Après l’extrait d’une chronique de Hervé Kempf (« Ubu président ») sur la disparition de l’écologie du paysage préélectoral et des commentaires sur la mollassonnerie de la demande française de moratoire sur le maïs transgénique MON 810 de Monsanto, qui pourrait n’être que de pure forme, je reprends un communiqué de presse. Daté du 29 février 2012, il est signé par la Fondation Sciences Citoyennes et le réseau ENSSER (European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility : Réseau européen des scientifiques pour une responsabilité sociale et environnementale). Plusieurs scientifiques de Sciences Citoyennes participent à ce réseau.
L’on voit à nouveau que les discours marketing de Monsanto sont infirmés jour après jour par les recherches : l’insecticide produit par la variété MON 810 ne tue pas seulement les insectes ciblées, mais aussi d’autres. La toxine Bt constitue un danger aux proportions inconnues, imprévisibles et incontrôlables.
Or la pression des lobbyistes qui promeuvent les intérêts de Monsanto auprès des décisionnaires nationaux et européens et très forte et la clause de sauvegarde française pourrait n’être bientôt qu’un souvenir. Certes, le 20 février, la France a demandé de nouveau à l’Union européenne de suspendre l’autorisation du MON 810 et précisé que le pays pourrait prendre des « mesures conservatoires » d’interdiction temporaire de la culture de ce maïs insecticide Bt.
Mais, selon le site Actu-Environnement, le dossier étayant cette demande semble être fait sans trop de conviction, plutôt pour la forme, sans user de tous les arguments scientifiques disponibles actuellement. Selon Guy Kastler, de la Confédération paysanne, « Le gouvernement dispose d’énormément de moyens juridiques pour rendre sa demande solide mais ne les utilise pas ».
Il est donc fort possible que le maïs transgénique arrive bientôt en France… Et ce n’est pas un organisme tel que le Haut conseil des biotechnologies qui l’en empêchera. Et encore moins Initiatives Biotechnologies Végétales (IBV), groupement d’industriels agricoles lobbyiste pour les OGM, qui « fédère l’interprofession semencière et les organisations professionnelles impliquées dans le développement de semences performantes et innovantes pour apporter des solutions durables aux agriculteurs » (citation du site d’IBV). Seuls les profits sont durables dans une telle entreprise…
Et l’on connaît la perméabilité des organismes public décideurs, et plus précisément de leurs experts, aux conflits d’intérêts. Comme le rappelle Actu-Environnement, « [d]ans un avis sur le MON810 publié en décembre 2009, le Comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies (HCB) confirmait que les données étudiées ne révèlent pas »d’effet majeur du maïs MON 810 sur l’environnement » mais qu’il était »difficile de conclure à une absence totale de risque » ( »l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence ») »… »
De plus, nous n’avons même plus de ministre de l’environnement, même si elle n’était là que pour la forme, depuis que Nicolas Sarkozy est passé du discours pseudo-écologiste de 2007 au discours plus sincère du genre « l’écologie, ça commence à bien faire »… Pirouette, girouette, dans le sens du vent électoraliste… Nathalie Kosciusko-Morizet est porte-parole de la campagne de Nicolas Sarkozy, et le règne de ce dernier s’apparente de plus à celui d’un « Ubu président », selon le titre d’une « chronique écologie » de Hervé Kempf dans Le Monde du 26 février. Extrait de la chronique:
« D’ailleurs, le président-candidat insiste auprès des agriculteurs, dans Agra Presse, le 24 février : « Ils auront noté que j’ai demandé à François Fillon de prendre en charge le ministère (de l’écologie), ce qui est un signe. » Oh, les gros sabots !
Imagine-t-on que le pays pourrait ne pas avoir de ministre de la défense, de l’économie ou de la santé pendant quatre mois, de février à mai ? Mais l’environnement, « on le fiche dans le coffre de la voiture, pour faire disparaître les traces du crime » (Ubu enchaîné, Alfred Jarry), et tout le monde s’en bat l’oeil, « par ma chandelle verte « . Notons, n’étant pas poète, que, dans l’aventure, pendant que l’on déroule le tapis rouge aux chasseurs – par une loi votée sans un murmure le 23 février, accordant notamment une rente fiscale aux propriétaires d’installations de chasse -, on enterre des décrets qui étaient prêts à l’adoption, comme celui sur la trame verte et bleue (réseau de zones naturelles) ou celui sur la responsabilité sociale des entreprises. Que le Forum mondial de l’eau, à Marseille, se déroulera en mars sans que le ministre concerné y participe. Que la préparation du sommet de Rio, en juin, est abandonnée aux fonctionnaires. Il faudra surveiller attentivement le Journal officiel pour découvrir les décisions avantageuses que M. Fillon y fera passer dans ses dernières semaines… (…) »
Voici le communiqué de la Fondation Sciences Citoyennes et du réseau ENSSER :
Des chercheurs suisses confirment les effets létaux de la toxine Cry1Ab du maïs génétiquement modifié MON810 sur les jeunes larves de coccinelle
« La contre-étude qui remettait en cause ces résultats est fondée sur une méthodologie erronée.
