Nous avons rendu compte dans cette note de l’hospitalisation de deux jeunes Espagnoles de 14 ans pour malaises, convulsions et pertes de connaissance, et de la décision consécutive des autorités sanitaires locales et nationales de suspendre le lot de près de 76.000 doses de Gardasil dont faisaient partie les doses administrées à ces adolescentes. Réagissant à cette nouvelle, Carlos-Alvarez-Dardet et Juan Gervas, deux des initiateurs du mouvement espagnol de « résistance civique » au Gardasil comprenant un manifeste et une pétition toujours en cours, demandent la suspension immédiate de la vaccination par Gardasil.
Quelques autres liens donnés à la fin permettent de compléter le tableau et illustrent la réaction de certaines autorités sanitaires régionales, disant qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Photo: blog de Radio Canada sur la liberté d’expression
Carlos Alvarez-Dardet Diaz, une superbe grande gueule, dont on cherche en vain l’équivalent français
Il faut faire une analyse scientifique approfondie et exhaustive de ce vaccin avant d’avancer encore plus dans la voie de l’expérimentation directe que pratique actuellement Sanofi Pasteur MSD – c’est la teneur du message, exprimé en termes très directs par le Pr Alvarez-Dardet, qui confirme son franc parler dans sa toute dernière intervention, traduite plus bas.
Rappelons juste qu’il avait qualifié de « folie » la situation issue de l’autorisation trop rapide du Gardasil et de la campagne de vaccination massive, dans lesquelles il voyait, à juste titre, le résultat des conflits d’intérêts touchant le monde politico-sanitaire dans sa promiscuité avec les firmes pharmaceutiques. Résultat auquel contribuent grandement les méthodes publicitaires débridées de celles-ci. Et tout cela échappe à tout contrôle démocratique, disait-il dans la tribune publiée par le journal El Pais en octobre 2007 sous le titre « Razones para no décidir con prisas » (Raisons de ne pas décider à la hâte), qui expose les principales raisons des pétitionnaires de demander un moratoire sur la vaccination par Gardasil.
Dans un entretien de décembre 2007, que Pharmacritique a traduit dans ce billet, le même Carlos Alvarez-Dardet avait déjà parlé d’expérimentation directe sur la population et dénoncé les conflits d’intérêts, les financements à travers lesquels Sanofi Pasteur MSD fait représenter ses intérêts commerciaux par les décideurs politico-sanitaires… (Nous avons abordé la question dans les notes réunies sous la catégorie « Gardasil, Cervarix/ conflits d’intérêts« . Nous avons dévoilé en exclusivité même les conflits d’intérêts – non déclarés dans les publications françaises – de plusieurs experts français en la matière. Voir la note « Gardasil: conflits d’intérêts du Pr Riethmuller, du Dr Prétet et de l’étude EDiTH, LA référence française intangible« ).
Sa prise de position suite à l’hospitalisation des deux jeunes filles
Et voici quelques-uns de ses propos, cités aujourd’hui (11 février) dans un article paru sur le site du journal Informacion.es d’Alicante sous le titre “El laboratorio investiga con la población al poner en venta un fármaco del que no se sabía todo”.
« En mettant en vente un produit pharmaceutique sur lequel on ne connaît pas tout, le laboratoire mène des recherches directement sur la population »
« Plus de 8000 personnes et personnes morales ont déjà signé la pétition lancée par Carlos Alvarez-Dardet, professeur de santé publique à l’Université d’Alicante, qui demande un moratoire sur l’utilisation du vaccin contre [certains types de] papillomavirus humains. Hier, après avoir entendu la nouvelle [l’hospitalisation de deux jeunes filles, voir notre note], Alvarez-Dardet a déclaré que Sanofi Pasteur MSD, qui fabrique le vaccin, mène ses recherches directement sur la population [au lieu d’essais cliniques de longue durée sur un échantillon suffisamment large, NdT] en vendant un vaccin dont on ne connaît pas tous les aspects ; la firme est en train de faire des expérimentations sur des jeunes filles de 14 ans ».
A son avis, Sanofi Pasteur MSD « a commis une fraude lors des essais cliniques : la firme n’a pas donné toutes les informations en sa possession, alors qu’il y a beaucoup d’effets secondaires. le Gardasil n’aurait pas dû être commercialisé. Il n’y a pas que le lot en question [dont font partie les doses administrées aux deux jeunes filles], mais aussi la vaccination dans son ensemble qui devraient être suspendus. » Alvarez-Dardet considère que la pression du laboratoire sur les professionnels de santé et les hommes politiques espagnols équivaut à une obtention forcée de l’autorisation de mise sur le marché [du Gardasil], puisqu’elle a été accordée « malgré l’absence de preuve de son efficacité. » Et il ajoute que « toute personne qui s’exprime dans les media doit déclarer si elle a ou non des liens financiers avec l’industrie pharmaceutique. »
Parmi les initiateurs de cet appel à un moratoire sur la vaccination figure aussi Ildefonso Hernández-Aguado, l’actuel directeur général du département de santé publique du ministère de la Santé. Il a signé la pétition avant d’assumer cette haute fonction administrative, donc en sa qualité de professeur de santé publique et de médecine préventive à l’UMH [Universidad Miguel Hernández de Elche].
