Médicalisation et conséquences: surprescription, médicamentation longue durée, surtraitement, iatrogénie, déficit de la Sécurité sociale…

Après les deux vidéos reproduisant l’intégralité de l’émission, je résume les grandes lignes des interventions, en intercalant des citations des intervenants, mais aussi des commentaires de mon cru, avec des informations et des liens permettant de compléter et d’approfondir.

L’émission C dans l’air du 22 septembre s’intitulait « Sécu : faut-il tout revoir ? » Mais le titre ne résume pas la richesse des interventions, qui ont porté sur les logiques systémiques qui mettent en danger les comptes de la Sécurité sociale, et notamment la médicalisation abusive, cette logique du « tout curatif » et du « tout médicament », comme si tout problème avait une solution médicale – et surtout médicamenteuse et interventionniste.

Surmédicalisation, surdépistages, surdiagnostic, surprescription, surtraitement, surconsommation, abus de prévention… – ce qui les rend possibles, ce qui va avec et leurs conséquences, voilà le sujet de l’émission. Ce sont des sujets maintes fois abordés sur Pharmacritique.

Ce qui frappe dans cette émission – et j’insiste là-dessus parce que cela confirme mon point  de vue, pour lequel des médecins m’ont rudoyée plus d’une fois –, c’est que l’on aborde enfin le rôle crucial des médecins dans ce système perverti. Un système où ce ne sont pas les besoins réels des usagers qui créent la demande, mais l’offre médicale conçue comme un commerce et manquant totalement d’évaluation en terme de qualité et de pertinence des actes. Il n’y a ni rationalité, ni coordination, ni coût/efficacité. Juste un commerce qui s’entretient et se reproduit en actualisant son discours marketing. 

Participants (outre le journaliste Yves Calvi) : Etienne Caniard, président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF), membre du Collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), François Malye, grand reporter au Point, spécialisé en santé publique ; Claude Rambaud, économiste, l’une des responsables du CISS (Collectif Interassociatif sur la Santé), présidente de l’association « Le Lien » ; Marc Girard, médecin, auteur et expert judiciaire, spécialisé en pharmacoépidémiologue, avec des activités de consultant pour l’industrie pharmaceutique.

Le point de départ est l’actualité :

  • les chiffres sur le déficit de la Sécurité sociale, soulignés aussi par
  • le rapport de la Cour des comptes, qui demande d’augmenter les recettes et modérer les dépenses
  • l’annonce du nouveau plan de financement de la Sécurité sociale : PLFSS 2012

L’angle de la discussion est celui du rapport coût / efficacité, quasiment toujours absente des débats français : dépenses énormes pour une qualité des soins pas meilleure que dans des pays qui dépensent moins. Les dépenses sont faites entre autres pour des médicaments très chers, alors même que leur coût n’est pas justifié par leur qualité, compte tenu de l’absence de progrès thérapeutique, soulignée souvent sur Pharmacritique, par exemple sur cette page ou à partir de celle-ci. J’en parle surtout en évoquant la Déclaration de l’ISDB (International Society of Drug Bulletins: union internationale des revues pharmacologiques indépendantes) sur le progrès dans le domaine du médicament, faite en 2001. On voit que le problème n’est pas nouveau, loin de là… les pipelines sont vides, d’où un renversement qui fait des dépenses pour le marketing et la promotion le premier poste de dépenses, bien avant la recherche et développement, comme l’ont souligné aussi Marc Hasbani et Léo-Paul Lauzon dans une analyse socio-économique de neuf laboratoires pharmaceutiques majeurs (voir article).

On est dans « une logique où la rente l’emporte sur l’innovation » ; nous avons « une forêt de médicaments inutiles », puis de temps à autre une innovation, remarque Etienne Caniard, qui s’est distingué par la qualité de ses interventions, reprenant la plupart des thèmes que le Pr Claude Béraud a apportés à la Mutualité française et qu’il aborde depuis des décennies.

Source: IMS Health sur les génériques

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Désinformation, déformation médicale continue, promotion médicale continue…

« Les pouvoirs publics ont abandonné leur responsabilité dans le domaine des médicaments », ce qui explique aussi la très forte influence de l’industrie pharmaceutique dans tous les domaines de la médecine, avec, par exemple, beaucoup plus de visiteurs médicaux que de médecins-conseil… Sur les visiteurs médicaux, leurs témoignages des techniques et des méthodes qu’on leur inculque pour désinformer les médecins et influencer leurs prescriptions, voir les articles de la catégorie « Visiteurs médicaux, délégués médicaux, VRP pharma » (en descendant sur cette page, du plus récent au plus ancien).

Il n’existe aucune information indépendante mise en place par les pouvoirs publics, sur le médicament. Rien qui puisse contrer la désinformation médicale, puisque tout discours pharmaceutique est commercial par nature : du marketing plus ou moins déguisé, des publicités plus ou moins directes aux « consommateurs », à travers des leaders d’opinion (key opinion leaders) agissant en VRP de la pharmacie : soit des professionnels de santé, soit des responsables associatifs d’associations ayant des conflits d’intérêts avec des laboratoires pharmaceutiques.

Et il n’existe quasiment aucune formation médicale continue indépendante, l’actuelle étant financée à 98% par l’industrie pharmaceutique, selon des modalités et des abus décrits dans les articles de la catégorie « Formation médicale continue…par les firmes ».

Pour les médecins généralistes, la seule société de formation médicale continue indépendante est la SFTG (Société de formation thérapeutique du généraliste), qui mériterait d’être mieux connue. Les formations de la SFTG sont payées par la Sécurité sociale, les médecins qui les suivent n’ont pas de manque à gagner. Certes, il n’y a pas de repas luxueux offerts par l’industrie pharmaceutique, et les formations n’ont pas lieu forcément à Monte-Carlo, à Nice ou ailleurs au soleil…

Le champ est libre pour les laboratoires pharmaceutiques, avec toutes les conséquences de médicalisation en vue de la médicamentation, avec des surdiagnostics et des surtraitements inutiles, mais risqués, avec des pratiques de surprescription généralisée. Les laboratoires financent la recherche médicale, les études post-AMM (quand ils les font…), qu’ils peuvent biaiser, manipuler et influencer par divers moyens (certains sont décrits dans cet article d’Arznei-Telegramm).

