« Labo-Planète ou Comment 2030 se prépare sans les citoyens », par Jacques Testart, Catherine Bourgain et Agnès Sinaï (compte-rendu détaillé)

Jacques Testart, Agnès Sinaï, Catherine Bourgain: « Labo-Planète ou Comment 2030 se prépare sans les citoyens ». Mille et une nuit 2010, 175 Labo Planète couverture.jpgpages, 10 euros. (Avec Mémoire des luttes et la Fondation Sciences Citoyennes).

J’ai fait le compte-rendu de ce livre, fort instructif et lui-même déjà très bien référencé, à travers quelques-unes de mes propres références philosophiques : la Théorie critique, Jürgen Habermas, Michel Foucault, Michel Freitag, Richard Sennett, Kant… qui permettent au lecteur qui aura lu et l’ouvrage et mes commentaires d’aller encore plus loin dans l’histoire de cette problématique et ses implications.

Bien entendu, tout compte-rendu est imparfait et incomplet. De plus, mes références peuvent orienter la lecture. Je conseille vivement de lire le livre, qui a le mérite d’exposer sans catastrophisme aucun les grandes lignes d’une problématique globale qui devrait devenir prioritaire pour nous tous.

Ceux qui ne s’intéressent qu’à l’industrie pharmaceutique, à la médecine (la médicalisation de l’existence, l’impact des innovations…) et aux conflits d’intérêts en santé / médecine ne seront pas déçus, ni dépaysés, parce que cette dimension est elle aussi présente, soit directement à travers des exemples, soit indirectement à travers la réflexion globale qui permet de mieux placer ce domaine dans son contexte et comprendre les tensions et les jeux d’influence qui le traversent et en déterminent la configuration actuelle.

Agnès Sinaï est journaliste environnementale et maître de conférence à Sciences Po. Jacques Testart (biologiste, directeur de recherche honoraire à l’INSERM) et Catherine Bourgain (généticienne, chercheuse à l’INSERM) font partie des fondateurs en 2002 de l’Association pour une Fondation Sciences Citoyennes (FSC), et le détail est important, car ce livre est issu du cycle de dialogues « Sciences Planète » organisé entre octobre et décembre 2007 par la FSC pour offrir un cadre à des échanges multidisciplinaires autour d’une interrogation fondamentale pour l’association : le présent de la science et de la recherche prépare-t-elle un avenir autre, qualitativement différent, ou s’agit-il de continuer le même, le présent avec ses scories et tares structurelles qu’une science sans limites éthiques continuera de creuser jusqu’au point de non retour ?

Les auteurs prennent soin de donner quelques repères historiques et explications terminologiques, permettant ainsi à un public très large de comprendre la distinction entre la science et ses applications finies et marchandes que sont les technosciences, ainsi que de saisir où et comment viennent se greffer les intérêts marchands et les conflits d’intérêts qui en résultent, et quels sont les mécanismes d’instrumentalisation de la science par le néolibéralisme.


Un questionnement de la rationalité instrumentale, des technosciences et de la destruction de la nature consacré par la Théorie critique

Les représentants de la Théorie critique (Ecole de Francfort) se sont saisis de ce questionnement présent dans la culture allemande depuis le romantisme (et son volet politique) et lui ont consacré une série d’essais de référence depuis les années 30. En France, le terme « technoscience » s’impose avec le philosophe belge Gilbert Hottois dans les années 70.

Ce qui frappe d’abord à la lecture de ces analyses, c’est la capacité des technosciences à faire système : c’est un « complexe scientifico-industriel qui va du labo au marché, et réciproquement ». Un complexe dont la généalogie au sens nietzschéen du terme n’est pas aisée ; mais elle est urgente, car déconstruire ce complexe dans ses éléments et exposer les facteurs et les déterminants socio-historiques précis qui les ont amenés à s’agréger de la façon que l’on connaît montre qu’il n’y a là rien d’inéluctable, rien de nécessaire. Cette évolution est historique, nullement inscrite dans la nature, et par conséquent, elle peut être arrêtée, modifiée, renversée…

La science n’est pas une fin en elle-même et, n’en déplaise à Max Weber, ni elle ni l’expertise ne sont neutres sous l’angle de l’idéologie et des valeurs. En 1968, Jürgen Habermas a fait une analyse détaillée des conséquences technoscientifiques d’une hypertrophie de la rationalité instrumentale, qui tend à prendre la place de la Raison, évacuant tous les autres régimes de rationalité (esthétique, communicationnelle…). Le titre du livre en dit long : La technique et la science comme idéologie, et il peut être lu comme une continuation des livres fondateurs de ce questionnement, en particulier La Dialectique de la Raison de Theodor W. Adorno et Max Horkheimer.

La modernité induit un double mouvement : une technicisation de la science (avec la technique comme application idéologique de la science) et une scientificisation des savoirs, qui aboutit à exclure tout ce qui ne se soumet pas aux exigences de la production industrielle et du profit. Ce complexe scientifico-industriel se politise sans en avoir l’air et s’intègre à tous les rouages des cadres administratifs et institutionnels des sociétés occidentales. Avec les risques inhérents à cette omniprésence, et en particulier celui d’une phagocytose tacite de la démocratie par la gestion technocratique, d’un remplacement progressif de l’espace public politique (Öffentlichkeit) par des expressions encadrées et guidées par les techniques de questionnement, qui permettent une « fabrique de l’opinion » (Noam Chomsky) à coups de sondages et autres moyens qui orientent les réponses. Et ce tout en gardant certaines apparences qui servent d’alibi et d’écran de fumée. Le corollaire en est le développement d’une « conscience technocratique », dont les repères et les références sont uniquement techniques, technoscientifiques, et qui ne conçoit pas l’existence de la moindre sphère de socialité libre de technique. Un tel « Brave New World » dans lequel les technosciences ont définitivement colonisé le monde de la vie (Lebenswelt) ne se pose plus de questions et n’a plus de soucis, puisque l’administration technocratique s’en charge et que la technoscience idolâtrée est capable de fournir toutes les solutions.


