Echantillons gratuits de médicaments: moyens d’influence, risques pour la santé, augmentation des coûts

La revue en libre accès PLoS (Public Library of Science) a publié le 12 mai l’essai « No More Free Drug Samples? » (La fin des échantillons Echantillons de médicaments.jpggratuits de médicaments?), signé par Susan Chimonas et Jerome Kassirer.

Les deux auteurs démontrent, études à l’appui, que les allégations du syndicat de l’industrie pharmaceutique (PhRMA aux Etats-Unis, homologue du LEEM en France) quant à l’intérêt éducatif des échantillons sont fausses. Il s’agit d’une forme de publicité pharmaceutique, sans plus, et elle est considérée à tort plus inoffensive que d’autres, au point que même les étudiants en médecine y sont déjà exposés. Ils sont distribués généreusement par les visiteurs médicaux aux médecins dans leurs cabinets, dans les hôpitaux, lors des petites sauteries rituelles appelées congrès médicaux (dans le genre salon du MEDEC en France), bref, partout où l’industrie pharmaceutique exerce son ghost management (gestion et contrôle invisibles, management fantôme, mais omniprésent).

C’est toute la question de l’influence invisible, plus ou moins consciente, mais non moins effective pour autant, qui se pose lorsque la question des échantillons est abordée. Et ces implications échappent habituellement à l’usager lambda. Raison de plus pour parler de cet article très synthétique, tout en gardant présentes à l’esprit les différences entre les Etats-Unis et l’Europe.

Illustration tirée de Pharma Marketing

Les échantillons gratuits de médicaments : matériel éducatif ?

Les laboratoires et leurs organisations patronales prétendent que ces boîtes gratuites de médicaments ont un rôle éducatif : elles contribueraient à la formation médicale continue en permettant aux médecins de connaître les médicaments les plus récents, donc les avancées thérapeutiques. Les échantillons seraient aussi un moyen d’accès aux traitements : les patients les plus pauvres et qui n’auraient pas pu se les payer, les recevraient ainsi gratuitement des praticiens. Et cela irait dans le sens d’un meilleur usage des moyens thérapeutiques à la fois par les patients et les médecins…

Or les deux auteurs rappellent les résultats d’une collecte de données montrant que ces échantillons sont donnés par les médecins de préférence aux patients plus aisés, qui ont une assurance-maladie continue et correcte – ce qui n’est pas la norme aux Etats-Unis, même pas dans les classes moyennes. Beaucoup d’échantillons sont utilisés par les médecins et par les visiteurs médicaux pour eux-mêmes et/ou leurs proches, ou alors ont une « destination inconnue »… Bref, la réalité ne colle pas du tout avec les prétentions de bons samaritains véhiculées par la propagande.

Les échantillons n’améliorent pas la qualité des soins

Pour le comprendre, il faut partir du fait que les laboratoires ne font de la publicité que pour les médicaments les plus récents, qui sont aussi les plus chers et les moins testés, les moins connus en termes d’efficacité et de rapport bénéfices – risques. Ou alors il peut s’agir simplement d’une copie à peine modifié, mais beaucoup plus chère, d’un médicament dont le brevet arrive à expiration ou dont le producteur veut étendre le marché à de nouvelles indications.

Lorsqu’un patient pauvre reçoit un tel échantillon d’un médicament très cher, il commence un traitement qui devrait se poursuivre pendant une certaine durée. Or une fois la boîte gratuite finie, il ne pourra pas payer la suite et arrêtera le traitement. Alors qu’il aurait pu être correctement traité avec un équivalent moins cher, par exemple un générique.

On sait que les habitudes sont difficiles à changer, surtout chez les personnes âgées. On peut donc comprendre que les patients qui ont une assurance voudront continuer le traitement commencé grâce à l’échantillon, et que cela augmentera les coûts de façon significative, sans qu’il y ait un gain en termes de qualité.

