Héparines : production, commercialisation, sécurité des héparines chinoises et risque d’encéphalopathie spongiforme bovine (exposé scientifique I)

[Note d’Elena Pasca: cette présentation et explication scientifique richement documentée et référencée, daté du 20 octobre 2010, fait partie des documents rassemblés sur le site de la Fondation Sciences Citoyennes, qui a mené une campagne de soutien (coordonnée par moi, Elena Pasca) au lanceur d’alerte Jacques Poirier. Puisque les documents sont dans un grand fichier PDF téléchargeable, donc plus difficiles d’accès, Didier Levieux m’a demandé de reprendre cette présentation sur Pharmacritique, afin de compléter, par cet exposé scientifique, les articles déjà parus sur le blog, dans la catégorie « Héparines chinoises, Lovenox°, prion, chondroïtine », et accessibles à partir de cette page. A noter que le Dr Levieux a déjà publié sur Pharmacritique un article édifiant intitulé « Jacques Poirier et les héparines de Sanofi : « conflit de travail » ou sécurité sanitaire négligée ? »]

Par le Dr Didier Levieux

Directeur de recherches honoraires à l’INRA

1. L’héparine : indications, mode d’action, structure

2. La production d’héparine

3. La commercialisation de l’héparine en France

4. L’importance économique de l’héparine pour Sanofi-Aventis

5. L’importance économique des héparines chinoises

6. Le problème de la sécurité des matières premières d’origine chinoise

7. Les conséquences de l’encéphalite spongiforme bovine (ESB)

8. Le risque d’encéphalopathie spongiforme transmissible (EST)

9. Les « Matériaux à Risque Spécifié », la liste actuelle

10. Les possibilités de sécurisation de l’héparine

10.1 Qualité des sources de matières premières et leur traçabilité

10.2 Capacité du procédé de fabrication à inactiver le prion

10.3 Contrôles analytiques

10.3.1. Contrôle de la matière première princeps : la muqueuse intestinale

10.3.2 Contrôle de l’héparine en cours de purification (héparine « brute »)

10.3.2.1. Détection des contaminants spécifiques d’espèce

10.3.2.1.1. Recherche de fragments d’ADN spécifiques d’espèce

10.3.2.1.2. Recherche de protéines spécifiques

10.3.2.2. Recherche de contaminants polysaccharidiques

10.3.3 Contrôle de l’héparine pure

11. La contamination de l’héparine par la chondroïtine persulfatée

11.1 Les accidents mortels aux Etat-Unis

11.2 Chondroïtine sulfate, chondroïtine persulfatée ?

11.3 L’origine de la contamination : la filière chinoise

11.4 La toxicité de la chondroïtine persulfatée

12. Aux Etats-Unis, le Congrès s’inquiète

13. Où en est-on aujourd’hui? Une évolution inquiétante de la Pharmacopée européenne et française

1. L’HEPARINE : INDICATIONS, MODE D’ACTION, STRUCTURE

L’héparine est un anticoagulant, c’est-à-dire un médicament qui empêche la formation de caillots dans les vaisseaux sanguins. Elle est principalement utilisée pour traiter les thromboses veineuses profondes constituées et l’embolie pulmonaire en phase aiguë, l’infarctus du myocarde, l’angor instable, les embolies artérielles extracérébrales et certaines coagulopathies. Elle est également prescrite pour prévenir les accidents thromboemboliques artériels en cas de cardiopathie emboligène, de thérapeutique endovasculaire et de chirurgie artérielle vasculaire. Une autre indication est la prévention des thromboses veineuses lors d’alitements prolongés (lors d’insuffisance cardiaque, de post-infarctus ou d’accident vasculaire cérébral ischémique avec paralysie des membres inférieurs). Elle est indiquée en milieu chirurgical (particulièrement lors d’interventions orthopédiques importantes telles que  la pose d’une prothèse de la hanche, la chirurgie du genou), ainsi que  pour la prévention de la coagulation dans les circuits de circulation extra-corporelle et d’épuration extra-rénale.

La durée des traitements à base d’héparine est généralement de l’ordre d’une dizaine de jours (un mois pour une prothèse de la hanche), la relève étant ensuite assurée, si nécessaire, par des anti-vitamine K.

L’héparine empêche la coagulation du sang en se fixant sur l’antithrombine, une protéine de la famille des inhibiteurs des sérines protéases qui sont impliquées dans la cascade de la coagulation (facteurs VIIa, XIa, IXa, Xa, IIa). Une fois liée à l’héparine (via des séquences particulières), l’action inhibitrice de l’antithrombine sur cette cascade est démultipliée.

L’héparine a de nombreuses autres activités qui ne sont pas encore exploitées : action sur la lipoprotéine-lipase et sur la prolifération des muscles lisses, inhibition de l’activation du complément, activité anti-inflammatoire, angiogénique et anti-angiogénique, anti-cancéreuse et antivirale. Elle intervient dans la régulation d’évènements nucléaires (Coyne, 1981 ; Ekre et al, 1992 ; Holodniy et al, 1991; Jackson et al, 1991 ; Merchant et al, 1986 ; Spear et al, 1992. Elle peut trouver des utilisations potentielles dans le traitement de la maladie d’Alzheimer (Cornelli et al, 1996 ; Mc Laurin et al, 1999) Enfin, elle a la capacité d’interagir avec des centaines de protéines différentes. Toutefois, selon l’équipe de Camussi, l’héparane sulfate pourrait être la molécule endogène responsable d’une grande partie des propriétés biologiques attribuées à l’héparine (Camussi et al, 1996).