La neutralité éthique et idéologique de la science est un leurre qui ne profite qu’aux marchands

Sans se référer directement à la Théorie critique, c’est dans ce cadre de pensée que s’inscrivent les auteurs de Labo-Planète, qui citent une déclaration très inhabituelle dans le monde politique, faite en 2005 par l’ancien ministre britannique de l’Environnement du gouvernement Blair : « La science n’est pas, et n’a jamais été, une recherche de la vérité libre de valeurs. C’est une construction sociale influencée par une variété de règles, de pressions de groupes de pairs et d’attentes personnelles et culturelles. Elle est développée, comme toute pensée humaine, à partir de jugements construits sur des préconceptions, suppositions et dogmes, d’autant plus puissants qu’ils sont souvent inconsciemment tenus. » Raison pour laquelle « la science ne peut être pleinement acceptée que si elle est poursuivie avec les plus rigoureuses procédures qui garantissent une indépendance totale et une liberté des biais commerciaux et politiques. Ce n’est bien trop souvent pas le cas aujourd’hui. Les implications pour la politique sont claires (…) : si le gouvernement veut réellement une recherche indépendante, il doit être prêt à payer pour cela, et non pas se coucher, comme il l’a fait (…). Le gouvernement devrait aussi exiger qu’aucun membre des comités consultatifs ou des organes de régulation n’ait de liens financiers présents ou passés ou de liens commerciaux avec l’industrie concernée » et que « les contributeurs aux journaux scientifiques devraient dévoiler totalement les sources de fonds actuelles et passées, de telle sorte que les conflits d’intérêts puissent être exposés et pris en compte ».

Le discours idéologique vulgarisant la science est loin de ces exigences
… Il mystifie la science en une activité neutre, comme si elle était impénétrable aux influences extérieures, et notamment au régime socio-économique, et ce pour qu’elle puisse servir, sans aucune interrogation critique, de véhicule aux intérêts privés des acteurs économiques majeurs. Intérêts qu’elle occulte opportunément grâce au langage formalisé qui semble impartial, neutre et objectif, dépourvu de biais et d’intérêts autres que « l’intérêt de connaissance » (Erkenntnisinteresse selon Habermas). Or les intérêts particularistes et les conflits d’intérêts qu’ils induisent sont rendus invisibles par cette formalisation, qui servira aussi de fondement à des politiques régissant toutes les dimensions du quotidien et elles-mêmes grevées par des liens d’intérêts et les influences des divers lobbies. Le lobbying (et ses diverses facettes) est structurant dans ce jeu de groupes de pression auquel semble se réduire la démocratie dans l’acception néolibérale utilitariste.

Tout un discours se fonde sur cette prétendue neutralité : un discours formulé dans les termes d’une éthique dévoyée, qui reste prisonnier d’une vision linéaire et continue du progrès et assimile progrès de la science et progrès de l’humanité. Le recours à un discours éthique en apparence est destiné à entériner l’idée d’obligation, d’absence de choix, d’automatisme : comme si tout produit de la science devait être accepté sans questionnement par les citoyens, comme s’ils avaient l’obligation – au nom d’un progrès technique de l’humanité placé rétroactivement dans les constantes de l’anthropologie culturelle – d’accepter les risques d’un « trial and error » sans fin.

Cette acceptation non réfléchie se justifie d’autant moins que, dans ce cadre politico-économique utilitariste où l’éthique se réduit à la légitimation des efforts individuels pour la maximisation des intérêts privés, nous sommes loin d’une science travaillant dans l’intérêt général. Et loin du progrès des connaissances fondamentales, puisque l’absolutisation de cet « avatar industriel » qu’est la technoscience se traduit par la prééminence de programmes finalisés et limités de recherche, visant l’obtention de produits immédiatement brevetables et rentables. C’est un aspect finement analysé par Michel Freitag, en particulier dans son essai de 1995, Le Naufrage de l’université. Et l’offre crée la demande pour ces objets de masse qui donnent l’illusion d’une personnalisation (Baudrillard), car le règne du marketing et du conformisme se charge de créer des faux besoins. Contrairement aux idéologèmes en vogue, la recherche scientifique ne vise plus l’accroissement du savoir et de l’innovation – radicalement différente de la série infinie de gadgets – qui permettrait de mettre la recherche scientifique au service du « bien commun », de l’intérêt général, pour combler de vrais besoins. On se borne à l’exploitation des connaissances passées pour en tirer de nouvelles applications futiles, dont l’une entraîne l’autre.


Marchandisation de la science et de ses produits, dimension de la globalisation en tant qu’hégémonie planétaire du particularisme économique néolibéral

De tels gadgets ne semblent pas dangereux ; mais ils ne sont que la facette ludique, les produits d’appel, la vitrine des technosciences. D’autres applications scientifiques entraînent bien plus d’effets indésirables, potentiellement irréversibles. Les auteurs donnent de nombreux exemples, tels que le brevetage du vivant et les nombreuses biotechnologies. Ils montrent aussi comment, par le jeu des lobbies et des dépendances induites par les conflits d’intérêts, une thématique de recherche partielle – car ne reflétant nullement un besoin, mais un intérêt commercial – peut devenir un objectif pour l’ensemble des institutions de recherche internationales. Plantes génétiquement modifiées, cellules souches, nanomatériaux, agrocarburants et d’autres sont des exemples de succès d’un lobbying qui met en marche un projet de technoscience qui n’a rien de rationnel, mais n’occupe pas moins toute la « mégamachine, toute cette organisation de masse déterminée par l’emprise de la technique et de l’économie ».

Cette emprise se perpétue à travers une organisation désormais mondialisée qui favorise les intérêts marchands au détriment de besoins non lucratifs, de savoir-faire, de techniques, et d’approches ancestraux relevant des « biens communs » et restés effectifs dans certains domaines.

