Le vaccin Gardasil est là. Mais où sont les souches HPV 16 et 18? Très faible prévalence de ces sérotypes, selon une étude du JAMA

Le titre est volontairement provoquant, en réponse aux commentaires de M. O’Dowd (qu’un autre commentateur a reconnu comme étant un visiteur médical), postés à la fin de la note « Le vaccin Gardasil, très critiqué en Allemagne ». On nous recommande de faire vacciner nos filles contre deux sérotypes HPV potentiellement oncogènes qui représentent à peine 2,3% de toutes les infections par papillomavirus dans un pays industrialisé tel les Etats-Unis… Je donne les sources, puis les chiffres en détail à la fin, pour ceux qui ne lisent pas l’anglais et/ou ne comprennent pas certains termes.

Les pourcentages donnés par Arznei-Telegramm quantifiant la faible prévalence des génotypes HPV 16 et 18 (contre lesquels le Gardasil est censé protéger) résultent d’une étude par les autorités fédérales américaines compétentes : le CDC (Center for Disease Control and Prevention) et le National Center for Health Statistics. Effectivement, on voit la différence dans les résultats, dès lors qu’une étude est financée sur fonds publics… Voici les références de l’étude correspondante publiée par le Journal de l’Association Américaine de Médecine : Dunne EF, Unger ER, Sternberg M, et al. Prevalence of HPV Infection Among Females in the United States ”. JAMA.2007; 297: 813-819, (février 2007). Et le texte complet.

Les résultats sont commentés dans l’éditorial du numéro respectif de JAMA : Weller and Stanberry, « Estimating the Population Prevalence of HPV » (JAMA.2007; 297: 876-878) et dans un article de l’Institut National du Cancer aux Etats-Unis.

Les mêmes résultats sont repris dans les revues médicales sérieuses (je ne parle évidemment pas des revues payées par l’industrie, et pas non plus des émissions santé à la télé…). Dommage que personne n’en ait parlé en France! Ils correspondent aux estimations précédentes pour les Etats-Unis. Mais d’abord un petit résumé 😉

Il y a quatre génotypes de HPV (ou PVH – papillomavirus humain en français) contenus dans le vaccin : 6, 11, 16 et 18. Les génotypes 6 et 11 peuvent être responsables de verrues génitales (on est d’accord sur le fait que les implications ne sont pas les mêmes). Parlons seulement des génotypes 16 et 18, puisqu’il est question de cancers… Ce sont là deux génotypes sur les (à peu près) 16 qui ont un potentiel cancérogène. Sachant que l’infection par un génotype cancérogène de papillomavirus humains (HPV) n’est pas la cause unique d’un cancer du col de l’utérus. C’est un co-facteur. Et que même en cas d’infection par l’une de ces souches-là, dites à haut risque, la plupart des femmes verront l’infection combattue efficacement par leur seul système immunitaire, sans aucun traitement.

Comme le dit le Dr Dunne, auteure principale de l’étude sur la prévalence, « il y a beaucoup de mécompréhension concernant l’histoire naturelle complexe du papillomavirus humain. (…) Ce n’est pas parce qu’une personne est infectée qu’elle en sera malade. C’est une infection commune, et elle disparaît d’elle-même dans beaucoup de cas ». Elle disparaît et la personne est immunisée. Ces affirmations rejoignent celles des épidémiologistes et spécialistes indépendants, tels le Pr Abby Lippman au Canada, le Pr Alvarez-Dardet en Espagne, le Dr Diane Harper…

Même lorsqu’on en arrive à des dysplasies cervicales intraépithéliales modérées (ou CIN 2 ou NCI 2), 40% d’entre elles régressent spontanément, raison pour laquelle, comme le souligne Arznei-Telegramm dans deux textes dont on reprendra les détails, elles ne sont pas cataloguées parmi les dysplasies nécessitant d’emblée un traitement.