L’héparine est un mélange complexe de polysaccharides, hétérogènes en poids moléculaire et en charge électrique, issus de la dégradation enzymatique, in vivo, d’un protéoglycane de haut poids moléculaire. La molécule de base est constituée d’un enchaînement répétitif d’unités disaccharidiques sulfatées composées d’une hexosamine (D-glucosamine ou D-galactosamine) liée à un acide uronique (acide D-glucuronique ou acide L-iduronique) ou à du galactose. Le potentiel combinatoire est donc considérable, mais on retrouve majoritairement un disaccharide de base trisulfaté. Le reste de la molécule est constitué de disaccharides intermédiaires peu sulfatés, riches en acides D-glucuroniques et en glucosamines préférentiellement N-acétylées.

Le site actif de la fixation à l’antithrombine III est réduit à un pentasaccharide spécifique (Choay, 1989) dont la principale caractéristique est la présence d’une D-glucosamine-2,3,6-trisulfate, résidu minoritaire dans la molécule d’héparine, mais qui est essentiel pour son activité anticoagulante. Sa synthèse a pu être réalisée (Petitou et al. 1991).

fragment molécule héparine.jpg

 

Fragment de la molécule héparine avec délimitation du pentasaccharide

La richesse en disaccharides trisulfatés fait de l’héparine le polyanion le plus acide de toutes les molécules biologiques actuellement connues. Cette propriété est exploitée dans les procédés de purification de la molécule à partir des tissus biologiques.

2. LA PRODUCTION DE L’HEPARINE

Jay Mac Lean découvre en 1916, dans le foie de bovin, une substance à forte activité anticoagulante. Du fait de cette origine hépatique, il la baptise « héparine ».

Essentiellement synthétisée et stockée dans une catégorie de cellules très particulière, les mastocytes, l’héparine est trouvée, chez la plupart des mammifères, dans les organes richement vascularisés tels que le poumon et l’intestin (Nader et al, 1980). Pendant des décennies, les hépariniers ont ainsi extrait les héparines commerciales à partir d’intestin grêle de bœuf et de porc et, dans une moindre mesure, de poumon de bœuf et d’intestin grêle de mouton (Coyne, 1981 ; Watt et al, 1997).

Le procédé de purification le plus utilisé est basé sur une protéolyse extensive à chaud qui détruit les structures protéiques tissulaires (Scott, 1960 ; Duclos, 1984). Elle est suivie d’une extraction par échange d’ions sur une résine cationique (Volpi, 1993 ; Griffin et al, 1995) ou d’une complexation sur des sels d’ammonium quaternaire (Scott, 1960 ; Lindahl, 1969). L’héparine est éluée de la résine par une saumure de NaCl, ou décomplexée de son sel puis précipitée sélectivement par de l’éthanol ou du méthanol (Casu et al, 1980). Après concentration et séchage, on obtient une héparine « brute » qui sera ensuite débarrassée de ses pigments colorés et dépyrogénée (élimination des endotoxines) par action de permanganate de potassium ou de peroxyde d’hydrogène (Griffin et al, 1995). Une précipitation au méthanol, à l’éthanol o
u à l’acétone permet d’éliminer ces réactifs. On obtient ainsi une héparine sodique qui peut être modifiée par échange des ions sodium pour des ions potassium, lithium, calcium ou magnésium (Duclos, 1984).

Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM, en moyenne 5 kDa) sont obtenues, à partir des héparines purifiées, par dépolymérisation chimique (acide nitreux, acide périodique suivi d’une hydrolyse acide ou alcaline, ß-élimination/benzylation) ou enzymatique (héparinases produites par Flavobacterium heparinum) (Kessler, 1997 ; Linhardt et al., 1992). Contrairement aux héparines non fractionnées qui sont actives contre les facteurs de la coagulation Xa et IIa, les HBPM inhibent seulement le facteur Xa. La biodisponibilité des HBPM est supérieure, car elles interagissent plus faiblement avec les protéines plasmatiques, les cellules endothéliales et les macrophages (Kessler, 1997). De ce fait, elles provoquent moins d’hémorragies et de thrombopénies (chute du taux des plaquettes sanguines) graves. Leur posologie est plus facile à établir et leur activité est moins dépendante de l’état thrombotique. Leur durée de vie dans l’organisme est plus longue, ce qui permet de réduire la fréquence des injections. En revanche, elles ne peuvent pas être neutralisées par la protamine en cas de surdosage ou de complications.

A partir d’un intestin de porc, on produit environ 500 mg d’héparine brute (50.000 unités), 200 mg d’héparine pure (40.000 unités) ou 100 mg d’HBPM (15.000-20.000 unités, une seringue) (Wang, 2010).

3. LA COMMERCIALISATION DE L’HEPARINE EN FRANCE

L’héparine est commercialisée sous les deux grands types de formes : les héparines non fractionnées, sous forme sodée ou calcique, et les héparines fractionnées (HBPM). Les principaux fournisseurs sur le marché français sont :

  • héparines calciques: Sanofi-Aventis (Calciparine),  Pan-Pharm
  • héparines sodées : Pan-Pharma, Léo, Soludia, Choay
  • héparines fractionnées : Sanofi-Aventis (Lovenox), Pfizer (Fragmine), Glaxo-Smith-Kline (Fraxiparine), Abbott (Clivarine), Leo (Innohep)

On trouve également sur le marché une héparine de synthèse. En effet, le pentasaccharide responsable de l’activité anticoagulante a pu être synthétisé, après de nombreuses années de recherches chez Sanofi-Synthelabo. Il est proposé sur le marché sous la dénomination commune de fondaparinux et l’appellation commerciale « Arixtra ». Pour éviter la situation de monopole engendrée par l’acquisition d’Aventis-Pharma par Sanofi,,l’activité de Sanofi liée à l’héparine a dû être cédée à Glaxo-Smith-Kline. C’est donc ce laboratoire pharmaceutique qui commercialise actuellement l’Arixtra.

