Pharmacritique a rendu compte dans cette note des conflits d’intérêts de l’équipe de psychiatres chargés par l’American Psychiatric Association (APA) d’entreprendre la cinquième révision de leur bible, à savoir le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). De plus, nous avons épinglé à plusieurs reprises la psychiatrie – surtout américaine – parce qu’elle se révèle être la discipline médicale la plus corrompue (voir la catégorie « Conflits d’intérêts en psychiatrie ; DSM« ).
L’APA avait lancé une campagne de communication encensant les changements dans le sens de la transparence et de l’ouverture qui devaient guider le travail des experts… Quelques mois plus tard, il n’en reste rien.
Photo : Bonkers Institute
Ce mois-ci, plusieurs articles dénoncent un pas supplémentaire dans le refus de la transparence quant à l’influence des intérêts pharmaceutiques privés sur les décisions, et notamment la signature par les rédacteurs du futur DSM V d’une clause de confidentialité, à la demande expresse de l’APA.
Le New York Times a ouvert le bal des critiques le 17 décembre par l’article « Psychiatrists Revise the Book of Human Troubles » (Des psychiatres révisent le livre des troubles psychiques de l’homme). Selon Edward Shorter, un historien de la psychiatrie critique du DSM, cité dans l’article, l’opacité et la vulnérabilité accrue de la psychiatrie à toutes sortes d’influences s’explique par la spécificité de cette discipline, qui n’a pas de soubassement scientifique certain : « En psychiatrie, personne ne connaît les causes de quoi que ce soit, alors la classification peut être le résultat de toute sorte de facteurs », politiques, sociaux et financiers. Cela se résume en fin de compte à un triage des différentes gammes de symptômes rassemblés en syndromes, et l’issue est déterminée par la distribution des cartes à jouer ».
Ce sont ces différentes « cartes » qui expliquent la progression irrésistible du nombre de syndromes et de troubles contenus dans le DSM : l’édition de 2000 contient 283 entrées, près du triple des entrées de la première édition, publiée en 1952.
Les leaders de l’APA et du groupe d’experts chargés de la révision justifient la clause de confidentialité en disant qu’elle vise à empêcher que des détails soient rendus publics – abordés dans des conférences, etc. – avant d’être discutés par l’équipe et retenus ou non pour la version finale.
Mais cette culture du secret fait l’objet de nombreuses critiques, dont celle de Robert Spitzer, professeur à l’université de Columbia et artisan de la troisième édition, considérée comme la plus aboutie : « Ca m’a rendu dingue, d’entendre parler de cet accord. La transparence est nécessaire si l’on veut que le Manuel soit crédible ; et puis des rédacteurs vont forcément se plaindre, avec le temps, de ne pas avoir eu l’occasion de remettre en cause quoi que ce soit ».
Puisqu’il s’agit de la bible de la psychiatrie, consultée partout dans le monde, vendue à près d’un million d’exemplaires, il va de soi que chaque nouvelle entrée et chaque formulation seront analysées à la loupe, surtout à la lumière des conflits d’intérêts des rédacteurs et derniers scandales de liens financiers avec les firmes.
Ainsi, le très réputé pédopsychiatre Joseph Biedermann a oublié de déclarer, parmi d’autres sommes reçues, la bagatelle de 1,6 millions de dollars payés par des firmes pour faire avancer leurs intérêts. L’affaire a été révélé par l’infatigable sénateur Charles Grassley et médiatisée par le New York Times, par exemple dans l’article « Researchers Fail to Reveal Full Drug Pay » (Des chercheurs omettent de déclarer la totalité de leur bulletin de salaire établi par les firmes).
Et ce cher, très cher docteur Biedermann a rempli sa mission de promotion du trouble bipolaire chez les enfants, puisque le diagnostic, toujours controversé d’un point de vue scientifique, a augmenté de 40% entre 1994 et 2003, nous dit un article du New York Times de septembre 2007 : “Bipolar Illness Soars as a Diagnosis for the Young” (La montée en flèche du diagnostic de trouble bipolaire chez l’enfant).
Or le groupe d’experts chargés de la révision doit décider de l’inclusion ou non du diagnostic de trouble bipolaire infantile dans le DSM. Les conséquences seraient énormes pour le commerce pharmaceutique, puisque le remboursement par les assurances ferait exploser les ventes. Il est question d’autres sujets épineux, parmi lesquels figure la reconnaissance d’une entité très vague appelée « trouble du traitement sensoriel », désignant des difficultés particulières d’intégration sensorielle chez certains enfants. Des associations de malades, des chercheurs et d’autres parties en présence veulent une reconnaissance de cette entité, afin d’obtenir une couverture par les assurances de certains traitements très chers et d’obtenir de l’argent pour les recherches. Effectivement, si les firmes y verront un débouché commercial, elles financeront sans attendre toute recherche…
Un article du Los Angeles Times en date du 29 décembre relaie les critiques sous le titre « DSM psychiatry manual’s secrecy criticized » (Le secret dans lequel le DSM est révisé suscite des critiques).
L’ouverture devrait être de mise, pour éviter les accusations de conflits d’intérêt et permette à des observateurs extérieurs d’apporter une relecture critique des propositions et de contribuer au débat scientifique quant aux nouveaux diagnostics ou à la révision des anciens. Le journal cite le même Robert Spitzer, qui s’est fendu d’une lettre ouverte adressée au groupe d’experts leur demandant formellement de renoncer au secret : « Si l’on ne sait pas ce qui se passe lors de certaines réunions, les participants prêtent tous le flanc à la suspicion de conflits d’intérêts ».
