Avastin n’est plus autorisé dans le cancer du sein (Etats-Unis). Rappel des problèmes des anticorps monoclonaux (Enbrel, Humira, Tysabri, Herceptin, Xolair…)

Avastin (bevacizumab de Roche) fait partie de ces médicaments issus des biotechnologies très à la mode, et notamment de la classe des anticorps monoclonaux, avec d’autres comme le Herceptin (trastuzumab de Roche), le Humira (adalimumab d’Abbott), le MabThéra (rituximab de Roche) ou encore les anti TNF (Enbrel (etanercept de Wyeth),  Remicade  (infliximab de Centocor), Raptiva  (efalizumab), Tysabri (natalizumab d’Elan Pharma…) utilisés en dernière intention dans des maladies chroniques telles le psoriasis, la sclérose en plaques, l’arthrite rhumatoïde…

Dans les articles déjà parus sur Pharmacritique, j’ai critiqué l’absence d’évaluation digne de ce nom, évoqué les effets secondaires de classe, dont certains sont très graves, posé le problème du rapport coût – efficacité, compte tenu du coût astronomique de ces médicaments, surtout par rapport à leur efficacité plus que discutable et aux effets indésirables gravissimes de type leucoencéphalopathie multifocale, etc…

Le Raptiva, utilisé dans le psoriasis, a été récemment retiré du marché à cause d’effets secondaires de ce type (voir lien plus bas).

Et voici que la FDA (Food and Drug Administration : agence du médicament des Etats-Unis), qui avait accordé à l’Avastin une AMM (autorisation de mise sur le marché) conditionnelle dans le cancer du sein, décide le 16 décembre de la lui retirer, après avoir reporté plusieurs fois la décision, à cause des fortes pressions politiques et associatives. La raison? Les études faites par la suite montrent que l’Avastin n’apporte aucun bénéfice, tout en provoquant des effets secondaires graves, dont certains sont potentiellement mortels…

A noter qu’en Europe, les AMM ont été définitives d’emblée, malgré la quasi-inexistence de preuves de bénéfices apportés par ces médicaments, en particulier dans les cancers.

Rappel du contexte particulier dans lequel sont homologués ces médicaments

J’ai écrit plusieurs articles sur la classe des anticorps monoclonaux, expliquant leurs particularités et surtout résumant la littérature médicale actuelle et les monographies des agences anglo-saxonnes du médicament, qui listent une série importante d’effets secondaires.

J’ai aussi critiqué l’absence d’évaluation sérieuse du rapport bénéfice – risques et les AMM (autorisation de mise sur le marché) accordées trop vite, sans attendre la preuve des bénéfices de ces médicaments.

J’ai rappelé que ces médicaments ont bénéficié du même traitement d’exception que d’autres molécules censées soigner les cancers (ou du moins servir d’adjuvants dans de tels traitements) et certaines maladies chroniques. En effet, dès que le mot « cancer » est prononcé, la pression est énorme de la part des associations de patients, souvent financées par les laboratoires qui les instrumentalisent pour qu’elles exigent la disponibilité quasi immédiate de ces médicaments… Ainsi, l’Avastin et d’autres anticorps monoclonaux ont été homologués parce que des données minimes laissaient penser que certains patients atteints d’un cancer en phase terminale pourraient survivre quelques semaines ou quelques mois de plus.

L’ironie de l’histoire fait que les traitements par anticorps monoclonaux, en particulier par des anti TNF alpha comme par des anti IgE tels Xolair (omalizumab de Genentech / Novartis) induisent des risques accrus de développer… un cancer, en plus d’autres effets secondaires graves… J’en ai parlé dans cet article du 10 juillet 2009:

« La FDA met en garde contre les troubles cardiovasculaires sous Xolair. Et toujours pas d’évaluation globale des anticorps monoclonaux en vue… »

Pour ce qui est de l’Avastin, une étude récente a mis en évidence une augmentation importante du risque de caillots sanguins (complications thromboemboliques); j’en ai parlé dans un article du 22 novembre 2008 : « Avastin augmente de 33% le risque relatif de thromboembolisme veineux (caillots sanguins), selon une méta-analyse parue dans JAMA ».