Le marketing, la communication et la publicité de Merck et Sanofi Pasteur parle du Gardasil comme d’un vaccin contre le cancer du col de l’utérus. L’allégation est fausse et, par la désinformation qu’elle crée, elle risque de mettre en danger les filles et jeunes femmes vaccinées, dans la mesure où elle véhicule le message trompeur qu’avec le vaccin, il n’y a plus de risque de cancer du col.

Outre le fait que le vaccin ne se réfère qu’à 2 génotypes HPV sur les 16 à haut risque cancérigène, la seule affirmation que Sanofi puisse faire après trois ans d’étude de phase III, c’est que ce vaccin protège pendant trois ans contre une dysplasie de moyen grade par les génotypes 16 et 18 (et les deux autres, HPV 6 et HPV 11 pour les verrues). A trois ans. C’est tout. Et encore, même cette efficacité-là est plus réduite que ce qu’affirment les industriels pharmaceutiques, comme l’a souligné Arnzei-Telegramm dans l’analyse des essais cliniques Future.

On ne sait pas quel est l’impact préventif à long terme (s’il y en a) sur les dysplasies cervicales de haut grade (néoplasies cervicales intraépithéliales CIN 3 ou NCI 3), précurseurs du cancer, et encore moins sur les adénocarcinomes in situ. Sans parler du cancer invasif en tant que tel.

Il faudrait beaucoup plus de recul pour pouvoir affirmer un tel effet préventif, vu la lenteur de l’évolution d’une telle lésion. Lenteur qui permet – comme le soulignent tous les spécialistes qui ne sont pas à la solde de Sanofi Pasteur MSD et de Merck ou ne se laissent pas embobiner par la propagande – de dépister et de soigner une éventuelle dysplasie avant d’en arriver au cancer. Dépistage et frottis qui ont le mérite de dépister tous les 16 génotypes cancérogènes, sans parler de tous les autres avantages d’un suivi gynécologique régulier !

Monsieur O’Dowd pense que la revue médicale Arznei-Telegramm ferait une « confusion entre incidence des types d’HPV responsables, 70% et incidence des cancers du col 2,3% ». Monsieur, je crois que, avant de contredire le Center for Disease Control et des revues médicales de la taille de JAMA, CMAJ et Arznei-Telegramm, il faut vérifier vos sources… Votre employeur vous a désinformé. Sanofi affirme que ces deux génotypes sont responsables de 70% des cancers du col de l’utérus – peut-être. Mais peut-être à l’échelle mondiale. Tous les chiffres présentés dans la publicité de la firme incluent les pays pauvres et en voie de développement, où le cancer du col de l’utérus est bien plus fréquent. Mais on sait parfaitement que le cancer du col de l’utérus se situe entre la dixième et la 12ème position dans les causes de mortalité féminine par cancer dans les pays industrialisés.

Oui, on pourrait dire qu’il s’agit d’un débat de riches, mais pas comme l’entend M. O’Dowd… Sanofi vend aux pays riches un vaccin qui aurait sa raison d’être (à supposer qu’il soit efficace et sans trop de risques) dans des pays pauvres, là où le cancer du col de l’utérus est un véritable problème, là où les génotypes HPV 16 et 18 sont fréquents, où il n’y a pas de dépistage, pas de frottis, pas de moyens de traitement…

La situation est tout autre dans les pays industrialisés. Et, justement, il n’y a pas 2,3% de cancers du col… Une équipe américaine ayant travaillé sur la question (pour le compte du fabricant Merck) parlait, pour l’année 2005 de 10.400 cas de cancer sur 20 millions d’infections. Attention, il s’agit de cancers impliquant TOUS les génotypes HPV. Et des Etats-Unis, où près de 50 millions de personnes n’ont pas d’assurance-maladie. Les femmes touchées sont pour la plupart celles qui n’ont pas la possibilité de faire un dépistage régulier, ni pour le HPV ni pour d’autres cancers et maladies… Tous les critiques le disent et réclament l’amélioration de cet état de choses, qui concerne bien plus que le HPV… Même l’argumentaire du Comité technique des vaccinations français fait valoir que le programme rigoureux de dépistage, de frottis, etc., tel qu’il a cours dans les pays nordiques, a fait baisser de 80% les chiffres du cancer du col (qui était de toute façon loin d’être un problème de santé publique…). Tous les génotypes confondus – et c’est quelque chose que le Gardasil ne peut pas faire, par définition.