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Conflits d’intérêts partout : une corruption ordinaire

Tous les médecins et autres professionnels de santé qui participent à cette recherche comme à toutes les activités de formation et d’information (en fait désinformation) mises en place et financées par les firmes pharmaceutiques sont en situation de conflits d’intérêts… Et après s’être désinvestis de tout, les pouvoirs publics s’interrogent sur l’influence déterminante de l’industrie… Sans parler des conflits d’intérêts des décideurs politico-sanitaires, cibles d’un lobbying très intense de la part de l’industrie pharmaceutique et des cabinets de lobbyistes qu’elle emploie (voir ces articles et documentaires).

Or il faudrait séparer les rôles : fabrication et commerce d’une part, pour les industriels, alors que les puissances publiques devrait assurer l’information, la formation, la pharmacovigilance, l’étude des médicaments dans la vie réelle.

Ce qui rend possible la surmédicalisation, la surconsommation, la surprescription, c’est l’absence totale de contrôle de la validité et de la qualité des actes médicaux et des prescriptions. En particulier, il n’y a pas d’évaluation médico-économique, pas d’évaluation du rapport coût/efficacité. Je l’ai souvent dit, la Haute autorité de santé, qui devrait faire ce type d’évaluation, ne la fait pas, contrairement à ses homologues allemand (IQWiG : Institut für Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen) et britannique (NICE : National Institute for Clinical Excellence).

Nous persistons dans une « culture du curatif » (François Malye), qui engendre des coûts énormes et évitables, sans traduction en termes de meilleure qualité.

Etienne Caniard donne des exemples qui confirment les propos du Pr Claude Béraud dans ce texte significatif paru sur Pharmacritique : « Menaces sur l’assurance-maladie : entre fictions et réalités », qui condense la plupart des sujets évoqués dans C dans l’air. Le Pr Béraud dit et redit d’ailleurs toutes ces choses depuis des décennies, dans des articles, des rapports et des essais de changer les choses au cours de ses activités et fonctions; il était grand temps que ses écrits, argumentaires, critiques et positions soient repris dans un format grand public…

Etienne Caniard évoque des hospitalisations coûteuses et évitables, par exemple pour les personnes âgées, faute de prise en charge légère en médecine de ville. Il n’y a pas de structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital, les réponses sont inadaptées et reviennent plus cher, en fin de compte. Il faut prendre en compte aussi le problème de l’accès de plus en plus inégal aux soins, en plus de la médicamentation abusive, inadaptée et massive.

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Coût final d’un accès inégalitaire aux soins

Ainsi, le recours aux urgences est massif aussi parce qu’un pourcentage de plus en plus important de Français (23% au moins) ne peuvent plus faire face aux coûts, forfaits, franchises et tarifs, aux dépassements d’honoraires, au refus de la CMU, etc. Leur seul recours reste l’hôpital public, surtout les urgences, dans un contexte d’augmentation de la pauvreté, qui se traduit aussi par l’augmentation des inégalités socio-économiques en santé…

Comment l’assurance-maladie et l’hôpital public pourraient-ils ne pas être déficitaires alors qu’ils doivent répondre à toutes les sollicitations, prendre en charge tous les laissés pour compte de la médecine libérale et des cliniques privées qui fleurissent ? Peuvent-ils régler tous les problèmes posés par la casse de la protection sociale et des services publics, par le manque de structures d’accueil pour personnes âgées, pour les personnes en situation de précarité, voire les sans domicile fixe ?

Dans ce contexte, André Grimaldi est interviewé à propos du livre « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire », co-écrit avec Didier Tabuteau et d’autres auteurs. (N’ayant pas lu le livre, impossible de détailler).

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Consumérisme et clientélisme : deux faces de la même médaille…

Dans l’article déjà cité, Claude Béraud soulignait que le consumérisme des usagers complète le clientélisme et la surmédicalisation résultant des intérêts économiques des médecins, des laboratoires pharmaceutiques, des assurances et autres structures privées intervenant dans ce que l’on appelle désormais « industrie de la santé ». Et il remarquait à juste titre ce qui est dit par d’autres dans C dans l’air : ce n’est pas le vieillissement qui est une cause de surcoût et d’augmentation des dépenses, mais la médicalisation abusive à tous les âges.

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Surdépistages, surdiagnostics, faux positifs…

Les intervenants posent aussi le problème de l’abus de prévention, du surdépistage des cancers, en particulier du cancer du sein et du cancer de la prostate (dans un contexte plus large détaillé dans cet article).

Il faut s’interroger sur  « la pertinence des actes », mais aussi sur leurs conséquences : iatrogénie médicamenteuse et coût (humain et économique) de cette iatrogénie. Pour éviter tout cela, il faudrait une éducation à la santé, éducation des patients et des médecins, pour qu’ils sortent du schéma de la médicalisation / médicamentation qui ne profite qu’au commerce, qui transforme les soins en une médecine commerciale dans laquelle « une grande partie des pratiques dépendent de l’offre existante, et non pas des besoins » (Etienne Caniard). Mesure-t-on toute la portée de ces pratiques ?