Le fondaparinux est actif seulement sur le facteur Xa et de ce fait présente moins de risques d’entraîner des thrombocytopénies. Il ne nécessite qu’une injection sous-cutanée par jour. Mais le coût de sa synthèse est élevé, pour un rendement relativement faible. Ceci pourrait expliquer la place réduite, bien qu’en augmentation régulière, qu’occupe cette molécule sur le marché des héparines.

4. L’IMPORTANCE ECONOMIQUE DE L’HEPARINE POUR SANOFI-AVENTIS

Sanofi-Aventis, qui résulte de l’absorption d’Aventis-Pharma par Sanofi-Synthelabo le 20 août 2004, est le premier groupe pharmaceutique européen et le cinquième mondial après Pfizer-Wyeth, Merck & Co., Schering-Plough, Roche-Genentech et Novartis.

L’énoxaparine (Lovenox) a représenté 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2009 (dont 60% à l’exportation aux Etats-Unis). Pour le premier semestre 2010, le chiffre d’affaires est de 1,635 milliard d’euros. C’est le produit numéro deux du groupe, légèrement dépassé par l’antidiabétique « Lantus » (1,716 milliard d’euros). Il représente 12% des ventes du groupe (Sanofi Aventis, 2010). A titre comparatif, les ventes mondiales du pentasaccharide de synthèse Arixtra ont représenté 0,29 milliard d’euros en 2009, soit 1,07 % des ventes de médicaments de Glaxo-Smith-Kline (GSK, 2009)

5. L’IMPORTANCE ECONOMIQUE DES HEPARINES CHINOISES, LA DEMANDE EN PORCS

Un rapport de NSD Bio Group (2010) réalisé à la demande de la Commission « U.S. China Economic and Security Review » au Congrès des Etats-Unis et intitulé « Potential Health & Safety Impacts from Pharmaceuticals and Supplements Containing Chinese-Sourced Raw Ingredients » apporte quelques éléments chiffrés :

  • la Chine est devenue le plus important producteur et exportateur de médicaments au monde, avec une croissance annuelle de l’ordre de 20%. Elle produit, par exemple, 100.000 tonnes de vitamine C par an, dont 90% à l’exportation ;
  • en ce qui concerne l’héparine, pour le seul premier trimestre 2009, la Chine en a exporté 27,2 tonnes. La production est en augmentation de 155% et 34% par rapport au premier et dernier trimestre 2008 ;
  • cinq pays importent 85% de cette production : les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. En 2008, les Etats-Unis ont importé 22,4 tonnes d’héparine (70% de leurs besoins), pour 20,8 millions de dollars. En fait, selon des données non publiées citées par Burton et Burgess (2009), deux représentants au Congrès des Etats-Unis, plus de 80% de l’héparine non fractionnée utilisée aux Etats-Unis proviendraient de sources chinoises ;
  • la demande en héparine étant en constante augmentation, son prix a doublé au premier trimestre 2009 (4,354 $ / kg), en comparaison du prix en 2008 à la même période;
  • D’autres éléments chiffrés ont été fournis récemment par le Dr Yan-Wang (Wang, 2010) : estimation de la production mondiale de porcs en 2009 : Chine  668millions (56%), USA/Canada 143 millions (12%), Europe 254 millions (22%), reste du monde 115millions (10%);
  • la demande mondiale en héparine pour 2009 : 620 millions de porcs;
  • toutes les sources d’intestin de porcs des Etats-Unis et du Canada collectables sont récupérées, le potentiel de croissance est donc nul;
  • les héparines chinoises représentent plus de la moitié de la production mondiale, avec un potentiel de croissance limité;
  • la majorité de l’héparine provenant des Etats-Unis et du Canada est utilisée pour la production d’héparines fractionnées (HBPM);
  • les héparines chinoises représentent l’essentiel des héparines non fractionnées.

6. LE PROBLEME GENERAL DE LA SECURITE DES MATIERES PREMIERES CHINOISES

Un mémoire réalisé en 2009 à l’ESSEC (Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales) sur la sécurité des produits fabriqués en Chine recense divers scandales récents portant sur des produits d’origine chinoise (Kirchhoffer et coll, 2009) :

  • l’affaire des fourrures : saisie le 13 novembre 2008, à la douane de Villepinte, de 4034 vestes et manteaux importés de Chine contenant des peaux brutes ou traitées de chiens et de chats décrites comme « 100% polyester » ;
  • les jouets Fisher Price (groupe Mattel) : 20 millions de jouets rappelés à cause de la présence de plomb dans la peinture ;
  • les poudres de lait frelatées par la mélamine : on a ajouté cet ingrédient pour faire croire à un taux de protéines plus important ; il a bloqué les fonctions rénales de nourrissons qui en sont décédés ;
  • les canapés commercialisés par Conforama : réactions allergiques graves contre un antifongique, le diméthyl fumarate, classé comme nocif par contact avec la peau et irritant pour les voies respiratoires  et la peau ;
  • les bottes revendues par Etam : ces bottes ont été responsables de brûlures, d’eczéma, de démangeaisons également dues au diméthyl fumarate) ;
  • et… les héparines chinoises contaminées par la chondroïtine persulfatée (voir plus loin, § 12).