Ces biens communs n’intéressent que dans la mesure où ils peuvent devenir des biens de consommation, et donc la propriété d’une de ces multinationales qui créent des oligopoles à l’échelle globale pour tout emprisonner dans des brevets. Ce n’est plus la valeur d’usage, mais la valeur d’échange qui compte, avec des conséquences dont la portée échappe au citoyen non averti : « Définissant une valeur marchande pour toutes les découvertes, y compris fondamentales, le brevet permet aux marchés de devenir des évaluateurs de recherche, réduisant ainsi les prérogatives des pairs de la communauté scientifique, historiquement seuls juges. » Cette marchandisation qui impose ses critères partout crée aussi des biais automatiques et des mécanismes de censure inconscients, contribuant « à l’intériorisation dans le milieu scientifique de normes et cibles de la valorisation industrielle, bien au-delà des seuls « conflits d’intérêts » liés aux contrats et aux collaborations directes avec les grandes firmes. (…) Cette suprématie des logiques de rentabilité financière à court terme limite inévitablement la capacité collective de nos sociétés à produire des connaissances libres, à élaborer une expertise publique indépendante et à développer des innovations d’intérêt général (logiciel libre, santé publique au Nord et au Sud, développement et agriculture durables) ».

De plus, la recherche est désormais dirigée par des managers, des responsables marketing, commerciaux et financiers qui sous-traitent des recherches limitées à une myriade de start-up et de laboratoires, alors que les centres de recherche ferment. Cette organisation favorise la mainmise et le contrôle d’une information qui ne circule plus naturellement, mais passe par les filtres déformants des responsables commerciaux. Qui en profitent souvent – et l’industrie pharmaceutique est l’exemple parfait en la matière – pour « l’adapter » et la rendre commercialement acceptable, ce qui veut dire que l’information est souvent manipulée, réécrite, embellie, tronquée pour favoriser les ventes.

Selon les desiderata de la vulgate néolibérale globalisée, il faut « flexibiliser le système », le soumettre aux exigences des marchés financiers. Ce qui se fait entre autres à travers les partenariats public–privé, qui achèvent la mise au pas de la recherche publique, son asserviss
ement en vue de la production d’applications technoscientifiques brevetées exclusivement par les firmes privées, qui s’assurent ainsi des bénéfices constants sur les deniers publics… Le Plan Alzheimer en France – grevé par des conflits d’intérêts à tous les niveaux et dont les bénéfices iront à Sanofi-Aventis et aux assureurs, sans aucune avancée fondamentale dans le traitement de la maladie – ainsi que le programme européen Innovative Medicines Initiative (et sa politique des brevets) en sont deux exemples représentatifs.


Technosciences aux risques imprévisibles, technosciences outils de contrôle social…

De nos jours, le risque induit par l’apprenti sorcier de jadis, qui se sert désormais d’une « mégamachine » globale,  ne peut plus être circonscrit, car il s’est échappé depuis longtemps des laboratoires… Les applications de la science risquent ainsi non seulement d’anéantir leur racine commune, mais d’anéantir l’humanité elle-même. C’est un thème largement abordé en particulier depuis la deuxième guerre mondiale, par la Théorie critique qui analyse les exactions nazies faites au nom de la science et le premier « mélange » entre science et administration, de même que par Günther Anders et ses essais sur la bombe atomique et l’envolée non maîtrisée d’une technique qui rend même « l’homme obsolète »… Des écrivains tels que Günter Eich ou Hans Magnus Enzensberger ont contribué à cette réflexion ; ce dernier s’est penché sur la manie de la classification, de la catégorisation, de l’emprisonnement du vivant dans les cases imparties – ce que Zygmunt Bauman appellera pus tard la « dialectique de l’ordre », dont il analyse les implications morales.

La polysémie du terme « ordre » nous fait comprendre que les applications technoscientifiques sont devenues des outils parfaits de contrôle social, voire de production de nouvelles formes d’organisation sociale : social engineering. Les dispositifs de domination changent d’apparence, disséminent partout, tout en devenant invisibles et illisibles.

A cause de son omniprésence et de l’autoréférentialité, la technoscience peut détruire tous nos repères, toutes nos catégories ; ainsi, on n’a plus les mêmes rapports de classe directement intelligibles, mais un monde administré, dominé par une logique systémique autoréférentielle (Michel Freitag) qui s’autorégule selon des règles internes, sur lesquelles les principes moraux semblent ne plus avoir de prise. Il suffit de penser aux technologies NBIC (nano, bio, info, cogno) et BANG (bits, atomes, neurones, gènes), pour mesurer la différence par rapport aux moyens passés de quadrillage et de surveillance du social – et mesurer aussi la difficulté d’encadrement éthique de ces applications.

Et lorsque les principes moraux liés à la raison et distincts des applications historiques concrètes se vident de leurs sens, lorsqu’il n’y a plus de niveau transcendantal (la modernité et ses principes universalisables), les sciences sociales conçues comme non productives sont les premières à succomber aux contenus empiriques, pour ainsi dire… Et avec la perte de toute normativité qu’entraîne le relativisme moral ambiant, elles se réduisent à des techniques de « gestion opérationnelle », assurant la gestion et le contrôle technocratiques du social, selon les termes de Michel Freitag.

L’on assiste ainsi à ce qui se présente comme l’apogée de la raison des Lumières, mais qui doit se lire comme la destruction de la raison au moyen de ses propres produits – les technosciences issues de la rationalité instrumentale – une fois qu’ils se sont absolutisés de la sorte. C’est une trahison des Lumières, qui concevaient encore science et éthique comme allant de pair, toutes deux tirant leurs notions des concepts logiques, indissociables des principes éthiques dans la pensée antique. Les éléments de langage sont là pour attester de ce lien intime : en allemand, outre la conscience (Bewusst-sein [être conscient]), on parle de Gewissen pour la conscience morale, « wissen » signifiant « savoir ».