Les médecins gagnent plus en faisant des actes onéreux, en multipliant les consultations, alors ils médicalisent à outrance, prescrivent trop, pratiquent trop d’interventions… C’est un « système complètement perverti », où les patients sont soumis à des investigations et opérations inutiles, à des dépistages inutiles et excessifs, à des traitements invasifs inutiles, et ce alors que des dépistages utiles ne sont pas faits…

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Gardasil : exemple représentatif

Le Gardasil est évoqué plusieurs fois comme exemple de prévention inefficace, coûteuse, inutile et contre-productive : la vaccination massive créera des problèmes de santé publique, notamment par une mauvaise couverture en termes de dépistage de l’ensemble des dysplasies de haut grade, quel qu’en soit le génotype de papillomavirus humains qui y serait impliqué. Le rôle de la publicité culpabilisante et faite avec l’aval des puissances publiques est évoqué, de même que l’absence d’information indépendante sur le Gardasil et sur le cancer du col de l’utérus, etc. Je ne m’attarde pas sur le Gardasil, puisque j’ai écrit plus de 60 articles à ce sujet, accessibles à partir de la liste alphabétique des catégories à gauche de la page.

Il est évident que le Gardasil illustre parfaitement la désinformation, les conséquences du lobbying et des conflits d’intérêt, bref, le management total par l’industrie pharmaceutique que Sergio Sismondo à appelé ghost management : une gestion fantôme, invisible mais omniprésente à tous les niveaux de recherche, la formation et l’information médicales.

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Evaluation, qualité, pertinence des actes…

Le raisonnement en termes de qualité doit l’emporter sur la quantité, remarque Etienne Caniard. Et François Malye de souligner que « quand on fait de la qualité, on gagne de l’argent ». L’évaluation de la qualité des pratiques et des actes, l’évaluation de leur pertinence, c’est le nerf de la guerre.

Claude Rambaud réitère la demande du CISS (Collectif inter-associatif sur la Santé) sur l’organisation d’états généraux de la solidarité : que faut-il prendre en charge par le régime général et la couverture maladie publique ? D’autre part, renvoyer aux mutuelles et complémentaires ne règle pas le problème, puisqu’il y a à peu près 5 millions de Français qui n’ont pas de complémentaire santé. Se repose le problème de la iatrogénie, comme dans le cas, plus connu, du Médiator: pourquoi est-ce à la Sécurité sociale de payer pour les abus des laboratoires pharmaceutiques et des médecins ? Même chose pour la bobologie et les médicaments à service médical rendu insuffisant (veinotoniques, mais aussi homéopathie, etc.) Même chose pour des interventions culturelles telles que la circoncision rituelle…

Et que penser de ses différences énormes de pratiques de médicalisation d’une région à l’autre, en fonction de l’offre médicale, et non pas des besoins de la population ? Que penser de la médicalisation faite pour le confort des médecins: une césarienne programmée d’avance, même si elle est injustifiée, permet aux médecins « d’aller jouer au golf » comme prévu (François Malye), là où un accouchement normal aurait duré 12 heures, voire plus. On peut dire la même chose pour l’usage de bon nombre de médicaments dans les procédures de PMA (procréation médicalement assistée), pour que le médecin ne soit pas dérangé par une ovulation le week-end, mais programme à la minute près tel acte, même si cela fait courir des risques aux patients.

Et Etienne Caniard d’étiqueter tout cela par une formule : une « médicalisation de confort », comme pour les césariennes évoquées maintes fois au cours de l’émission, dans une chaîne de « confusion entre santé et médicalisation, entre médicalisation et médicament », sans réflexion de santé publique, puisqu’elle ne fait pas l’objet de débats et de décision citoyens. Or il est impératif de « remettre la santé publique dans le champ de la décision citoyenne »

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Universalité de l’assurance-maladie

Quant à l’assurance-maladie publique, Etienne Caniard souligne fort justement qu’« il faut garder un principe d’universalité », aussi pour que chacun accepte de contribuer, d’être solidaire. « Il faut une solidarité universelle pour les besoins fondamentaux », « parce que les systèmes universels sont les moins coûteux, lorsqu’on compare entre les pays ». Et ce n’est pas pour rien que de tels besoins fondamentaux sont identifiés dans d’autres pays ; en faire la liste n’est pas une question économique en priorité, mais une question d’usage rationnel du médicament et des soins, de système rationnel de santé et de soins, qui réduit d’abord le risque d’effets indésirables et de toute forme de iatrogénie.

Et François Malye d’ajouter: « Il serait inadmissible que l’on renonce à un système solidaire parce qu’on ne sait pas le gérer » et qu’ « on préfère laisser filer » par « lâcheté politique ».

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Prix des médicaments et coût final pour l’assurance-maladie

La fixation des prix des médicaments remboursés relève du CEPS (Comité économique des produits de santé), organisme dépendant du ministère de la Santé. Or la Cour des comptes dénonce elle aussi les écarts de prix pour des médicaments équivalents, entraînant des coûts inutiles pour l’assurance-maladie.

Les médicaments plus chers, donc plus rentables, sont prescrits au-delà des indications initiales et deviennent la règle, et non pas l’exception. Et le Pr Philippe Even souligne qu’il est beaucoup plus rentable pour les laboratoires pharmaceutiques de mettre sur le marché des copies (ou quasi-copies), des variantes à peine modifiées d’anciennes molécules de la même classe (me-too…) brevetées donc plus chères, que de faire de la recherche pour innover et mettre sur le marché des médicaments qui apportent un vrai progrès thérapeutique et méritent qu’ils soient plus chers, compte tenu des coûts de recherche et développement engagés.

Mais dans le système actuel, ce sont les dépenses de marketing – pour présenter une énième copie comme « révolutionnaire » – qui l’emportent sur la recherche et développement. Et la revue allemande indépendante Arznei-Telegramm a montré que le coût réel, en valeur médiane, de recherche et développement d’un médicament nouveau n’est pas de 802 millions d’euros, mais de 43,4 millions d’euros.

Le président du CEPS, Gilles Johannet, affirme que les coûts augmentent, alors que les prix baissent. Il a raison de critiquer ce qui fait l’écart entre les prix et le coût final pour la Sécurité sociale : la prescription, et notamment « la propension – qui est mesurée, qui est évidente, qui est incontestable – des médecins français à prescrire les médicaments les plus chers ». Gilles Johannet a aussi raison de souligner que les prix des médicaments sont plus élevés en Allemagne ou en Grande-Bretagne ; et pourtant, le comportement prescriptif des médecins fait que les coûts sont moindres dans ces deux pays : ils prescrivent une molécule d’une classe des médicaments, aussi en fonction des prix.