Précédemment, la Chine avait fait l’objet d’une suspension, par l’Union Européenne, des importations de produits d’origine animale destinés à la consommation humaine ou animale (décision du 30/01/02), en raison « de graves lacunes en ce qui concerne les règlements de police vétérinaire » et « d’une grave inobservation de la part des autorités chinoises compétentes des nombreux engagements et garanties qu’elles avaient fournies à la Commission au sujet du contrôle des résidus et substances susceptibles de constituer un risque pour la santé animale et humaine« . Cette décision fait suite à la découverte de chloramphénicol dans des poulets, mais cet incident n’est pas isolé et témoigne d’un système sanitaire peu crédible.

Au Workshop sur les héparines qui s’est tenu en juillet 2010 à Londres, le Dr Yan Wang (de la société Scientific Protein Laboratories LLC, dont on verra § 12 l’implication dans l’affaire des chondroïtines persulfatées) a exposé certains aspects de la production d’héparine par la Chine (Wang, 2010):

  • des millions d’intestins sont récupérés pour seulement quelques centaines de kg d’héparine produite par jour ;
  • de nombreuses intervenants sont impliqués dans la production : abattoirs, ateliers familiaux, ateliers de production d’héparine brute, courtiers, grossistes… ;
  • la qualité des produits et celle de la documentation (traçabilité) sont inconsistantes.

D’où les principaux risques qui en découlent :

  • des sources de matières premières non autorisées ou des fournisseurs non approuvés ;
  • de l’héparine brute contaminée par des matériaux d’espèces autre que porcine ;
  • de l’héparine brute contaminée par des produits chimiques.

A titre d’exemple, le Dr Wang (2010) présente une lettre d’avertissement adressée le 14 avril 2009 par la Food and Drug Administration (FDA : agence de sécurité sanitaire et alimentaire des Etats-Unis) à un producteur pour déclarations mensongères sur l’origine de ses matières premières:

lettre FDA héparines D Levieux.jpg

Il énonce les voeux de la FDA :

  • une transparence totale entre les ateliers et les grossistes ;
  • prohiber le recours à des ateliers clandestins (pour que les porcs proviennent uniquement d’abattoirs contrôlés, avec une  traçabilité journalière des intestins récupérés) ;
  • des ateliers plus importants et moins nombreux ;
  • un management de toute la chaîne de production par les fournisseurs, depuis la récolte de la muqueuse jusqu’à l’héparine brute ;
  • un contrôle de toute la chaîne de production par les acheteurs étrangers.

Une véritable révolution dans les campagnes chinoises …!

7. LES CONSEQUENCES DE L’ENCEPHALITE SPONGIFORME BOVINE (ESB)

Les pratiques de production de l’héparine biologique ont été modifiées dès le début des années 90, suite à l’apparition de l’ESB en Grande-Bretagne (1985 : premier cas décrit dans le Kent, 1988 : reconnaissance par les autorités européennes de la transmission par les farines animales).

L’intestin des bovins a été immédiatement classé par les autorités sanitaires parmi les tissus à risque infectieux (MRS : Matériau à Risque Spécifié) (W.H.O. [OMS], 1991). En effet, premier organe atteint par le prion, l’intestin est contaminant plusieurs mois avant l’apparition des premiers symptômes de la maladie ou d’une positivité aux tests biologiques effectués sur le cerveau.

Le problème plus général des produits pharmaceutiques contenant des matières premières d’origine animale a été ensuite rapidement soulevé. La réglementation française a anticipé sur les décisions européennes et s’est orientée, en vertu du « principe de précaution », vers une protection maximale des consommateurs. Ainsi, les préparations magistrales à base de tissus d’origine bovine ont été interdites en France dès 1992, et un dossier spécifique portant sur le risque ESB a dû être fourni pour toute demande d’AMM (autorisation de mise sur le marché) ou d’essai clinique à partir de 1993.

Un dossier de sécurité virale a été également exigé par l’Union Européenne, qui a publié sa première « Note for guidance on minimising the risk of TSE agent via medicinal products » en 1991 (EMEA, 1991). Ces mesures préventives trouvent leur justification le 20 mars 1996, lorsque  Stephen Dorrell, alors ministre britannique  de la Santé, rend publique l’existence de dix cas humains de contamination par l’agent de l’ESB, appelé alors « nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob » (nvMCJ). E, 1997, l’Agence Européenne du Médicament (EMEA) ordonne le retrait total du marché de tout médicament contenant, comme ingrédient actif, des « Matériaux à Risque Spécifié », à compter du 1er janvier 1999.

Dans les années qui suivent, l’accumulation des connaissances scientifiques conduit les autorités sanitaires à durcir la réglementation : l’importation et l’échange intracommunautaire d’iléons de bovins et des produits en contenant sont notamment interdits (J.O. du 11/07/2000). La réglementation européenne sur les produits médicaux d’origine animale stipule que les tissus de ruminants doivent être systématiquement évités et remplacés par les tissus d’une autre espèce chez laquelle aucune EST n’est connue, comme le porc (EMEA, 2000). Cette réglementation concerne bien entendu les bovins, mais également les ovins et les caprins. En effet, la transmissibilité par voie orale de l’ESB à ces petits ruminants a été démontrée (Foster et al.,1993) et leur intestin a été classé par le Comité directeur de l’Union Européenne comme tissu à risque potentiel infectieux élevé en cas de contamination par l’ESB (S.S.C., 2002). Enfin, des règlements (CE n° 1774/2002) du Parlement européen établissent les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine.

