial de pink-washing, que nous subissons et qui entraîne une désinformation inacceptable des femmes ciblées par le programme de dépistage, je rappelle certains auteurs critiques, proteste contre le dérapage de Marisol Touraine et reviens sur les composantes de cette construction sociale qu’est le dépistage du cancer du sein tel qu’il est présenté dans les campagnes promotionnelles actuelles. C’est un complexe formé d’éléments très hétéroclites: représentations individuelles et collectives (sur la santé, le cancer, les femmes, la solution médicale…), affects contradictoires, intérêts commerciaux et idéologiques, illusions, sophismes, incantations, raisonnements fallacieux… Des croyances, opinions et demandes fabriquées jouant sur des leviers efficaces depuis la nuit des temps sont projetées sur l' »opinion publique », comme si c’est elle qui les avaient fabriquées, comme si ces demandes venaient des citoyens qui voudraient exercer leurs droits à travers le dépistage présenté unilatéralement comme une chance. En attendant un texte détaillé et approfondi dans lequel j’exposerai les informations accumulées depuis plusieurs années et traduirai les conclusions de la dernière synthèse publiée par la revue Arznei-Telegramm en mars 2012, je voulais signaler – justement pendant « octobre rose » – un document en français. Il est très accessible et tout le monde devrait lire avant de s’engager dans cette démarche arbitraire qu’est le dépistage organisé du cancer du sein. Ce document aidera à ne pas se laisser culpabiliser et manipuler par la machinerie promotionnelle omniprésente. Il date de 2012 et a été rédigé par le NORDIC COCHRANE CENTRE, avec Peter GOTZSCHE comme auteur principal. Celui-ci est l’auteur du livre paru en janvier 2012 sous le titre Mammography Screening: Truth, Lies and Controversy [1] (Dépistage par mammographie: vérités, mensonges et controverses), distingué par la revue Prescrire et évoqué dans mon introduction, avec des liens vers son intervention lors de la remise du prix.

Le document du Nordic Cochrane Centre s’intitule « Dépistage du cancer du sein par la mammographie ». Je donne quelques-uns des extraits les plus édifiants. Merci de les lire et d’en parler autour de vous. Même chose pour le numéro d’octobre de Que Choisir Santé. L’UFC Que Choisir s’intéresse aux « épines d' »octobre rose », épines qui parsèment l’information autour du cancer du sein et de son dépistage par mammographies régulières.  

Le premier livre qui m’a fait prendre conscience de l’étendue du problème du surdiagnostic et de la surmédicalisation,surdiagnostic cancer du sein,dépistage cancer du sein,mammographie dépistage critique,peter gotzsche,h gilbert welch,gilbert welch dépistage cancer,mammographie faux positif,cancer du sein surtraitement,surmédicalisation surdiagnostic surtraitement,octobre rose conflits d'intérêt,ruban rose désinformation,désinformation cancer du sein,nordic cochrane centre cancer du sein,paternalisme cancer du sein,misogynie médecine cancer,médicalisation femmes,que choisir cancer du seinmanière dont notre système de soins surmédicalisé transforme des bien-portants en malades est celui de H. Gilbert WELCH, « Dois-je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi » [2], que je recommande à tous ceux – hommes ou femmes – qui envisagent d’entrer dans le cercle vicieux qu’induisent les campagnes de sensibilisation (« disease awareness »), dont le bénéfice n’est démontré que pour ceux qui vivent de l’industrie du cancer… Puis il y a eu les livres de Jörg BLECH (évoquant aussi les dépistages) et le livre de Nortin M. HADLER « The Last Well Person. How to Stay Well Despite the Health Care System » [3] (Le dernier bien-portant. Comment rester en bonne santé malgré le système de soins). Ce dernier explique particulièrement bien les coulisses et les étapes de ce dépistage organisé qui n’a plus rien de scientifique: il est devenu une construction sociale. Cette explication fait sens, en particulier lorsqu’on a des notions de sciences sociales. Je donne progressivement des éléments qui permettent de comprendre de quoi il s’agit, puis fais une synthèse à la fin de mon texte introductif. 


Il y a aussi les autres auteurs que j’ai mentionnés au fil des articles, qui ont écrit bien plus entre-temps sur les diverses dimensions du surdépistage, surdiagnostic et conséquences: Per-Henrik ZAHL, Peter GOTZSCHE, Ole OLSEN, William BLACK, Nortin HADLER, Samuel EPSTEIN, Robert KAPLAN, Philippe AUTIER, Alan CASSELS, Ray MOYNIHAN, Barbara EHRENREICH, Laura ESSERMAN, Ian THOMSON et d’autres. En France, en 2008, quand j’ai commencé, j’ai beaucoup apprécié le questionnement formulé par Dominique GROS.

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Techniques et leviers de fabrique de l’opinion et du consentement, techniques de manipulation individuelle et collective, techniques de communication et de marketing

Il faut lire tous les ouvrages de ces auteurs traduits en français, pour pouvoir prendre une décision en connaissance de cause et ne pas suivre aveuglement les sirènes publicitaires d’une campagne qui relève du disease mongering (façonnage de maladies, redéfinition de maladies…) par certains aspects et dont les coulisses sont marchandes. Il faut décortiquer – par le recours aux outils développés par la psychologie sociale – les mécanismes à travers lesquels se fait la manipulation de toutes les parties prenantes de cette industrie du cancer, depuis les techniques de manipulation (convaincre, persuader, canaliser et orienter les opinions dans un certain sens, etc.) à proprement parler jusqu’aux préjugés qui font que la société encourage, accepte et valorise socialement toutes les étapes, toutes les opérations théoriques et pratiques par lesquelles cette construction sociale est mise en place, en passant par les méthodes de marketing, de communication et de publicité qui contribuent à l’acceptation et à la valorisation sociales, donc à la pression sociale qui pèse sur chacun des acteurs, notamment sur les professionnels de santé (pour prescrire, « vendre », banaliser, justifier et légitimer la mammographie en usant de leur position d’autorité, qui rend difficile toute critique, surtout faite par des « amateurs »). Sans oublier la pression sur les femmes, pour participer à ce système, avec plus ou moins de conviction.

Outre les techniques et combines de manipulation et de publicité / communication – qui sont en grande partie les mêmes quel que soit le domaine, puisque ce sont les outils habituels du lobbying / marketing -, il existe toute une symbolique spécifique qui habille ces techniques et permet de les occulter ou de ne pas les identifier comme telles. Je le dirai en détail en parlant des leviers qui sont utilisés à la fois pour fabriquer, obtenir et maintenir la participation et l’adhésion au dépistage régulier et à tout ce que ce système impose et entraîne comme conséquences. Le même registre de leviers – à peine habillés différemment car appliqués en fonction de l’objectif – permet de museler la critique de façon indirecte, par une « violence douce », puisque ce n’est pas une censure directe. Non, elle se fait à travers la pression sociale exercée sur les discours non conformes, et elle prend souvent la forme d’une autocensure, pour éviter la vindicte sociale et les reproches. Dans l’optique déformée induite par les manipulateurs d’opinion chez M et Mme Toutlemonde, les critiques apparaîtront comme des gens sans coeur, insensibles aux souffrances, manquant de solidarité, continuant l’oppression des femmes, cherchant à imposer des raisonnements économiques dans une perspective de quantification. Par exemple, les critiques du rapport coût/efficacité des anticorps monoclonaux partiraient d’une quantification inacceptable du prix d’une vie humaine.

Ces leviers sont définis par les stratèges publicitaires – les communicants et chargés de marketing – qui les intègrent aux applications des méthodes classiques de lobbying et de manipulation de l’opinion, elles-mêmes issues de la connaissance des mécanismes psychiques et psycho-sociaux. Car il faut savoir ce à quoi les gens sont sensibles pour que les messages publicitaires appuient là-dessus et utilisent des stimuli dont il est prévisible qu’ils seront captés et interprétés de la façon voulue et auront donc l’efficacité voulue, notamment en induisant des comportements et des attitudes conformes; il s’agit, en l’occurrence, d’attitudes d’adhésion, de consentement et de militantisme plus ou moins direct pour l’industrie de dépistage organisé telle qu’elle est aujourd’hui.

Pour obtenir ces attitudes conformes, lobbyistes, communicateurs et autres commerciaux se servent d’analyses très poussées, basées sur les connaissances en psychologie, sociologie et psychologie sociale. Ils savent comment l’esprit humain fonctionne en général, comment il se conforme aux normes, donc à des systèmes de préceptes dont l’origine est arbitraire mais qui sont devenus des règles intériorisées, internalisées, de nature à déterminer le comportement. Ils savent comment les hommes de certains groupes sociaux, de certaines catégories socio-professionnelles – dont on connaît le fonctionnement et les références déterminantes – réagissent à ce qui est socialement imposé. Ils réagissent à travers des préjugés – qui sont des automatismes facilitant l’appréhension et l’évaluation d’une situation et d’un contexte, puis aident à l’orientation et la décision. Les préjugés sont insérés dans des schémas de comportement, eux aussi prévisibles.

Les communicants ciblent les subterfuges de communication en fonction de ce qu’ils veulent créer sur chaque aspect du dépistage organisé, sur chaque rouage qui viendra s’emboîter dans l’ensemble, de façon à ce que tous les aspects soient « couverts » par une interprétation conforme et ne laissent aucune brèche pour l’exercice d’une interprétation libre, non contrôlée, non induite.

Bref, les leviers utilisés dans le marketing et dans la communication en général le sont en fonction de ce que les stratèges savent sur ces schémas et ces préjugés communs à une culture et à des groupes bien définis, de ce qu’ils savent sur les réactions et les motivations dans telle ou telle situation, sur le comportement prévisible face à une demande socialement valorisée, car conforme aux normes et valeurs groupales. Le principal levier, utilisé avec succès depuis la nuit des temps s’agissant des femmes, éduquées pour être particulièrement sensibles à cela et donc manipulables par ce biais, est la culpabilisation. La psychologie sociale a montré que la solidarité de genre – entre femmes, en l’occurrence, est plus forte que celle de classe, par exemple. Cette solidarité s’origine pour partie dans l’histoire commune d’oppression que partagent les femmes. Il est facile d’exploiter cette capacité-là dans le marketing du dépistage (comme ailleurs), en appelant les femmes à une fausse solidarité, au sacrifice de la majorité pour le bien de quelques-unes, bref, à l’abnégation – sacrifice de soi, et surtout de la subjectivité critique – qu’elles ont toujours dû pratiquer depuis des siècles… Dans le consentement à participer au dépistage organisé, l’on exploite délibérément les capacités nobles des femmes dans un contexte marchand où tous les principes et les valeurs invoqués pour culpabiliser et induire le comportement voulu sont déformés, faussés.

Les connaissances sur les rôles et la dynamique des groupes sont exploitées pour en tirer des applications allant dans le même sens. Il s’agit de ce que la psychologie sociale nous a appris sur la façon de créer et de tenir un groupe, de le maintenir sous emprise, de créer le consentement aux normes groupales. Tout cela est appliqué dans la conception des associations de militants, dans la création des associations de malades et des listes et groupes de discussion. Car la psychologie sociale permet de savoir d’avance quelles seront les réactions lors de la création d’un groupe, et comment elles évalueront, en fonction d’un certain nombre (limité) de rôles qui s’établissent à l’intérieur du groupe, rôles qui iront de pair avec des étiquettes qui identifieront telle personne à tel rôle dans le groupe.

Ajustement à un mini univers infantilisant; construction d’une identité négative par intériorisation du stigmate

La psychologie des foules s’applique, ici comme ailleurs, et l’on sait que ce que l’on appelait instinct grégaire, disons la conformité, pèse au point d’entraîner une adaptation qui est de l’ordre de l’ajustement, du nivellement par le bas; l’abnégation (abdication de la conscience), le dévouement, la loyauté, le sacrifice, bref, toutes ces valeurs tellement vantées dans la société et dans les associations, les groupes et les listes de discussion, etc. sont une forme totalement faussée et déformée de solidarité, car celle-ci n’exigerait pas le renoncement à la subjectivité critique et à l’autonomie morale (autonomie de jugement), bien au contraire. Mais la « sororité » (les « sisters » dans la maladie, dans la survie, etc.), elle, ne peut exister que grâce à ce renoncement.

Les femmes qui entrent dans ce système de communication et d’entraide y entrent au prix de leur subjectivité critique. Beaucoup l’acceptent parce qu’elles ont été victimes d’exclusion à des niveaux multiples (professionnel et économique, familial, amical, social…) et qu’elles n’ont pour cadre de survie sociale que ces cadres-là, formatés et prédéfinis à l’avance, façonnés de sorte à s’intégrer dans le système de dépistage, le légitimer et le renforcer, voire rendre sa critique impossible.

L’ajustement se fait en acceptant les normes et les références du groupe, les étiquettes (sister, survivante…), les codes, le langage, voire même l’infantilisation et la mièvrerie de certaines listes de discussion (comme utiliser des smilies et des figurines de petits coeurs, de poupées, d’animaux en peluche, à l’instar des chats qui disent au revoir avec leur patte…) Celles qui ne se conforment pas et tentent de critiquer les formatages des groupes, voire tentent d’introduire un autre code, un discours rationnel et plus intellectuel, etc. se voient souvent attaquées et discréditées.

Ces femmes exclues de partout se sont créé tout un échafaudage, des béquilles qui leur permettent de ne plus être seules, de trouver un soutien, de la compréhension, un cadre d’expression de leur souffrance (même si cette expression est morcelée et formatée par le cadre et les codes). Remettre en question le dépistage et tout ce qui va avec, c’est remettre en question cet échafaudage devenu vital, c’est leur retirer les béquilles qui les aident à ne pas s’effondrer et survivre socialement, même si c’est dans un milieu social en miniature, enfantin et infantile, formaté comme un enclos en peluche, qui rassemblent ceux qui sont exclus en raison de leurs différence et qui cultivent cette différence, parce qu’elles n’ont plus rien d’autre. L’on pense inévitablement à l’intériorisation du stigmate, qui devient assumé et revendiqué comme constitutif, et même source de fierté. L’on pense à la construction d’une identité négative à partir de ce stigmate, désormais déterminant essentiel de l’identité sociale comme de l’identité personnelle. Ce mini univers en peluche protège des murs sociaux sur lesquels ces femmes se brisent encore une fois, après avoir été brisées par la maladie, lorsqu’elles sont projetées du jour au lendemain contre ces murs, par une société et par des groupes d’appartenance qui les rejette.

