Voici un article de Rouba Naaman, paru sur le site Novethic fin janvier. L’auteure commente l’étude et les communiqués de l’UFC-Que choisir et souligne certains aspects de l’étude sur les cinq classes de médicaments dont les prescriptions ont été passées au crible. Mais ce qui retient le plus l’attention, ce sont les commentaires de quelques dirigeants de l’association de défense des consommateurs ainsi que de certains représentants des firmes pharmaceutiques et de leur syndicat, le LEEM. C’est ironique… Il y a une grande solidarité entre les firmes et les médecins ayant des conflits d’intérêts dès que quelqu’un pointe un doigt accusateur… Il n’y a que des innocents… Que des professionnels de santé et de l’industrie pharmaceutique qui ne sont pas responsables. Doit-on comprendre qu’ils sont irresponsables?
Précision importante: Le deuxième rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), dont il est question dans le texte, est resté confidentiel pendant quelque temps. Vous pouvez le lire sur cette page de la Documentation française, sous le titre « Encadrement des programmes d’accompagnement des patients, associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques ». L’IGAS n’est pas dupe. Les auteurs voient dans les projets de « programmes d’accompagnement » ou d' »observance » des manÅ“uvres promotionnelles des firmes pharmaceutiques qui cherchent à avoir un accès direct aux patients pour mieux les influencer.
L’argent investi dans le marketing, dans la formation continue et dans d’autres combines pour influencer les médecins forme l’immense majorité des coûts de l’industrie pharmaceutique. Tout cela aux dépens de la recherche de nouveaux médicaments vraiment innovants. Mais c’est un investissement et les firmes attendent, comme toute entreprise commerciale, non seulement l’amortissement des coûts, mais aussi le retour sur investissement, le maintien des marges et le profit croissant, inégalé dans d’autres industries. Et c’est ironique parce que, après tout cet effort financier, le service communication du LEEM se lave les mains comme Ponce Pilate et désigne les médecins comme les seuls responsables du gaspillage… C’est celui qui paie qui décide. Mais, en cas de pépin, c’est ni vu ni connu… Bon, après tout, les médecins qui se font acheter n’ont qu’à investir un peu de cette somme dans une assurance tout risque, pour le cas – très peu probable – où on leur demanderait des comptes à chacun, par-delà la dénonciation générale d’un processus qui est un secret de Polichinelle. Les chiens aboient et la caravane passe…
(La note est parue d’abord sur cette page, qu’un défaut technique a rendue inaccessible par le bouton de recherche ou les catégories. Nous ne la supprimons pas parce qu’il y a un commentaire critique d’un lecteur à la fin, suivi d’une réponse)
Voici le texte de Rouba Naaman : « L’UFC accuse l’industrie pharmaceutique d’influencer les médecins »
« Parue le 15 janvier 2008, la nouvelle étude de l’Union française des consommateurs sur les dépenses de médicaments dérange les laboratoires pharmaceutiques. L’UFC-Que choisir avance que, entre 2002 et 2006, des centaines de millions d’euros auraient pu être économisés, à qualité de soins égale, si l’information apportée aux médecins avait été meilleure. Ce constat se situe dans la lignée d’un rapport confidentiel de l’Inspection générale des affaires sanitaires (IGAS) qui critiquait déjà les techniques de promotions et d’information des firmes pharmaceutiques à l’attention des médecins.
Un milliard d’euros sur cinq ans. Selon l’UFC-Que choisir, c’est la somme qui aurait pu être économisée en limitant les prescriptions injustifiées entre 2002 et 2006. « Et encore, nous n’avons étudié que 14% des prescriptions de ville » précise Christophe Le Guehennec, chargé de mission santé à l’UFC-Que choisir. C’est déjà la deuxième étude de l’organisation dénonçant les prix élevés de médicaments qui ne sont pas toujours des innovations, mais que les firmes pharmaceutiques font passer comme telles. De nombreux rapports sénatoriaux, en 2006 notamment, se sont déjà intéressés à ces prescriptions déraisonnables, dans la même optique qu’un rapport de la Cour des comptes de septembre 2007. Très complet et plus confidentiel, le rapport de l’Inspection générale des affaires sanitaires (IGAS), daté d’août 2007, n’est jamais paru officiellement, mais a été publié sur Internet par le site Atoute.org. Toutes les sources soutiennent la même chose : la prescription est souvent influencée par les visites médicales des laboratoires pharmaceutiques.