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Exemple allemand, avec des dérives différentes…

Je peux confirmer cela pour l’Allemagne, où les prix des médicaments sont infiniment plus élevés, tout en sachant que le système allemand induit des contraintes pour les médecins libéraux qui ne sont pas sans conséquences sur les patients, telles que le budget forfaitaire, en particulier pour les généralistes libéraux, et d’autres mesures qui ont des effets discriminatoires entre patients et peuvent retarder la prise en charge.

Pour respecter les budgets trimestriels (par Quartal) et ne pas avoir à payer des pénalités de leur poche, les médecins libéraux distribuent le budget à leur guise entre les patients et restreignent le nombre de consultations par trimestre, le nombre d’examens, pourtant utiles ; ils refusent d’investiguer des cas « compliqués » chez des personnes âgées, etc. (Certains de ces cas compliqués se retrouveront plus tard aux urgences…) Des méthodes arbitraires et non coordonnées de recherche de coût/efficacité sont développées individuellement par chaque médecin libéral. Cela dit, ils ne sont pas perdants et ne protestent pas contre ces économies de bouts de chandelle, ni contre leurs conséquences pour les patients, parce que leurs revenus augmentent régulièrement ; et plus ils font d’économies, plus la part fixe de leurs honoraires augmente…

Aussi, l’Allemagne n’est un modèle que de façon très partielle.

D’autre part, les médecins libéraux allemands ont développé un vrai esprit de commerce et font commerce – il n’y a pas d’autre mot – de soins inutiles avec les patients ayant des assurances privées (c’est soit 100% public, soit 100% privé, en Allemagne, en fonction d’un seuil de revenus mensuels de 4.160 euros net.) C’est l’une des techniques les plus efficaces d’inventer des maladies ( voir les articles parlant de disease mongering), ce que les médecins français font eux aussi très bien, d’une autre façon.

Le terme disease mongering (invention de maladies, façonnage de maladies, redéfinition de maladies anciennes…) n’apparaît pas dans l’émission C dans l’air, mais nous y sommes à chaque fois que l’on parle de médicalisation inutile, de médicamentation inutile et de leurs conséquences.

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Génériques sous-prescrits et dénigrés

Le Dr Bruno Toussaint, directeur de la revue Prescrire, critique la réticence des médecins à prescrire des génériques, leur absence de formation sur le sujet, ainsi que le colportage de rumeurs quant à la non équivalence avec les médicaments de marque, qui profitent à l’industrie pharmaceutique.

En France, l’on vend en moyenne deux fois moins de génériques qu’en Europe.

A ce qui a été dit, on peut ajouter que les clichés sont souvent repris par les patients, qui demandent des prescriptions de médicaments de marque… On peut poser la question de l’équivalence entre tel générique et la marque dans des cas très précis et très rares, où le dosage de principe actif doit impérativement être le même; mais pourquoi ne pas évaluer le dosage précis pour le générique en question et ne plus changer de générique? Lorsqu’on sait l’importance de l’effet placebo – et que plus il est cher, plus il est ressenti comme efficace -, on doit se poser des questions.

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L’industrie du médicament proteste contre toute mesure d’évaluation coût/efficacité et action sur les prix

Les industriels du médicament estiment, à la lecture du projet de budget pour la Sécurité sociale, qu’ils sont « collectivement et injustement sanctionnés par le projet de loi, dans un contexte fortement influencé par le dossier du Médiator. L’ensemble des mesures financières annoncées, déconnectées de toute considération de santé publique, nuiront gravement à la compétitivité industrielle française ». C’est le LEEM (Les entreprises du médecine libérale médicalisation surmédicalisation,paiement à l'acte médicalisation médicamentation,prévention abus de prévention dépistages cancer,surmédicalisation surmédicamentation surdiagnostic,iatrogénie surprescription surconsommation médicaments,médecine commerce profit,conflits d'intérêts médecine industrie pharmaceutique,etienne caniard surmédicamentation,déficit sécurité sociale cause surprescription médicaments,disease mongering façonnage de maladies surmédicamentation,corporatisme médical ordre des médecins,lobby médical influence conséquencesmédicament, syndicat patronal des laboratoires pharmaceutiques français, logo modifié par moi) qui porte ce jugement et ajoute que « Les baisses de prix annoncées sur les médicaments s’élèveront à 620 millions d’euros, soit 50% que l’effort demandé chaque année à l’industrie, alors que l’évolution de la dépense du médicament est parfaitement maîtrisée ». Le LEEM a protesté aussi contre le projet de loi de Xavier Bertrand sur la réforme de la sécurité de la chaîne du médicament, qui n’arrive pourtant même pas à égratigner leurs intérêts, et certainement pas à changer un système tout entier pharma-amical et bon pour le commerce (avec une médecine commerciale complétée par la logique de consumérisme médical qu’elle entretient).

Si les industriels de la pharmacie auront un manque à gagner de 620 millions – par les baisses de prix -, Etienne Caniard souligne que la nouvelle taxe sur les mutuelles sera de 1,2 milliards, de la poche des citoyens…

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Responsabilité des médecins : tabou, motus, car clientèle de la droite

Certes, l’industrie pharmaceutique a sa part de responsabilité, mais François Malye a raison d’ajouter que c’est « une cible facile » ; on peut lui taper dessus, surtout après le scandale du Médiator, pour éviter de demander des comptes à tous les responsables et prendre les mesures qui s’imposent ; il y a « des choses que l’on ne veut pas faire », par exemple évaluer la responsabilité des médecins dans ce système. « Mais c’est une clientèle électorale de droite, donc on n’y touchera pas jusqu’à l’élection ».