De l’homo demens au citoyen responsable

A lire la description de l’homo demens dans Labo-Planète, on mesure le chemin à parcourir… A la fois maître et esclave de la société technoscientifique, il a une « propension à la démesure et à la destruction ». L’homo demens est aussi un « homme augmenté », avec un corps « fabriqué », investi de part en part par la médecine et les applications technoscientifiques, à coups de biométrie, de radio-identification (RFID), de nanotechnologies, de techniques médicales telles que la procréation médicalement assistée allant de plus en plus vers une sorte d’eugénisme libéral traduit dans le tri des embryons et l’enfant à la carte ; sans parler d’autres « prothèses de puissance inédite à l’interface du vivant et de l’inerte ».

Ces corps augmentés, artificiellement standardisés et normalisés au moyen de prothèses et de médicaments, transposent en pratique progressivement cette biopolitique dont parlait Michel Foucault en décrivant la médicalisation infinie qui discipline les corps. Discipline veut dire surveillance, et d’autres technosciences se chargent de ce contrôle social, pour veiller à l’ordre.

Or les conséquences des vertiges techniques de l’homo demens nous ont entraîné dans une situation de fragilisation de la planète tout entière, dans un monde nouveau qui émerge à coups de catastrophes climatiques, de dégâts de l’agriculture productiviste, de modifications urbanistiques et de changements tels que la disparition programmée des énergies fossiles.

Au citoyen de prendre la relève, d’abord pour « se réconcilier avec le vivant » et des savoirs autres que technoscientifiques, pour repenser la coexistence homme – nature et chercher à explorer les capacités de résilience de la nature, des écosystèmes bouleversés. C’est à l’échelle de l’écosystème qu’il nous faut désormais penser, en tenant compte « de l’ensemble des interactions qui lient entre eux et avec leur milieu de vie ».


Réaffirmation de la citoyenneté, préalable des propositions d’un front commun de chercheurs et citoyens engagés

Il faut former les citoyens, leur donner les moyens conceptuels et les formes démocratiques d’expression qui leur permettent de comprendre et « de penser qu’il n’existe pas d’intérêts propres de la science qui justifieraient qu’on leur aliène les valeurs de la civilisation. Il faut cultiver chez les citoyens l’audace de se prétendre juges de ce que font les laboratoires ». Dans ce contexte, il est édifiant de voir que la proposition la plus exigeante de refonte globale du système actuel d’évaluation et d’expertise vient de tels « juges » citoyens : de la Fondation Sciences Citoyennes, en particulier par sa proposition de loi sur l’institution d’une instance éthique appelée Haute autorité de l’expertise et de l’alerte, qui fixerait les principes d’une déontologie de l’expertise, conçue comme systématiquement indépendante, pluraliste, multidisciplinaire, contradictoire – et faisant place à l’expertise citoyenne. La Haute autorité serait aussi chargée de définir les étapes de l’élimination progressive des conflits d’intérêts, en commençant par le contrôle des déclarations des experts, de même que de définir l’alerte et les critères de sa reconnaissance, puis les modalités de reconnaissance des lanceurs d’alerte et de leur protection.

Une telle législation entraînerait des réformes indispensables dans le droit du travail, le droit à l’information et le droit d’expression et permettrait à la France de rattraper son retard en la matière. Car dans notre pays, les lanceurs d’alerte n’ont d’autre choix que d’agir individuellement, s’exposant à des représailles de la part de leur hiérarchie comme des lobbies dont les intérêts sont lésés par les alertes ; et nous en sommes toujours au stade où la charge de la preuve est inversé et où les industriels ainsi favorisés peuvent se servir des lois (celle sur la diffamation, par exemple) pour intenter des poursuites-bâillon afin d’intimider le lanceur d’alerte et de dissuader d’autres. C’est ce qu’on appelle des SLAPP (strategic lawsuit against public participation).

C’est à nous tous de veiller à l’intérêt général, d’oser exercer publiquement notre raison (le sapere aude kantien) pour domestiquer ses rejetons et les assigner à résidence surveillée, pour combler l’abîme entre science et éthique creusé toujours plus par un néolibéralisme qui est le seul à en tirer des bénéfices sonnants et trébuchants… A nous d’investir l’espace public politique qui permet à la fois notre construction en tant que citoyens – au-delà des particularismes individuels -, et la construction de la communauté politique. Parce qu’il nous incombe de nous saisir de nos capacités décisionnaires, au sens juridique républicain du terme, afin d’encadrer ces processus en amont.

Cette conception diffère en tous points de ce que l’on entend de nos jours par « débat public », qui sert d’alibi et de justification après coup, comme on l’a vu pour les nanotechnologies, puisqu’il est mis en place après que les décisions ont été prises et que les investissements majeurs ont été faits… C’est cette falsification de l’esprit républicain et de la démocratie, réduite à un jeu de pouvoir et d’influences, que tente de contrer la proposition de loi de la Fondation Sciences Citoyennes, portant sur les conventions de citoyens. Il s’agit d’une forme de démocratie participative qui permettrait à des citoyens sans conflits d’intérêts – sélectionnés selon des critères de représentativité et formés selon des points de vue différents, contradictoires, multidisciplinaires – de prendre des décisions en connaissance de cause, traduisant ainsi la capacité juridique de chaque citoyen en réalité politique et éthique pour lui et la communauté politique républicaine. Pour qu’un tel projet prenne une dimension véritablement démocratique, il faut le soustraire à l’arbitraire qui entache les formes actuelles de débat public où l’avis des citoyens n’est pas pris en compte, en l’inscrivant « dans l’ordre juridico-politique » qui entraînerait systématiquement l’organisation d’un débat parlementaire « autour des recommandations établies par les citoyens, au cours duquel, le cas échéant, les élus pourraient exposer les raisons pour lesquelles ils décident de ne pas suivre certaines des recommandations ».

