Influence des cadeaux et publicités de l’industrie pharmaceutique sur la pensée et les prescriptions des médecins

gadgets influence Senator Pen.jpg

Toutes les études faites là-dessus confirment que les médecins sont influencés par les cadeaux, les gadgets, échantillons de médicaments et autres supports publicitaires de l’industrie pharmaceutique distribués par les visiteurs médicaux dans les cabinets ou lors des grandes foires publicitaires pudiquement appelés « congrès scientifiques » ou « programmes de formation médicale continue ». Cette publicité que se fait le producteur de stylos publicitaires Senator Pen, reprise par Pharma Marketing, est parue dans le magazine Pharmaceutical Executive de février 2008 et n’est donc pas du tout une blague. Elle en dit plus long que des traités entiers sur l’influence conscience ou inconsciente des prescriptions et du comportement des médecins, exercée aussi au moyen de freebies et autres handouts des firmes.

Le message est clair: si les laboratoires pharmaceutiques veulent parasiter efficacement la cervelle des médecins avec les noms de leurs médicaments de marque, le meilleur moyen d’y arriver, c’est d’infester leurs cabinets par des gadgets publicitaires portant le nom desdites marques. Des stylos, par exemple, mais cela peut varier selon la législation et les intérêts du médecin en question. Nul besoin de faire des cadeaux très chers. Au contraire, plus le cadeaux est insignifiant, plus les médecins pensent qu’il ne peut avoir aucune influence sur eux (« Vous n’imaginez quand même pas qu’on peut m’acheter avec des post-it!! »). Et plus ils le pensent, plus ils sont vulnérables.

Le slogan devient dès lors: (pour mieux endormir leurs neurones, non habitués à la pensée critique,) « Mettez vos marques dans leurs mains! » Et les profits dans vos poches, puisque le retour sur investissement sera énorme!

Même si l’on prend l’ensemble des dépenses publicitaires – incluant donc celles bien plus chères que les babioles et « tchotchkes pharmaceutiques », comme les appellent les blogueurs anglophones -, le rapport entre l’investissement et le bénéfice obtenu est ahurissant, puisque chaque dollar investi en rapporte 17.

Les autres notes de la catégorie « Méthodes publicitaires des labos, marketing » et celles de la catégorie « Publicité directe pour les médicaments d’ordonnance » détaillent plusieurs enjeux cruciaux de cette « course aux armements » promotionnels que dénonçait l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) dans un rapport d’octobre 2007. Elle appelait l’industrie pharmaceutique à une réduction « de plus de moitié les dépenses que les laboratoires consacrent à la promotion du médicament » et dont le montant atteint les 3 milliards d’euros par an. Rappelons qu’en France, cela se traduit par un investissement de 25 000 euros par an et par médecin généraliste (visiteurs médicaux, cadeaux, formation médicale continue sponsorisée, etc.). Inadmissible, surtout compte tenu du fait qu’il y a divergence entre « les exigences du bon usage » du médicament et de la santé publique, d’une part, et les priorités de l’industrie, d’autre part. Celle-ci investit dans le marketing pour obtenir une l’augmentation du chiffre de ventes et de la rentabilité, et peu importe les « dommages collatéraux » – ce qui est difficilement compatible avec la philanthropie…

Voici le rapport de l’IGAS: Information du médecin généraliste sur le médicament. Et un extrait:

IGAS.jpg

Elena Pasca

8 réflexions au sujet de “Influence des cadeaux et publicités de l’industrie pharmaceutique sur la pensée et les prescriptions des médecins”

  1. Mais les labos n’ont plus le droit depuis quelques temps de nous offrir ces petites bricoles!
    c’était rigolo de recevoir ces gadgets qui faisaient le bonheur de mes petits patients et de mon fils. Néammoins, il me demandait à chaque cadeau si c’était par un labo, et à chaque fois que je disais oui, il répondait  » alors il ne marchera pas longtemps ».

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  2. Bonjour,
    Cela faisait longtemps, je suis contente de vous lire!
    Vous avez posté alors que j’étais en train de faire la note; j’ai même cru que je m’étais emmêlée les pinceaux (génériques, eux ;-))) en modifiant une note précédente…
    J’aime bien l’image et n’en ai pas trouvé de meilleure pour désigner l’ensemble des matériaux promotionnels, genre échantillons, schémas anatomiques, etc., qui portent tous des noms de marque, puisque l’idée est celle-là: les retenir et les prescrire. Le stylo symbolise tous ces « tchotchkes ».
    Le message est que l’influence est effective, dès qu’il y a interaction avec l’industrie, que ce soit par le biais d’un visiteur médical, des cadeaux (repas et tout ce qui relève de la fameuse « hospitalité », échantillons, matériaux dits « éducatifs », etc.).
    Et puis, franchement, depuis quand les lois – surtout celles françaises, quasiment inexistantes en la matière – feraient-elles obstacle à l’industrie pharmaceutique?
    J’ai vu des babioles récentes de ce genre portant des noms de médicament, par exemple dans le cabinet hospitalier d’un grand ponte qui, recherches faites, a effectivement été l’un des investigateurs dans un essai clinique portant sur le Lyrica de Pfizer. Les réunions de la société savante dont il est l’un des dirigeants sont habituellement co-sponsorisés par Pfizer.
    Je dois dire que je ne le vois plus, parce qu’il n’est pas du genre à travailler en équipe avec ses patients, alors… Mais il m’a été utile à un moment donné pour exécuter un geste technique que peu maîtrisent.
    Alors vous voyez… Entre les codes de bonne conduite et d’éthique de l’industrie (dont j’ai dit tout le bien que j’en pense dans la catégorie Ethique et pharmas, firmes et LEEM), le Code de santé publique et puis la réalité…
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/ethique-et-pharma-firmes-et-leem/
    Votre fils fait preuve d’une grande sagesse ;-))
    Vous recevez toujours les visiteurs médicaux?
    Cordialement

