Pharmacritique a rendu compte à plusieurs reprises des projets législatifs fédéraux exigeant une plus grande transparence sur les conflits d’intérêts médico-pharmaceutiques et une déclaration publique des paiements (et cadeaux, privilèges…) faits par les laboratoires pharmaceutiques à des médecins et à des chercheurs. Ces projets s’inscrivent dans le cadre plus général des « sunshine laws » (lois de transparence). Le plus connu est celui porté par le sénateur Charles Grassley, détaillé entre autres dans cette note appelant à le soutenir. Dès l’investiture d’Obama, Grassley et ses soutiens démocrates ont remis le « Physician Payments Sunshine Act » sur la table, avec des obligations plus fortes pour les firmes.
Et voilà que la Chambre des représentants vient d’intégrer des exigences encore plus strictes directement dans sa proposition de réforme globale du système de santé états-unien. Le projet est paru le 19 juin 2009 sur le site de la Chambre, en attendant d’être discuté.
Comme nous informe le blog Prescription Project dans un article publié le même jour, trois commissions de députés ont travaillé à l’élaboration d’une version encore plus stricte du Sunshine Act de Grassley, appelée « Physician Payments Sunshine Provisions« .
Reste à voir s’il peut être adopté en l’état, ce qui est quand même peu probable. Quoi qu’il en soit, les principales exigences méritent d’être évoquées, dès fois qu’elles donneraient au moins quelques idées à nos hommes politiques.
On peut toujours rêver…
Détails
Le projet exige que les laboratoires pharmaceutiques déclarent non seulement les sommes d’argent versées aux médecins, mais aussi les paiements faits à des cabinets de groupe, aux établissements de soins et de recherche, aux sociétés savantes et autres organisations professionnelles, aux associations de patients et aux divers groupes d’intérêts, aux facultés de médecine, aux prestataires de formation médicale continue, aux assurances-maladie, à tous ceux qui font commerce de médicaments et interviennent dans le système de soins.
De même, tous ceux qui ont des titres de propriété, des actions et des intérêts quelconques dans des établissements de soins, etc. qui ont des rapports avec les programmes d’assurance-maladie publique (Medicare, principalement) devraient faire une déclaration publique de ces intérêts.
Et le seuil de déclaration ne serait plus de 100 dollars, mais de… 5 dollars. Même les échantillons gratuits de médicaments feraient l’objet d’une déclaration.
Les « Physician Payments Sunshine Provisions » sont conçues de façon à permettre explicitement aux procureurs d’intenter des actions en justice afin de faire respecter la loi.
Commentaires
Croisons les doigts! Parce qu’on peut toujours espérer que, si les choses évoluent de plus en plus ailleurs, la classe politique française finisse par avoir honte d’être à ce point-là à la traîne, de faire à ce point-là le jeu des intérêts privés du lobby pharmaceutique, au mépris et au détriment de l’intérêt général, de la santé individuelle et publique.
Charles Grassley a l’habitude de dire que les conflits d’intérêts sont une véritable infection du système de soins, et qu’il faut des rayons de soleil (sunshine, comme dans « sunshine laws » ou lois de transparence) pour faire la lumière sur les affaires qui se font dans une obscurité malsaine. Le soleil est un bon désinfectant. Autant commencer par lui…
Le slogan qui figure sur le logo des lois étatiques de transparence du Missouri – l’illustration au début de cette note – signifie « votre droit de savoir« .
Et nous autres, Français, nous n’avons pas le droit de savoir? Notre santé est à ce point-là négligeable?
Question rhétorique, puisque nous n’avons pas de loi sur la liberté d’information digne de ce nom – sur le modèle du FOIA : Freedom of Information Act -, et qu’en santé comme ailleurs, les conflits d’intérêts ne semble gêner personne. Sans parler du fait que l’information santé et l’information médicale sont complètement contrôlées par l’industrie pharmaceutique, qui, de son propre aveu, n’a pas les mêmes obligations légales en Europe que dans les pays anglo-saxons, que ce soit en matière de transparence sur les conflits d’intérêts ou d’information sur les effets secondaires des médicaments, etc.
Personne n’exige quoi que ce soit des laboratoires, et, en bons commerçants, ils ne vont pas donner d’eux-mêmes des informations contraires à l’augmentation de leurs profits… Les codes d’éthique et de déontologie (sic) et autres chartes de bonne conduite? Pharmacritique en a saisi la quintessence dans plusieurs notes, à commencer par celle-ci.
Comment justifier qu’au niveau européen, ce soit toujours la Direction générale entreprise et industrie, et non pas celle de la Santé, qui ait « autorité » – façon de parler, parce que le copinage est de mise – en matière de « régulation » de l’industrie pharmaceutique? Plusieurs dizaines d’associations de consommateurs ont de nouveau protesté contre cette aberration, dans une lettre récente adressée à José Manuel Barroso.
Elena Pasca