Plusieurs autres articles parus toujours sur Pharmacritique abordent ces questions (AMM trop rapide et sans évaluation sérieuse, pas d’essais cliniques suffisants permettant un évaluation claire du rapport bénéfice – risques, alertes de pharmacovigilance sur des effets secondaires graves, etc.) Je donne les liens plus bas, ainsi que quelques extraits édifiants listant les effets secondaires ou quelques analyses de ces médicaments. Mais voyons d’abord la nouvelle concernant l’Avastin :

Contexte de la première décision de la FDA

La FDA avait accordé une AMM conditionnelle dans le cancer du sein métastasé, dans le cadre de la « procédure d’autorisation rapide », à condition justement que la firme Genentech / Roche lui présente par la suite d’autres études concluantes. Car l’étude qui a servi de fondement à l’homologation de 2008 a montré simplement un allongement de cinq mois de la durée avant la récidive. Ce résultat plus que modeste n’a même pas été confirmé par trois autres études achevées en 2009. De plus, la durée de survie des patientes traitées par Avastin ne dépassait pas celle des femmes traitées uniquement par chimiothérapie.

La FDA a été soumise à une intense pression pour octroyer une AMM définitive à l’Avastin ; pression exercée par le laboratoire Genentech / Roche ainsi que par les associations de malades et même par des hommes politiques de droite, qui accusaient l’agence du médicament de vouloir « rationner », si ce n’est rejeter l’Avastin uniquement à cause de son coût. (Ce type de reproche est fait partout où se pose la question coût – efficacité, et le NICE britannique (National Institut for Clinical Excellence) qui, évaluant les données disponibles, avait refusé le remboursement de certains anticorps monoclonaux) s’est vu traiter de tous les noms…

Décision de retrait, malgré les pressions

Résistant aux pressions, la FDA a annoncé le 16 décembre que non seulement il n’y aurait pas d’AMM définitive, mais qu’elle retirait même l’AMM conditionnelle de l’Avastin dans le cancer du sein métastasé. La décision a été prise à 12 voix contre une suite à une évaluation rigoureuse de la documentation disponible, faite par un panel d’experts extérieurs à la FDA réunis en juillet. Ils ont souligné une balance bénéfice – risques clairement défavorable, au vu d’effets secondaires sévères tels que hémorragies internes, perforations vasculaires, hypertensions et autres (voir plus bas pour une liste détaillée).

Janet Woodcock, la directrice du Center for Drug Evaluation and Research de la FDA, a encouragé le laboratoire à mener d’autres essays. Son discours se doit d’être diplomatique, car la FDA craint toujours les pressions politiques à des fins populistes… Mais elle a toutefois clairement dit qu’aucun des quatre essais cliniques soumis à la FDA n’a montré un bénéfice en termes de survie. « [L’Avastin] n’a pas prolongé la vie des femmes ayant un cancer du sein métastasé, mais a provoqué chez elles un bon nombre d’effets indésirables graves. » Richard Pazdur, directeur du département oncologie de la FDA est lui aussi allé dans le même sens, soulignant les nombreux effets secondaires potentiellement mortels. Il ne croit pas que d’autres études pourraient modifier le rapport bénéfice – risques en un sens favorable.

Voici le communiqué de presse en date du 16 décembre :

FDA begins process to remove breast cancer indication from Avastin label. Drug not shown to be safe and effective in breast cancer patients”

Avastin reste sur le marché dans d’autres indications. Les assureurs entrent en scène

Le médicament, censé inhiber le développement des vaisseaux sanguins qui nourrissent les tumeurs solides, restera sur le marché grâce aux AMM dans les cancers du cerveau, du rein et du poumon. Et Genentech / Roche a annoncé dès le lendemain qu’il essaierait de convaincre la FDA de changer d’avis en déposant un autre dossier avec des données nouvelles, qui ferait l’objet d’une nouvelle réunion et audition.

Certaines associations de patients ont demandé aux assurances-maladie de continuer à rembourser le médicament en attendant les nouvelles études en cours. La bataille finale se jouera donc sur ce terrain, puisque, sous influence politique, certains assureurs privés ou publics peuvent décider de continuer à rembourser l’Avastin – et certains gros prestataires de soins peuvent le maintenir sur la liste de médicaments qu’ils proposent.