J’ai vu moult critiques de ces listes de discussions infantilisantes et de ces associations et groupes qui rassemblent les stigmatisées, dans une sorte de pays de bisounours opposé à la dureté de l’exclusion extérieure. Ces critiques ne regardent que le résultat. Ils méconnaissent totalement l’exclusion dont sont victimes ces femmes, ils ne cherchent pas à comprendre le parcours, n’ont pas d’empathie quant à la violence d’un choc contre les murs.

C’est aussi pour cela que la critique du dépistage est ressentie aussi durement et est rejetée. Cette critique ne tient jamais compte de ces aspects-là, de l’exclusion et de la violence socio-économique à tous les niveaux, du silence auquel sont condamnées les femmes diagnostiquées et des compensations qu’elles trouvent dans le système tel qu’il est, compensations qu’il faut comprendre et remplacer par d’autres, si l’on veut que la critique porte.

La communication et le marketing permettant de « vendre », de faire accepter le dépistage organisé du cancer du sein appliquent des techniques et des méthodes classiques du lobbying et du marketing, développées à partir des sciences sociales: la psychologie, la sociologie, la psychologie sociale. Pour l’anecdote, l’un des premiers lobbyistes est Edward Bernays, un neveu de Sigmund Freud, qui a parfaitement su fructifier les enseignements de la psychanalyse, trouver des applications très diverses, à des fins commerciales, à des fins d’influence et de manipulation des individus comme de groupes et de sociétés entières; c’est ce qu’on appelle « fabrique de l’opinion ». Les techniques sont les mêmes, quel que soit le domaine d’application. La philosophie antique en avait déjà analysée un certain nombre, puisqu’elles peuvent être délimitées et analysées une par une, comme des figures élémentaires qui se combinent de façons différentes en fonction du contexte socio-historique et du domaine d’application. La Théorie critique de l’Ecole de Francfort – pionnière dans l’analyse des préjugés, des stéréotypes et des méthodes de manipulation selon les acquis des sciences sociales – les a étudiées dans leur application par le fascisme national-socialiste en Allemagne. Certains représentants de la Théorie critique ont étudiée les mêmes techniques d’influence dans le contexte de la culture de masse (« industrie de la culture », « industrie de la conscience ») des sociétés occidentales de l’après-guerre.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le marketing, le lobbying – et la communication en général – autour du dépistage du cancer du sein n’est pas un phénomène nouveau qui pourrait être analysé séparément. Lorsque l’on a étudié la formation de l’opinion – la formation des préjugés et les techniques de manipulation – l’on sait déceler ce qui relève de l’épiphénomène, à savoir les spécificités d’une maladie, et ce est structurel, à savoir  les régularités dans la formation de l’opinion et les techniques d’influence, ainsi que les déterminants socio-historiques.

Je reproche aux critiques actuelles du dépistage organisé du cancer du sein (et du cancer de la prostate) et de tout ce qui va avec (le surdiagnostic, les surtraitements, etc.) de ne pas tenir compte de ces aspects. Ce qui condamne cette critique à l’inefficacité et, pire encore, braque les acteurs sur leurs positions, car ils se sentent agressés, mal compris, traités comme des pantins à qui l’on demande de troquer une obéissance – vis-à-vis du système actuel avec ses demandes d’adaptation – contre une autre, venant de ceux qui rejettent le dépistage systématique et veulent que l’on suivent leurs directives à eux. L’on ne voit jamais une analyse prenant en compte l’ensemble du phénomène, depuis les motivations des acteurs jusqu’au contexte socio-historique et économique global, donc depuis les spécificités psychologiques jusqu’aux dimensions macroéconomiques. Or si l’on ne fait pas cette analyse, si l’on se limite à des épiphénomènes, à des perspectives unilatérales, simplifiant la complexité des niveaux d’analyse pour la facilité et la commodité d’une critique perçue comme moralisatrice – au sens péjoratif du terme -, on ne pourra jamais provoquer la prise de conscience des acteurs, on ne pourra jamais arrêter l’engrenage.

C’est trivial à dire: si l’on veut changer les choses, il faut comprendre comment elles fonctionnent, qu’est-ce qui les fait tenir en place. Comprendre et expliquer, le couple herméneutique… en l’occurrence, il faut comprendre ce qu’est le dépistage organisé – une construction sociale et non pas une science -, pourquoi il marche, pourquoi il suscite l’adhésion malgré les critiques et les arguments rationnels, comment cette adhésion-là est fabriquée, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour l’ébranler efficacement et introduire de la raison dans ce qui relève actuellement très largement de l’irrationnel. 

 

La curieuse logique de Marisol Touraine

On pourrait la résumer ainsi: les femmes ont la liberté de choix, sur la base d’informations incomplètes sur un dépistage dont on ne connaît pas le bien-fondé faute de travaux suffisants, mais dont on ne conteste pas la pertinence… Comprenne qui pourra. 

J’ai été estomaquée par les propos contradictoires de la ministre de la Santé, Marisol TOURAINE, surmédicalisation,surdiagnostic cancer du sein,dépistage cancer du sein,mammographie dépistage critique,peter gotzsche,h gilbert welch,gilbert welch dépistage cancer,mammographie faux positif,cancer du sein surtraitement,surmédicalisation surdiagnostic surtraitement,cancer du sein conflits d'intérêt,ruban rose désinformation,désinformation cancer du sein,nordic cochrane centre cancer du sein,paternalisme cancer du sein,misogynie médecine cancer,médicalisation femmes,décapeptyl zoladex enantone effets indésirables,cancer médicaments effets indésirablescitée par Libération: d’une part, « la réflexion était engagée «en France comme dans d’autres pays» sur le dépistage du cancer du sein, dont, a-t-elle dit, «personne ne met en cause la pertinence» ». Il ne faut donc pas remettre en question le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie tel qu’il est, ce qui veut dire implicitement que les femmes devraient se conformer aux injonctions qu’on leur donne par tous les rouages qui composent la désinformation organisée.

D’autre part, répondant à propos des interrogations critiques de l’UFC Que Choisir, la ministre demande que soient accélérés les travaux en cours, menés notamment par l’INCa (Institut National du Cancer), et que leurs résultats soient publiés le plus rapidement possible, afin de nourrir cette réflexion. Marisol Touraine « a également souligné que la «liberté de choix» des femmes était «un principe fondamental qui n’est pas menacé» et que chaque femme devait disposer de «toute l’information nécessaire» avant de se faire dépister. » Et la ministre de la Santé de répéter que personne ne conteste « la pertinence du dépistage ». Marisol Touraine a peut-être des pouvoirs prédictifs sur l’issue et les résultats des travaux en cours, qui lui permettent de faire de telles affirmations. (Voir l’article intégral paru dans Libération le 26 septembre 2012, reprenant une dépêche AFP: « Dépistage du cancer du sein: la réflexion est engagée, dit le ministère »).

Donc elle avoue l’insuffisance de l’information sur laquelle se fonde cet acte de politique de santé publique de prévention qu’est le dépistage systématique, puisque des travaux doivent encore être menés et publiés afin que le bien-fondé du dépistage organisé par mammographie soit clairement prouvé. Des femmes sont ainsi envoyées tous les deux ans à faire une mammographie alors que même la ministre de la Santé dit ne pas pouvoir démontrer que cela leur apportera un bénéfice clair.

Et où est-elle, cette liberté de choix clamée par la ministre, lorsque les femmes ne disposent pas d’une information complète sur l’état des connaissances scientifiques actuelles à propos du dépistage ? Mais l’information qu’on leur donne est présentée comme sûre et complète et rien n’est dit de cette insuffisance reconnue à demi-mot par Marisol Touraine…

Bénéfices incertains, mais des risques pour certaines des femmes prises dans la glue rose de la désinformation

Il a été démontré plus d’une fois que le dépistage du cancer du sein par mammographie tous les deux ans ne réduit pas la mortalité ; le dépistage (donc la détection précoce parée de toutes les vertus) n’apporte pas de bénéfices. La réduction du taux de mortalité notée en Europe et aux Etats-Unis est attribuée par les analystes indépendants (tels que le Cochrane Centre, Philippe Autier [4, 5] et d’autres, cités plus bas) à une amélioration des traitements, et cette interprétation est étayée entre autres sur l’absence de corrélation entre le début du dépistage et le début de l’amélioration du taux de survie. Autrement dit, même là où le dépistage a été mis en place en retard, la mortalité a quand même diminué, grâce aux traitements.

D’ailleurs, c’est suite à de telles remises en cause répétées du bénéfice du dépistage en termes de mortalité que le panel d’experts états-unien USPSTF (United States Preventive Services Task Force) a revu les recommandations [6]: pas de dépistage avant 50 ans et après 70 ans et mammographies bien plus espacées entre 50 et 70 ans. Mais des groupes de pression et des experts ayant des conflits d’intérêts sont intervenus pour que l’on revienne à la mammographie tous les deux ans entre 50 et 70 ans… C’est à peu près la même chose au Canada. En 2011, le service d’experts concernés – Canadian Task Force on Preventive Health Care – a bien essayé de remettre en cause les anciennes recommandations et formuler d’autres, qui prennent en compte les données actualisées. Mais les experts ont dû reculer face au tollé suscité et aux insultes qu’on leur a jetées à la figure. Ils seraient responsables de 2.000 décès supplémentaires par an, si jamais on appliquait leurs directives modifiées, disaient les critiques de tous bords, sans aucun argument scientifique pour étayer ce chiffre.

Pourquoi les femmes françaises – qui participent à à peu près 52% de la tranche d’âge concerné par les sommations – devraient-elles être dépistées trois fois plus qu’en Allemagne ou dans des pays scandinaves tels que la Suède? Savent-elles que même les promoteurs les plus fervents admettent qu’il y a autour de 8% de surdiagnostics et que sur 100 femmes participant au dépistage, seules 4 auraient eu un cancer qui aurait posé problème? Savent-elles que des radiologues tels que Bernard DUPERRAY critiquent l’impression de fausse sécurité donnée par le dépistage, puisque bon nombre de cancers cliniquement détectables ne sont pas vus à la mammographie? Les surdiagnostics et tous les problèmes épineux posés par le dépistage organisé ont été abordés lors du colloque « Surmédicalisation, surdiagnostics, surtraitements », dont j’ai publié les actes sur Pharmacritique (voir cette page et suivre les liens).

Pourtant, il faudra bien un jour actualiser les recommandations officielles, puisque les espoirs placés dans le dépistage régulier dans les années 60 et 70, qui ont justifié la mise en place de programmes systématiques depuis 1987, n’ont pas été confirmés. Bien au contraire. Et les données ne manquent pourtant pas, en particulier lorsqu’on pense aux onze études randomisées contrôlées en double aveugle (RCT), au fait que nous avons déjà des données de suivi sur une longue période, etc.

C’est le même USPSTF qui a depuis longtemps critiqué le dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA et recommandé de restreindre fortement le dépistage. En France, même si la Haute Autorité de Santé émet depuis 2010 des recommandations plus raisonnables, s’approchant de celles de l’USPSTF aux Etats-Unis, la pratique est différente, compte tenu du lobbying intense exercé par la société savante qui veut avoir le monopole à ce sujet: l’Association Française d’Urologie (AFU).

Par contre, comme dans la loterie évoquée par Fernand Turcotte et Pierre Biron dans un texte concis permettant de comprendre facilement les enjeux, le dépistage organisé du cancer du sein apporte un certain nombre de risques, bien réels, eux, qui sont explicités dans le texte. Je ne m’étendrai pas ici, puisque le document du Nordic Cochrane Centre explique cela infiniment mieux que moi, références à l’appui. Je voudrais juste évoquer un couple de termes utilisés par Bernard JUNOD dans ses écrits critiques du dépistage : la différence entre le cancer histologique (découverte par divers examens) et le cancer maladie. A mon avis, de telles explications et analogies facilitent la compréhension et permettent d’ouvrir une brèche dans la construction sociale hermétique et bétonnée qu’est le dépistage façon « octobre rose ».

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Effets indésirables des hormonothérapies: l’exemple des analogues agonistes GnRH

La question des effets indésirables graves, voire mortels des analogues agonistes GnRH (appelés aussi agonistes LHRH) n’est jamais posée dans les campagnes publicitaires. Or ces effets sont tellement dangereux chez les hommes traités pour un cancer de la prostate que la prescription d’Enantone et Cie ne doit être faite qu’en tout dernier recours, si rien d’autre ne marche et si le patient tient absolument à avoir un traitement, en évaluant soigneusement le rapport bénéfices/risques. Des études et des éditoriaux par dizaines appellent à la prudence depuis des années aux Etats-Unis, parce que les médicaments risquent de tuer plus que le cancer…

Mais les médecins français désinforment – et sont eux-mêmes désinformés entre autres à cause de l’absence de littérature médicale présentant cela en français. Les campagnes de l’Association Française d’Urologie et les autres leaders d’opinion faisant des formations médicales continues sur le sujet notent tout au plus des effets secondaires de sévérité légère à moyenne (prise de poids, fonte musculaire, fatigue, troubles gastro-intestinaux…). Ils oublient le diabète, l’infarctus du myocarde et autres affections cardiovasculaires, l’apoplexie hypophysaire ou l’adénome hypophysaire, les troubles neurologiques (neuropathies, paralysies…) et neuromusculaires, la dégradation très importante de la qualité de la vie à cause du déclin cognitif (mémoire, attention, concentration…), à cause de l’impuissance et parfois de l’incontinence, de la féminisation, etc.