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  3. Oui, je les reçois. Ca me permet de me tenir informée des nouveautés… et d’écrire des blogs sur leur visite quand ils exagèrent.
    Une en particulier tente de me fourguer sa molécule malgré tous les soucis qu’à son concurrent: « mais non, Actos n’a pas les mêmes effets secondaires qu’Avandia (antidiabétiques), il n’y a pas d’effet de classe. Le petit changement dans la molécule fait tout ». J’ai reçu le labo qui m’a présenté Januvia (nouvelle antidiabétique), il m’a parlé formellement d’un effet de classe.
    Et mes patients, comment je vais les soigner?

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  4. il y a longtemps que je ne reçois plus les labos et je m’en félicite
    je n’ai pas besoin d’eux et mes patients non plus!!!

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  5. je les ai reçus pendant 4 ans au début de mon installation, mais depuis plus de 10 ans je reste sur leur liste noire! certains essaient toujours de me repêcher, mais plus le temps passe et plus je suis certaine de mon choix. il est vrai qu’il y a 15 ans je m’éveillais et maintenant j’essaie de garder les yeux bien ouverts, meme le troisieme oeil y veille! (pour les initiés et non initiés)

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  6. Je ne sait pas s’il faut se passer des VM. Ils apportent quand même de l’info, à prendre avec des pincettes mais….
    Cependant…. je n’aimerais pas faire leur boulot !!!

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  7. bonjour,
    Juste un passage éclair pour dire que j’ai supprimé plusieurs liens postés ici et à la suite d’autres notes, puisqu’il s’agit d’un message standard – que j’ai retrouvé posté dans les commentaires de plusieurs sites – nous invitant à aller sur un certain site pour apprendre la vérité sur les antidépresseurs, sur la psychiatrie, sur la fraude pharmaceutique, sur les médicaments.
    J’y suis allée, et il s’agit d’un énième site qui décrit la psychiatrie comme l’oeuvre du diable, de même que les antidépresseurs. Comme je le pensais, j’ai retrouvé des renvois vers plusieurs sites qui parlent en apparence de liberté de religion et de liberté de conscience, des crimes de la psychiatrie, ainsi que vers des filiales de ce qui se présente comme une association de défense des victimes de la psychiatrie. Tout cela sert de vitrine aux activités de l' »église » de scientologie.
    Inutile de dire que Pharmacritique n’a rien à voir avec ça, et qu’il n’est pas question de laisser passer ce genre de liens. (Les liens publicitaires ne passent pas non plus, autant le rappeler).
    La critique des dérapages de l’industrie pharmaceutique, par exemple quant aux psychotropes, ne veut pas dire rejet en bloc de ces médicaments. La critique de certains dévoiements de la psychiatrie ne veut pas non plus dire rejet en bloc.
    Sur Pharmacritique, il s’agit de militer pour un USAGE RAISONNABLE des médicaments et pour une INFORMATION NON BIAISEE par des conflits d’intérêts et autres influences. Il ne s’agit certainement pas de diaboliser la médecine, les médecins et les médicaments!
    Si j’étais adepte de quelque chose – façon de parler -, ce serait de la médecine fondée sur le niveau de preuve (evidence-based medicine ou EBM), solidement rationnelle, solidement scientifique. Et ma formation (uniquement théorique) en psychanalyse non lacanienne ne fait pas de moi une ennemie de la psychiatrie et de la psychopharmacologie, loin de là.
    Il me semble avoir déjà dit que de mon point de vue, la psychiatrie est la spécialité médicale la plus intéressante, avec un très fort potentiel d’interdisciplinarité, de travail avec les sciences sociales, de passerelles vers la philosophie sociale – qui est mon orientation -, parce qu’elle est, potentiellement du moins, la plus libre par rapport à la biologie au sens très restrictif du terme, la moins dépendante de la technicité qui envahit la médecine.
    Alors quand je la critique, même avec véhémence, c’est toujours dans cette optique-là, par rapport à son potentiel et en cherchant à la défendre face à cette technicisation qui s’exprime bien entendu par la médicalisation infinie et la surmédicamentation qui va avec.
    Je trouve d’ailleurs la psychiatrie française pas si mal que cela, moins sujette aux dérives dans le genre du disease mongering et de la gâchette facile. (D’ailleurs tout le monde sait que les antidépresseurs, par exemple, sont prescrit à 80% par les généralistes). Mais elle a elle aussi ses conflits d’intérêts et ses biais, et je ne manque pas de les critiquer.
    David Vincent, j’ai vu que le même type de message est paru sur votre blog (chez vous, c’est: « j’ai fait quelques recherches sur les antidépresseurs, et voici les résultats » + lien vers le site en question).
    Bien entendu, vous faites ce que vous voulez sur votre blog, je voulais juste vous signaler qu’il s’agit du même expéditeur qui a deux versions de commentaire qu’il poste partout.
    a mon avis, on ne devrait pas les laisser passer, parce que les conséquences peuvent être dramatiques sur des esprits fragilisés et/ou mal informés, qui sont à la recherche d’un soutien sur le mode de la victimisation et de l’infantilisation, et qui feront des proies faciles pour un recrutement sectaire.
    Cordialement

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