D’autres associations – et notamment celles qui ont pris leurs distances par rapport à l’industrie pharmaceutique – ont considéré que la décision était juste, puisqu’on ne pouvait pas traiter les femmes souffrant d’un cancer du sein avec des molécules dont les bénéfices ne sont pas établis, mais dont les risques ne font plus de doute. La National Breast Cancer Coalition s’est félicitée d’une décision exemplaire, car fondée sur des preuves scientifiques, et qui ne cède pas à « une pression politique et publique lourde. » Une autre association influente – et indépendante des laboratoires – a pris position dans le même sens.

Articles sur Pharmacritique parlant des divers anticorps monoclonaux et des problèmes qu’ils posent :

Rappel de quelques effets indésirables de la classe des anticorps monoclonaux

Parmi les effets secondaires de classe, on compte, outre le risque de cancers, de troubles lymphoprolifératifs, de leucoencéphalopathies multifocales progressives (LEMP), aussi des troubles du système immunitaire tels que le syndrome de Churg-Strauss; éosinophilies systémiques, avec des vascularites, des complications cardiaques et/ou des neuropathies.

A cela il faut ajouter d’autres effets indésirables décrits dans les notices anglo-saxonnes : infections respiratoires, syndrome pseudo-grippal, bronchospasme allergique, douleurs (articulaires, musculaires), gonflement des articulations, fatigue, somnolence, étourdissement, maux de tête, syncope, infestations parasitaires (helminthiases), thrombopénie idiopathique sévère, paresthésies, hypotension orthostatique, bouffées vasomotrices, nausées, diarrhées, symptômes dyspeptiques, prise de poids, alopécie, troubles immunitaires et allergiques cutanés, réactions au point d’injection, troubles hépatiques parfois sévères…

Urgence d’une évaluation globale des anticorps monoclonaux

Je cite un fragment de mon article du 21 février 2009 qui parlait du retrait de Raptiva, mais surtout critiquait l’homologation par les agences du médicament des anticorps monoclonaux sans évaluation correcte et suffisante. Je posais de nouveau la question essentielle :

A quand une évaluation globale des risques / effets secondaires de classe des anticorps monoclonaux ?

« Même pour un usager lambda qui creuse un peu, le caractère répétitif des effets indésirables et l’appartenance de ces médicaments – par-delà leurs spécificités – à une seule et même classe doit pousser les agences de sécurité sanitaire à évaluer globalement les anticorps monoclonaux, sans attendre que le risque augmenté de leucoencéphalopathie multifocale progressive, de troubles lymphoprolifératifs, de cancers et d’autres conséquences graves se confirme pour chacune de ces molécules prise séparément. Il faut aussi démystifier les firmes de biotechnologie, parce que l’engouement actuel risque fort de créer des aveuglements à répétition et d’encourager la spéculation et la course de vitesse au détriment de la qualité, de l' »endurance » (d’un médicament) et de la médecine fondée sur les preuves (EBM: evidence-based medicine).

Un document fort intéressant sur les effets secondaires de classe des anticorps monoclonaux

Une analyse d’ensemble des anticorps monoclonaux a été réalisée déjà en 2005 (!!) par la Fundación del Instituto Catalán de Farmacologia (FICF), qui promeut un usage rationnel des médicaments et effectue des analyses de la balance bénéfices – risques. L’article fort explicite s’appelle « Toxicidad de los fármacos biológicos en la artritis reumatoide y la psoriasis » (Toxicité des médicaments biologiques [issus de la biotechnologie] utilisés en arthrite rhumatoïde et psoriasis). Il a été publié dans le bulletin pharmacologique de la Fondation, Butlleti Groc, membre de l’ISDB (International Society of Drug Bulletins). (Le lien a été donné début janvier sur le blog Las mentiras de la industria farmaceutica. Ce n’est pas tombé dans les oreilles d’un sourd! Dommage que nos autorités sanitaires entendent moins bien qu’un usager lambda!).