Dans cet article abordant divers aspects liés à notre sujet, « Surdiagnostic des cancers: entre dépistage obligatoire en Pologne et surdépistage imposé en douce en France sous pressions diverses », j’ai parlé de l’amende de 875 millions de dollars que le laboratoire Takeda Abbott Pharmaceuticals (TAP, devenue AbbVie) a dû payer en 2001 pour des charges pénales et criminelles, notamment une « conspiration » (terme figurant dans les attendus du jugement) au niveau fédéral afin de mettre en place une campagne nationale de promotion tous azimuts incitant à la prescription de l’acétate de leuproréline (Enantone, appelé Lupron aux Etats-Unis, Lucrin ou Prostap ailleurs). Plusieurs urologues corrompus directement ont eux aussi été condamnés; mais beaucoup d’urologues ont simplement accepté des cadeaux et autres invitations, ou alors se sont laissés désinformer par la littérature médicale biaisée à ce sujet.

Dommage que les effets indésirables de cette classe de médicaments ne soient toujours pas discutés en public, et même pas dans une revue comme Prescrire, qui n’évoque que ceux légers ou moyens. Cela n’a pas changé depuis que je me suis intéressée à la question et ai commencé à en parler sur Pharmacritique, en 2008.

Les femmes aussi subissent des effets indésirables importants lors d’une prise de Decapeptyl de la firme IPSEN (ou Enantone ou Zoladex) pendant des années, sous prétexte – pourtant sans preuves scientifiques solides – que ce traitement antioestrogénique réduirait les récidives ou augmenterait la durée entre deux récidives d’un cancer du sein hormonodépendant. C’est pourtant important que les femmes qui n’ont aucun symptôme mais font une mammographie – pour répondre aux injonctions du complexe médico-politico-industriel bénéficiaire de l’industrie du cancer – sachent qu’elles risquent une ménopause définitive et des effets indésirables sévères avec un tel analogue agoniste GnRH. C’est un comble si une femme surdiagnostiquée, ayant une petite tumeur qui aurait régressé toute seule, etc. se retrouve dans l’engrenage des traitements (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie pendant des années…) qui la transforme définitivement en malade chronique, à cause des effets indésirables de l’un ou l’autre des médicaments et de leurs effets cumulatifs.

Et si ce business autour du dépistage est si lucratif pour les fabricants de tout le matériel nécessaire, pour les laboratoires fabricant des médicaments très chers, pour les professionnels de santé (depuis les radiologues jusqu’aux cancérologues et aux médecins généralistes avec leur prime s’ils prescrivent le taux voulu de mammographies), c’est précisément à cause de la chronicisation, parce qu’il n’est jamais question d’une fin prévisible. Les surtraitements induisent une cascade de prescription: un effet secondaire est traité par une autre prescription médicamenteuse (ou alors il est pris pour une comorbidité; en tout cas, il y a une nouvelle prescription, un nouveau médicament en plus des anciens et pour traiter leurs effets indésirables). Le deuxième médicament aura lui aussi des effets indésirables qui induiront une nouvelle prescription d’un médicament supplémentaire…

Un sketch du Groland sur le Perfector et la cascade de prescription qu’il induit par ses effets secondaires est édifiant à ce sujet, l’humour permettant d’être plus efficace que des traités savants. le médicament Perfector est fictif, mais le scénario est parfaitement réaliste.

Marchandisation et extension du marché des agonistes GnRH. Application du modèle à l’ensemble des médicaments et autres produits grâce à la chronicisation de l’endométriose

Analyser les recettes mises en ouvre par l’industrie du cancer quant au dépistage organisé du cancer du sein par mammographie se révèle important aussi pour décrypter ce qui est un prototype… Au vu du succès des stratégies commerciales, qui incluent l’industrie de la communication et l’industrie de la culture, partie prenante de ce que j’appelle complexe naturo-psycho-communicationnel, les mêmes acteurs commerciaux ont appliqué les mêmes stratégies à d’autres maladies et symptômes. L’endométriose est un exemple fascinant, car c’est une industrie qui se déploie sous nos yeux. Une ascension résistible de tout un marché, à partir de la réécriture de l’endométriose en tant que maladie chronique et de ses traitements chirurgicaux en mesure de guérir ou d’améliorer fortement et à long terme, présentés désormais comme mutilants, donc à revoir par des approches plus légères, mais inefficaces, donc à combiner et à prendre à la longue… 

Avec les analogues agonistes GnRH, l’industrie pharmaceutique a un réservoir inépuisable de profits, puisque ces médicaments très chers dont chaque firme a son me-too (sa variante égale aux autres) seront pris pendant des années, voire des dizaines d’années, même si leur efficacité n’a pas été suffisamment démontrée et si leur rapport bénéfices/risques est clairement défavorable chez les hommes – et pas encore assez évalué chez les femmes. De plus, les producteurs (Takeda Abbott / AbbVie, Ipsen, Pfizer, Astra Zeneca, Sanofi…) ont obtenu des extensions d’indications, et la promotion habituelle fait que les analogues agonistes GnRH sont prescrits larga manu dans des maladies bénignes telles que l’endométriose (ainsi chronicisée, voir cet article et les autres de la même catégorie), les fibromes utérins (léiomyomes, en préopératoire), la puberté précoce centrale, etc. J’ai évoqué les risques dans ces autres indications et les conditions dans lesquelles ce sont faites certaines de ces extensions d’indication (fraude du Dr Andrew Friedmann pour ce qui est de la prescription en endométriose et fibromes,…,) dans plusieurs articles (dont celui-ci et celui-là).

Ce risque et bien d’autres effets indésirables hormonaux, immunitaires, neurologiques, musculo-squelettiques,… sont détaillés dans les monographies anglophones des agonistes (Zoladex, Enantone/Lupron, Décapeptyl, Suprefact, Bigonist…), mais ne figurent pas dans les RCT français [résumé des caractéristiques du produit], et quasiment rien n’est dit dans les notices et dans les « informations » données aux femmes lors de campagnes promotionnelles tels que « octobre rose ». Probablement pour ne pas troubler la rositude.

Le Dr Jean Belaisch, qui préconise un traitement hormonal pendant des années, voire des dizaines d’années dans l’endométriose, un traitement qui serait empirique, donc sans diagnostic préalable et sans aucune chance de guérison et d’amélioration durable par la chirurgie, est allée jusqu’à me dire que ce ne serait pas responsable de parler en détail des effets indésirables d’Enantone et autres médicaments utilisés comme traitements hormonaux chez les femmes, et ce non pas parce qu’il nierait les effets indésirables, mais parce que « il y a des femmes qui en ont besoin » (il s’est même permis de m’appeler chez moi pour manifester longuement son mécontentement. Si l’on cherche à comprendre sa logique, cela doit être difficile à comprendre qu’une femme se permette d’informer d’autres femmes et ne laisse pas les hommes médecins leur donner une information sélective, donc épargner ces créatures fragiles à qui la médecine paternaliste doit protection. Cette anecdote est symptomatique: on dit aux femmes ce qu’on pense qu’elles doivent savoir pour qu’elles fassent ce que l’on veut, ce qu’on attend d’elles, ce qu’on pense être le mieux pour elles. L’intention se veut même éthique, protectrice, préventive (prévenir l’inquiétude, l’anxiété qu’induirait la connaissance des risques d’un surtraitement): les désinformer pour leur propre bien-être.

Ce qui veut dire qu’on ne les pense pas capables de penser et de décider par elles-mêmes. C’est ce que j’ai répondu au Dr Jean Belaisch: il faut que toutes les informations soient disponibles à toutes les femmes concernées, pour qu’elles puissent décider en connaissance de cause de la thérapeutique à choisir librement, si elles en veulent une.

Et ce n’est pas un hasard si j’évoque l’endométriose parlant de ruban qui englue dans les conflits d’intérêts, dans tout un monde structuré comme une toile d’araignée autour d’une femme qui a mis un premier pied dans l’engrenage et ne pourra plus sortir, parce que le cercle vicieux se déploie autour d’elle. L’endométriose est elle aussi un business très lucratif, toute une industrie qui se déploie selon les mêmes méthodes que dans la construction sociale qu’est le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie: le ruban jaune remplace le ruban rose, le yellowwashing se fait comme le pinkwashing, par les mêmes entreprises et autres commerçants et communicants…

Et voilà l’industrie de la santé marchandisée des femmes – dont toutes les composantes, attitudes, pensées,… sont objet de marchandisation – se mettre en place selon les mêmes rouages. Le storytelling (les histoires diverses) est fait par les mêmes spin doctors et les mêmes communicants, par les mêmes canaux de désinformation, pour obtenir les mêmes types de conditionnements des femmes, par les mêmes méthodes d’influence, de persuasion et de manipulation, qui les amènent à intégrer le modèle d’endométriose réécrit, redéfini pour la marchandiser et pour garantir une expansion illimité du marché et pour une durée illimitéeCela commence par prendre une explication causale (le reflux menstruel) qui, même si elle a été maintes fois invalidée, est toujours mise en avant parce que cette cause de l’endométriose est la seule qui induise une histoire naturelle de la maladie qui la rend chronique et donc justifie une prise chronique de médicaments et d’autres produits et interventions (naturopathie, sophrologie, yoga, reiki, médecines énergétiques, pseudo-médecines douces et alternatives et leurs remèdes, développement personnel, coaching pour intégrer des stratégies de coping / faire face vendus avec leur cortège de produits dérivés).

L’on aura compris que si l’endométriose dépend des règles et que les lésions se reforment avec chaque menstruation (par le reflux menstruel, la régurgitation du sang menstruel par les trompes vers la cavité péritonéale), alors la seule façon de maîtriser cette maladie, c’est de supprimer les règles en prenant des médicaments: soit des contraceptifs oestroprogestatifs cycliques ou continus, soit des progestatifs macrodosés (Lutéran, Lutényl, Surgestone ou d’autres variantes me-too), soit un anti-androgène de type Androcur, soit du diénogest (Visanne, progestatif présenté comme nouveau et révolutionnaire, alors qu’il a été développé dans l’ex-Allemagne de l’Est il y a une trentaine d’années), soit des dispositifs intra-utérins tels que le stérilet Mirena, diffusant le progestatif lévonorgestrel, soit encore un analogue agoniste GnRH tel que la leuproréline Enantone/ Lupron / Lucrin / Prostap/ Gynecrin / Trenantone, ou la triptoréline Decapeptyl (vendue aussi sous d’autres noms tels que Diphereline, Gonapeptyl,…), ou encore le Zoladex, le Synarel ou d’autres. En France, c’est AbbVie (précédemment TAP: Takeda Abbott Pharmaceuticals) qui payait le plus, mais cela a changé. Et comme c’est IPSEN qui paie les médecins, leurs organisations, les formations médicales continues, etc. et finance leurs activités et leurs congrès, sans oublier de sponsoriser la communication sur divers supports en direction du grand public et des associations de malades, eh bien, c’est le Decapeptyl qui est désormais le plus prescrit.

Avec d’autres laboratoires pharmaceutiques et fabricants de dispositifs médicaux, IPSEN finance une nouvelle structure de recherche publique sous contrôle privé appelée G4, composée d’établissements publics et privés de quatre villes: Amiens, Caen, Lille, Rouen et se voulant un « réseau de recherche à vocation industrielle ». Il y a une vingtaine de maladies qui sont au programme, parmi lesquelles l’endométriose, sous l’angle de la prise médicamenteuse de longue durée et de chirurgies répétitives et incomplètes. Un certain Pr Horace Roman semble mener les opérations de ce groupe, et les intentions ne présagent rien de bon. 

L’endométriose est refaçonnée selon les méthodes classiques de disease mongering (invention et réinvention de maladies)pour que la cause, l’origine et donc l’histoire naturelle mènent à la chronicisation, donc permette la marchandisation large et durable. Et il y a fort à parier que, si le G4 exploite bien l’argent mis à disposition par tous ces industriels, cette vision chronicisante se traduise dans une attaque contre l’exérèse complète et dans des programmes de traitement qui la remplacent par des interventions moins « mutilantes », voire par une médicamentation exclusive. Et pourquoi pas un traitement hormonal empirique de longue durée (des années, voire des dizaines d’années), tel que préconisé par le Dr Jean Belaisch, à savoir dès qu’il y a des douleurs pelviennes, et sans attendre le diagnostic? Il envisageait aussi un traitement d’épreuve à l’aide de progestatifs et même à l’aide d’agonistes GnRH, dans des textes publiés entre 2002 et 2007 dans la revue Gynécologie, Obstétrique et Fertilité et sur le site de l’association EndoFrance. J’ai critiqué ses préconisations de traitement ainsi que ses vues sur la causalité psychique de l’endométriose (qui serait une maladie psychosomatique, voire une forme d’hystérie telle que décrite par le psychanalyste Jean-Michel Louka, qui cherche à faire parler de lui en réutilisant la même explication d’hystérie partout et décrit le psychisme des femmes souffrant d’endométriose exactement dans les mêmes termes que le psychisme des prostituées, elles aussi forcément victimes d’abus sexuels refoulés qui ont causé l’hystérie… Refoulés, donc inconscients et à découvrir, même lorsque les femmes nient, par une psychanalyse à laquelle toutes ces femmes devraient être soumises. Ce qui n’est qu’une forme de psychothérapie déviante connue sous le nom de (syndrome de) fausse mémoire, syndrome des faux souvenirs, fausse mémoire induite, etc.

Aux Etat-Unis, il y a eu une véritable épidémie de syndromes de fausse mémoire, induits par des psychanalystes qui ont influencé des femmes fragiles, malades, à la recherche d’une explication et d’une cause unique de leurs souffrances, à la recherche aussi d’une illusion d’agir et non plus seulement subir une maladie… La psychanalyse est faite de façon à maximiser l’influence du thérapeute (analyste) sur la personne qui s’adresse à lui parce qu’elle croit à ce qu’elle connaît de la théorie. Elle cherche à faire plaisir, elle sélectionne ce qui va dans le sens des problématiques habituelles de la théorie psychanalytique (sexualité, désirs inconscients pour les parents, faute de la mère, incestualité, oedipe, etc.). La dépendance est majeure, donc la canalisation vers les thématiques voulues aussi, jusqu’à ce que le souvenir apparaisse… Alors lorsqu’une femme entend dès la première séance que son endométriose est due forcément à un abus sexuel, à un traumatisme psychique, et notamment psycho-sexuel, et que si elle retrouve le souvenir, elle ira mieux, voire pourra résoudre ses douleurs, ses autres symptômes et son éventuelle hypofertilité ou infertilité, la tentation est grande d’aller dans ce sens. 