Le Conseil de l’Union Européenne (2001) a, de son côté, souligné « combien il importe que le public connaisse la gravité des différents risques sanitaires pour pouvoir choisir en connaissance de cause au regard de ces risques« , et il a encouragé les Etats membres à « promouvoir de bonnes pratiques d’information du public« . Il a notamment invité la Commission à « réexaminer en permanence, à la lumière des connaissances dont on dispose, les mesures de protection prises contre les risques éventuels de contamination iatrogène, notamment par des produits pharmaceutiques, des produits cosmétiques et des dispositifs médicaux, le cas échéant en appliquant le principe de précaution« .

8. LE RISQUE D’ENCEPHALITE SPONGIFORME TRANSMISSIBLE (EST)

L’interdiction de l’utilisation des farines animales pour l’alimentation des animaux domestiques, l’élimination systématique à l’abattoir des tissus à risque tels que le cerveau, la moelle épinière et l’intestin depuis 1991 et, enfin, les contrôles analytiques effectués sur le cerveau des bovins de plus de 24 mois avant la libération des carcasses de bovins abattus pour la consommation humaine ont considérablement réduit le risque de transmission de l’agent de l’ESB à l’homme ou aux animaux en France.

Toutefois, ces mesures n’ont pas été appliquées avec la même sévérité dans tous les pays de l’Union Européenne et sont loin de l’être dans les quelques 70 autres pays qui ont importé des farines d’origine britannique contaminées par l’agent de l’ESB. Par ailleurs, comme pour toute législation et pour toute activité commerciale, il ne faut pas sous-estimer les possibilités de fraude, telles que les trafics d’animaux ou de farines animales qui sont régulièrement rapportés dans la presse.

La durée d’incubation chez l’homme est estimée à 13 ans (Knight, 2002), et les cas humains devraient donc disparaître rapidement. Toutefois, de grandes inconnues persistent, et l’étendue de notre ignorance sur cette maladie doit inciter à la plus grande réserve en matière de prédiction. Les épidémiologistes ont donné des chiffres qui se terminent par deux à quatre zéros comme fourchette de mortalité…

A titre d’exemple de paramètres qui nous échappent, la centaine de cas de mortalité enregistrée au Royaume-Uni concerne des individus génétiquement très sensibles à l’agent de l’ESB, tous homozygotes Met-Met sur le codon 129 du gène qui gouverne la synthèse du prion cellulaire. On ne peut donc savoir actuellement quelle est la durée d’incubation chez les hétérozygotes Met-Val et les homozygotes Val-Val « résistants », qui représentent la majorité de la population. Pour le kuru, la première encéphalopathie spongiforme transmissible (EST mise en évidence chez l’homme), il a en effet été montré que la durée d’incubation est plus longue chez les individus qui ne sont pas homozygotes « sensibles ». Si la durée d’incubation de la v-MCJ chez l’homme non-homozygote Met-Met est, par exemple, de 20 ou 30 ans, un redémarrage des cas de v-MCJ pourrait être observé dans les prochaines années avec une ampleur de cette deuxième courbe en cloche beaucoup plus importante que celle qui a été observée.

Autre exemple, la quantité d’agent infectieux nécessaire pour provoquer l’infection de l’homme est totalement inconnue. Pour la souris, les résultats divergent selon les modèles utilisés. Ainsi, des souches transgéniques développées par l’équipe de Stanley Prusiner se sont révélées 10 000 fois plus sensibles au prion que les souches classiquement utilisées (University of California, San Francisco, 2002). Quand le cerveau d’une souche classique de souris contient, après inoculation, 1000 unités infectieuses par gramme, le cerveau de ces souris transgéniques en contient 10 000 000. L’équipe du professeur Dormont a par ailleurs montré qu’un extrait de cerveau histologiquement normal, prélevé sur des souris expérimentalement infectées par l’agent de l’ESB mais ne présentant aucun symptôme cliniq
ue, est capable de tuer les souris auxquelles il est injecté.

Ces différents résultats remettent évidemment en cause la définition de l’innocuité de tissus comme le lait ou le muscle dans lesquels les modèles souris classiquement utilisés n’ont pas permis, jusqu’ici, de révéler la présence de prions. Quant à vouloir extrapoler de l’inoculation intra-cérébrale d’une souris à l’ingestion orale ou à l’administration parentérale chez l’homme, il y a un fossé difficile à franchir.

On sait que la durée d’incubation des EST est proportionnelle à la dose infectieuse. Le muscle de bovins infectés par l’ESB n’ayant jamais révélé la moindre trace de prion dans les modèles animaux expérimentaux, doit-on supposer que la centaine de consommateurs britanniques décédés a consommé (volontairement ou à son insu) des tissus à haut risque et que des milliers d’autres, génétiquement plus résistants, ou ayant ingéré des quantités plus faibles d’agent infectieux, sont actuellement en phase d’incubation silencieuse ?

Dernier exemple, un spécialiste reconnu des EST, le professeur Adriano Aguzzi (Institut de neuropathologie de l’Hôpital universitaire de Zurich), a envisagé la possibilité plus catastrophique que les sujets actuellement infectés se comportent comme des réservoirs d’agents infectieux et soient ensuite responsables d’une transmission tertiaire d’homme à homme qui pourrait être plus rapide du fait de l’absence de barrière d’espèce (Aguzzi, 2002).