Dans une publication récente du 15 février, des chercheurs de l’Institut fédéral suisse de technologie (ETH) de Zürich, sous la direction du Dr Angelika Hilbeck [1], confirment les résultats d’une étude précédente selon lesquels, dans les tests de laboratoire, la toxine insecticide Cry1Ab de la bactérie du sol Bacillus thuringiensis (Bt), dans sa version produite par les maïs génétiquement modifiés (GM) Bt tel que le MON810, augmente la mortalité chez les jeunes larves de coccinelle (Adalia bipunctata). Celles-ci font partie des organismes non-cibles, c’est-à-dire censés ne pas être affectés par ces maïs GM et la toxine qu’ils produisent.
Cette première étude, publiée en 2009 [2], et qui avait conduit le gouvernement allemand, au printemps de cette même année, à interdire la culture commerciale du maïs MON810, a fait l’objet d’une attaque en règle par des partisans des OGM au sein de la revue scientifique « Transgenic Research » (2011) [3] allant jusqu’à qualifier l’étude de Hilbeck et coll. de “pseudo-science”.
Non seulement la nouvelle étude suisse confirme la première mais leurs auteurs ont également élucidé la raison pour laquelle la contre-étude de 2011 avait conduit à des conclusions opposées : les protocoles qui ont été utilisés sont conçus de telle sorte qu’ils ne permettent même pas de mettre en évidence un effet négatif clair de la toxine Bt Cry1Ab produite par le maïs MON810 lorsque l’organisme testé est pourtant l’organisme ciblé par cette toxine, à savoir les larves de la pyrale du maïs.
On ne peut que s’inquiéter des attaques systématiques dont font l’objet les études qui remettent en cause l’innocuité environnementale et sanitaire des plantes génétiquement modifiées, quand d’autres études biaisées telles que celles qui ont conclu à l’innocuité de la toxine Bt sur la larve de la chrysope verte alors que celle-ci est incapable de l’ingérer, n’ont suscité la moindre critique de la part de ceux qui se revendiquent de la « vraie science » (« sound science »). Bien que ces dernières années, l’Agence américaine de protection de l’environnement a reconnu l’inadaptation des tests sur la chrysope pour évaluer les risques de cultures GM, ils constituent toujours la base pour l’approbation des cultures Bt de la part des autorités européennes.
En réaction à la toute récente étude de l’équipe d’Angelika Hilbeck, le professeur Brian Wynne du Centre du Royaume-Uni pour les aspects économiques et sociaux de la génomique (Cesagen) à l’Université de Lancaster, s’inquiète que « les autorités européennes, après la mise en œuvre d’une législation sur la biosécurité théoriquement fondée sur le principe de précaution et tout en exigeant des recherches et des évaluations scientifiques rigoureuses des risques écologiques pendant deux décennies, se basent encore sur des protocoles systématiquement erronés et sur des données élaborées et promues par l’industrie de la biotechnologie et leurs collaborateurs scientifiques ».
Cette fausse controverse sur les expériences relatives aux effets de la toxine Bt Cry1Ab sur la coccinelle A. bipunctata souligne la nécessité de définir des protocoles rigoureux et reconnus par l’ensemble de la communauté scientifique pour garantir une évaluation pertinente des risques environnementaux et sanitaires. Fondation Sciences Citoyennes et le Réseau européen des scientifiques pour une responsabilité sociale et environnementale (ENSSER) exhortent les autorités européennes à réviser les autorisations actuelles des plantes génétiquement modifiées pour la culture commerciale et/ou la consommation animale et humaine, et à exiger une expertise contradictoire, transparente et indépendante. »
Contacts
Dr Christian Vélot, Université Paris-Sud 11, vice-président d’ENSSER, 06 70 34 78 45, christian.velot@u-psud.fr
Dr. Angelika Hilbeck, ETH Zürich, (P) +41 44 6324322, (E) angelika.hilbeck@env.ethz.ch
Dr. Hartmut Meyer, ENSSER, (M) +49 162 1054755, (E) hmeyer@ensser.org
« Le Réseau européen des scientifiques pour une responsabilité sociale et environnementale (ENSSER) oeuvre pour une expertise scientifique indépendante, et le développement des connaissances nécessaires à l’évaluation critique des technologies existantes et émergentes. L’objectif de ENSSER est la promotion de la science en tant que bien public, et de la recherche pour la protection de l’environnement, la diversité biologique et la santé humaine contre les effets néfastes des nouvelles technologies et de leurs produits. ENSSER préconise l’utilisation bénigne et pacifique des découvertes scientifiques et des développements technologiques, tout en élargissant des approches diverses pour évaluer leur utilité sociale et leur sécurité. Plus d’informations disponibles à l’adresse: http://www.ensser.org«
Notes
[1] Hilbeck, A et al. 2012. A controversy re-visited: Is the coccinellid Adalia bipunctata adversely affected by Bt toxins? Environmental Sciences Europe 2012, 24:10 doi:10.1186/2190-4715-24-10
Open Access: www.enveurope.com/content/24/1/10
[2] Schmidt et al. 2009. Effects of Activated Bt Transgene Products (Cry1Ab, Cry3Bb) on Immature Stages of the Ladybird Adalia bipunctata in Laboratory Ecotoxicity Testing. Archives of Environmental Contamination and Toxicology 56(2):221-228
www.springerlink.com/content/4317km7733582u32/
[3] Alvarez-Alfageme F et al. 2011. Laboratory toxicity studies demonstrating no adverse effects of Cry1Ab and Cry3Bb1 to larvae of Adalia bipunctata (Coleoptera: Coccinellidae): the importance of study design. Transgenic Research 20(3):467-479
Open Access: http://rd.springer.com/article/10.1007/s11248-010-9430-5