De toute façon, le formatage des femmes est là, les poussant à travers les diverses agences de socialisation, et ce depuis leur naissance, à toujours chercher un lien rétrospectif avec le psychisme, pour chaque phénomène. La psychanalyse est largement responsable de cela, dans le cadre de cette « culture psy » qui traduit à la perfection l’individualisme néolibéral appliqué à une santé marchandisée et à des femmes dont le corps, l’esprit, le psychisme et le moindre comportement sont psychologisés, afin d’exonérer la société et le régime socio-historique de toute responsabilité. Le déterminisme psycho-sexuel prêché par la psychanalyse est absolu. Si l’on rajoute le sexisme, la misogynie et la gynophobie de la psychanalyse (surtout des chapelles se revendiquant de Jacques Lacan) qui donne la faute à Eve pour tout et partout, ainsi que l’obsession pour la sexualité et l’hystérie du « féminin » dans tout ce qui est lié à la sexualité conçue comme dérivant des désirs incestueux inconscients pour le père, alors tout ce que vit une femme est forcément un résultat de son psychisme hystérique. Et rien n’est résultat d’expositions professionnelles et domestiques des femmes pendant leur grossesse, notamment à des perturbateurs endocriniens, responsables (ou du moins co-facteurs de risque ou éléments de causalité multiple) de maladies à composante endocrinienne telles que les cancers du sein hormonodépendants, les ovaires polykystiques, les pubertés précoces centrales ou autres, les déséquilibres hormonaux divers, et évidemment l’endométriose.

Pas de communication sur les vraies causes de l’endométriose, notamment la mulleriose décrite dès 1988 par le Dr David Redwine et évoquée aussi dans le texte de 2003 appelé Redefining Endometriosis in the Modern Era, que j’ai traduit à nouveau en 2011 et posté sur cette page, après une très longue présentation du business de l’endométriose et des multiples mauvais traitements que subissent les femmes, une fois que le paradigme chronicisant est en place: Face à l’endobusiness et au yellow-washing, il est urgent de « Redéfinir l’endométriose à l’âge moderne » avec David Redwine.  

Car la communication, à la fois par le complexe médico-industriel et par le complexe naturo-psycho-holistique va de plus en plus dans le sens d’un discrédit de la chirurgie et d’un pharmacommerce de la peur, pour vendre des médicaments en agitant l’épouvantail d’éventuels dégâts de la chirurgie…

L’endométriose est redéfinie et re-présentée de façon à donner un maximum de possibilités de commerce. Le ruban jaune suit l’exemple du ruban rose, et le plan communicationnel aussi. Aux Etats-Unis, l’on dénonce depuis des années les stratégies commerciales qui se servent du ruban rose pour gagner en termes d’image, faire du commerce, etc. Rachel Campergue a synthétisé cela dans son livre No mammo? (Max Milo 2011). Le terme pink-washing, forgé sur le modèle de green-washing (donner une impression d’approche écologique pour justifier toutes sortes d’activités commerciales, y compris sous l’angle de la communication et des stratégies d’influence), convient parfaitement à décrire ce phénomène, appliqué aux leviers décrits plus bas, utilisés depuis toujours dans la communication en direction des femmes. Car greenwashing est beaucoup plus général. Or les femmes sont plus efficacement influencées et amenées à l’observance, au conformisme médical et consumériste, si elles ont l’impression que telle initiative est conçue pour elles, en tenant compte de ses spécificités, de ses préférences et désirs. On aura donc tous les codes habituellement associés à la féminité, selon les clichés les plus éculés… Les codes couleur (rose, éventuellement mauve, en tout cas couleurs pastel), les silhouettes féminines et les figurines animales, tout ce qui a une connotation de douceur, de sororité, de partage, de solidarité « entre filles », mais aussi tout ce qui donne l’impression de communication « branchée », moderne, « in ». Selon les stéréotypes livrés et entérinés par la presse féminine. Qui veut aussi que la branchitude passe par des mots anglais: l’on est endogirl, endosister, endowarrior, endofighter, endosurvivor, tout comme l’on est survivor et warrior contre le cancer du sein… Et l’on consomme des endodiet, pour prendre soin de son endobody et limiter les endopain, grâce au endosport et endozen, selon les recettes de endocoaching qui nous apprennent les endoregimes, en pensant aussi aux relations avec les endoboys. Et ainsi de suite. Le endobusiness n’a pas de fin, tant que la maladie est présentée comme chronique.

Refaire le marketing de tout ce que l’on connaît déjà, en rajoutant endo-, voilà la définition du yellow-washing. Repositionner quelque chose sur le marché dans une nouvelle indication. Vous avez vendu du gatillier pour des troubles menstruels? Eh bien, ce sera un endoproduct. Vous avez fait du développement personnel chez des personnes stressées, en entreprise, pour leur dire que ce ne sont pas les conditions de travail qui posent problème, mais leur réactivité au stress? Eh bien, vous aurez une nouvelle clientèle, et massive, qui plus est, avec les une femme sur dix qui souffrent d’endométriose en tant que maladie chronique. Et d’ailleurs les propositions de endocoaching n’ont pas manqué, partout dans le monde.    

De plus, le ruban a lui aussi des significations multiples. On l’aura compris, c’est donc le pink-washing, le ruban rose et tout ce que l’on connaît de déploiement industriel, communicationnel, naturopathique, alternatif, qui sert de modèle au déploiement du business de l’endométriose et au yellow-washing (ici dans un sens différent de celui que ce terme a en anglais). Et quasiment tout ce que j’analyse plus bas pour le cancer du sein vaut pour l’endométriose.   

Le dépistage à la sauce « octobre rose »: une construction sociale…

… au même titre que les valeurs et préférences « féminines » servant de levier et d’appel à des affects, des stéréotypes et des situations permettant de s’identifier

Il faudrait analyser en détail, avec les moyens des sciences sociales, tout ce qui entoure les surdépistages, sur les campagnes publicitaires et les innombrables initiatives avec des arrière-plans commerciaux qui instrumentalisent les femmes, la cause féministe et la santé des femmes, qui instrumentalisent des notions telles que la solidarité (faussée sous forme de « sororité »/fraternité), la prévention, l’accès aux soins, etc.

Ecoeurée bien avant cette nouvelle version d’octobre rose, encore renforcée par les 20 ans du « Ruban rose », je me disais qu’il faudrait revenir en détail sur tous ces sujets: arrière-plans du ruban rose et d’octobre rose; conflits d’intérêts des sociétés savantes et des associations de patientes, qui sont légion et ont fait scandale, par exemple en 2007 en Allemagne; désinformation des femmes à qui l’on impose – par différentes façons de les manipuler – la participation à un dépistage par mammographie tous les deux ans, sans les informer sur les risques ; surdiagnostics et les conséquences : faux positifs, surtraitements (traitements de tumeurs qui auraient régressé d’elles-mêmes, comme dans plus de 20% des cas (voir cet article) traitements plus ou moins invasifs inutiles…), et l’inévitable cascade de prescription en cas de iatrogénie… Voir les articles réunis sous des catégories telles que « cancer, industrie du cancer », « surmédicalisation, surdiagnostics », « disease mongering » et d’autres (accessibles par ordre alphabétique des catégories à gauche de la page). 

Mais l’interrogation devrait, à mon sens, commencer par les causes et prendre cette construction sociale dans sa globalité. Un fait social d’une telle ampleur, avec de tels enjeux, de telles conséquences et de tels intérêts en jeu, n’arrive pas par hasard, n’arrive pas partout de la même façon. L’absence de critique systématique – qui est particulièrement criant s’agissant d’un programme dit de prévention, donc imposé à des personnes en bonne santé qui débouche sur autant de cas de surtraitements – n’est pas juste une conséquence de l’engouement des media pour les sciences et les corporations et de leur manque d’indépendance face aux industriels. 

« Cancer » : un disjoncteur pour la raison. L’exercice public de la raison ne serait pas « féminin »

On l’a vu avec le Gardasil, avec les anticorps monoclonaux, avec les analogues agonistes GnRH et dans bien d’autres cas: dès que le mot « cancer » est prononcé, la raison semble court-circuitée et aucune critique n’est possible. Des réponses unilatérales et biaisées en faveur du dépistage sont apportées par des « sachants », les professionnels de santé qui semblent les seules sources légitimes et « autorisés » – et jouent de l’argument de l’autorité et de leur position pour prescrire les mammographies -, sans même que les femmes puissent formuler les questions, leurs questions. Ce qui fait que même l’amorce de débat qui existe est biaisé, les questions étant formulées en fonction des… réponses claironnées sur tous les toits pour désamorcer le débat critique et empêcher les questions bien pensées et argumentées, visant juste. Cela fait aussi que les questionnements sont souvent tâtonnants, hésitants ou ne vont pas jusqu’au bout, puisque les critiques spontanées savent qu’elles ne disposent pas des données scientifiques; les critiques en général savent que leur attitude est mal vue socialement, surtout si elles/ils ne sont pas des médecins.

Surtout les femmes « n’ont pas autorité à »; elles « ne savent pas », elles font peur pour rien, etc. L’on connaît le poids des stéréotypes, souvent confirmé par la sociologie et la psychologie sociale: interrogées par une équipe de collaborateurs de Pierre Bourdieu sur leur participation au débat politique, les femmes ont majoritairement dit se tenir à distance, d’une façon ou d’une autre (ou suivre l’avis de personnes mâles ayant une autorité morale, etc.). Lorsqu’on leur a demandé de réfléchir et de donner des raisons, elles ont dit que ce n’était traditionnellement pas le rôle de la femme, pas un domaine féminin, etc. (Je simplifie).

Aussi faut-il interroger cette construction sociale qu’est le dépistage rose à la lumière de toutes les autres constructions sociales sur lesquelles elle s’est construite et étayée et qu’elle utilise comme levier inconscients, de l’ordre de l’affect, de la croyance, de l’opinion irrationnelle.  

Parmi les clichés et stéréotypes cherchant à fixer dans l’imaginaire cette opposition entre hommes et femmes, culturellement construite, mais perçue comme naturelle (essentialisée, naturalisée) figurent aussi les « valeurs féminines » (« l’éternel féminin », les diverses définitions de la « féminité ») et tous les attributs et les préférences qui les illustrent. Ils sont censés démontrer que la différence biologique n’est pas seulement celle que l’on pense et qu’elle a des conséquences partout. On retrouve partout les couples antagonistes traduisant les stéréotypes binaires: jour/nuit (ou lumière de l’entendement et du concept/obscurité des affects et passions), raison/irrationnel, logique/sentiment…

Et des sciences expérimentales cherchent à démontrer les racines biologiques et génétiques de ces différences que l’on projette sur la nature, comme pour n’importe quel phénomène où le réseau catégoriel et conceptuel humain (que l’on utilise pour percevoir, identifier et comprendre) est confondu avec des lois ou régularités de la nature elle-même. La vulgarisation médiatique aide à conforter les clichés et les oppositions de ce type, qui sont le fond de commerce de la publicité (entre autres). (Ce n’est pas l’objet de ce papier, mais il faut quand même rappeler que la psychologie sociale montre parfaitement que ces différences supposées naturelles, essentielles, éternelles et immuables sont en fait induites par l’ensemble de la culture et du type de société dans lequel les filles et les garçons sont éduqués selon des modes particuliers de socialisation.)

De proche en proche, même le rose aurait donc une explication biologique et génétique… Et l’on sait que lorsqu’on veut implémenter quelque chose à large échelle, il faut utiliser les leviers les plus efficaces, tels que les stéréotypes les mieux ancrés dans l’imaginaire et les outils qui peuvent être très facilement identifiables et reconnaissables. C’est ainsi que fonctionne une agence de communication lorsqu’elle crée un logo, un slogan et une situation qui maximise le potentiel d’identification avec le produit vendu. Le ruban rose et les scenarii répétitifs autour du sein relèvent de cette logique.

Il faut en parler pour contribuer à ce que les femmes ne s’embourbent pas dans la glue médico-politico-industrielle du ruban rose bonbon, mais au contraire se délient de la désinformation et rompent le nœud de l’obéissance aux guides et gourous de toute sorte qui prétendent leur dire ce qu’elles ont à faire, si ce n’est parler à leur place… Les ratés de la « prévention » prescrite par ces guides pour « traiter » la ménopause par des médicaments hormonaux substitutifs auraient dû tâcher un peu le rose bonbon qui n’existe que dans la réalité féerique imaginée par les communicants. Ceux-là même qui vulgarisent les normes médicales arbitraires et aident à les transformer en normes sociales, pour que les femmes s’ajustent et s’adaptent aux rôles qu’on leur a taillé dans la machinerie médico-industrielle. A chaque fois que l’on évalue l’issue d’une prévention consistant surtout en dépistages réguliers, donc à chaque fois que l’on se pose la question de la qualité des résultats des dépistages réguliers et, par conséquent, de leur bien-fondé, le résultat est négatif.

L’on voit à quel point la communication (synonyme de promotion des intérêts privés peu visibles, mais omniprésents) qui relaie pour le grand public (dans les media généralistes, sur internet, etc.) le discours marketing de toute la chaîne médico-industrielle qui vit de la surmédicalisation – bref, on voit à quel point cette communication est efficace, puisqu’elle transforme des résultats négatifs en positifs sans l’ombre d’un doute…

La psychologie sociale a montré comment la perception sociale (et l’autoperception) est socialement formatée et donc à quel point les différences sont construites et induites. Elle a également montré que des résultats et des arguments rationnels ne peuvent rien contre des clichés bien enracinés, contre des constructions sociales et des représentations sociales non seulement acceptées, mais valorisées et conçues comme la traduction d’un doit, d’une avancée scientifique, d’une chance individuelle et collective. Lorsqu’il s’agit de la santé et à ce qui est présenté comme la possibilité d’échapper à un cancer, c’est quasiment perdu d’avance.