Il ne s’agit nullement de minimiser la souffrance des femmes touchées, mais de la leur éviter à toutes, pas seulement à celles qui contracteront une infection par les HPV 16 et 18, en insistant sur ce qui est vraiment efficace comme moyen de protection et de prévention. Et qui n’expose pas non plus à des risques inconnus d’effets indésirables  les dizaines de millions de femmes françaises qui n’auront aucune dysplasie dans leur vie. Et aucun cancer.

Les chiffres donnés par l’article qui cite Arznei-Telegramm sont tout à fait exacts. Ce sont les mêmes qui sont repris par tous les spécialistes, mais ignorés, bien entendu, par Sanofi Pasteur MSD, puisque ça ne l’arrange pas… Oui, selon les statistiques dont j’ai donné les références au début de la note, au total, parmi toutes les femmes de 15 à 49 ans qui sont infectées par le HPV, seulement 3,4% le sont (ou l’ont été) par l’un des quatre génotypes de HPV contre lesquels protège le vaccin (6,11,16,18). Aucune femme n’est infectée par les quatre types HPV à la fois. Parmi ces 3,4%, seules 2,3% sont concernées par le génotype 16 (1,5%) ou par le génotype 18 (0,8%), qui sont à haut risque oncogène. Et seules 0,10% des femmes infectées le sont à la fois par le HPV 16 et le HPV 18. Le pourcentage de 2,3%, cité par le directeur d’Arznei-Telegramm et repris dans l’article du journal Süddeutsche Zeitung, quantifie la fréquence des deux sérotypes oncogènes 16 et 18 et pas le  taux de cancer du col dans la population féminine, comme M. O’Dowd voulait le faire croire.

Ces chiffres confirment des statistiques plus anciennes qu’on peut consulter à sa guise dans les revues spécialisées. Une estimation faite sur la base d’un échantillon représentatif brésilien arrivait à des pourcentages semblables : 2,7% des femmes brésiliennes infectées le sont soit par le génotype 16 soit par le 18. Nous sommes très loin du danger qui guette toutes les femmes en âge de se reproduire. Vacciner 100% des jeunes filles – avec un vaccin à efficacité inconnue et aux effets indésirables dont on commence déjà à parler – parce qu’il y a une infime possibilité qu’elles soient un jour infectées avec ces deux gnéotypes-là, c’est loin d’être raisonnable… Les rares femmes qui font une dysplasie puis un cancer après une infection par l’un des 16 virus à haut risque oncogène, les font la plupart du temps parce qu’elles n’ont pas eu un suivi gynécologique correct, incluant les frottis cervico-vaginaux, le dépistage d’une infection HPV problématique comme d’autres maladies gynécologiques. Et parcequ’elles ont un ou plusieurs facteurs de risque (ou co-facteurs: pauvreté, tabagisme, antécédents de maladies sexuellement transmissibles et d’inflammation du col de l’utérus, usage prolongé de contraceptifs, naissances multiples, partenaires sexuels multiples dans des conditions de promiscuité, immunodépression, etc.)

On est dans la situation assez habituelle : l’industrie pharmaceutique a sorti un produit – le vaccin Gardasil – qu’il faut vendre le plus possible. Le pharmacommerce de la peur est une stratégie marketing qui crée un énorme marché par la désinformation massive et la culpabilisation des parents. On désinforme en extrapolant des chiffres qui valent pour le tiers monde, on désinforme en extrapolant les chiffres – obtenus dans les essais Future I et II chez les jeunes femmes de 16 à 26 ans – aux jeunes filles de moins de 16 ans, qui n’ont pas été suivies. Tout ce que Merck et Sanofi disent, c’est que chez elles aussi, le vaccin Gardasil mène à la formation d’anticorps. Quel est le taux d’anticorps optimal ? Mystère. Quelle est la durée de l’immunisation ? Mystère. Quel est l’effet préventif sur les dysplasies de haut grade ? Mystère.