C’est un citoyen actif qui investit l’espace public politique (Öffentlichkeit) pour s’approprier les enjeux scientifiques et œuvrer à la démocratisation d’une technoscience soustraite à la seule influence du marché. Les auteurs accentuent cette dimension de mobilisation et d’engagement nécessaires, qui relèvent en fait de la définition républicaine du citoyen, celui-ci exerçant sa citoyenneté dans une dialectique permanente entre son autonomie privée et publique (Habermas, Gauchet, Nicolet). Mais l’engagement ne va pas de soi dans cette ère narcissique qui signe le « déclin de l’homme public » (Richard Sennett) et voit le remplacement du citoyen par des avatars individualistes ajustés aux rôles socialement valorisés.

Des associations telles que la Fondation Sciences Citoyennes jouent un rôle d’autant plus important ; elles doivent d’abord « développer les moyens pour le public d’accéder à tous les aspects de la production technoscientifique pour participer effectivement aussi bien au choix des grandes priorités qu’à certaines activités de recherche et au devenir des innovations. On est bien loin de la conception actuelle de la vulgarisation / consommation de la science, qui maintient le citoyen passif devant une science-spectacle sur laquelle il n’a aucune prise. Mais qu’il doit admirer afin de « lui faire confiance »…»


Responsabilité scientifique, sociale et environnementale des chercheurs, qui doivent rompre leur isolement et aller à la rencontre des citoyens

La Fondation se propose aussi de briser l’isolement entre chercheurs, scientifiques et « société civile » (ce terme ne va pas de soi à mes yeux, mais il permet de simplifier le propos). Pour que les scientifiques sortent de leur tour d’ivoire et des vases clos dans lesquels les maintient une industrie soucieuse de ne pas les voir contaminés par des interrogations éthiques et de responsabilité. Dans cet enfermement, ils endossent plusieurs rôles, qui ne sont toutefois pas ceux que la société est en droit d’attendre d’eux, parce qu’ils découlent de l’emprise industrielle sur la science. Selon l’historien des sciences Jean-Jacques S
alomon, cité par les auteurs, les scientifiques sont tour à tour « chercheurs, gestionnaires, industriels, commerçants, consultants, gourous, experts, stratèges (…) ou trafiquants ». Et leur dépendance croissante à l’égard des industriels et de leurs intérêts mercantiles entraîne « un clivage de personnalité du scientifique, qui revient à prétendre que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite ». Entre des scientifiques ainsi instrumentalisés se crée « une communauté du déni », leur permettant de refuser et même d’occulter leurs responsabilités.

Or ils doivent réaliser que leur activité n’est pas neutre, qu’ils ne peuvent pas se cacher derrière les utilisations que d’autres font de leur travail et ont une responsabilité individuelle et collective pour les applications et les conséquences de leurs recherches. Pour mieux agir en ce sens, la Fondation Sciences Citoyennes a contribué aussi à la création du Réseau européen des chercheurs engagés pour une responsabilité sociale et environnementale ENSSER (European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility).


Démocratisation de la technoscience : une urgence sur l’ordre du jour des organisations citoyennes engagées

La démocratisation de la technoscience, et en général des choix scientifiques et techniques, ne saurait s’arrêter à quelques initiatives, vite accaparées par les lobbies, telles que la création de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques). Il s’agit d’une urgence, parce que les technosciences colonisent très rapidement notre monde de la vie (Lebenswelt) et induisent des changements souvent irréversibles dans nos modes de vie et dans l’écosystème. Il faut trouver des moyens démocratiques pour endiguer « les désirs de profit ou de puissance de quelques-uns », restreindre leur accès au pilotage du devenir humain, car « [l]es acteurs de la technoscience, c’est-à-dire surtout les chercheurs et les industriels auxquels ils sont liés, n’ont pas de légitimité pour définir seuls les domaines d’intervention et les solutions à rechercher ». Il est inacceptable que « des pans importants de l’économie échappent totalement à la société civile, (…) à ses choix ». Inacceptable que les besoins de celle-ci, qui sont en grande partie non lucratifs, ne soient pas reconnus, que les pouvoirs publics ne laissent aucune chance à la « science ouverte », qui implique de soustraire « le vivant et le savoir [au] champ du brevet » et de favoriser l’information à travers des publications en libre accès. De plus en plus d’organisations de la société civile protestent contre le désintérêt des autorités publiques pour l’expertise citoyenne et la recherche participative, pour le tiers secteur scientifique contribuant à la production de « savoirs et d’innovations socialement utiles ».


Une science créative et une nouvelle alliance autour de trois axes

Concluons ce compte-rendu des grandes lignes du livre par l’appel global – lancé dans Labo-Planète et récemment dans un communiqué de presse de la Fondation Sciences Citoyennes qui l’applique au domaine de la santé : un appel à la création d’un front commun de réflexion, de proposition et d’action :

« La production des savoirs et des savoir-faire, les modes de consommation et de production et les politiques publiques sont interdépendants. Notre capacité à nous réconcilier avec le vivant ne repose pas uniquement sur la capacité de la communauté à développer de nouveaux savoirs. Elle appelle une nouvelle alliance entre citoyens, consommateurs, chercheurs et paysans ».

Une nouvelle alliance rendue indispensable par l’incapacité des technosciences à répondre aux enjeux globaux actuels, elles qui se basent surtout sur la réduction de complexité devenue le modèle tacite de plusieurs disciplines scientifiques qui simplifient et fixent une réalité complexe et mouvante, impossible à emprisonner dans des cases, des taxinomies et des brevets. Les problèmes que pose cette réalité faite de systèmes vivants en perpétuelle interaction ne sauraient être résolus en recourant à des « kits technologiques », à des solutions toutes faites imaginées par le passé pour des systèmes conçus sur le mode mécanique et statique et dont on pensait connaître et maîtriser l’ensemble. Reconnaître l’échec des approches réductionnistes ne veut pas dire baisser les bras, ni rejeter en bloc science et recherche :

« Loin d’être un frein à la recherche, cette situation est un appel à la créativité. L’enjeu est désormais de développer des savoirs et savoir-faire capables d’intégrer cette dimension d’incertitude radicale. Construire des démarches réflexives sur les effets collatéraux de la recherche. Mettre au point des méthodologies d’évaluation des impacts directs et indirects, de court, moyen et long terme. Explorer dans toutes leurs dimensions les approches de prévention primaire (…). Réhabiliter la puissance d’innovation disséminée dans la société sous forme de savoirs « profanes » ». Un processus qui devrait se dérouler autour de trois axes qui pourraient réunir les acteurs de cette nouvelle alliance : « ouvrir la recherche et l’innovation au questionnement démocratique, réaffirmer et organiser les conditions d’une véritable pluralité dans la pratique des sciences, développer les interactions entre sciences et autres formes de production de savoirs ».