Dans cet article, j’ai évoqué ce problème et donné des exemples de clientélisme électoral et du maintien des privilèges corporatistes des médecins – de la médecine organisée, dont l’influence est inégalée dans d’autres pays -, rappelant que déjà l’existence de l’ordre des médecins est contraire à l’esprit de républicain. Il faut que ces problèmes puissent être abordés sans représailles de la part des médecins et soumis eux aussi à la décision citoyenne.

Marc Girard souligne lui aussi qu’il ne faut pas focaliser sur les médicaments de faible efficacité remboursés à 15% ou déremboursés, comme une façon de rendre les patients responsables du trou de la Sécurité sociale. Les coûts très importants viennent des médicaments d’ordonnance, et ce sont bien les médecins qui sont responsables de la surprescription. Ce sont les médecins qui sont « les verrous de sécurité » principaux du système ; d’autres verrous existent, mais ne sont pas efficaces ou pas appliqués, ainsi les moyens légaux de contrôler les débordements d’indication.

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Médecine libérale et paiement à l’acte : rôle dans la surmédicamentation et les coûts

Comme le rajoute François Malye, n’ayant pas le temps d’écouter les patients qui vont mal et devant gagner de l’argent, les médecins ne passeront pas 30 à 45 minutes à faire de la psychologie, mais prescriront une liste de médicaments en 10 minutes. Cela fait partie du disease mongering… Un mois après, le renouvellement de l’ordonnance durera 3 minutes. Et ce sera valorisé, rien ne sera mis en cause dans cette façon de faire. Puisque le paiement à l’acte est le pilier des revenus et la marque de fabrique de la médecine libérale ; il suppose que plus il y a de consultations courtes et accumulées, plus le médecin gagne. (Il ne faudrait pas oublier le secteur privé à l’hôpital public, énorme anomalie parmi d’autres, de même que certaines pratiques dans les cliniques privées et la sélection des patients).

Ces pratiques de surmédicalisation et surprescription, d’accumulation des consultations, etc. s’inscrivent dans toute une logique systémique d’une santé à l’heure des profits et du commerce pour tous les professionnels et industriels. Cette tarification des consultations en médecine libérale encourage abus et commerce, encourage le façonnage de maladies dont on commence à peine, en France, à découvrir l’étendue et les méthodes.

Selon François Malye, ces médecins libéraux sont certes indépendants, mais restent des « salariés de la collectivité, avec des variations de tarif, puisque c’est la Sécurité sociale qui paie »… Essayez de faire entendre cela à la plupart des médecins libéraux…

Etienne Caniard souligne que « la qualité d’un système de santé, ce n’est pas la somme de la qualité des actes », parce qu’il y a des actes non pertinents et inutiles.

« La qualité d’un système de santé, c’est la capacité à avoir un parcours de soins cohérent et la bonne réponse à tous les niveaux. »

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Une question non abordée dans le débat est celle des choix idéologiques qui ont contribué au déficit de la Sécurité sociale, par le non paiement de taxes et autres contributions dues par l’Etat, etc. Ces aspects ont été abordés dans deux articles qui rendent compte du livre de Julien Duval, « Le mythe du « trou » de la Sécu » (ici et ).

La question qui doit faire l’objet d’un débat public et d’une décision citoyenne est celle-ci: comment désintriquer de ce système perverti cette médecine dont la fonction sociale a été dévoyée par des pratiques commerciales à la Dr Knock, comment la faire revenir dans le giron républicain, dans le droit chemin d’une dyade médecins/usagers au seul service de la santé publique?

Elena Pasca

12 réflexions au sujet de “Médicalisation et conséquences: surprescription, médicamentation longue durée, surtraitement, iatrogénie, déficit de la Sécurité sociale…”

  1. Bonjour ELENA
    MERCI pour cet article.
    Vous avez raison mais une fois de plus nous avons un cerveau et personne ne nous oblige à prendre ces médicaments. Avant d’en prendre il faut vérifier le bien fondé de la prescription. Il y a ce qu’il faut sur internet (sites médicaux sérieux et PRESCRIRE PHARMACRITIQUE………
    Je vois également un autre problème la plus part des patients ne veulent pas faire d’efforts (certains cas de cholestérol, diabète, obésité…………..) c’est tellement plus facile d’avaler un médicament rembourser par la SS. Quant aux surdiagnostics et faux positifs nous ne sommes pas obligés de faire ces examens.
    J’ai vu l’émission un intervenant à dit que les chimiothérapies plus anciennes ne sont plus prescrites elles sont pourtant efficaces et ayant des effets secondaires connus les plus récentes sont beaucoup plus chères et pas forcément plus efficaces ET EFFETS SECONDAIRES INCONNUS SUR LE LONG TERME
    On entend qu’il y a de plus en plus de cancers qui sont guéris aucune surprise vu le nombre de surdiagnostics et de FAUX POSITIFS……………..
    Concernant les médicaments je partage l’avis du professeur EVEN
    http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/sante/certains-representants-de-l-etat-sont-corrompus_764810.html
    …………La France pourrait-elle suivre?
    Je ne vois pas l’Académie de médecine ni le conseil de l’ordre défendre de telles exigences. Le changement viendra des patients. Les accidents causés par les médicaments leur font plus peur qu’avant. Ils ne s’en laissent plus conter. ……..
    Cela ne sera malheureusement valable que pour certaines personnes.
    Cordialement
    Martine