La raison est inefficace contre des opinions et des croyances fabriquées, mais re-projetées sur l' »opinion » publique, comme si c’est elle qui les auraient produites. On pourra difficilement déboulonner des faux prophètes, des fausses croyances, des stéréotypes, surtout lorsque ceux-ci ont trait aux affects, aux symboles, etc., mais se présentent sous des dehors scientifiques et du bon sens, comme dans le cas du dépistage, où il semble de bon sens que la détection précoce soit toujours bénéfique, qu’elle soit toujours une chance, et jamais une perte de chance. Le travail de la raison, le travail de clarification sera d’autant plus difficile si la démolition de ce type de stéréotypes et clichés reviendrait à remettre en cause des couches historiques successives de stéréotypes culturels (opposition homme/femme, croyance au progrès…).

Cela conforte les écrits de Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS [7] sur la facilité à manipuler les « honnêtes gens », ainsi que les écrits des sociologues sur la facilité à fabriquer l’opinion (Patrick CHAMPAGNE, Noam CHOMSKY…), à la travailler par divers moyens : l’argument d’autorité des médecins, leurs sophismes et leur aura de scientificité ; le levier de la peur dès que l’on entend parler de « cancer » ; la responsabilisation et culpabilisation de chaque usager sommé à préserver son « capital santé » afin d’éviter d’être une charge pour la Sécurité sociale ; le matraquage publicitaire omniprésent; le recours à des vedettes qui donnent l’exemple, apparemment bénévolement : « depuis quand date votre dernière mammographie? », demande Sophie Davant, etc.

Le matraquage publicitaire est à l’apogée avec « octobre rose » dont les rouages sont très bien décortiqués par Rachel CAMPERGUE dans le livre « No mammo ? Enquête sur le dépistage du cancer du sein » (Max Milo, 2011), livre d’une femme qui pense et parle par elle-même. Le matraquage et le jeu d’influences et de manipulations durent jusqu’à ce que les femmes en arrivent à considérer ce qu’on leur prescrit et on leur impose comme un droit fondamental qu’elles auraient, comme un acte de liberté, traduction de leur libre arbitre, comme une demande émanant d’elles-mêmes.

Les communicants travaillant pour les intérêts industriels ou pour les autres « entrepreneurs moraux » et parties prenantes livrent clé en main les justifications de la surmédicalisation et des surdépistages, en ayant recours à des rationalisations diverses telles que la prévention (et bien d’autres que j’ai décrit lors d’un exposé et reprendrai dans un article à venir). Cette communication sert aussi aux médecins libéraux qui ont accepté la prime à la performance (97% d’entre eux), puisque le taux de mammographies – la prescription régulière de mammographies chez la patientèle féminine de plus de 50 ans – est l’un des critères permettant aux médecins d’encaisser 9.100 euros de plus par an. Alors, au vu de ce biais, qui s’ajoute à d’autres tels que les conflits d’intérêts, il est raisonnable de dire qu’il vaut mieux chercher aussi d’autres sources d’information, indépendantes, et ne pas se fier à ce que dit un professionnel de santé qui a intérêt à ce que les femmes fassent des mammographies tous les deux ans…

Oui, je sais qu’à chaque fois que la question des influences se pose, outre les conflits d’intérêts, tous les médecins disent ne pas être influencés, et ce malgré toutes les études qui démontrent le contraire… Comme s’ils étaient des surhommes, et comme si leurs actes étaient tous de qualité, comme si toute question sur un acte médical et toute demande d’évaluation de la pertinence et de la qualité de leurs actes était une insulte. Selon une comparaison maintes fois reprises, dans les années 1840, c’étaient toujours les médecins qui refusaient de croire que ne pas se laver les mains – qu’ils voyaient propres – transmettait des maladies souvent mortelles…

N’attendons pas que les médecins arrivent d’eux-mêmes à renoncer aux monopoles et privilèges de toutes sortes. Exigeons une information complète et une refonte globale du système de soins dans lequel beaucoup trop de monde se croit autorisé à parler au nom des femmes.

Il faut d’abord que l’ensemble de la relation médecin/patient change : plus de rapports de pouvoir ; plus de réflexes d’obéissance vis-à-vis des médecins;  plus de médecine paternaliste (qui leur facilitait la tâche, certes) ; plus de « consentement éclairé » (en fait : amener la patiente à consentir à ce que dit le médecin, en l’influençant et la manipulant, etc.), pour un véritable dialogue aboutissant à une décision médicale partagée (shared-decision making), tenant compte des valeurs et des préférences des patients, bref, pour la mise en place des dimensions comprises dans le terme empowerment.

Nous en sommes très loin, comme je l’ai dit dans l’article détaillé et illustré sur la misogynie culturelle et médicale, qui part du livre de Guy BECHTEL « Les quatre femmes de dieu: la putain, la sorcière, la sainte et bécassine » [8]. Les médecins paternalistes – y compris les femmes médecin qui ont intériorisé les invariants sexistes – nous voient toujours comme des Bécassines, majoritairement, comme des utérus sur pattes, porteuses d’hommes, influençables à volonté, et bien entendu, premières cibles de la surmédicalisation, par la médicalisation de leur corps, de leurs émotions, de leurs états physiologiques, de leur morphologie…, pour satisfaire les exigences sociales érigées par des mâles, correspondre aux normes érigées par les mâles et arriver à s’ajuster, à s’adapter sans anicroche à tous les rôles qui leur sont impartis dans le néolibéralisme.

Aucun ruban – sorte de chaînes invisibles – ne nous lie à aucun guide, même pas aux médecins auxquels nous avons été éduquées à faire confiance aveuglement, alors que la confiance se mérite… Alors nous autres, Bécassines, devrions joyeusement déchirer tous les rubans, tous les liens, tous les noeuds qui empêchent la libre circulation de l’information.

Ne laissons pas des rubans ou d’autres pseudo-symboles quelconques être des courroies de transmission inconsciente qui jouerons sur les mêmes leviers de toujours – culpabilisation… – pour nous pousser à intérioriser les préceptes d’une médecine illégitime et éthiquement dévoyée lorsqu’elle prétend être une médecine prescriptive (au sens éthique), préventive (au sens abusif et déformé décrit par David Sackett [9]) et prédictive (au sens donné par la vulgarisation d’une génétique déformée).

Dévoiler le dépistage comme une construction sociale et la déconstruire en ses composantes : éléments d’origine déformés, influences, intérêts et conflits d’intérêts, glissements de l’hypothèse ou du wishful thinking à l’affirmation de certitudes…

La méthode généalogique – au sens donné par Nietzsche à une certaine forme de critique – permet d’analyser tout complexe en le déconstruisant dans les éléments qui le composent et en ajoutant le regard diachronique, afin de voir comment et pourquoi (sous quelles influences, par exemple) ces éléments se sont agrégés d’une certaine façon et pas d’une autre. La nature historique de chaque phénomène permet une telle analyse, qui se révèle toujours très précieuse pour comprendre le présent, la situation actuelle d’un complexe qui nous paraît aller de soi, être un développement logique, etc. Je cite toujours le philosophe Vladimir Jankélévitch qui parle du « déniaisement par l’histoire »…

La généalogie critique d’un tel complexe permet de comprendre comment s’est mise en place la désinformation, comment elle se fait et à qui elle sert. Il ne s’agit nullement de je ne sais quelle conspiration menée par quelques personnes et organisations. C’est une convergence d’influences, de biais, d’intérêts et de conflits d’intérêts, mais aussi d’initiatives bénévoles et désintéressées – par exemple de la part de certains mouvements féministes et associations de patient(e)es) – qui veulent réellement faire avancer les choses, qui sont réellement solidaires. La déconstruction critique de ce complexe permettrait de libérer ces énergies bénévoles et désintéressées, les mettre à l’abri des instrumentalisations, pour qu’elles soient au service de l’intérêt de la santé des femmes et non pas au service de tous les intérêts de ceux qui veulent parler à leur place et en leur nom, parce qu’ils sont les seuls détenteurs des informations. (Et disent être les seuls détenteurs légitimes et autorisés à en faire état, à tirer des conclusions pour l’action pratique, ce qui revient à donner des directives aux femmes. Pour ne pas dire des ordres, parce que cela se fait de façon plus insidieuse, et donc plus efficace).

C’est là-dessus – sur l’information complète permettant de décider en connaissance de cause – que devrait porter le premier combat, par-delà même les données scientifiques, car cette désinformation ne concerne pas que le dépistage des cancers du sein. C’est une dimension structurante de notre système de soins (enracinée dans une culture et une médecine misogynes, propageant des constructions sociales qui les traduisent et permettent ainsi de les entériner et de les reproduire). Obtenir des améliorations de surface sur tel aspect, sur tel épiphénomène ne change rien. D’où l’urgence d’une analyse transdisciplinaire des arrière-plans culturels, sociologiques, etc. de la misogynie, de la relation médecin/patient, de la surmédicalisation (techniques, formes, causes, conséquences) et du disease mongering, ainsi que de toutes les dimensions systémiques qui contribuent à façonner et à reproduire le système existant et à produire à répétition des constructions sociales fallacieuses et très difficiles à combattre.

Si ce message-là pouvait passer, ce serait déjà un bon point de départ pour un débat citoyen rationnel, pour que les citoyens puissent acquérir les moyens conceptuels et les catégories explicatives leur permettant de comprendre ce type de construction. Ils pourraient commencer à développer leur esprit critique en prenant une distance réflexe à chaque fois qu’ils sont confrontés à une telle construction et sommés à y participer. Un recul critique, puis l’habitude réflexe de s’interroger sur les arrière-plans, les pourquoi et surtout les pour qui? A qui cela profite-t-il? 

A la lumière des quelques éléments donnés plus haut, qui ne sont que quelques pistes, on commence à entrevoir que le dépistage régulier du cancer du sein par mammographie tous les deux ans, tel qu’il est présenté aujourd’hui grâce à un système de désinformation utilisant tous les rouages du système médico-médiatico-politico-industriel est une construction sociale. C’est un assemblage de divers rouages qui s’emboîtent de mieux en mieux, à chaque octobre rose. Quelques exemples:

  • représentations individuelles et collectives sur la santé, le cancer, la prise en charge médicale…
  • affects qui peuvent varier énormément d’une personne à l’autre, qui accompagnent les représentations
  • des stéréotypes sur les femmes, sur ce que serait leur représentation de la santé, ainsi que sur la relation hommes/femmes
  • croyances au progrès technique et scientifique et à la résolution technique de tout problème; la médecine technicisée et appliquée de façon bureaucratique, administrative, comme dans le cas du dépistage systématique du cancer du sein, est l’une des traductions du scientisme. La médecine préventive (au sens déformé, critiqué par David Sackett) montre à quel point certains dogmes scientistes – et notamment ceux qui servent des intérêts précis (marchands, idéologiques…) dans le capitalisme néolibéral sont enchevêtrés avec les cadres administratifs de notre existence. C’est l’une des raisons pour lesquelles la critique passe tellement mal, en particulier auprès des gestionnaires, décideurs et administrateurs (au sens large, incluant les politiques et le haut de la fonction publique). Parce que la mise en place de cette critique aurait des conséquences sur l’ensemble du système de santé et des jalons administratifs de nos vies. Je parle de la critique des dépistages, mais plus généralement de la critique de cette médecine agent de contrôle social (que j’ai décrit comme médecine préventive, prédictive, mais aussi prescriptive et proscriptive en ce qu’elle émet des préceptes (sur nos comportements, etc.) et que les normes qu’elle prescrit deviennent des normes sociales qui seront reprises et intégrées par les différentes administrations. Et celles-ci vont promouvoir, voire imposer ces normes, plus ou moins directement, donc faire en sorte d’orienter les comportements (valoriser certains, bannir ou stigmatiser d’autres) et pousser les individus vers une adaptation, et même vers un ajustement à ces normes. Et c’est exactement ce qu’il faut au capitalisme néolibéral: des individus adaptés, uniformisés, permutables, normalisés, bref, contrôlables sous une forme acceptée, voire demandée, car elle ne montre pas sa violence (la « correction » médico-pharmacologique et la prévention sont non seulement largement acceptées et entérinées, mais même réclamées par la population et conçue comme une chance qu’offre le système)
  • représentations qui montrent que la médecine technicisée – traduction de la logique néolibérale dans une santé marchandisée – a été accepté comme un moyen de gestion des populations, comme un moyen d’administration et de contrôle social, sous des prétextes divers (prévention, dépistage, capacités prédictives, économies pour la Sécurité sociale…
  • causes justes, mais instrumentalisées (les questions de genre, le mouvement féministe, certaines spécificités de la santé des femmes…)
  • sophismes et raisonnements fallacieux répétés comme des rengaines faisant appel au supposé « bon sens », du genre « mieux vaut prévenir que guérir ». Pourquoi ne pas faire tous les examens possibles et vider les pharmacies en prévention de tout ce qui pourrait nous arriver au cours d’une vie? Le bon sens dit que la détection précoce est forcément une bonne chose, alors que rien de tel n’a été démontré; qu’une tumeur dépistée tôt aurait plus de chances d’être curable; qu’une lésion petite voudrait dire qu’on l’a dépistée tôt dans son évolution, alors qu’elle est peut-être là depuis 10 ans mais n’a pas évolué; qu’une mammographie négative veut dire pas de cancer, alors qu’il existe des cancers visibles et palpables qui ne sont pas vus sur les clichés…)
  • l’ignorance voulue et entretenue (elle est confortable pour les usagers, car elle les décharge de la responsabilité qu’ils auraient dans un modèle de décision médicale partagée (rien à voir avec un « consentement » soi-disant éclairé à ce qui est imposé par divers biais et influences); si cela tourne mal, les usagers retrouveront leur rôle d’éternelles victimes. Pour les professionnels de santé, les industriels et tous ceux qui vivent de l’industrie du cancer, etc., l’ignorance permet de concrétiser des intérêts divers
  • en complément parfait de l’ignorance, que les professionnels de santé – et particulièrement les médecins – ne veulent jamais admettre ni reconnaître, même lorsque toutes les preuves leur donnent tort : les certitudes affichées, même si elles sont illusoires, car non prouvées ou démenties par les faits. Les médecins prétendent que les patient(e)s préfèrent penser que les professionnels de santé savent tout, qu’ils ne doutent pas, que leur science – et la science en général – est précise et infaillible et que c’est elle – la raison incarnée dans la science médicale – qui gouverne le choix des actes médicaux prescrits et effectués, ainsi que les programmes de santé publique (dépistages, vaccinations…). Par ces certitudes affichées, je veux parler aussi du semblant de précision et d’exactitude qui va de pair avec l’attitude scientiste et bureaucratique, donc avec ces cadres administratifs-statistiques pseudo-scientifiques qui régissent non seulement les dépistages, mais toute notre santé. 
  • narcissisme des acteurs et décideurs scientifiques et administratifs renforcé par l’inertie des habitudes, des pratiques médicales et administratives. Ce serait très difficile d’admettre que l’énorme majorité des médecins se sont trompés, déjà à la base, dans leur interprétation de l’histoire naturelle du cancer du sein et du schéma de pensée et d’action qu’ils en tirent. Et tous ceux qui ont prescrit et prescrivent des mammographies régulières sans jamais prendre au sérieux les informations, acceptant la désinformation, devraient faire leur autocritique. Nous en sommes loin, d’autant que le paiement à la performance fait (comme jadis le CAPI: contrat d’amélioration des pratiques individuelles) les incite à prescrire encore plus de mammographies. La surmédicalisation a un bel avenir devant elle! 
  • incantations et pensée magique (wishful thinking) du genre « le dépistage marche! »; illusions et façons de conjurer le sort. Le vocabulaire guerrier – on déclare régulièrement la guerre au cancer – renforce cette pensée d’une solidarité des petits soldats unis contre le grand méchant cancer, sous les ordres de quelques généraux qui ont des intérêts bien différents de ceux des soldats engagés effectivement dans la bataille. Le ruban rose est très important dans cette guerre économique, car il occulte les dimensions terre-à-terre sous des visions nobles, éthiques, humaines… et que le lien qu’il crée empêche la critique sous peine de paraître rompre cette chaîne infinie qui vaincra le cancer
  • clichés d’une psychologie reflétant l’individualisme néolibéral: l’attitude positive, la solidarité à la façon des réseaux sociaux, etc. C’est comme si la critique du dépistage organisé manquerait de respect aux « survivantes » et aux femmes qui souffrent en ce moment-même d’un cancer du sein dépisté grâce à la mammographie de dépistage. En effet, comme toutes les campagnes marketing de l’industrie pharmaceutique ou autre, les mouvements de type « octobre rose » mettent en avant des « survivantes », afin de culpabiliser les critiques, dissuader celles et ceux qui diraient autre chose, et afin de minimiser le surdiagnostic et les autres méfaits (faux positifs, radiations qui peuvent causer des cancers (dits cancers radioinduits), surtraitements, violence psychologique de l’annonce et de l’attente, …)
  • des intérêts marchands (commerciaux, publicitaires…), industriels, idéologiques et autres
  • une relation médecin/patient de mauvaise qualité, pour laquelle la responsabilité est partagée, entretenant la désinformation des uns et des autres