En matière d’héparine, son origine intestinale est un facteur de risque important de par l’infectiosité de ce tissu, mais également du fait de l’importance de la quantité de tissu utilisée pour la production d’une dose d’héparine (environ un intestin grêle complet). D’autres facteurs aggravants sont l’administration parentérale et la répétition des injections pendant des durées de plusieurs jours à plusieurs semaines.

Les autorités sanitaires ont donc restreint les autorisations de mise sur le marché (AMM) aux seules héparines d’origine porcine, espèce qui n’est pas sensible à la maladie. Bien qu’il ne puisse être totalement exclu que des porcs, dans une région quelconque du monde, aient accès à des farines animales contaminées et puissent donc transporter du prion dans leur tube digestif, l’essentiel du risque ne peut provenir que de l’utilisation, accidentelle ou frauduleuse, d’héparine extraite d’intestins de ruminants contaminés.

Depuis 1991, 1016 cas d’ESB ont été confirmés en France. La maladie a bien régressé grâce aux mesures draconiennes mises en place par les autorités sanitaires vétérinaires : abattage des troupeaux présentant un cas d’ESB, contrôle systématique par test ELISA (Enzyme Linked Immunosorbent Assay) de l’absence de prion sur les cerveaux de bovins abattus, interdiction de commercialisation et incinération des « Materiaux à Risque Spécifié ». Toutefois, la maladie n’est pas encore totalement éliminée : en 2010, quatre cas ont déjà été confirmés (un cas lors du dépistage systématique à l’abattoir, trois cas par le réseau d’épidémiosurveillance sur les bovins à risque).

Si la France et la majorité des pays européens effectuent des contrôles draconiens, en Chine, le blackout est total. Dans ce pays, même le nombre de personnes séropositives vis-à-vis du virus du SIDA est un secret d’Etat. On peut donc s’inquiéter de l’évolution récente de la Pharmacopée européenne qui autorise maintenant la production d’héparine à partir de tissus de ruminants (cf § 13).

9. LES « MATERIAUX A RISQUE SPECIFIE », LA LISTE ACTUELLE

Selon le ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche (réf. MRS1), « les MRS sont des tissus qui, en cas de contamination des ruminants par l’ESB et même en l’absence de symptômes apparents, seraient infectieux ou susceptibles de l’être. Au titre de la prévention et de la précaution, ils doivent donc être retirés de la chaîne alimentaire humaine, et ne faire l’objet d’aucun recyclage dans l’alimentation animale à travers les farines ou les graisses animales.

Depuis 1996, les MRS sont systématiquement retirés à l’abattoir et détruits par incinération. Seule la colonne vertébrale peut être retirée au stade de l’atelier de découpe ou du boucher.

La liste des MRS évolue depuis 1996, le gouvernement sollicitant régulièrement l’avis d’un comité de 25 experts spécialisés sur les ESST (encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles) et placé auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

Après avoir été prélevés et collectés séparément au niveau de la chaîne d’abattage, les MRS sont identifiés et dénaturés par ajout de produits colorants, afin d’éviter qu’ils ne puissent être mélangés par erreur à des sous-produits valorisables. Ils sont ensuite collectés par les entreprises chargées du service public de l’équarrissage, qui vont les transformer en farines et détruire ces dernières par incinération.

Liste des MRS mise à jour en 2006, publiée par le ministère sur Internet en 2009  (ref. MRS2):

matériels à risque spécifiés.jpg

 

10. LES POSSIBILITES DE SECURISATION DE L’HEPARINE

Afin de réduire au minimum le risque de transmission des agents des EST par les produits pharmaceutiques, des normes ont été édictées par l’Agence Européenne pour l’Evaluation des Produits Médicaux (EMEA, 1996, 1998, 2000). Elles concernent trois points fondamentaux : la qualité des sources de matières premières, la capacité du procédé de fabrication à inactiver les agents pathogènes, les contrôles analytiques en cours de production et sur le produit fini.

10.1 Qualité des sources de matières premières et leur traçabilité

Pour la fabrication d’héparine, la matière première est soit la muqueuse intestinale soit des héparines plus ou moins purifiées, provenant de fournisseurs de différentes régions du monde (Europe, Amérique du Nord et du Sud, Asie, Indonésie, Chine…).

La garantie de l’origine exclusivement porcine de la muqueuse intestinale utilisée par les fournisseurs d’héparine brute est actuellement basée sur des audits qui concernent essentiellement les documents de traçabilité. Ce critère est recevable pour des approvisionnements exclusifs à partir d’abattoirs ne traitant que du porc, ce qui ne représente qu’une partie du marché. Dans les abattoirs qui traitent à la fois des porcs et des ruminants, les risques de contamination (accidentelle ou volontaire) de l’intestin de porc par de l’intestin de ruminants ne peuvent être exclus.

Aux Etats-Unis et au Canada, pays grands consommateurs d’héparine, l’absence officielle d’ESB donne théoriquement une bonne garantie de l’innocuité des matières premières. Il faut cependant tenir compte de l’existence du prion du mouton, responsable de la « tremblante » (« scrapie » pour les anglo-saxons), et de l’importance de l’épidémie de « Chronic Wasting Disease ». Celle-ci est une EST semblable à la tremblante du mouton, mais plus contagieuse, qui atteint des ruminants comme les élans et les cerfs, qu’ils soient d’élevage ou sauvages (Spraker, 2002). De plus, la consommation de viande provenant de bovins atteints du syndrome de la « vache couchée » aurait provoqué une EST chez des visons d’élevage (Brugère-Picoux, 2002). Enfin, les Etats-Unis importent des héparines  brutes pour les transformer en héparine pure, et ces approvisionnements sont majoritairement d’origine chinoise.