    J’aime

  2. Excellent article Eléna, merci.
    J’ai enfoui dans ma mémoire, les merveilleux médecins qui m’ont suivi, quand petite j’ai eu la tuberculose. De la présence, de l’affection même, des déplacements à domicile, beaucoup de gentillesse, je ne peux les oublier.
    Puis, j’ai vu changer les choses ; à 20 ans, première perte de connaissance, le médecin appelé, sans aucun examen, prescrivit calcium et magnésium ; cela dura pendant 10 ans, et chaque fois un médecin différent >>> calcium et magnésium, je me demande comment je n’ai pas fait une overdose !
    A 30 ans, il aura fallu que je perde connaissance sur mon lieu de travail pour que mon chef de service, me conduise à l’hôpital dans sa voiture. Diagnostic immédiat aux urgences >>> crise d’épilepsie ! S’ensuivit la ronde des examens >>> quelque chose dans le cerveau ! Artériographie et direction immédiate à l’hôpital neurologique de Lyon, avec interdiction de bouger ; je ne l’ai su qu’après, je n’étais plus opérable, l’anévrisme allait éclater !
    Merci au merveilleux chirurgien qui m’a sauvée.
    Ayant dû déménager plusieurs fois, ou étant très déçue par les médecins, j’en ai changé souvent, mais le pire fut bien dans le quartier où je suis depuis 1984 (un an après mon intervention).
    – 1er médecin surtout pour mon fils, qui était toujours malade durant l’hiver : succession d’antibiotiques, jusqu’au jour où je me suis dirigée vers un autre médecin qui immédiatement lui a fait faire une prise de sang >>> enfant allergique ! J’ai quitté le 1er médecin, mais je ne suis pas retournée chez l’autre médecin.
    – 2ème médecin surtout pour moi, car j’avais de gros problèmes de digestion et d’élimination ; arrêt total de tous les fruits frais ! Visite plusieurs mois après : « Ah vous avez toujours mal, vous ne mangez pas de fruits frais, quel dommage ils sont si bons en cette saison ! Mais peut-être buvez-vous trop d’eau… » Je lui ai demandé s’il préférait que je boive du pinard !
    Puis, vint la ménopause et ses bouffées de chaleur. Une dose ne fait rien, mettez 2 doses ; 2 doses inefficaces, mettez-en trois 30 jours sur 30. Le THS [traitement hormonal substitutif] ne donne pas le cancer, c’est bien connu ! Ah, vous ne supportez pas, vous êtes couverte de plaques rouges >>> changez de place tous les jours, mais mettez ces foutus gels.
    J’ai pris mes cliques et mes claques, et j’ai changé de médecin, je suis allée chez le 1er médecin, celui qui avait si bien pris mon petit en charge, et qui sera donc mon 3ème médecin.
    – 3ème médecin : On n’arrête surtout pas le THS, mais les doses diminuent et on les essaie tous, même les patchs ; Ah, en effet, les patchs vous brûlent, changez-en la place et faites tenir avec du sparadrap, je vous fais une ordonnance pour des pansements spécial brûlures, mais il faut insister ! Je ne supportais même plus le sparadrap, mais il fallait continuer ; aucun effet positif, on rajoute de l’AGREAL en plus !
    Ravie, je n’avais plus ces bouffées de chaleur qui m’empêchaient de dormir la nuit, mais j’étais pleine de pansements….
    Je lui faisais donc part de mon désir d’arrêter le THS. Réponse : « Vous l’arrêterez lorsque je le désirerai ! » Ma réponse ne se fit pas attendre : « On est plus mal soigné que le bétail ! »
    Vint l’heure de mon rendez-vous, pour le renouvellement de mon ordonnance. J’étais là, au milieu de la route, je vais chez le 2ème ou chez le 3ème ? Super, il y en a un 4ème…
    – 4ème médecin : refus de renouveler l’ordonnance, mais une semaine après commençait le calvaire de l’arrêt de l’AGREAL. C’est en faisant des recherches sur AGREAL, sur le net, que j’ai compris la raison de mes souffrances. Retour chez le médecin, où je lui fais remarquer que je suis comme une droguée, en manque. Réponse : « Suis-je bête, j’aurais dû y penser tout de suite ! » (mieux vaut tard que jamais, mais parfois il est trop tard !).
    Je consulte toujours auprès de ce 4ème médecin, pour le renouvellement de mon anti-épileptique, et comme j’ai vu qu’elle vaccine avec le Gardasil, j’ai commencé à lui offrir un livre « La piqure de trop ». Visite suivante, livre feuilleté, mais publicité pour le Gardasil toujours en vue sur le bureau….Réponse : « Si ça peut sauver des jeunes filles ! » J’ai donc commencé à relever sur une page Word, les liens de Pharmacritique, sans oublier ceux des journaux étrangers, et je suis allée lui donner en mains propres.
    Depuis, il y a eu la plainte de deux jeunes filles. Comme je n’y suis pas retournée, je ne sais pas si elle (c’est une femme) continue bêtement à proposer la vaccination contre le cancer du col de l’utérus.
    Mais, jamais je n’ai eu droit à un toucher des seins, jamais je n’ai été mesurée pour l’ostéoporose, direction mammographie, et j’ai dû taper le poing sur la table pour être dirigée vers un neurologue, lorsqu’en sevrage d’AGREAL avec un autre neuroleptique, il me fallut 2 personnes pour me soutenir à la place d’une. Je faisais maintenant une réaction au 2ème neuroleptique. L’histoire aurait pu durer longtemps…..jusqu’à ce que je me retrouve à l’hôpital certainement.
    Elle est pourtant gentille, prend son temps avec ses patients, mais je crois que je vais encore changer de médecin généraliste.
    Je suis totalement d’accord avec le commentaire de Martine, et surtout avec le dernière phrase. Je le vois avec certaines femmes qui ont pris AGREAL, mais aussi le MEDIATOR pour maigrir. Quand ce n’était pas elles, c’était le mari qui prenait le Médiator…..simplement parce qu’il aimait trop le fromage !
    Quant aux cancers guéris, mon 4ème médecin peut me présenter plein de gens qui sont guéris. Elle y croit, pas moi, car dans mon entourage je les vois partir les uns après les autres, comme ma belle-soeur, décédée d’un cancer du poumon sans avoir jamais pris une seule cigarette, et pour laquelle le médecin avait dit, la veille de son décès, « elle doit prendre sa chimiothérapie ! » Le dernier cachet, celui qui tue….le cancer ou la personne malade ?
    Alors, je vis en espérant que…..j’ai déjà été tant de fois sauvée, mais c’était dans un autre temps, dans le « bon temps » comme on dit. A la différence, que je ne sais plus à quelle porte sonner pour trouver un bon médecin.
    Cordialement
    Chantal.