Elena Pasca

Copyright Pharmacritique

11 réflexions au sujet de “« Labo-Planète ou Comment 2030 se prépare sans les citoyens », par Jacques Testart, Catherine Bourgain et Agnès Sinaï (compte-rendu détaillé)”

  1. Bon conseil de lecture, merci, je vais commander le livre. J’avoue n’être intéressée que par des approches rationnelles, qui n’intègrent pas la dimension de croyance qu’on voit chez les décroissants radicaux, chez ceux qui prônent une écologie « profonde » (deep ecology), pour qui tout ce qui est technique et nouveau est rejeté par principe. comme les nanotechnologies, forcément mauvaises. Et vive la nature, comme si tout ce qui est naturel est forcément bon en soi.
    Ce n’est pas mon approche.
    Cordialement,
    Marion

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  2. Vous avez parlé plusieurs fois de la Fondation Sciences Citoyennes. Ce compte-rendu se lit comme une invitation.
    Cependant, sur leur site, je ne vois pas beaucoup de références à la santé. Aurais-je mal cherché? c’est plutôt l’environnement, l’agriculture bio, les OGM, éventuellement la santé environnementale…Certes, il y a les propositions de loi sur l’expertise et l’alerte et sur les conférences (ou conventions) de citoyens. (Ou peut-être d’autres, ma recherche était sommaire)
    La santé est-elle une dimension que cette association souhaite investir? Dans tous les cas, il serait intéressant d’ouvrir ce type de questionnement de la recherche et des sceinces aux professionnels de santé.
    Cdt

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  3. « Il faut cultiver chez les citoyens l’audace de se prétendre juges de ce que font les laboratoires »
    Et j’ajouterai « …juge de ce que font les comités d’experts institutionnels, c’est à dire mandatés pat l’État »
    Pour illustrer cela je me permets de renvoyer au dernier article de mon blog « Vaccination hépatite B et sclérose en plaques chez les enfants : une étude aussi contestable que révélatrice » où je pointe certaines erreurs fondamentales sur la pratique des tests par les épidémiologistes.
    http://questionvaccins.canalblog.com/archives/2011/04/10/20863058.html

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  4. voici un lien découvert dans une revue médicale sous influence 🙂 qui toutefois est très intéressant :
    http://www.patricklagadec.net/fr/
    Il s’agit du site de Mr Patrick Lagadec directeur de recherche à l’Ecole Polytechnique (Département d’Economie, Laboratoire d’Économétrie) qui consacre ses recherches à la compréhension et au traitement du phénomène de rupture et de crises « hors cadres » .
    vous trouverez ses vidéos à la rubrique  » Live vidéo et audio « et entres autres ses interventions concernant la gestion de la grippe H1N1.
    Il souhaite que la société civile soit entendue et participe à la mise en définition et en oeuvre des actions de terrain à mener en cas de crise hors cadre. Il est très clair et c’est là que cela devient terrible.
    On ne l’entend pas.
    Pour preuve écouter ne serait ce, que son intervention à l’Assemblée Nationale le 4 Juin 2010 : « H1N1, et si c’était à refaire ? »
    A la fin de son intervention il n’y a aucuns commentaires de la part du Sénateur Jean-Pierre Door.
    Mais tout n’est pas perdu par la magie d’internet :-;
    PS je n’ai pas de conflit d’intérêts (directs et indirects ) avec cette personne et ai pris la liberté de reproduire ses écrits car sans annotations restrictives de sa part

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  5. Ne le prenez pas mal: le site de la Fondation Sciences Citoyennes parle beaucoup trop d’agriculture (les mots-clés confirment), de bio et de tout ce qui va avec. Trop par rapport au programme et au nom même de cette ONG. quelle différence d’avec Greenpeace ou d’autres assoces écologistes?
    J’espère que l’agriculture et la décroissance n’ont pas « colonisé » le livre. Comme Marion et JPA, l’écologie décroissante avec les couches lavables et les guérisseurs et dieu la nature ne m’enthousiasment pas tant que ça. Je ne suis pas prête à jeter des fatwas sur toute innovation technologique, quoique pas non plus prête à les accepter toutes sans broncher.
    Mais votre présentation est alléchante. Vous n’avez pas perdu la main 😉 il y a quelques années déjà, j’achetais la plupart des livres que vous présentiez dans ce trimestriel de philo dont le nom m’échappe: Freitag, Gauchet, Le Bras, Wismann, Bechtel, Sennett… Je n’ai pas été déçue.
    Voyons si ça continue 😉
    Et bonne continuation!