Dans l’étude, aucun nom cité. « Nous n’avons pas de légitimité, et notre but n’était pas d’accuser un laboratoire plus qu’un autre » explique Christophe Le Guehennec. En revanche, malgré les déclarations de Christian Lajoux, président des Entreprises du médicament (LEEM), qui prétend que « l’UFC n’apporte aucune référence chiffrée sur la visite médicale », les chiffres avancés par l’étude sont impressionnants. Parmi les cinq classes de médicaments étudiées, le cas des antiagrégants plaquettaires retient l’attention. Prescrits après un accident cardiovasculaire, ou en prévention de problèmes cardiaques, ces médicaments sont de plus en plus utilisés : les dépenses en antiagrégants plaquettaires ont augmenté de 88% en quatre ans. Pour de nombreux patients, on pourrait pourtant leur substituer une petite dose d’aspirine, vingt-sept fois moins chère et tout aussi efficace. D’après l’UFC-Que choisir, cela aurait permis d’éviter près de 350 millions d’euros de dépenses de santé sur cinq ans. Et cette observation vaut pour toutes les classes de médicaments étudiés : au total, près de 200 millions d’euros aurait pu être économisés par an, si les prescripteurs avaient été mieux informés.
Désinformation et mésusage
Les différentes études rapportent toutes que l’information des médecins sur les nouveaux médicaments est insuffisante et incomplète. Certains praticiens auraient ainsi tendance à préférer un médicament à un autre, même s’il se révèle plus onéreux sans pour autant être plus efficace. « Le médecin qui cherche une information objective aura beaucoup de mal à la trouver. Même le Vidal est financé par les laboratoires » affirme Christophe Le Guehennec. L’UFC-Que choisir dénonce l’origine unique de l’information des médecins, à savoir les visites médicales promotionnelles des laboratoires. La France est l’un des pays où le nombre de visiteurs médicaux est le plus élevé par rapport au nombre de praticiens de ville. Près des deux tiers des dépenses de promotions des firmes pharmaceutiques sont consacrés à ces visites. « Les visiteurs médicaux font de la promotion, mais aussi de l’information, de la sensibilisation aux progrès » a déclaré Christian Lajoux au Quotidien du Pharmacien. De la sensibilisation, certes, mais pas toujours à des progrès médicaux, d’après l’étude de l’UFC-Que choisir.
« Aujourd’hui, le médecin choisit le médicament qu’il prescrit selon son nom, et pas vraiment selon la classe de médicaments dont il fait partie » explique Christophe Le Guehennec. D’où, dans certains cas, un mésusage des médicaments les plus récents. Le président du LEEM voit dans cette étude « la volonté de contester la reconnaissance du progrès thérapeutique ». L’organisme se défend : il ne nie pas le progrès qu’apportent certaines innovations médicamenteuses, mais dénonce l’utilisation excessive et parfois inappropriée qui en est faite. Pour limiter ces prescriptions inutiles, le rapport prÃ
©conise de développer une information objective à destination des médecins, en instaurant par exemple des visites médicales publiques, sous l’égide la Haute autorité de santé (HAS) en plus de celles des firmes.
« Désarmement promotionnel »
En outre, l’UFC-Que choisir soutient l’idée de l’IGAS, de limiter la part des dépenses promotionnelles des laboratoires à 4% de leur chiffre d’affaires, contre 12% en moyenne actuellement, et de réduire le volume des visites médicales. C’est ce que l’organisme appelle le « désarmement promotionnel ». « Nous espérons une augmentation des taxes sur la promotion et sur les publicités dans la presse spécialisée. Mais nous savons déjà que les firmes nous accuseront de les obliger à diminuer la part allouée à la R&D » affirme Christophe Le Guehennec.
Face aux accusations lourdes et chiffrées des différents rapports, le silence des groupes pharmaceutiques est assourdissant. « Pas de réaction personnelle » chez Sanofi-Aventis, rien de plus chez Lilly. A l’image de Novartis, les laboratoires qui acceptent de s’exprimer sur le sujet renvoient vers le LEEM, proclamé porte-parole exclusif du secteur pharmaceutique. « La France est le seul pays où la visite médicale est autant contrôlée » se défend Stéphanie Fleurot, de la communication du LEEM, qui rappelle que la visite médicale devra être certifiée dans tous les laboratoires d’ici juillet 2008. De toute façon, « ce n’est pas nous qui prescrivons les médicaments » ajoute-t-elle. »
L’industrie pharmaceutique est d’abord une industrie… Le LEEM son syndicat !
Leur objectif est de faire consommer leurs produits, efficaces ou non. Leur marketing est redoutable, leur puissance de tir excessivement forte.
Les prescripteurs sont responsables eux aussi… A une époque ils acceptaient mes billets de 500 francs dans les échantillons de placebo que je devais leur présenter, et aujourd’hui c’est le « médicament » le plus vendu au monde… Et plus récemment ils viennent à Acapulco pour un séminaire « on the beach »… Sur le Cholestérol bien sûr !