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  3. Je vois que mon commentaire est passé, j’espère qu’Eléna voudra bien m’excuser d’avoir dû insister, mais chaque fois que je cliquais sur « Envoyer » j’étais dirigée vers une page blanche.
    A l’époque où je consultais le 2ème médecin, mon mari a fait un malaise à l’appartement et j’ai donc appelé ce médecin qui m’a répondu « désolé, je ne me déplace pas…! » Je lui ai alors demandé si je devais le transporter sur mon dos jusqu’à son cabinet. Il s’est alors déplacé.
    Tous ces « braves » médecins, pleins de compassion, ont leur cabinet à 5 mn à pied de chez moi.

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  4. bonjour Chantal,
    Il y a toujours des problèmes techniques avec les commentaires longs (et sur d’autres plateformes aussi, d’ailleurs); soit ils mettent beaucoup de temps avant d’être signalés, soit ils ne passent pas du tout. Dans ce cas, il n’y en a aucune trace, même pas dans la messagerie, d’où il m’arrive d’en récupérer certains en cas de problème technique d’autre ordre.
    Et lorsque les commentaires longs contiennent des liens, ils ne s’ouvriront pas.
    Celui-ci a été signalé 5 fois, mais à ce que j’ai lu, il était identique à chaque fois, alors je n’en ai laissé passer qu’un seul.
    Il vaut mieux couper les commentaires longs en plusieurs parties, numérotées.
    Cordialement

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  5. Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2012
    ou
    Comment contraindre les usagers à remplir le tonneau des Danaïdes de l’assurance maladie.
    http://www.quechoisir.org/sante-bien-etre/systeme-de-sante/assurance-maladie/communique-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-2012-ou-comment-contraindre-les-usagers-a-remplir-le-tonneau-des-danaides-de-l-assurance-maladie?utm_medium=EMAIL&utm_source=NLP&utm_campaign=NLP111003
    Je vous laisse apprécier les commentaires d’Alain Bazot, Président de Que Choisir, dans la vidéo qui se trouve dans le lien ci-dessus.
    Pauvres……….médecins !
    Les « autres », les vrais pauvres, ils comptent si peu dans ce système, et il y en a tant……on a de quoi se faire des ronds !

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  6. Le probleme est malheureusement structurel, et lié aux différents lobbies (industrie pharmaceutique, mais aussi médical).
    Un exemple précis est la prise en charge du diabete non-insulinodépendant: le traitement de 1ere intention est une mise en place d’un régime et de mesures hygiéno-diététiques, car une perte de poids et une surveillance de l’alimentation permettent de controler le probleme dans les cas depistés assez tot. Or ce n’est jamais mis en place! on passe tout de suite aux antidiabetiques oraux, assortis de conseils. Miam miam pour l’industrie!
    Un autre exemple, mettant en lumiere les conflits d’interets, est la Pariet, le plus prescrit des inhibiteurs de la pompe à proton, plus cher que l’omeprazole (beaucoup plus cher), non génériqué (le labo est donc sûr d’avoir toutes les parts de marché), et sans apport thérapeutique par rapport à ce dernier! Pourquoi est-il autant prescrit, il coûte plus cher mais n’apporte rien? A cause des campagnes de pub aupres des medecins, des cadeaux eventuels à ceux qui sont les leaders d’opinion locaux parmi leurs confreres (un medecin de mes connaissances s’est recemment vu offrir un congres aux antilles avec sa femme, ils etaient 2 au « congres », puisque ce genre de cadeau est interdit officiellement).
    Tant que seront admis au remboursement les medicaments plus chers à ASMR nul ou faible, ces derives existeront.
    Tant qu’il n’y aura pas de controle des prescriptions, ces derives existeront.
    Tant que les pharmaciens n’auront aucun rôle dans la validation des prescriptions, ces derives persisteront (rappelons qu’à l’heure actuelle un pharmacien n’a pas le droit de refuser la delivrance d’un medicament, sauf s’il y a un danger important et immediat pour la personne. Par exemple, votre pharmacien sait que telle association presente un risque non negligeable et pourrait etre evitée, il n’a pas le droit d’intervenir! Le role de controle des prescriptions est donc totalement biaisé).
    Pour rebondir sur votre commentaires Chantal, soulignons que la pharmacie d’officine (donc en fait les ordonnances puisque l’assurance maladie ne paye rien d’autre que les medicaments remboursés aux pharmaciens) represente 2,91% du budget de l’assurance maladie, pour 15% des economies faites!
    Economies supportées en partie par le patient puisque constituées pour partie des baisses de remboursement (le reste correspond à des baisses de prix, mettant en difficultés les pharmacies puisqu’un quart des officines, souvent en campagne ou en banlieue, sont menacées de faillite, avec à la clé quelques milliers de chomeurs en plus et la creation de nouveaux deserts medicaux)!
    L’officine supporte donc dans les economies 5 fois son importance dans les depenses!!! Les gens payent donc des mutuelles de plus en plus cher, de plus en plus de medicaments non remboursés, au point de renoncer à des soins faute de moyens, pour supporter un coût dont ils ne sont pas responsables!
    Et pendant ce temps, on accorde jusqu’à 9100E de plus par generaliste pour teletransmettre les feuilles de soins et prescrire les generiques, alors qu’ils y sont obligés par la loi (ça serait genial si non seulement on n’avait pas d’amende en cas d’exces de vitesse, mais qu’en plus on nous donnait une prime à chaque fois qu’on se ferait flasher en dessous de la limitation de vitesse, non?), et on leur augmente la consultation de 1E. Pour info, d’apres 60millions de conso, le salaire net mensuel moyen d’un généraliste est de 5200E, celui d’un pharmacien de 2000E (pour un nivaue d’etude similaire, les 2 ont un doctorat)…Et le salaire des gens qui payent les deremboursements pour financer les augmentations de salaire des medecins???
    Tout est fait pr detruire notre systeme de santé, et ce n’est que le debut…