Dans de nombreux autres pays, la traçabilité des matières premières d’origine animale ne peut être correctement assurée. C’est particulièrement le cas pour la Chine. Le 30 janvier 2002, ce pays a fait l’objet d’une suspension, par l’Union Européenne, des importations de produits d’origine animale destinés à la consommation humaine ou animale et ce, en raison « de graves lacunes en ce qui concerne les règlements de police vétérinaire » et « d’une grave inobservation de la part des autorités chinoises compétentes des nombreux engagements et garanties qu’elles avaient fournies à la Commission au sujet du contrôle des résidus et substances susceptibles de constituer un risque pour la santé animale et humaine« . Comme nous l’avons souligné plus haut, cette décision a fait suite à la découverte de chloramphénicol dans des poulets, mais cet incident n’est pas isolé et témoigne d’un système sanitaire peu crédible. Or la Chine fournit à elle seule plus de 50% de l’héparine mondiale. Ce pays est, par ailleurs, le premier importateur mondial de boyaux (notamment en provenance d’Espagne, pays atteint par l’ESB). De plus, l’origine purement porcine des héparines chinoises est difficile à garantir : la Chine produit – non officiellement – de l’héparine bovine, et les lots d’héparine « porcine » peuvent être constitués de centaines de sous-lots produits dans les campagnes, en dehors de tout contrôle sanitaire et de toute traçabilité. Enfin, le statut réel de la Chine vis-à-vis de l’ESB n’est pas connu.

Les industriels producteurs d’héparine font des audits réguliers chez leurs fournisseurs chinois de matières premières, audits censés assurer une parfaite traçabilité des matières premières. C’est le point le plus important de la sécurisation de l’héparine sur le plan sanitaire. Or tous ces industriels en connaissent parfaitement les limites. Ils savent que les matières premières chinoises proviennent non seulement d’abattoirs industriels contrôlés par les autorités sanitaires vétérinaires, mais également de très nombreux petits ateliers artisanaux, souvent familiaux et plus ou moins clandestins, qui échappent à tout système de contrôle. Il aura fallu attendre la crise de 2008, avec le décès de 81 Américains suite à l’administration d’héparine contenant de la chondroïtine persulfatée pour alerter l’opinion publique. Les enquêtes de journalistes comme Gordon Fairclough et Thomas Burton du Wall Street Journal ou David Barbosa et Walt Bogdanich du New York Times ont en effet révélé ce que sont réellement les ateliers artisanaux. Ils ont ramené de Chine des vidéos et des photos édifiantes quant à l’insalubrité de ces installations de production.

La contribution exacte de ces ateliers à la production chinoise d’héparine est difficile à cerner. Interrogé en 2005 par Dorothée Benoit Browaeys pour « 60 Millions de consommateurs », Michel Mouyrigat de Sanofi-Aventis a déclaré : « En Chine, on trouve le meilleur comme le pire. Nous y avons réalisé une centaine d’audits ces trois dernières années auprès de nos fournisseurs qui s’approvisionnent auprès d’une centaine de boyaudiers différents« .

Selon les journalistes d’investigation Fairclough et Burton (2008), il y aurait en Chine des myriades de petits producteurs qui approvisionnent les 50 compagnies exportatrices :

« the raw heparin made by China’s myriad small producers ends up in the hands of about 50 export companies, which sell to customers overseas. In the first half of last year, more than 85% of these heparin exports went to the U.S., Austria, France, Italy and Germany, according to an industry trade group« .

Les mêmes journalistes rapportent que le propriétaire de l’atelier qu’ils ont visité et photographié reconnaît qu’il n’est pas contrôlé par les autorités sanitaires et qu’il ne fait aucun enregistrement de l’origine des intestins :

« Yuan Changkun, the owner of the small factory here, says health regulators don’t visit his plant. Mr. Yuan doesn’t keep records of where he acquires the intestines he uses. Nor is he sure who the end customers are. « Basically, it goes overseas. It’s for foreigners »

Ces journalistes rappellent enfin, qu’en Chine, les producteurs d’héparine peuvent être classés comme producteurs de produits chimiques (non contrôlés par la FDA chinoise, la SFDA) ou producteurs de produits pharmaceutiques (contrôlés par la SFDA) :

« In China, not all heparin makers answer to drug regulators. That’s partly because some are registered as chemical makers, not drug producers. It’s a legacy of a regulatory system that focuses on finished drugs, not their ingredients, says Shen Chen, a spokesman for the State Food and Drug Administration in Beijing.« 

Devant une traçabilité aussi douteuse, il est capital de mettre en place des méthodes analytiques capables d’assurer l’origine strictement porcine des matières premières utilisées et de s’assurer de l’absence de contaminants potentiellement toxiques (cf. § 10.3).

10.2 Capacité du procédé de fabrication à inactiver l’agent pathogène

Plusieurs industriels ont fait des essais d’inactivation du prion par le procédé de purification de l’héparine. Ainsi, OPOCRIN en Italie ou CELSUS Laboratories aux Etats-Unis ont fait état sur leurs sites Internet de la réduction d’infectiosité obtenue par le procédé de purification des héparines. Cette réduction serait de l’ordre de 5 à 6 logs à base 10. Ces résultats – obtenus sur des souris – montreraient que le procédé de purification, s’il est parfaitement maîtrisé et respecté, peut diminuer considérablement le pouvoir infectieux, sans toutefois pouvoir l’éliminer complètement. L’importance pour l’homme de ce pouvoir infectieux résiduel ne peut cependant être correctement estimée dans l’état actuel de nos connaissances sur les doses infectantes pour l’homme lors d’une administration par voie parentérale.

