Jennifer Washburn, journaliste d’investigation, est l’auteure de ce livre paru en 2005 et qui sert de référence à tous les travaux ultérieurs. Elle a passé des années à réunir cette documentation sur la corruption des universités américaines par les multinationales, à coups de financements privés qui ont progressivement corrompu tout sens du mot « éducation ». Sans parler de la chose publique… (L’étiquette « sold » veut dire « vendu »).
Regardez cette belle caricature intitulée “University, Inc.”, d’après le livre de Washburn et illustrant un entretien avec elle, postée sur un site britannique à explorer: Corpwatch. Holding Corporations Accountable (chien de garde qui demande des comptes aux multinationales).
C’est à ça que ressemblent une université et une recherche financées par le privé, qui acquiert de la respectabilité et devient sortable en dévorant tout sur son passage, à commencer par l’intérêt général… La chose publique n’est plus que « chose », elle n’a plus rien de public au sens du monde commun et de l’intérêt général auxquels l’éducation devrait pourtant préparer.
Traduction libre de la légende:
Une jeune femme à l’entrée d’un campus. Elle demande où est le bureau du recteur de l’université. Un monsieur lui montre le plan avec les logos des marques sponsorisant divers départements et lui dit en gros : allez tout droit jusqu’au Département des Sciences de la nutrition McDonald’s, puis à gauche jusqu’au Département de l’agriculture biologique Monsanto, en descendant vers le Centre de la paix Lockheed Martin, puis vous verrez le Département Enron d’éthique des affaires. Une fois ce chemin parcouru, vous y êtes à coup sûr. Impossible de manquer le Dr Faust.
En bas, un diable tenant un sac de dollars commente : « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes donations ».
Et voici une autre caricature, Suing the Smelter (« Les fourneaux au banc des accusés »), dans laquelle une incarnation de l’industrie la plus polluante – le géant des mines Freeport McMoRan – montre un graphique pour responsabiliser le consommateur en disant: « Avertissement! Votre santé et votre sécurité peuvent être toxiques pour nos profits! » Le graphique montre des taux de mercure dans le sang en hausse, des taux de profits qui augmentent en même temps que ceux d’arsenic… De l’autre côté, une seule flèche vers le bas: la santé publique. Tout cela sous un ciel assombri par toutes sortes de rejets des fourneaux industriels dans l’atmosphère. L’arrière-plan réel est l’action en justice intentée par des habitants d’une ville américaine fortement polluée par des métaux lourds.
Il faudrait réaliser que c’est à ce type d’industrie que l’université française de demain va servir d’alibi.