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  7. Je crois que l’auteur du précédent mail a beaucoup d’humour.
    Il a raison de plaindre les pauvres pharmaciens .
    Sur le site http://www.sante.gouv.fr en recherchant « Revenu des pharmaciens » nous avons l’article de Marc Collet et Claire de Kermadec : » Revenu des titulaires d’officine entre 2001 et 2006 : Revenu brut moyen : 132 000 € avec des écarts entre les sociétés et les titulaires d’entreprise allant de 121000 € à 143 000€ .
    Le revenu net était estimé en 2OO1 à 102 000 € pour un brut de 120 OOO€ .
    Il a donc progressé depuis . Sans compter le pactole touché lors de la revente d’une officine .
    Il n’y a donc aucune commune mesure avec les médecins généralistes qui ont les revenus parmi les moins élevés de la profession médicale .
    D’ailleurs l’installation en libéral est si peu attractive que la grande majorité se dirige vers le salariat avec de meilleurs rémunérations et surtout des horaires bien plus attractifs .
    Il n’est pas question de pleurer sur le sort des généralistes qui s’en tirent évidemment mieux que la moyenne de la population, mais il ne faut pas raconter n’importe quoi en essayant de nous attendrir sur le sort d’une profession ( pharmacien) parmi les plus lucratives .

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  8. Les pharmaciens titulaires ne sont pas les seuls à travailler, il y aussi les assistants.
    De plus vos derniers chiffres ont 6 ans, qu’en est-il aujourd’hui, 11 ans apres 2001, alors que la remuneration du pharmacien n’a cessé de baisser depuis? 16% des docteurs en pharmacie sont inscrits comme demandeurs d’emploi à pole emploi (alors que le chomage national est à moins de 10%)…Donnez moi les chiffres 2010 des revenus, enfin actuels quoi, si vous voulez parler de la situation actuelle.
    Vous parlez du pactole de la revente, mais l’achat? une pharmacie s’achete selon son chiffre d’affaire (c’est aberrant, mais c’est comme ça, donc on parle vite en centaines de milliers d’euros, mais il faut l’acheter, elle ne vient pas gratuitement, si? les medecins n’achetent pas les cabinets aussi chers, donc ils ne les revendent pas aussi cher, simple non?)
    Je gagne pour ma part 1700 euros nets par mois, un pactole pour un doctorat, qu’est-ce que c’est lucratif, je me gave! Alors qu’un de mes amis medecins gagne lui plus de 4000 euros par mois nets au meme age (et quand il faisait des remplacements, il a fait des semaines à 3000 euros!). Sans compter la petite prime de 9000 euros à la fin de l’année pour avoir respecté la loi!
    Si vous me dites que mon salaire de docteur en pharmacie (equivalent au salaire d’interne en 2eme annee de medecine generale de mon amie, donc etudiante et pas diplomee) est envisageable pour un medecin liberal, alors bravo!!! Mais je ne vous croirais pas un seul instant!
    Nous devrions nous rencontrer, nous avons le meme genre d’humour visiblement!

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  9. D’autre part Siary, mon post n’avait absolument pas pour but d’attendrir qui que ce soit sur le sort des pharmacies, mais de mettre en evidence l’absurdité de la politique economique de santé publique: pour economiser de l’argent, on penalise depuis 4 ou 5 ans les pharmacies en diminuant les remunerations à tel point que le chomage des pharmaciens a augmenté de 46% en 2011 et que 25% des pharmacies françaises sont à fort risque de faillite selon l’IGAS, et cette penalisation se fait egalement au detriment des malades qui doivent toujours payer plus pour leurs traitements, au point que certains ne se soignent plus correctement faute de moyens.
    Par contre, rien qu’en 2011, on augmente de 1 euro chaque consultation chez le generaliste en echange de contreparties. Et comme ces contreparties ne viennent pas, on rajoute en juillet une prime pouvant aller jusqu’à 9100 euro par an et par medecin pour respecter le code de la santé publique.
    Donc d’un coté on tape sans cesse sur une profession et sur les patients pour economiser de l’argent (15% des economies sur ce qui represente 3% des depenses dans le PLFSS 2012), et de l’autre on dépense plus d’argent encore pour augmenter la remuneration de personnes qui gagnent deja extremement bien leur vie (largement plus que la moyenne, d’ailleurs je ne connais pas de medecin qui ne fasse que « s’en tirer » ds la vie…) afin que ces professionnels remplissent leurs obligations légales.
    C’est totalement illogique et anormal que les deremboursements servent à payer les augmentations des medecins, c’est simplement ce que je voulais dire, et non pas attendrir les gens.

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  10. Bonjour,
    J’ai évoqué quelques-uns de ces sujets dans un billet d’humeur mettant en parallèle l’augmentation de la pauvreté en France et l’augmentation des revenus des médecins, qui évoque aussi le détricotage de la loi HPST, et notamment des mesures qui auraient pu aller dans le sens d’un meilleur accès aux soins, etc.
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2011/09/12/pauvrete-en-hausse-acces-aux-soins-en-baisse-les-medecins-ga.html
    D’autre part, j’avais évoqué plusieurs fois un article signalé par un lecteur, sur la culture de l’argent en médecine: The Cost Conundrum. What a Texas town can teach us about health care, paru le 1er juin 2009 sur le site du New Yorker, sous la signature du chirurgien Atul Gawande:
    http://www.newyorker.com/reporting/2009/06/01/090601fa_fact_gawande
    J’avais demandé la permission de le traduire, mais le Dr Gawande a mis des conditions (que ma traduction soit publiée dans un grand journal), ce que j’ai refusé. Il pratique lui-même ce qu’il dénonce en théorie: cette propension à vouloir toujours plus…
    Ces aspects devraient pouvoir être débattus en toute transparence, comme tout ce qui concerne les pratiques médicales, sans s’attirer des réactions de rejet – qui se manifestent sous des prétextes divers – de la part des médecins. Merci à vous de contribuer à ce débat.
    Cordialement.

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