Mais le pire, c’est cette autorité qui cautionne tout ça.
Connaissez-vous les « me too » ? Et les génériques ! Ils ont mis 20 ans en France à sortir ! Et sachez qu’ils viennent des mêmes usines que les princeps !!!
C’est vrai, peu de médicaments sont dangereux, les autorisations de mise sur le marché (AMM) son drastiques, pas pour avouer l’utilité, pour avouer l’absence de risque.
Sans parler du pauvre consommateur qui ingurgite toute cette foutaise et qui devient malade faute d’être heureux, qui croit avoir une « bi polarité » ou autre connerie du genre !!!
Parfois je suis contente de lire certains blogs !
La boucle est bouclée…
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Bonjour Texaverie et merci de vos remarques!
Oh, mais il est bien connu qu’on parle mieux médecine sur la plage, dans des palaces luxueux, lors de repas, lorsqu’on reçoit quelques cadeaux, des invitations à des spectacles ou à des matchs de tennis, des sommes d’argent… C’est fou à quel point cela stimule l’intellect médical et surtout la mémoire… Et à quel point cela simplifie les choses que de ne retenir qu’un nom de médicament par maladie, etc., et non pas toute une gamme.
Imaginez les pauvres médecins qui passeraient leur temps à comparer tous les médicaments disponibles, à comparer les bénéfices des anciens médicaments avec les paillettes du tout nouveau truc qui est le meilleur de sa catégorie et dont le stylo porte la marque.
Je lisais il y a quelque temps un article dénonçant un congrès d’oncologues à Cuba. Et manifestais mon étonnement. Pardi, si les oncologues qui nous serinent à longueur de journée avec les dangers du soleil adoptent à ce point-là des conduites à risque 😉 Imaginez qu’ils attrapent un cancer de la peau, tous autant qu’ils sont. Qui reste-t-il pour les soigner??
Je me fais des soucis pour la santé des médecins. Par exemple quand ils ne veulent pas exercer leur mémoire, alors qu’on fait tellement de pub sur les bienfaits de cet exercice pour retarder l’Alzheimer… Et qu’on sait qui plus est que les médicaments administrés dans cette maladie ne valent rien…
Oui, nous avons évoqué les « me too » (et plusieurs de ces artifices et de nouveautés qui n’apportent rien) et cité la Déclaration sur la pharmacovigilance et celle sur le progrès thérapeutique faites par l’ISDB (International Society of Drug Bulletins).
« Malade faute d’être heureux » – belle formule! Je dirais aussi « rendu malade » parce qu’on lui fait miroiter un bonheur qui n’existe pas et qu’on lui impose une « normalité » qui n’existe pas non plus… Il y a une catégorie réunissant plusieurs notes là -dessus. La médecine comme outil de normalisation et de contrôle social. C’est triste que les médecins ne se rendent même pas compte que ce sont les premiers formatés et normalisés, rendus conformes aux intérêts industriels…
Je sais que cela peut paraître excessif, mais je répète encore et encore qu’aucune firme pharmaceutique n’a jamais obligé un médecin à empocher son argent… Je ne crois pas que vous, Texaverie, ayez jamais eu recours à la force…
D’autre part, on voit aussi que les cercles indépendants veulent faire de l’éthique en utilisant les mêmes méthodes qui ont amené la médecine là où elle est: le manque d’humilité, les positions de pouvoir (surtout par rapport aux usagers, formatés à devenir des perroquets ou alors exclus, etc.), le paternalisme, l’autarcie…
Texaverie, je suis sûre que vous auriez beaucoup de choses à raconter… Il faudrait le faire, parce que ça ouvre les yeux mieux que 36.000 discours…
Mais je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que peu de médicaments sont dangereux, ni que les AMM seraient accordées selon des critères drastiques… Ces experts-là ont eux aussi les poches bien garnies par l’industrie… Ou peut-être surtout ceux-là , parce que l’AMM est cruciale. Démontrer « l’absence de risque » (dont vous parlez) est quelque chose qui n’est même pas dans les objectifs des essais cliniques. On sait que leur setting, les méthodes, le recrutement des patients, la théorie à la base des essais et l’idiosyncrasie des médecins investigateurs déterminent très largement les résultats.
Et quand les résultats des essais cliniques s’entêtent à ne pas être tout à fait ceux escomptés, il y a la réécriture des études par des agences de communication spécialisées, selon le cahier de charges établi par le service marketing…
Je crois comprendre que vous avez quitté le métier de visiteuse médicale et de « communication » pour l’industrie. J’ai vraiment envie de vous dire de ne pas y retourner!
@ plus.
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