Tout ce qui précède a contribué à la mise en place d’une véritable industrie du cancer ; un conglomérat qui inclut ces constructions sociales autour des dépistages et dans lequel il y a tellement d’intérêts, d’initiatives et d’éléments hétéroclites qui convergent, qu’il semble quasiment impossible à déconstruire. La déconstruction entraînerait la refonte de l’ensemble des cadres administratifs-statistiques-pseudo-scientifiques qui régit le système de santé et de soins (pour ne parler que de lui). Une telle déconstruction supposerait que tous les acteurs reconnaissent leurs torts et reconnaissent qu’ils ont persisté dans l’erreur depuis des dizaines d’années, repoussant tout changement même si les faits – des études randomisées contrôlées et d’autres études de cohorte portant sur des centaines de milliers de femmes – invalident leurs théories, invalident surtout le modèle théorique qui sert de fondement au dépistage et à tous ces préjugés évoqués plus haut (détection précoce = cancer curable, etc.): je veux parler de l’histoire naturelle du cancer du sein.

Les scientifiques devraient reconnaître qu’ils n’en savent rien à ce jour et que les pratiques actuelles se basent sur les conséquences d’une hypothèse explicative d’il y a 30 ans qui a été d’abord non confirmée, puis carrément invalidée par les faits. Comment peut-on continuer à appliquer le dépistage organisé sachant qu’il n’est scientifiquement pas fondé ? Pourquoi les femmes ne sont-elles pas informées de cela, mais reçoivent des « certitudes » qui n’en sont pas et ne l’ont jamais été ? Puisqu’il y avait des hypothèses qu’il fallait démontrer. L’hypothèse étant fausse – le modèle explicatif de l’histoire naturelle du sein, qui en explique surtout l’évolution -, toutes les conséquences sont faussées, et il faut développer d’autres raisonnements, d’autres hypothèses, au lieu de (se) mentir là-dessus et de continuer à mettre en oeuvre des pratiques non validées par la science. narcissisme et dans l’inertie, disséminant leurs vérités comme si c’était la vérité. 

C’est comme le Titanic: la machinerie est tellement lourde et complexe dans sa perfection apparente qu’il est difficile de la remettre en cause; elle coulera et fera des victimes à cause de toutes les représentations, croyances, intérêts, illusions, clichés scientistes, lourdeurs administratives et autres. Le Titanic considéré comme insubmersible et lancé à trop grande vitesse n’a pas été assez souple pour virer à temps, devier de sa route et ne pas se croire plus puissant que la nature. La nature ne nous a pas révélé toutes ses complexités sur les cancers du sein; à chaque fois qu’on le croît, on commet cette hybris humaine, trop humaine, qui se paie en vies humaintes détruites.

La science est faillible, c’est du « trial and error », mais ce n’est pas ceux qui font l’erreur qui sont coupables. Non, coupables sont ceux qui n’en tirent pas les conséquences et persistent dans leur erreur, dans leur inertie et leur narcissisme. 

Prises de position récentes. Livre de Peter Gotzsche. Synthèse d’Arznei-Telegramm

Dans les articles déjà parus sur Pharmacritique au sujet des dépistages, surdiagnostics, surtraitements, au sujet de l’industrie du cancer et des études sur certains aspects relevant de l’histoire naturelle de certains cancers (régression spontanée,…, ), j’ai déjà donné bon nombre de références, de noms, de liens. L’un des articles qui en contient le plus, est celui-ci : « Surdiagnostic des cancers: entre dépistage obligatoire en Pologne et surdépistage imposé en douce en France sous pressions diverses ». Il y est question aussi de la désinformation et de diverses méthodes d’influence permettant d’obtenir le consentement « éclairé ».

Je recommande le livre de Rachel CAMPERGUE [10], déjà évoqué, toujours d’actualité. 

Il faut prendre en compte bon nombre d’articles écrits à ce sujet, dont la dernière étude [4] du Dr Philippe AUTIER et al – qui fait partie de l’IPRI de Lyon (International Prevention Research Institute), parue en juillet 2012 dans le Journal of the National Cancer Institute, qui confirme les résultats d’une étude [5] du même Philippe Autier avec d’autres co-auteurs, parue en 2011 dans le British Medical Journal. Je ne fais que les évoquer dans cet article.

Dans son numéro de mars 2012, la revue allemande indépendante ARZNEI-TELEGRAMM publie un article synthétique sur l’état de la question: Nutzen und Schaden des Mammographiescreenings [11] (Bénéfices et risques du dépistage par mammographie), que je traduirai intégralement, car les explications et les données résumés dans les tableaux sont l’exposé le plus clair à ce jour, à ma connaissance.

Evidemment, les conclusions tirées après la revue des 11 études impliquant plus de 650.000 femmes sont défavorables au dépistage régulier. Les données laissant penser que le dépistage pourrait entraîner une baisse de la mortalité sont anciennes et n’ont pas été confirmées. Pourtant, cela n’est pas dit aux femmes concernées et on ne leur explique pas ce que réduction du risque veut dire. La baisse de la mortalité est due à d’autres facteurs, dont le principal est l’amélioration des possibilités thérapeutiques. L’absence de bénéfices ne veut pas dire absence de risques, le plus important étant le surdiagnostic et les surtraitements qui en résultent. De plus, jusqu’à 50% des femmes participant au dépistage régulier vivront au moins une fausse alerte sur 10 mammographies. En Allemagne comme dans les autres pays qui ont mis en place un dépistage régulier depuis la fin des années 80, les femmes ne disposent toujours pas d’une information complète, indépendante et équilibrée qui leur permettrait de prendre une décision en connaissance de cause.

J’expose rapidement les principales thèses du livre de janvier 2012 de Peter GOTZSCHE, distingué surmédicalisation,surdiagnostic cancer du sein,dépistage cancer du sein,mammographie dépistage critique,peter gotzsche,h gilbert welch,gilbert welch dépistage cancer,mammographie faux positif,cancer du sein surtraitement,surmédicalisation surdiagnostic surtraitement,cancer du sein conflits d'intérêt,ruban rose désinformation,désinformation cancer du sein,nordic cochrane centre cancer du sein,paternalisme cancer du sein,misogynie médecine cancer,médicalisation femmes,décapeptyl zoladex enantone effets indésirables,cancer médicaments effets indésirablespar le prix 2012 de la revue Prescrire. Il s’intitule Mammography Screening: Truth, Lies and Controversy. [1] (En français : Mammographie de dépistage: vérité, mensonges et controverses). L’une des préfaces est signée Iona HEATH, présidente du Royal College of General Practitioners (société savante des médecins généralistes britanniques).

Voici l’intervention de Peter Gotzsche lors de la conférence-débat lors de la remise du prix Prescrire, le 4 octobre 2012 : « Trop dépister les cancers nuit-il à la santé ? L’exemple des cancers du sein », avec le diaporama.

Dans le livre, dont la démarche est « evidence-based », c’est-à-dire selon la médecine basée sur le niveau de preuve, Peter Gotzsche apporte des preuves, mais surtout des commentaires et interprétations supplémentaires de ce qu’il pense être un débat irrationnel autour du dépistage. Irrationnel dans la mesure où celui-ci ne repose pas sur les preuves scientifiques. Les données scientifiques tendent à montrer que le dépistage ne réduit pas la mortalité, puisque avec ou sans lui, la mortalité baisse grâce à l’amélioration de la prise en charge et des traitements. Trois axes structurent son livre :

  • absence de bénéfice apporté par le dépistage (pas de baisse de la mortalité), donc bénéfice largement surestimé
  • surdiagnostic et surtraitements largement sous-estimés
  • désinformation des femmes (information biaisée en faveur du dépistage, pour faire croire que toute la démarche mise en place sous prétexte de politique de prévention en santé publique serait fondée scientifiquement, depuis les critères chronologiques jusqu’aux traitements, à la prévention de la récidive, etc.)

Dans sa préface, Iona Heath pense que nombre de chercheurs ont « arrangé » les résultats obtenus, les ont présenté dans une lumière différente, pour qu’ils soient plus « politiquement corrects », plus compatibles avec les justifications des programmes officiels de dépistage mis en place dans les pays occidentaux. Mais la désinformation caractérise toutes les sources, y compris les grandes fondations ou associations de patientes, favorables au dépistage, qui ont une grande influence sur les décideurs politico-sanitaires comme sur les femmes.

Cela dit, je ne voudrais pas donner un chèque en blanc à Peter Gotzsche, en particulier lorsqu’il sort du domaine scientifique pour s’en prendre à un certain nombre de personnes – médecins, scientifiques ou autres – dans des termes parfois assez éloignés du débat scientifique. Il faut justement essayer d’en finir avec les aspects irrationnels – représentations, affects, passions… – dans ce débat, et non pas en rajouter une couche. L’article « Breast cancer screening—time to move forward » [12], paru en avril dans la revue britannique The Lancet sous la signature de Jack Cuzick, synthétise les critiques que l’on fait habituellement à Peter Gotzsche.

A noter la prise de position de l’UFC Que Choisir, l’un des rarissimes contrepoints critiques argumentés dans le concert unanime et assourdissant d’octobre rose. Le numéro d’octobre de Que Choisir Santé contient un dossier intitulé « Dépistage du cancer du sein: un bénéfice douteux » (pp. 4-8). La une du mensuel inclut une caricature qui illustre parfaitement que le choix n’est qu’une illusion, car les femmes n’ont pas la décision. Finir par consentir bon gré mal gré à ce qui est imposé, matraqué, par toute une série de méthodes relevant de la violence douce, de la persuasion, de la manipulation, de la désinformation, etc., ce n’est pas décider.

Le document du Nordic Cochrane Centre, dont je reprends plusieurs extraits édifiants après cette longue introduction, date de 2012 et s’intitule « Dépistage du cancer du sein par la mammographie ». Il est écrit en termes très accessibles. 

La Cochrane Collaboration est un collectif indépendant international et reconnu pour la qualité de son travail, qui analyse toutes les études scientifiques disponibles (et méthodologiquement fiables) sur un traitement ou une procédure médicale pour en évaluer le bénéfice, l’efficacité, etc. et produit des méta-analyses et des revues de la littératures qui sont toutes des références. Bon nombre d’études aux résultats défavorables au dépistage par mammographie ont été menées par des auteurs intervenant dans la Cochrane Collaboration ; citons Karsten Juhl JORGENSEN, Per-Henrik ZAHL et Peter GOTZSCHE.