A noter aussi cette analyse, certes de moindre envergure et plus limitée, parue en 2004 dans la Revue Médicale Suisse sous le titre « Effets secondaires des traitements par anticorps monoclonaux en hématologie« . »

*

Dans l’article du 22 février 2009 sur le Tysabri, j’évoquais le verdict dévastateur d’Arznei-Telegramm :

« La revue allemande indépendante Arznei-Telegramm a littéralement démoli le Tysabri en août 2006, dès sa réintroduction, dans une longue analyse qui finit par cette phrase:

« Puisqu’il n’y a pas de preuves d’efficacité et que l’étendue des risques mortels n’est même pas prévisible, nous considérons que l’utilisation de cette substance toxique devrait être interdite dans une application hors essais cliniques contrôlés randomisés. Pour des raisons éthiques, seule une telle utilisation peut être justifiée, afin de clarifier la question de l’efficacité et de la sécurité d’emploi de la monothérapie par cet anticorps chez les patients correspondant aux indications » (a-t 2006; 37: 69-71, réservé aux abonnés). »


Elena Pasca

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8 réflexions au sujet de “Avastin n’est plus autorisé dans le cancer du sein (Etats-Unis). Rappel des problèmes des anticorps monoclonaux (Enbrel, Humira, Tysabri, Herceptin, Xolair…)”

  1. je suis actuellement traitee pour un cancer du sein metastase avec avastin et taxotere!!! que dois-je faire?
    [Nom de famille supprimé par Pharmacritique, par prudence, car ce sont des informations personnelles sensibles]

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  2. Bonjour
    je suis sous Humira depuis 5 ans et je revis grâce à ce traitement. Il me permet d’etre en rémission de ma polyarthrite rhumatoide qui est très sévère. J’ai conscience de ce cout, mais il me permet tous les matins de me lever, de pouvoir m’occuper de mes enfants et d’aller travailler. Les effets secondaires potentiels, existent, je le sais, mais je crois que l’on ne peut pas s’arrêter aux effets secondaires et aux couts des traitements. Et je ne crois pas que les labos soient tous dans l’unique recherche de fric, mais que certains d’entre eux font passer le patient en premier plan.

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  3. A Cécile
    Penser que les laboratoires pharmaceutiques se soucient de nous est une naïveté aux conséquences potentiellement dramatiques. La plupart des associations de malades succombent à cette illusion ou pensent qu’elles peuvent contrôler et limiter l’implication des labos dans leurs affaires. Elles transmettent cette illusion aux patients. Et nous en subissons les conséquences. J’espère que vous n’aurez pas d’effets indésirables avec Humira. Que vous irez le mieux possible. Et que vosu prendrez un peu de recul à l’égard du discours des labos. Pour votre propre bien.Bon courage!

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  4. Je pense qu’il faut prendre en compte que beaucoup de gens ayant le cancer gagnent 6 mois de vie voire plus grâce aux anticorps monoclonaux. comme tout médicament ils possèdent des risques. A ce propos, TOUT est poison. L’eau peut devenir mortelle si elle est bue en grande quantité donc le danger est partout. Ce n’est pas la peine de crier au scandale. Beaucoup de gens se plaignent des médicaments, mais au final, il faut se rendre compte que sans eux, ce serait encore pire. Alors il faut arrêter de dénigrer les industries pharmaceutiques. Même votre boulanger a ses torts, la vie est business mais je suis pas sur que le boulanger fait très attention aux règles d’hygiène pour limiter les Escherichia coli alors que le médicament est un produit contrôlé, les BPF. Merci également à tous les chercheurs qui font avancer le monde. ça ce n’est jamais dit.

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  5. Bonjour, je suis sous ENBREL 50 en monothérapie depuis mai 2014 pour arthrite psoriasique, après avoir épuisé les traitements dits classiques qui ne donnaient plus d’effet et ont provoqué une hépatite.
    Bien sûr le coût interpelle car il y a beaucoup de malades et on se doit de penser à tous afin que chacun puisse être soigné quelle que soit sa maladie (sans oublier que les dépenses de la Sécurité Sociale doivent être maîtrisée)
    Ceci étant dit: je suis beaucoup mieux au niveau de l’arthrite, mais toujours fatiguée avec toux grasse, et depuis un mois une forte poussée de psoriasis sorti principalement au début aux pourtours des points d’injection (les cuisses) et étendu par la suite.
    ENBREL est aussi un traitement pour le psoriasis, que dire?
    J’ai débuté ce traitement avec réticence ayant lu divers articles au sujet des effets secondaires qui posent beaucoup de questions. ..
    Je ne sais plus que faire et suis un peu perdue. .
    Martine

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  6. Ait ete traitee en 2016 sous humira j ai fait une embolie pulmonaire j ai failli mourir sans que personne ne s en rende compte suis dégoutée

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