La revue Pharma-Kritik propose un financement indirect par l’industrie pharmaceutique évitant les conflits d’intérêts

La revue médicale suisse indépendante Pharma-Kritik a publié en 2006 un article intitulé « Conflits d’intérêts – jamais entendu parler ? » (Interessenkonflikte : nie gehört ?) qui rappelle un certain nombre d’évidences et fait une proposition en vue d’une meilleure transparence du financement de la recherche et de la formation médicale continue (FMC) par l’industrie pharmaceutique.

La rédaction se veut pragmatique, posant des objectifs qui visent à réformer et non pas à révolutionner le système, à gérer les conflits d’intérêts et non pas à les supprimer, afin de ne pas susciter d’emblée un rejet massif. Il est intéressant de voir que ce pragmatisme a pu trouver un écho chez un syndicat de médecins généralistes (SSMG), qui a récemment repris à son compte l’idée de « sponsoring indirect » de la formation médicale continue.

Chacun peut se faire une idée de ce que cela implique, parce qu’un financement indirect reste un moyen de pression, de manipulation et d’influence et qu’il est fait par une entreprise à but lucratif en vue d’un retour sur investissement. Et il n’est pas sûr que l’influence indirecte soit la moins nocive, parce qu’elle est par définition moins facile à détecter et à interpréter correctement. Mais cette note ne veut que faire connaître une dimension du débat suisse sur la question des intérêts et des conflits qu’ils génèrent.

Voici des extraits, traduits de l’allemand par moi, de l’article signé par Etzel Gysling.

« Pas de cadeaux d’aucune sorte, ni stylo, ni post-it. Contrôle accru des projets de recherche et des publications pour faire la chasse aux auteurs fantôme (ghostwriters) de l’industrie pharmaceutique. (…) Pas de sponsoring direct des manifestations de formation continue.

Actuellement, il est habituel de voir des firmes pharmaceutiques financer directement des conférences, des cours et d’autres manifestations de formation continue, ce pourquoi elles ont droit à des remerciements conséquents, que ce soit par écrit, dans les invitations et les programmes, ou oralement lors des manifestations respectives. Il s’agit ici aussi non pas d’une publicité grossière et tape à l’oeil, mais d’une manière subtile d’influencer les participants à la formation continue.

En principe, rien ne s’oppose à une participation financière de l’industrie à la formation médicale continue. Nous proposons de remplacer le sponsoring immédiatement « visible » par un pool à administration centralisée, alimenté par les contributions en question, qui seraient rendues publiques sur un site Internet, par exemple, et dont l’argent serait réparti entre les diverses manifestations. Je peux très bien m’imaginer qu’un tel soutien financier puisse être visible lors d’une manifestation, à peu près sous la forme suivante : « Ce cours a reçu 25.000 francs suisses du pool pharmaceutique, que nous remercions ». Il faudrait probablement se pencher aussi sur les expositions organisées par l’industrie lors des manifestations plus importantes, qui dégénèrent de plus en plus en un « big business ». 

(…) C’est assez pénible qu’il faille interdire explicitement à des professeur(e)s d’université de faire figurer leur nom sur des articles qu’ils n’ont pas écrit eux-mêmes, mais qui ont été rédigés par des auteurs fantôme (« ghostwriters ») de l’industrie pharmaceutique. Et pourtant, les initiés savent très bien que de telles pratiques ne sont pas inhabituelles. Il y a une autre exigence importante, consistant à interdire que des professionnels de santé soient payés individuellement sans que l’on sache quelle est exactement la prestation fournie. (…) Si une firme veut proposer de l’argent sans rapport avec un projet bien défini, elle peut le faire en versant cette somme à un service centralisé de la faculté respective, et c’est à celle-ci de décider en toute indépendance de la meilleure utilisation de ce financement. L’information sur ce mode de financement industriel comme sur celui portant sur des projets concrets de recherche doit être rendue publique en détail, sous une forme facilement accessible ; pour ce faire, le moyen le plus simple reste toujours Internet.

S’agit-il là d’exigences utopiques ? Certainement pas. Mais elles concernent des institutions et des professionnels de santé tellement nombreux que l’on peut craindre de voir des groupes d’intérêts miner ces propositions d’amélioration – ou alors les amender au point de les vider de leur essence ».  

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