Elena Pasca  (copyright Pharmacritique)

Notes

  • [1] Peter Gotzsche, Mammography Screening: Truth, Lies, and Controversy. Radcliffe Publishing 2012.
  • [2] H. Gilbert Welch, Dois-je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi. Les Presses de l’Université de Laval, 2005 
  • [3] Nortin M. Hadler, The Last Well Person. How to Stay Well Despite the Health Care System. Montreal/Kingston, McGill Queen’s University Press, 2004.
  • [4] P. Autier, A. Koechlin, M. Smans, L. Vatten, M. Bonio, Mammography Screening and Breast Cancer Mortality in Sweden, JNCI 2012, doi: 10.1093/jnci/djs272
  • [5] P. Autier P, M. Boniol, A. Gavin, et al. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011;343:d4411
  • [6] US Preventive Services Task Force. Screening for breast cancer: U.S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med. 2009 Nov 17;151(10):716-26, W-236. Erratum in: Ann Intern Med. 2010 Feb 2;152(3):199-200. Ann Intern Med. 2010 May 18;152(10):688
  • [7] Robert-Vincent Joule / Jean-Léon Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, PU Grenoble, 2002. La soumission librement consentie, Paris, PUF, 2009
  • [8] Guy Bechtel, Les Quatre femmes de dieu: la putain, la sorcière, la sainte et Bécassine. Paris, Plon, 2000
  • [9] David L. Sackett, The Arrogance of Preventive Medicine. CMAJ August 20, 2002, vol. 167 no. 4 363-364.
  • [10] Rachel Campergue, No Mammo? Enquête sur le dépistage du cancer du sein. Paris, Max Milo, 2011
  • [11] Arznei-Telegramm, Nutzen und Schaden des Mammographiescreenings, 9 mars 2012, a-t 2012;43:25-8

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  • [12] Jack Cuzick, Breast cancer screening—time to move forward. The Lancet, Volume 379, Issue 9823, Pages 1289 – 1290, 7 April 2012. doi:10.1016/S0140-6736(12)60543-1)

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Extraits du texte du Nordic Cochrane Centre:

DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN PAR LA MAMMOGRAPHIE

  • « Quels sont les bienfaits et les dommages de la participation à un programme de dépistage pour le cancer du sein?
  • Combien de femmes tireront profit du dépistage et pour combien sera-t-il préjudiciable?
  • Quelles sont les preuves scientifiques de ce dépistage?
  • Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le dépistage du cancer du sein

Publié par le Nordic Cochrane Centre 2012 (…) Écrit par:

  • Peter C. Gøtzsche, professor, chief physician, DrMedSci, director, The Nordic Cochrane Centre, Rigshospitalet, Copenhagen, Denmark.
  • Ole J. Hartling, chief physician, DrMedSci, former chairman, The Ethical Council, Denmark.
  • Margrethe Nielsen, midwife, MSc, lecturer, Metropolitan University College, Copenhagen, Denmark.
  • John Brodersen, associate professor, general practitioner, PhD, University of Copenhagen, Denmark. (…)

Résumé

Lorsque nous avons publié cette brochure en 2008, le résumé était le suivant: Il peut être raisonnable de participer au dépistage du cancer du sein par mammographie, mais il peut être tout aussi raisonnable de ne pas s’y soumettre, parce que ce dépistage présente à la fois des bienfaits et des dommages.

Si 2000 femmes sont examinées régulièrement pendant 10 ans, une seule d’entre elles bénéficiera réellement du dépistage par le fait qu’elle évitera ainsi la mort par cancer du sein. Dans le même temps, 10 femmes en bonne santé deviendront, à cause de ce dépistage, des patientes cancéreuses et seront traitées inutilement. Ces femmes perdront une partie ou la totalité de leur sein et elles recevront souvent une radiothérapie et parfois une chimiothérapie. En outre, environ 200 femmes en bonne santé seront victimes d’une fausse alerte. Le stress psychologique de l’attente du résultat pour savoir si elles ont vraiment un cancer et celui de la suite des soins, peut être sévère. Ces chiffres proviennent d’essais randomisés de dépistage par mammographie. Cependant, depuis que ces essais ont été effectués, le traitement du cancer du sein s’est considérablement amélioré. Les études les plus récentes suggèrent que le dépistage par mammographie peut ne plus être efficace pour réduire le risque de mourir du cancer du sein.

Le dépistage produit des patientes atteintes d un cancer du sein partir de femmes en bonne santé qui n’auraient jamais développé de symptômes de cancer du sein. Le traitement de ces femmes en bonne santé augmente leur risque de mourir, par exemple d’une maladie cardiaque et de cancer. Il ne semble donc plus aussi raisonnable de participer au dépistage du cancer du sein. En fait, en évitant de participer au dépistage, une femme va diminuer son risque de recevoir un diagnostic de cancer du sein. Cependant, malgré cela, certaines femmes peuvent encore souhaiter participer au dépistage.

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Dépister, c’est examiner un groupe de personnes afin de détecter une maladie ou de trouver celles à risque accru de développer une maladie. Dans plusieurs pays, on offre aux femmes de 50 à 69 ans un examen radiographique des seins – mammographie – tous les 2 ou 3 ans. Le but de cet examen de dépistage est de trouver les femmes qui ont un cancer du sein pour leur offrir un traitement à un stade précoce.

Le dépistage par mammographie présente à la fois des bienfaits et des dommages. Le but de cette brochure est d’aider chaque femme à peser le pour et le contre à la lumière de ses propres valeurs et préférences, afin qu elle puisse prendre une décision personnelle si elle souhaite participer. Si rien d’anormal n’est trouvé au dépistage, cela permet à une femme de se sentir rassurée sur sa bonne santé. Pourtant, la plupart des femmes se sentent en bonne santé avant d’être invitée au dépistage. En outre, l’invitation elle-même au dépistage peut causer une insécurité. Donc, le dépistage crée autant de sécurité que d’insécurité.

Bienfaits

Réduction du risque de mourir d’un cancer du sein – Le dépistage régulier par mammographie ne peut pas prévenir le cancer du sein, mais il peut réduire peut-être le risque de mourir d’un cancer du sein. Une analyse systématique des études randomisées sur le dépistage par mammographie a révélé que: Si 2000 femmes sont examinées régulièrement pendant 10 ans, une seule d’entre elles bénéficiera réellement du dépistage par le fait qu’on lui évitera la mort par cancer du sein, parce que le dépistage a détecté plus précocement le cancer.

Depuis que ces essais ont été entrepris, le traitement du cancer du sein s’est considérablement amélioré. Les femmes d’aujourd’hui demandent aussi un avis médical beaucoup plus tôt qu avant, si elles ont noté quelque chose d’inhabituel dans leurs seins. En outre, diagnostic et traitement ont été centralisés dans de nombreux pays et sont maintenant fournis par des équipes d’experts du cancer du sein. En raison de ces améliorations, le dépistage est moins efficace aujourd’hui et les dernières études suggèrent que le dépistage par mammographie n’est pas plus efficace pour réduire le risque de mourir d’un cancer du sein (voir la documentation pour les faits et les chiffres ci-dessous). Le dépistage ne réduit pas le risque global de décès, ou le risque global de décès par cancer (y compris le cancer du sein).

Dommages

Surdiagnostic et surtraitement – Certaines des cancers et certaines des modifications cellulaires précoces (carcinome in situ), qui sont découvertes au cours de ce dépistage, grandissent si lentement qu’elles ne se seraient jamais développées en véritable cancer. Beaucoup de ces «pseudo-cancers détectés gr ce au dépistage auraient même disparu spontanément, s’ils avaient été laissés tranquilles, sans traitement. Puisqu’il n’est pas possible de différencier les modifications cellulaires dangereuses et inoffensives d’un cancer, toutes sont traitées. Par conséquent, le dépistage se solde par le traitement de beaucoup de femmes pour une maladie tumorale qu elles n ont pas et qu elles n’auront pas. Sur la base des essais randomisés, il apparaît que: Si 2000 femmes sont examinées régulièrement pendant 10 ans, 10 femmes en bonne santé seront considérées comme des patientes cancéreuses et seront traitées inutilement. Ces femmes perdront une partie ou la totalité de leur sein et elles recevront souvent une radiothérapie et parfois une chimiothérapie. Le traitement de ces femmes en bonne santé augmente leur risque de mourir, par exemple d’une maladie cardiaque et d’un cancer.

Malheureusement, certaines de ces modifications cellulaires précoces (carcinome in situ) sont souvent retrouvées en plusieurs endroits du sein. Le sein entier est alors enlevé une fois sur quatre dans ces situations, alors que seule une minorité de ces transformations cellulaires s’est transformée en cancer.

Plus de chirurgie lourde et plus de traitements ultérieurs – Pour les femmes diagnostiquées lors du dépistage avec un « vrai » petit cancer, l’opération et les traitements qui s’en suivent peuvent être moins graves que si ce cancer avait été découvert plus tard. Cependant, comme le dépistage mène aussi au surdiagnostic et au surtraitement de femmes en bonne santé, plus de femmes au total auront un sein opéré dans le cadre du dépistage que si ce dépistage n’avait pas été fait. De même, plus de femmes recevront inutilement de la radiothérapie.

Fausse alerte – Si la radiographie montre quelque chose qui peut être un cancer, la femme est donc rappelée pour des examens complémentaires. Dans quelques cas, il s’avère que ce que la radiographie a vu est bénin et qu’il s’agit donc d’une fausse alerte.

Si 2000 femmes sont examinées régulièrement pendant 10 ans, environ 200 femmes en bonne santé seront victimes d’une fausse alerte. Le stress psychologique de l’attente du résultat pour savoir si elles ont vraiment un cancer peut être sévère. Beaucoup de femmes éprouveront de l’anxiété, des soucis, du  découragement, des troubles du sommeil, des problèmes relationnels avec leur famille, leurs amis et leurs connaissances, et des changements dans leur libido. Cela peut durer des mois et à long terme, certaines femmes se sentiront plus vulnérables devant la maladie et consulteront plus souvent un médecin.

La douleur à l’examen – Le sein est pressé entre deux plaques pendant qu’une radiographie est faite. Cela prend peu de temps mais la moitié des femmes environ trouve l’examen douloureux.

Fausse sécurité – Le dépistage par mammographie ne peut pas détecter tous les cancers. Il est important, par conséquent, qu’une femme voit un médecin si elle trouve un nodule dans son sein, même si elle a eu une mammographie récente.

Documentation pour les faits et les données chiffrées

Dans nos publications scientifiques et dans un livre (1), nous avons expliqué en détail pourquoi l information sur les bienfaits et les dommages du dépistage du sein fournie dans les invitations au dépistage (1-3) et sur les sites web d’organismes de bienfaisance contre le cancer et d’autres groupes d’intérêts (1,4) est souvent trompeuse. Nous fournissons ci-dessous l’argumentaire de notre information pour cette brochure.

Bienfaits

Les résultats les plus fiables viennent d’études scientifiques où les femmes ont été invitées de manière aléatoire à se faire dépister par une mammographie ou à ne pas se faire dépister (on parle d’essais randomisés). Environ 600 000 femmes en bonne santé ont participé à de tels essais (5). La moitié de ces essais ont été effectués en Suède. L’analyse d’essais suédois de 993 a montré que le dépistage organisé réduisait la mortalité par cancer du sein de 29% (6). Bien que cela paraisse être un excellent résultat, voici ce que les 29% signifient réellement. L’analyse a montré que, après 10 ans de dépistage, cette réduction de la mortalité par cancer du sein correspondait à éviter à 1 femme sur 1000 une mort par cancer du sein.

L’avantage du dépistage organisé est ainsi très petit. La raison en est que, sur une durée de 10 ans, seulement 3 femmes sur 1000 développent un cancer du sein et en meurent. La réduction absolue de la mortalité par cancer du sein était donc seulement de 0.1% (1 sur 1000) après 10 ans dans les essais suédois. Un dépistage sur plus de 10 ans pourrait en augmenter le bénéfice, mais il en augmentera aussi les dommages. La raison pour laquelle nous n’analysons qu’une période de ans est qu’il n’y a pas de données fiables pour des périodes plus longues.  Une autre analyse d’essais suédois de 2002, a trouvé une réduction de la mortalité par cancer du sein de seulement 15% avec une méthode de calcul et de 20% avec une autre méthode (7).  Les deux analyses de ces essais suédois sont biaisées par le fait que les chercheurs n’ont pas retenu que certains des essais avaient été mieux faits – et étaient donc plus fiables – que d’autres (5).

L’évaluation la plus minutieuse de tous les essais randomisés qui existent est une analyse de la Cochrane (5). Ici, la réduction de mortalité était de 10% dans les essais les plus fiables et de 25% dans les moins fiables. Puisque des essais non fiables surestiment habituellement les effets, la réduction a été évaluée à 15% (5). Une autre évaluation minutieuse de ces essais par des chercheurs indépendants a été effectuée pour le compte de l’US Preventive Services Task Force. Les chercheurs ont trouvé une réduction de 16% (8).  De là, ces deux analyses systématiques ont trouvé un effet sur la mortalité des cancers du sein de seulement la moitié du résultat de la première analyse suédoise de 1993. Cela signifie que le dépistage régulier de 2000 femmes pendant 10 ans est nécessaire pour sauver une seule d’entre elles de mort par cancer du sein. La réduction absolue de la mortalité par cancer du sein est par conséquent seulement de 0.05%.

Le dépistage ne réduit pas le risque global de décès ni le risque global de décès par cancer (y compris le cancer du sein) (5). Il semble donc que les femmes qui vont se faire dépister ne vivent pas plus longtemps que les femmes qui ne vont pas se faire dépister.

Depuis que des essais randomisés ont été effectués, il y a eu des avancées importantes en matière de diagnostic et de traitement. Cela signifie que l’efficacité du dépistage est plus petite aujourd’hui. En fait, des études rigoureuses plus récentes suggèrent que le dépistage n’est plus aussi efficace (1,9).  Au Danemark, par exemple, le dépistage a été introduit dans deux régions seulement, correspondant à un cinquième de la population. Pendant 17 ans, les femmes vivant dans le reste du pays n’étaient pas invitées à se faire dépister, et très peu de ces femmes avaient passé une mammographie de dépistage. La baisse annuelle du taux de mortalité par cancer du sein dans le groupe d âge qui pouvait bénéficier du dépistage était de 1% dans les régions de dépistage et de 2% dans les régions sans dépistage. Chez les femmes qui étaient trop jeunes pour bénéficier d’un dépistage, la baisse a été plus grande, 5% et 6%, respectivement (10). Cela signifie que ces baisses de la mortalité par cancer du sein n’ont pas été causées par le dépistage, mais par un meilleur traitement.