En France, on observe régulièrement ce type de pratiques, et pas seulement à cause des échantillons. Les hôpitaux négocient souvent avec les laboratoires et initient des traitements avec des médicaments de ce type, et les patients demanderont à leurs médecins libéraux de prescrire les mêmes. L’augmentation des coûts sera exponentielle, sans aucun intérêt côté qualité, mais avec les risques inhérents lorsqu’il s’agit de médicaments récemment mis sur le marché. Et il ne faut pas se fier à l’agence du médicament (AFSSAPS) en pensant qu’une molécule autorisée a été forcément longuement et correctement testée, de façon à connaître son efficacité et ses effets secondaires… Voir la note de Pharmacritique : « Progrès thérapeutique nul en 2008, dit Prescrire. Multiples critiques des procédures d’AMM, responsables de l’inflation de médicaments dont le bénéfice clinique n’est pas évalué ».

Bref, un échantillon gratuit d’un médicament nouveau veut dire le début d’une… expérimentation, puisque « les patients sont exposés à des risques non identifiés dans les essais cliniques », disent Chimonas et Kassirer. En 2002, trois ans après sa mise sur le marché, le Vioxx était le médicament le plus distribué sous forme d’échantillons. Or il s’agissait d’un médicament dont le laboratoire Merck avait délibérément occulté les effets secondaires cardiovasculaires, et notamment le risque de crise cardiaque.

Et les auteurs donnent un autre exemple : en 2004, sur les 15 médicaments les plus distribués, 4 se sont vu imposer un « label noir » par l’agence du médicament américaine (FDA), 2 ans seulement après leur mise sur le marché. Le label noir (black box warning) est un texte bien visible placé dans un cadre noir au début de la notice et du RCP (résumé des caractéristiques du produit), pour mettre en garde contre des effets secondaires très sévères.

La visée commerciale des échantillons distribués par les visiteurs médicaux est évidente

Les laboratoires pharmaceutiques ne font ni de la philanthropie ou de la charité ni de l’éducation. S’ils distribuent des échantillons gratuits, c’est parce qu’ils savent que les marques en question seront plus prescrites par les médecins. C’est un moyen très efficace de marketing, et les visiteurs médicaux sont souvent acceptés par les médecins précisément parce qu’ils apportent des échantillons gratuits. C’est le début d’une relation de nature commerciale, qui influence fortement les habitudes de prescription, soulignent les auteurs sur la base d’études qui ont démontré cette influence, niée par la plupart des médecins… Mais plus ils se pensent invulnérables, plus ils le sont. (Pour les références, voir la liste à la fin de l’article).

Et les auteurs de citer des forums de discussion sur lesquels des visiteurs médicaux disent exactement la même chose, à savoir que leur influence et leur efficacité commerciale dépendent en bonne partie de ces échantillons.

Les échantillons mènent à une augmentation des coûts du système de soins

Aux Etats-Unis, la forte augmentation des coûts est due en bonne partie à l’usage accru de médicaments de marque, par exemple à ceux récemment mis sur le marché, et peu importe s’ils ne sont que des trompe l’œil, à savoir un énième médicament de la même classe, une copie à peine modifiée d’une ancienne molécule, voir même une molécule qui a perdu son brevet et/ou est sortie sous un autre nom dans une autre indication.

Le prix des échantillons est compensé par l’industrie pharmaceutique à travers le prix des médicaments. Logiquement, plus les laboratoires distribuent d’échantillons gratuits, plus les prix grimpent. Entre 1996 et 2000, les échantillons ont représenté plus
de la moitié du budget marketing des laboratoires, selon une analyse de Rosenthal et al. parue en 2002 dans le New England Journal of Medicine. Le coût réel des échantillons a été estimé en 2004 à 16 milliards de dollars. Estimation faite par Marc-André Gagnon et Joel Lexchin et dont on peut lire les détails dans l’article « The Cost of Pushing Pills.A New Estimate of Pharmaceutical Promotion Expenditures in the United States”. Pharmacritique en a rendu compte dans cette note.

Leur valeur n’a cessé d’augmenter, au point de doubler entre 1999 et 2003. Leur distribution s’intensifie lors du lancement de nouveaux médicaments – afin de leur tailler plus facilement une part du marché – ou alors lorsqu’un produit est retiré du marché et que les firmes produisant des molécules concurrentes se battent pour remplir le vide.