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  6. Bonjour,
    Merci à tous pour vos remarques. Je fais juste un passage rapide pour signaler un très bon article signé Agnès Sinaï, co-auteure du livre Labo-Planète.
    Elena Pasca / Pharmacritique
    http://www.actu-environnement.com/ae/news/expertise-scientifique-independance-pluralisme-12370.php4
    « L’expertise scientifique, entre confinement et citoyenneté »
    Début:
    « L’affaire du Médiator comme la catastrophe de Fukushima sont plus que des accidents isolés. Elles révèlent une certaine faillite de l’expertise et posent la question de la compétence et de l’indépendance des experts au temps de la société du risque. »
    Et voici la fin, où il est question des propositions de loi de la Fondation Sciences citoyennes:
    « L’interaction de la science et du débat public accentue la demande de contre-expertise. L’association Vivagora milite pour une expertise coopérative, « un changement d’état d’esprit au-delà des systèmes pré-existants : Il n’y a pas de neutralité technologique. Toute technologie contient des valeurs. Il faut les discerner, les révéler, les expliciter », souligne Dorothée Benoît-Browaeys, déléguée générale de cette association, qui a lancé un cycle de co-expertise sur les nanotechnologies et organise un Parlement du futur. La Fondation Sciences citoyennes porte une proposition de loi visant à renforcer la protection des lanceurs d’alerte en leur consacrant un statut spécifique et propose d’instaurer, comme au Danemark, des conventions de citoyens préalablement formés aux enjeux débattus, pour ouvrir le champ du débat. Il s’agit d’innover non pas seulement d’un point de vue technologique, mais d’investir aussi dans l’innovation démocratique. La recherche publique aussi peut s’intéresser aux savoirs alternatifs sur la santé environnementale par exemple, les semences paysannes, les énergies renouvelables ou les logiciels libres, sous la forme d’un tiers secteur scientifique. »

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  7. [Note d’Elena: Je poste un commentaire reçu par courriel de Jacques TESTART, président et fondateur de la Fondation Sciences Citoyennes (Il y a de nouveau un dysfonctionnement technique. Certains commentaires ne passent pas, ne s’affichent pas, ou alors dans le désordre. Toutes mes excuses!). Voici sa réponse:]
    « Les commentaires soulèvent deux questions:
    -celle de la confusion entre la critique des sciences et l’obscurantisme. Mais les lecteurs de pharmacritique ne peuvent pas ignorer que toute innovation (exemple: Médiator) n’est pas nécessairement un progrès et doivent admettre que des situations comparables existent dans tous les domaines. Ce sont ces convergences qui occupent la FSC (que je préside). On ne peut qu’encourager ces personnes à nous lire mais cela signifie aussi que nous devons être plus clairs, y compris sur le renouvellement (et pas la mort) de la recherche que nous préconisons dans une société de décroissance économique et de restructuration écologique.
    -celle de la place prépondérante de l’’agriculture dans nos thématiques. C’est un choix historique lié aux centres d’intérêts de nombreux fondateurs de la FSC mais aussi à l’importance du thème (rapport à la nature, qualité de l’alimentation,…) et à sa capacité d’imager nos thèses (poids des lobbies, actions pour la démocratie, tiers secteur,…).
    Cela n’ interdit pas d’explorer d’autres domaines , pourvu d’en avoir les moyens (membres impliqués et disponibles), la santé par exemple où nous retrouvons bien des similitudes (conflits d’intérêts, expertises orientées, déni du bien public,…)
    Pourtant la FSC ne veut pas se spécialiser pour apporter une expertise scientifique (agriculture, santé, nanos,…) mais est une association généraliste qui tente de devenir experte en contrôles et propositions pour faire progresser la démocratie en ces domaines. »

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  8. L’intervention de Patrick Lagadec aux auditions parlementaires sur la grippe H1N1 m’avait fait très forte impression. J’avais regardé plusieurs fois la vidéo. Il parlait donc des crises « hors cadre » comme le rappelle Gyuran et m’avait fait pouffer de rire quand il mettait en scène les experts « dans le cadre » et qui s’excusent : « que voulez-vous qu’on y fasse, le virus n’a pas respecté les plans… »
    C’était bien vu ! Par définition les experts, nommés par une autorité, expertisent selon les normes en vigueur et se rendent ainsi incapables d’appréhender ce qui est hors normes.
    Il suffit d’ailleurs de relire les affirmations lancées en 2009 sur ce qu’allait être la pandémie et l’assurance des modéliseurs. En regardant de plus près on constate que dans les études des épidémiologistes il y a beaucoup d’erreurs techniques qu’on ne peut pas toutes liées à des conflits d’intérêts. En voici un exemple tout simple : l’usage de la règle de 3 : 3 choux coûtent tant combien coûtent 10 choux ? Il faut que tous les choux soient au même prix. Mais en épidémiologie ça n’arrive jamais alors que la fameuse règle est utilisée comme pour évaluer le nombre de cas évités par le BCG qu’on peut illustrer par une histoire de carottes pourries :
    80% des carottes sont traitées avec un produit ayant 60% d’efficacité contre la pourriture. On a trouvé tant de carottes pourries. Combien le traitement en a-t-il évité ? Une simple règle de 3 donne le résultat. Sauf que 80% des carottes étaient au grenier en milieu sec et que c’est surtout là qu’on a traité et que les autres étaient à la cave en milieu humide et que c’est surtout là qu’on a trouvé les carottes pourries. Que vaut la règle de 3 ? Rien du tout.
    Je ne vous fait pas un dessin, c’était exactement la situation de la tuberculose et du BCG chez les enfants. Pourtant c’est ainsi qu’avait été évalué le nombre de cas évités par le BCG chez les enfants et que cette évaluation avait été publiée et présentée partout en 2006-2007 quand il y a eu l’affaire du BCG SSI et la levée de l’obligation. Pour le président de la commission d’audition sur le BCG c’était un très beau modèle mathématique alors qu’avec des carottes on pourrait expliquer en primaire pourquoi ça ne vaut rien.
    On parle beaucoup des conflits d’intérêts, il le faut sans doute, mais il n’y a pas que cela.