Un autre article est paru le 29 décembre sur le blog santé du Wall Street Journal : « Confidentiality of Psychiatric Manual’s Update Draws Gripes » (La révision confidentielle du Manuel psychiatrique fait ronchonner). Il contient quelques autres détails et reprend l’intégralité de la lettre ouverte de Robert Spitzer : « DSM-V: Open and Transparent? » (DSM V: ouvert et transparent ?).
L’auteur s’en prend aux dirigeants de l’APA qui avaient fondé toute leur communication sur la nature ouverte du processus de révision, malgré la complexité de la chose, et sur l’engagement en faveur de la transparence…
Un engagement qui aura duré quelques mois…
Elena Pasca
Il existe beaucoup de chapelles en matière de psy-choses et autres… Il est amusant de savoir que les sociétés française de psychanalyses d’inspiration freudo-lacanienne (F-C) ou néo-F-C ou d’inspiration F-C, sont formellement en désaccord avec les différentes versions du DSM, pour d’autres raisons d’intérêt.
Au départ il ne s’agissait que de décrire des symptômes, de les décrire et d’en tirer une certaine organisation psychiatrique afin de savoir de qui et quoi l’on parlait dans les congrès.
Chaque école avait sa nosographie spécifique… ce qui est intéressant car la pathologie psychiatrique et son expression dépend aussi de la culture et mode de vie du patient. Il existait des maladies dans certains pays qui n’étaient pas décrites dans d’autres.
Le premier neuroleptique utilisé est le LARGACTIL découvert totalement par hasard. Ensuite par modification de molécules de nombreux petits frères ont suivi comme cela se pratique toujours (classe pharmacologique avec un chef de file) aussi bien pour les anti-hypertenseurs que les antibiotiques, etc
A ce jour aucune étude valable n’a pu montré (cette affirmation n’engage que moi et j’attends la contradiction) un meilleur rapport bénéfice/risque des nouveaux neuroleptiques par rapport à LARGACTIL, et les labos se gardent bien de le faire.
Le cas des antidépresseurs au départ comparés au vieil Anafranil est similaire et l’arrivée des nouvelles classes d’antidépresseurs n’a absolument pas détrôné en terme d’efficacité ou de bénéfice/risque l’Anafranil.
Ce qui est dommage pour les patients c’est l’arrêt de commercialisation d’anciens neuroleptiques bien connus et dont on connaissait bien les effets, qui étaient « ajustables » au milligramme près, très peu chers, coût de traitement de quelques euro par mois, et bien sûr qui n’ont surtout pas été comparés à des produits plus chers comme Zyprexa.
Enfant je débordais d’énergie, ne tenais pas en place et me suis pris quelques claques (c’était l’époque). Quel dommage que je n’ai connu la Ritaline!
Parfois je m’ennuyais, n’avais rien envie de faire, étais agressif (signe de dépression), que n’ai-je connu un bon antidépresseur!
Il m’arrivait de débloquer, de raconter des mensonges énormes, de m’inventer et faire croire des histoires délirantes. Mais bien sûr le Zyprexa!
Passez un bon réveillon et le truc du toubib pour la gueule de bois : aspirine pour la tête, anti-acide pour l’estomac, et boire beaucoup d’eau
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Ces psychiatres ripous vont bientôt nous inventer le syndrome de l’incapacité à avaler des produits psychoactifs légalement définis comme médicaments…
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Bonjour et excellente année 2009 à Pharmacritique !
Ce n’est pas pour faire un commentaire ( no comment ..) , mais dans le même sillage sur les conflits d’interêt et efficacité des antidépresseurs classe IRS ( inhibiteurs de recapture de la sérotonine ) un article en anglais que j’ai découvert dans un forum : http://www.scoop.co.nz/stories/HL0901/S00008.htm ….no comment ! bonne lecture !
Cordialement .
Lakhal Mohamed .
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LA DROGOCHIMIE VEUT ÉTOUFFER LES THÉRAPIES […] QUI ANCRENT LE PATIENT DANS LA RÉALITÉ
[Nom des thérapies supprimé par Pharmacritique, conformément à la politique du blog. Voilà un autre exemple qui illustrent comment certains profitent des scandales médico-pharmaceutiques, des conséquences des conflits d’intérêts qui suscitent de plus en plus de méfiance de la part des usagers. S’estimant trompés, de plus en plus de gens sont tentés par des « alternatives » dont la plupart font partie d’un empire ayant les mêmes tares structurelles que celui médico-pharmaceutique.
Pour ma part, je n’apprécie guère les étiquettes globales et diabolisantes de type « drogochimie ». Je ne sais pas ce que cela veut dire. Merci de ne plus poster de commentaires à caractère publicitaire, ils ne passeront pas.]
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Je prends connaissance de votre blog, particulièrement bien fait, instructif et nécessaire.
Merci.
Victoire
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C’est quoi une maladie mentale ?
[NdR: nom de famille supprimé]
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Je ne dis pas qu’elle est toujours inutile mais la psychiatrie est une pseudo science qui ne repose sur aucun critère scientifique.
Le DSM a été inventé par les labos pour justifier la prescription des médicaments.
Tout peut être maladie.
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