Quel est l’impact du Gardasil s’il est administré à des jeunes filles déjà infectées par les souches 16 et 18 ? Il n’y a pas de dépistage prévu avant, et il n’est pas sûr du tout que les jeunes filles diront à leurs parents qu’elles ont déjà eu des rapports sexuels, surtout précoces… Sans parler du fait que la transmission du HPV ne se fait pas que par la voie génitale…

Le comble est que Sanofi Pasteur envisage maintenant l’extension de l’AMM du Gardasil à toutes les femmes de moins de 45 ans (non infectées par les souches en question) et ne se limite plus du tout à la vaccination préventive des jeunes filles… Vacciner une femme de 44 ans, pourquoi ? Pour qu’elle ne fasse pas une très hypothétique légère dysplasie à HPV 16 ou 18 vers ses 90 ans ?? Et Sanofi a le culot de demander aussi une extension de l’AMM aux cancers de la vulve et du vagin. Sur quelle base scientifique ? Mais peu importe s’il n’y a pas de besoin médical, surtout pour les génotypes 16 et 18 ; le principe du commerce en général, c’est que l’offre crée la demande… Il suffit de faire assez peur et de faire passer ça pour de la médecine… Médecine fast food, prescrite par la pub, comme le dernier sandwich McDo.

Je propose de revenir à la raison: il faut envoyer le Gardasil combattre là où il a plus de chances de rencontrer ses ennemis (les génotypes 16 et 18), à savoir dans le tiers monde, dans les pays pauvres. A condition que son efficacité et sa sécurité d’emploi, son absence de risque d’éffets indésirables graves soient démontrées. Donc s’il s’avère qu’il a un rapport bénéfices/risques favorable et qu’il puisse être efficace… Il y a beaucoup trop de « si ».

Elena Pasca

 

Une réflexion sur “Le vaccin Gardasil est là. Mais où sont les souches HPV 16 et 18? Très faible prévalence de ces sérotypes, selon une étude du JAMA”

  1. Il faut distinguer plusieurs choses : La prévalence des infections à HPV 16 et 18 est une donnée qui ne doit pas être confondue avec avec la fréquence de ces mêmes virus en cas de cancers invasifs du col : Retrouvés dans 71.5% des cancers ( Munoz ) . En france l’étude EDITH faite auprès de 15 centres ( Riethmuller ) montre une fréquence de 76.4% pour le 16 et 18.9% pour le 18. Donc ces 2 génotypes sont principalement en cause dans la survenue des cancers invasifs du col utérin, contrairement à ce que laisse supposer votre article.
    Quant à l’efficacité des vaccins , en protégeant contre les dysplasies CIN2 et CIN3 dues à ces 2 vrus, on peut penser qu’ils protègent contre les lésions invasives provoquées par ces 2 sérotypes . Seul, le suivi à long terme permettra de confirmer cette hypothèse . La possibilité de l’augmentation de fréquence des 14 autres sérotypes n’étant pas exclue; c’est apparemment ce qui se passe avec les pneumocoques sérodivergents des sérotypes du Prévenar depuis 1 an
    Il faut souligner que pour apprécier l’efficacité d’un vaccin on ne peut attendre pour des raisons éthiques l’apparition d’un cancer, dans un essai randomisé.
    Le problème est le coût prohibitif de ce vaccin , ce qui entrainera la non utilisation dans les familles des couches sociales défavorisées . On sait que ce sont les femmes issues de ces milieux qui ne se font pas ou peu dépister . Une étude récente a bien montré que c’est l’absence de frottis qui est le premier facteur de risque du cancer invasif . La commercialisation du Gardasil ne changera donc pas beaucoup l’incidence de ce cancer en France( 3400 avec environ 1000 décès en 2000), mais rapportera beaucoup à Sanofi .

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