Les femmes de moins de 50 ans sont rarement invitées se faire dépister en Europe. Pourtant il y avait une baisse de 37% de la mortalité par cancer du sein entre 1989 et 2005 pour ces femmes, alors qu elle n’était que de 21% chez les femmes de 50-69 ans (11). Les baisses ont débuté avant le dépistage organisé dans de nombreux pays.

Une analyse comparative de trois paires de pays européens voisins qui avaient introduit le dépistage 10-15 ans avant, n’a montré aucune relation entre le démarrage du dépistage et la réduction de la mortalité par cancer du sein (12). La réduction de la mortalité par cancer du sein était peu près la même dans ces six pays européens comme aux Etats-Unis (13).

Une étude australienne a trouvé que la plus grande partie, si ce n’est toute, de la réduction de la mortalité par cancer du sein pourrait être attribuée au traitement donné (hormonal et chimiothérapique) (14). Les données sur le stade et la taille des tumeurs fournissent une explication pour ces résultats négatifs (1). Si le dépistage ne permet pas de réduire la survenue de cancers avancés, alors il ne peut pas fonctionner. Une revue systématique des études de sept pays ont montré que le taux de cancers du sein avancés définis comme les tumeurs malignes de plus de 20 millimètres n’a pas été touché par le dépistage (15).

Une étude australienne a trouvé que la plus grande partie, si ce n’est toute, de la réduction de la mortalité par cancer du sein pourrait être attribuée au traitement donné (hormonal et chimiothérapique) (14). Les données sur le stade et la taille des tumeurs fournissent une explication pour ces résultats négatifs (1). Si le dépistage ne permet pas de réduire la survenue de cancers avancés, alors il ne peut pas fonctionner. Une revue systématique des études de sept pays ont montré que le taux de cancers du sein avancés définis comme les tumeurs malignes de plus de 20 millimètres n a pas été touché par le dépistage (15).

Dommages

Les essais randomisés ont montrés que le dépistage augmentait de 30% le nombre de femmes qui ont reçu un diagnostic de cancer du sein et qui ont été traitées par rapport aux femmes du groupe qui n’a pas été dépisté (5). Le niveau élevé de surdiagnostic a également été constaté dans de grandes études de population des pays européens, des Etats-Unis, du Canada et d’Australie. Une revue systématique des pays dotés de programmes de dépistage organisé trouve 52% de surdiagnostic (16). Au Danemark, qui possède un groupe témoin de population non dépistée, le taux de surdiagnostic était de 33% (17). De l’analyse de Cochrane il peut être calculé ce qu’un surdiagnostic de 30% signifie pour les femmes. Dans les essais du Canada et Malmö, le sein entier ou une partie du sein a été enlevé chez 1424 femmes dans le groupe dépisté et chez 1083 femmes dans le groupe témoin non dépisté. Puisque le groupe témoin comptait 66 154 femmes, le surdiagnostic calculé (1424-1083) / 66 154 x 2000 est de 10 sur 2000 femmes mammographiées.

Ainsi, en mammographiant 2000 femmes, 10 femmes en bonne santé recevront un diagnostic de cancer qu’elles n’auraient pas eu si elles n’avaient pas été dépistées. Elles auront une chirurgie du sein et recevront ordinairement les autres traitements, comme si elles étaient des patientes cancéreuses. Sans le dépistage, tout aurait été OK pour elles. Des études provenant des Etats-Unis, de Suède et de Norvège estiment que la moitié ou plus des cancers détectés lors du dépistage aurait disparu spontanément, si on les avait laissé tranquilles, sans aucun traitement (18). La plupart des modifications cellulaires les plus précoces découvertes au cours du dépistage carcinome in situ sont elles-aussi inoffensives, car elles n’auraient jamais évoluées en cancer invasif (5).

L’analyse de Cochrane a montré que le sein a été enlevé chez 20% de femmes en plus dans le groupe de dépistage que dans le groupe témoin (5). D autres études ont aussi montré que plus de femmes ont un sein opéré quand il y a un dépistage, que quand il n y en a pas (5). Cela a été confirmé avec des données provenant la fois des programmes de dépistage danois 9 et norvégiens (19). En outre, au Royaume-Uni, le sein entier a été enlevé dans 29% des cas où les lésions cancéreuses ont été détectées à des stades précoces quand elles n’étaient pas étendues, alors qu on aurait pensé que dans ces cas là une opération moins large aurait pu être pratiquée (20).

Le stress psychologique de l’attente du résultat s’il y a ou non un cancer peut être sévère (5,21). Aux Etats-Unis, il a été calculé qu’après 10 séries de dépistage, 49% de femmes saines auront vécu une fausse alerte (22). En Norvège, 21% auront vécu une fausse alerte après 10 séries de dépistage (23).  Cependant, les chiffres pour la Norvège et pour la plupart des autres pays sont trop bas parce que les rappels de patientes à cause de la faible qualité technique de la mammographie n’étaient pas d’habitude inclus (23). Comme les femmes sont aussi affectées par de tels rappels que par le soupçon réel d’un cancer (21), ces chiffres devraient être comptés comme de fausses alertes. À Copenhague, 13% des femmes ont éprouvé une fausse alerte après 10 ans de dépistage (5 invitations) (24). En utilisant 10% comme estimation globale pour l’Europe, cela correspond à 200 femmes en bonne santé pour 2000 femmes soumises au dépistage pendant 10 ans. (…)

L’information que les femmes reçoivent quand elles sont invitées à participer au dépistage par mammographie est insuffisante, unilatérale et erronée (1-3). Les lettres d invitation soulignent les bienfaits du dépistage, mais ne décrivent pas combien de femmes en bonne santé subiront l’expérience des dommages les plus importants, le surdiagnostic et le surtraitement. Lorsque les femmes sont invitées au dépistage par la mammographie, la pratique montre souvent que, lorsqu’elles reçoivent une lettre sur le dépistage, il leur est fourni en même temps un horaire de rendez-vous pour l’examen. Cette procédure met une pression sur les femmes pour y participer. A cause de cela, leur participation devient moins volontaire. Dans certains pays, elles sont même contactées par téléphone à la maison et encouragées à y participer, ce qui est donc une pratique potentiellement coercitive. L’information sur internet, par exemple sur les sites web d’organismes de bienfaisance contre le cancer, omet souvent de parler des dommages les plus importants ou les décrit comme des bienfaits. Par exemple, il est dit que le dépistage peut réduire le risque qu’une femme perde son sein (1). Ce n’est pas vrai. En raison du surdiagnostic et du surtraitement, le dépistage augmente le risque de mastectomie.

Nous recommandons les sites suivants si vous désirez de plus amples informations:  la National Breast Cancer Coalition (www.stopbreastcancer.org) (…) et le Center for Medical Consumers (…) (www.medicalconsumers.org) ».

Le texte intégral est disponible sur ce site.

8 réflexions au sujet de “Endométriose chronicisée et dépistage du cancer du sein par mammographie: constructions sociales érigées en science. Business par yellow-washing et pink-washing”

  1. Bonjour
    J’ai pris connaissance de cet article lors d’autres recherches sur votre site et je vous remercie de vos recherches et convictions que je partage. Je refuse de faire effectuer une mammographie et les gynécologues et amies portent un regard négatif sur mon choix. je leur dis qu’une radio n’est déjà pas anodine pour l’organisme et que le fait d’écraser les seins ainsi va peut-être induire le cancer du sein ( j’avais eu connaissance d’une étude américaine qui a démontré que les baleines des soutiens-gorges peuvent créer des tumeurs, d’ailleurs je ne porte pas de soutien-gorge et merci ma poitrine va bien, il suffit de quelques mouvements appropriés, de vêtements en tissu naturel et d’une bonne hygiène pour qu’elle soit heureuse…).
    C’est un fait, grâce à vous je me sens appartenir à un groupe de femmes qui refuse les dictats d’une société qui médicalise à outrance et créait une sorte de psychose en formatant l’esprit des gens. Les libres penseurs sont montrés du doigt, marginalisés et quelquefois obligés de s’exiler sous la menace…
    C’est donc à chacun de tenter d’y voir clair ( c’est délicat ), et de suivre ce qu’il ressent et pense être juste pour son esprit et son corps.
    Mais une information juste et respectueuse de l’humain de la part des dirigeants devrait être une norme et non pas être frelaté par des intérêts financiers dont les enjeux dépassent les frontières et relèguent l’homme à l’état de cobaye tout en lui laissant la sensation d’une aide bienfaitrice jusqu’au jour Où… mais là il est trop tard, pour tous ceux qui ont conscience où non d’ailleurs, pour recouvrer la santé.

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  2. Je suis docteur es sciences, ancien chercheur sous contrat avec l industrie pharmaceutique, toxicologue ( je donne aussi des cours d epidemiologie) et je voulais simplement vous dire combien je suis soulagee de voir enfin une personne comme vous dire tout haut sur ce blog ce que je pense tout bas depuis presque 30 ans…
    J ai 52 ans et comme vous mon experience scientifique m a permise de confirmer mes craintes et je ne regrette absolument d avoir avant tout su ecouter ma petite voix interieure, melange de connaissances et d instinct de survie.
    Je suis tellement soulagee de voir que les langues se delient sur ces sujet de l industrie de la sante et de l’ attitude hegemonique de la medecine academique! lorsque je repense au poid de culpabilité, de mauvaise conscience de lutte interieure, d affront, d humiliation a repetition que j ai du subir…..
    Bravo a vous

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  3. Encore un magnifique article qui dit ce que les autres ne veulent pas dire ou ne peuvent pas dire. Clarté, rigueur scientifique, exhaustivité des faits. Vous êtes de nouveau sur ce combat du dépistage mammographique, comme sur bien d’autres, à la pointe de l’action après en avoir été parmi les pionnières, comme vous le rappelez si simplement en début de ce texte. Comment vous remercier ? Comment ne pas vilipender ceux qui vous critiquent ?

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  4. Nos ministres de tutelle se suivent et se ressemblent dans la médiocrité. Après le vaccin Bachelot on a la « mammo » Touraine (mammo pour mammographie en langage de toubib), qui ne s’émeut pas dans la même interview d’affirmer qu’aucune preuve scientifique ne vient étayer l’intérêt des la « mammographie de dépistage systématique », mais qu’il faut absolument continuer ce dépistage systématique.
    Attention à bien lire l’article ci-dessus, il ne s’agit pas de remettre en cause la mammographie ciblée ( grosseur, déformation, toute anomalie à évaluer, etc) mais bien d’examens invasifs (agressifs) chez celles qui tout va bien et ne demande rien.
    Très clairement sont responsables mes chers confrères généralistes , nos ami(e)s gynécos qui donnent le « la » dans toutes les revues féminines, et moi-même, puisqu’il y a encore deux ans j’en prescrivais.
    Je reçois toujours massivement les courriers du dépistage officiel ARDEPASS et je renvoie maintenant ces courriers en écrivant et signant que je refuse ce dépistage, et indiquant les référencs (Prescire et Cochrane).
    Il me souvient d’une formation en 2007 à l’informatique, où étaient présent(e)s deux gynécologues, et d’avoir évoquer la faiblesse de ce dépistage. Il me fut répondu que le problème était bien réel et compris, mais qu’on ne pouvait pas changer les habitudes et qu’il fallait rassurer les femmes. »Pauvres femmes faibles qu’il faut rassurer », quel condescendance!
    Un peu de courage les toubibs, si vous n’y croyez pas, refusez ce dépistage et renvoyez les courrier de l’ARDEPASS en affirmant clairement votre position.
    allez sur le site de l’ARDEPASS, le nombre de bêtises et de pseudo témoignages crétins et irresponsables que vous y lirez…
    merci Elena

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  5. Merci pour cette synthèse que vous avez réalisée, je vais me permettre de faire suivre vos informations sur le site canadien « santé des femmes » pour faire profiter d’autres de votre travail.
    Hélas, le « lobby pharmaco-médical » est bien vivace et nourrit son lot de  » Politiques » en tout genre vraiment, en témoigne un article édifiant du jour, ci-dessous.
    Bon vent à vous.
    http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/exclusif-le-lobbying-125943

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  6. BONJOUR A VOUS LES FEMMES FORTES!
    Je suis si heureuse de savoir que je ne suis plus seule à refuser le diktat
    des gynecos ,et autres toubibs:qui sont tous, très gâtés, par les labos, quand ils prescrivent !Ce que j’ai lu m’a fait du bien .
    Merci pour vos articles !
    Romane

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  7. Une fois de plus MERCI ELENA, je ne fais pas de mammo depuis longtemps c’est mon choix dernièrement un médecin a essayé de me forcer la main en me disant à 3 reprises: qu’elle pouvait me sauver la vie….. Je lui ai donc demandé comment il pensait me forcer à la faire ????…..
    Cordialement
    Martine

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  8. Merci beaucoup pour toutes les précieuses informations que vous mettez à disposition sur ce site que je viens de découvrir.
    Je me pose une question (que vous n’abordez pas) sur le dépistage systématique par mammographie proposé généralement tous les 18 mois aux femmes considérées « à risque » (antécédents familiaux, grossesses tardives, etc) et/ou ayant « une mastose plurinodulaire », avant l’âge de 50 ans. Je lis dans un de vos article une proposition de Pierre Biron et Fernand Turcotte : elles « peuvent se soumettre au dépistage, en espérant que leur risque de mourir d’un cancer du sein en sera légèrement réduit ». Quel bénéfice en attendre? Avez-vous aussi des informations à ce sujet? J’ai déjà trouvé sur ce site quelques éléments de réponse quant aux risques encourus.
    Merci par avance pour votre réponse.

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