Une analyse faite en 2001 par un service des National Institutes of Health a montré que rien que pendant une année, les 50 médicaments faisant l’objet de la publicité la plus intense ont été responsables de près de la moitié des dépenses supplémentaires pour des médicaments de prescription. La différence est notable si l’on pense que l’autre moitié de ces dépenses nouvelles était due aux… 9.850 autres médicaments… Et ce sont ces 50 médicaments les plus mis en avant qui sont les plus susceptibles d’atterrir chez les patients sous forme d’échantillon gratuit.

Dans une analyse de 2006, le Institute of Medicine, branche de l’Académie nationale des sciences des Etats-Unis, a dénoncé le rôle des échantillons gratuits dans les incidents iatrogènes, et en général le fait qu’une telle distribution de médicaments fait l’impasse sur l’information sur les effets secondaires et les interactions médicamenteuses. La American Society of Health-System Pharmacists a elle aussi dénoncé l’usage d’échantillons, de même que d’autres organisations professionnelles.

Les auteurs estiment que les échantillons sont un problème typiquement américain. Du fait de l’accès universel aux soins et aux négociations des puissances publiques européennes avec l’industrie pharmaceutique, celle-ci aurait moins intérêt à distribuer des médicaments sous cette forme. Les retombées commerciales seraient moindres en Europe. Chimonas et Kassirer pensent que la propagande européenne quant aux négociations sur les prix, quant aux décisions de rembourser ou non tel médicament suite à des évaluations du rapport bénéfices – risques et à d’autres régulations existant pour la forme correspond à la réalité… Il faudrait les détromper.

Il suffit de voir tous les conflits d’intérêts des experts des autorités sanitaires telles la HAS (Haute autorité de santé) et l’AFSSAPS (agence du médicament) et de regarder toutes les AMM (autorisation de mise sur le marché) de complaisance ou « conditionnelles » qui sont accordées… Et on déchante très vite. Accomplia, Cervarix, bon nombre de progestatifs et d’autres médicaments n’ont pas été approuvés par la FDA (agence états-unienne du médicament), par exemple. Mais ce préjugé est assez répandu chez les auteurs anglo-saxons et dans la blogosphère anglophone. En général, l’accès plus large aux soins – qui n’est toutefois pas universel, comme le pensent les auteurs anglo-saxons en parlant de « universal healthcare » – n’est pas synonyme de qualité des soins, et encore moins d’absence de conflits d’intérêts…

Les auteurs passent en revue un certain nombre d’alternatives aux échantillons. En soulignant que le changement ne peut venir que de la profession médicale, puisque les laboratoires pharmaceutiques n’ont aucun intérêt à renoncer d’eux-mêmes à l’un de leurs outils marketing les plus puissants. C’est certain. Ce n’est que sous contrainte qu’on peut obtenir la moindre amélioration dans les pratiques de l’industrie – et de ses serviteurs en blouse blanche, d’ailleurs.

Alors même si en France et dans d’autres pays européens la question des boîtes gratuites de médicaments n’a pas la même importance, il faudrait que les usagers sachent qu’il ne s’agit pas – là non plus! – d’un acte de philanthropie des laboratoires, mais de quelque chose qu’on pourrait comparer dans une certaine mesure à l’intention d’un dealer qui fait goûter gratuitement à une drogue, pour attirer de nouveaux clients… Les doses ultérieures seront loin d’être gratuites, elles.

On voit que même ce qui devrait être gratuit (par définition) ne l’est pas. Rien n’est gratuit, et toute exposition aux supports publicitaires de l’industrie pharmaceutique à des conséquences en termes d’influence sur les prescriptions comme d’influence sur les usagers et, logiquement, en termes de dépenses irrationnelles.

Elena Pasca

4 réflexions au sujet de “Echantillons gratuits de médicaments: moyens d’influence, risques pour la santé, augmentation des coûts”

  1. bonjour, moi je ne m’y connait pas alors au fait j’aimerais un echantillon gratuit de médicaments pour le stress,les maux de tete et des medicaments pour dormir.
    cdlt

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  2. je souffre de mon ongle pied droite je cherche un échantillons ou médicaments pour le mycose de l ongle pieds sil vous plait envoyer moi un traitement pour me soigner mon ongle pieds de ce mycose je souffre énormément en Algérie il y a pas merci

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