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  9. Ce livre donne un aperçu précis de l’approche transversale, ouverte et pragmatique des travaux de la Fondation Sciences citoyennes.
    La Fondation oeuvre à l’indispensable rééquilibrage de la relation entre Sciences & Société, au sein des démocraties modernes. Notre association agit concrètement. Ses membres et salariés conduisent une veille citoyenne, gèrent des projets, produisent et diffusent de l’information et de la connaissance, contribuent au développement de réseaux locaux et internationaux, comme à l’amélioration du cadre législatif et institutionnel. D’autres adhérents choisissent simplement de soutenir cette démarche. Vous l’aurez compris, nous apportons simplement une contribution pour bâtir notre avenir et celui des générations qui nous suivent.
    Pourquoi les questions environnementales, agricoles et alimentaires occupent une place importante sur le site, demande JPA?
    C’est d’abord pour des raisons historiques (profils et préoccupations des fondateurs, de leurs partenaires, priorités initiales, flux d’information, etc.).
    Par ailleurs, l’alimentation (et donc l’agriculture) ainsi que l’environnement sont des lieux privilégiés pour que les citoyens marquent leur volonté de choix, ne serait ce que par le fait que nous nous alimentons trois fois par jour…! Et force est de constater que l’avis du citoyen consommateur est pour le moins ignoré, voire totalement bafoué par les « sciences officielles » d’aujourd’hui.
    Dans ce contexte, toutes les énergies sont les bienvenues, notamment dans la santé, pour déployer nos actions dans les différents domaines où des besoins existent.
    Bonne lecture et bienvenue,
    Yanick, membre de la Fondation Sciences Citoyennes

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  10. Yanick nous dit qu’alimentation et donc agriculture sont fondamentaux car nous mangeons 3 fois par jour (ou plus !). OK , c’est évident, l’aliment, sa préparation agricole, son stockage, sa conservation et sa préparation culinaire ont une importance considérable dans la santé. Comme tout ce que nous mettons dans notre corps, y compris l’air que nous respirons, les pensées que nous entretenons et les émotions qui nous animent et là c’est pas 3 fois par jour mais en continu jour et nuit y compris pendant le sommeil et les rêves.
    Chacun voit midi à sa porte, moi compris et le problème qui nous préoccupe et nous occupe sera toujours le plus important. C’est humain et normal mais il faut le savoir. L’alimentation c’est capital mais pas parce que nous mangeons 3 fois par jour, ça c’est pas un argument.
    A Fukushima ceux qui auront été irradiés en quelques minutes vont s’en souvenir très longtemps. Au temps de la vaccination antivariolique un seul vaccin introduit en quelques secondes pouvait, par une encéphalite ou un eczéma vaccinatum, perturber très gravement toute une existence ou l’anéantir rapidement. Nul besoin d’en prendre 3 fois par jour pendant 50 ans !
    Aujourd’hui, les vaccins hexavalents réalisés dès l’âge de 2 mois font de gros dégâts comme le constate mon médecin qui voit arriver dans son cabinet des enfants vaccinés ainsi par ses collègues et des mamans inquiètes. Une seule injection et la vie de l’enfant est changée. De même avec les abcès du BCG SSI quand il faut les traiter avec des antimycobactériens (le BCG est une mycobactérie comme le BK) c’est à dire des antituberculeux comme l’isoniazide avec des conséquence hépatiques. Etc…
    Et tout ça pour quelle utilité car si nous sommes contraints de nous nourrir, de respirer, d’emmagasiner les radiations des centrales nucléaires, est-il vraiment indispensable de vacciner un nourrisson en France dès l’âge de 2 mois contre la diphtérie, la polio, l’hépatite B ? Plus tard peut-être mais à 2 mois certainement pas. Or il est parfaitement établi que plus on cumule de valences dans un vaccin moins il est efficace et plus il est dangereux.

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  11. Merci à Yanick et à Jacques Testart pour leurs réponses!
    Monsieur Testart, j’admire votre travail, vos prises de position sur les questions de bioéthique débattues encore tout récemment. Votre approche argumentée et sans blocage idéologique, sans anathème a priori est la meilleure façon de convaincre. Vous m’avez fait réfléchir sur des questions qui ne se posaient même pas auparavant; je ne me considérais pas concernée, ni en mesure de réagir, parce que je n’ai pas de compétences.
    J’ai appris à réfléchir aux enjeux, de diverses questions, grâce à des penseurs comme vous, et j’ai appris qu’on pouvait et devait réagir grâce à ce que le monde associatif appelle expertise citoyenne. J’en ai entendu parler sur ce blog, et l’exemple d’Elena Pasca ici même montre qu’il ne faut pas abandonner ces questions au spécialistes, qu’on doit et qu’on peut agir. Je n’en suis pas encore au blog à succès 😉 seulement adhérente à plusieurs associations à vocation plutôt sociale et politique.
    Je bloque sur la décroissance, peut-être à cause de préjugés, je ne sais pas.
    La Fondation me paraît être une initiative salutaire: les sciences au service de l’intérêt général, c’est un rêve! On ne peut qu’être d’accord! Comme avec les prises de position sur les conflits d’intérêts et les propositions de loi sur la déontologie de l’expertise et sur l’alerte. J’ai lu les communiqués postés sur Pharmacritique et des articles où elle en parle.
    Au moment où certains se liguent pour dénigrer Pharmacritique, qui serait « totalitaire » à cause de son intransigeance sur les conflits d’intérêts et sur la transparence, et qu’ils réclament une tolérance (!?) pour les conflits d’intérêts et des exceptions à la transparence, selon des « critères » personnels, je réalise à quel point cette position exigeante et sans compromis tranche avec l’ignorance confortable, et voulue ou acceptée, dans laquelle nous nous complaisons pour la plupart.
    j’aurais envie de répéter qu’il y a des maisons pour la tolérance…
    Je voudrais vous encourager, vous et Elena, bien sûr, à persévérer dans cette voie.
    Vous pourriez mettre en place des actions ou des sessions de formation thématique. Car le besoin d’information pour comprendre les conflits d’intérêts et leurs empreinte sur les formes d’organisation usuelles dans nos sociétés est énorme. C’est le vide sidéral actuellement.
    Développer la dimension santé, oui, je ne peux qu’être d’accord avec JPA. Et peut-être sommes-nous devenus plus réceptifs, mieux vaut tard que jamais, avec toutes ces catastrophes sanitaires…
    Bravo à vous et bonne continuation!
    Et peut-être à bientôt, si je trouve le temps pour un autre engagement…
    Cordialement,
    Christelle

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