Par ailleurs, les autorités sanitaires européennes considèrent les essais d’inactivation comme généralement difficiles à interpréter (EMEA 1996), notamment en raison des changements d’échelle : les tests en lots expérimentaux au laboratoire, sur quelques litres, ne peuvent simuler les conditions industrielles réalisées sur plusieurs mètres cubes. Il faut rappeler que le prion résiste à la grande majorité des traitements qui inactivent les virus, qu’il s’agisse d’agents chimiques ou de traitements thermiques.

La détection directe du prion n’a pas été évoquée comme moyen de sécurisation efficace, car la sensibilité actuelle des techniques, qu’il s’agisse du Western-Blot ou des ELISAs, n’est pas suffisante pour garantir l’innocuité du produit. Chez les bovins, ces techniques donnent des résultats probants dans la mesure où elles sont appliquées sur le prélèvement d’une zone très précise du cerveau (obex) où l’agent de l’ESB s’accumule. Dans le cas de l’intestin, la charge en prions est plus faible, et il faut rappeler que ce tissu est infectieux bien avant que les analyses sur le cerveau soient positives.

10.3 Les contrôles analytiques

Ils peuvent être appliqués soit sur la matière première princeps, c’est-à-dire la muqueuse intestinale avant sa mise en fabrication, soit sur l’héparine en cours de purification (héparine dite « brute »), soit sur le produit final (héparine pure).

10.3.1 Contrôle de la matière première princeps : la muqueuse intestinale

Une seule technique existe actuellement, mise au point par l’Institut National de la Recheche Agronomique (INRA): l’Immunodiffusion radiale ou IDR (Levieux & Levieux, 2001). Une goutte d’un broyat de la muqueuse intestinale, clarifié par une brève centrifugation, est déposée dans les cupules d’une couche de gélose (environ 2 mm d’épaisseur). Cette gélose contient des anticorps dirigés spécifiquement contre des épitopes (reliefs reconnus par les anticorps à la surface d’une molécule) spécifiques d’espèce et présents sur une protéine que l’on trouve dans tous les tissus animaux. Au cours de la diffusion (une nuit), les anticorps reconnaissent la présence éventuelle de la protéine bovine, ovine ou caprine et la précipitent. Le diamètre du précipité est proportionnel à la concentration du contaminant. Sa mesure est effectuée automatiquement à partir d’une image numérique (photographie ou caméra) et d’un logiciel de traitement d’image. Ce test peut détecter 3 parties d’intestin de bovin pour 1000 parties d’intestin de porc. Il est extrêmement simple et ne demande aucun appareillage sophistiqué. Il a été mise en place à partir de 1998 dans différentes usines qui transforment la muqueuse intestinale aussi bien en Europe (France, Espagne, Pays-Bas, Allemagne) qu’aux Etats-Unis. Seule la Chine ne l’a pas mis en application. Il est commercialisé sous licence INRA par la société IDBiotech et donc disponible pour tout industriel ou autorité sanitaire.

LA SUITE DE L’EXPOSE AINSI QUE LA BIBLIOGRAPHIE DETAILLEE sont dans l’article suivant sur Pharmacritique.

2 réflexions au sujet de “Héparines : production, commercialisation, sécurité des héparines chinoises et risque d’encéphalopathie spongiforme bovine (exposé scientifique I)”

  1. Dans un intervalle de deux heures environ, j’ai eu deux injections d’héparine à l’hôpital Jeffrey-Hale de Québec en 1996, la deuxième a failli me tuer d’un malaise cardiaque, aucun des médecins ne m’a donné d’explications, ils ne comprenaient pas ce qui s’était passé. Peut-il y avoir un lien entre ce que je viens de lire sur ce site et ce que j’ai subi?

    J’aime

  2. Suite à une détection de AIT en 2014, les analyses ont décelé une thrombocytémie essentielle avec une hyperkaliémie.
    Je suis donc sous kardégic 75 et lasilix 20 ou 40mg (selon l’état) avec en plus 1 gélule d’HYDREA 500, traitement par jour.
    J’ai beaucoup de mal à accepter HYDREA que je considère comme nocif (sachant que j’ai beaucoup de mal à obtenir des renseignements complémentaires de mon environnement médical. Selon l’hémato, ce traitement est à prendre à vie (JAK2). Présentement, je ne prends plus HYDREA et mes plaquettes sont entre 600 et 700.
    Pourriez-vous m’apporter des éclaircissements sur JAK2 ? Pourquoi suis-je obligée de prendre ce traitement à vie ?
    Je viens de découvrir votre site qui m’intéresse beaucoup. Je suis exaspérée par la mainmise de Marisol TOURAINE sur notre système de santé. Je me bats sur les abus de vaccins meurtriers imposés par son ministère. Je soutiens la démarche du Pr JOYEUX en espérant que sa démarche soit prochainement reconnue dans son procès en appel auprès du Conseil d’Etat.
    Merci de bien vouloir m’apporter votre aide.
    Michèle B.
    [NdR: Nom de famille et téléphone effacés par Pharmacritique, par prudence, s’agissant de données médicales et de coordonnées personnelles qui peuvent être vues et exploitées par des personnes malintentionnées. Si vous souhaitez que votre nom soit donné, vous pouvez le demander explicitement dans un futur commentaire].

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s