Quant au ministère de la Santé, ses représentants ont déclaré hier que ce sont les diverses composantes du Système national de santé qui prendront les décisions [sur la suite à donner]. »
Pour des détails sur Ildefonso Hernández-Aguado, voir cette page.
A noter qu’Alvarez-Dardet n’est pas le seul à reprocher à Merck et à Sanofi de ne pas rendre publiques toutes les informations, même si les autres critiques parlent surtout de rétention d’information quant au nombre total de dysplasies cervicales dans le groupe vacciné, tous génotypes HPV confondus. Cela rend impossible l’évaluation de l’efficacité du Gardasil (même selon ces résultats intermédiaires) ainsi que la vérification des chiffres avancés dans les essais cliniques Future I et surtout Future II, dit la revue allemande indépendante Arznei-Telegramm dans son excellente analyse traduite dans cette note.
Juan Gervas demande lui aussi la suspension de la campagne de vaccination
Un autre initiateur du mouvement de « résistance civique » au Gardasil et aux collusions d’intérêts politico-sanitaires et commerciaux qui ont mené à la campagne de vaccination massive est Juan Gervas, professeur de médecine générale à l’Escuela National de Sanidad (Ecole Nationale de Santé), fondée en 1924 et spécialisée en santé publique. Et Pharmacritique a déjà rendu compte de deux de ses prises de position fort bien argumentées, dans cette note et dans celle-ci. Lui aussi considère que « la [campagne de] vaccination devrait être suspendue », afin que l’on puisse analyser de façon exhaustive non seulement le lot en question, mais le Gardasil dans son ensemble. Ses propos ont été repris par le site Público dans un article intitulé « Sanidad retira un lote de la vacuna contra el VPH » (Les autorités sanitaires retirent un lot de vaccins contre [certains types de] papillomavirus humains).
Quelques liens :
Sur le site du journal Informacion.es :
« Las niñas de la Comunidad han recibido 15.287 dosis del lote de vacunas retirado » (Les jeunes filles de la Communauté autonome de Valence ont reçu 15.287 doses issues du lot retiré). Les autorités sanitaires régionales mettent sur pied une ligne téléphonique pour rassurer les parents des adolescentes vaccinées, disent qu’il n’y a pas d’autres signalements d’effets secondaires semblables et affirment vouloir continuer la campagne de vaccination. Un responsable régional a redit qu’il n’y avait pas de preuves en faveur d’une maladie préexistante des deux jeunes filles qui aurait causé ces effets indésirables, mais que d’autres examens allaient être pratiqués afin d’aboutir à un « diagnostic définitif ».
« Las niñas hospitalizadas en Valencia siguen estables en la UCI y en planta del Hospital Clínico » (L’état des jeunes filles hospitalisées à Valence est stable. L’une est en soins intensifs, l’autre dans un service de l’Hôpital Clinique).
« La Generalitat asegura que Cataluña seguirá vacunando contra el papiloma » (La Communauté autonome de Catalogne réaffirme sa volonté de continuer la campagne de vaccination contre [certains types] de papillomavirus humains).
Les décideurs politico-sanitaires catalans ont tenu des discours rassurants. Carlos Rodrigo, un membre du Comité technique des vaccinations de Catalogne, a affirmé que la fréquence des effets secondaires du Gardasil serait très basse (91 cas en Europe, selon lui). A la question de savoir si les jeunes filles de Valence auraient eu des effets secondaires à cause d’une plus grande sensibilité, il a répondu qu’il ne le savait pas, mais que « la susceptibilité individuelle de faire ou non des convulsions était différente d’une personne à l’autre ». Il a rappelé ainsi que 2 à 3% des enfants ayant de la fièvre font des convulsions et qu’il y a des cas d’adolescents chez lesquels la stimulation lumineuse d’une console vidéo suffit à induire des convulsions. Selon Rodrigo, seule la survenue chronologiquement et géographiquement très rapprochée des deux cas de convulsions a motivé l’alerte. (Rappelons quand même que, selon le journal El Mundo et d’autres qui abordent cet aspect, les deux jeunes filles ne se connaissaient pas et n’avaient aucun point commun).
Pourquoi ne parlent-ils pas du Cervarix ?
Il n’est question que du Gardasil, parce que c’est lui qui est en position de monopole en Espagne, mais il va de soi que les critiques concernent tout autant le Cervarix, qui a été autorisé en Europe sur une base scientifique encore plus faible que celle du Gardasil, comme le remarquait fort justement la revue allemande indépendante Arznei-Telegramm dans son analyse des essais cliniques menés par la firme GSK. (Analyse faite indépendamment des critiques espagnoles et traduite par Pharmacritique dans cette note). A noter que la FDA – l’agence américaine du médicament – n’a toujours pas autorisé le Cervarix.
Merci
Au journaliste d’Alternatives Santé qui m’a envoyé le lien vers la prise de position d’Alvarez-Dardet.
Mise à jour / Précision :
Il y a un flottement de langage dans les divers comptes-rendus. La presse espagnole parle, parfois dans le même journal, voire dans le même article, de « suspension », d' »immobilisation », d' »arrêt » et/ou de de « retrait » du lot NH52670 de Gardasil dont font partie les deux doses administrées aux jeunes filles qui ont fait des convulsions. Certains journalistes ont pu parler d’un lot « contaminé », sans dire par quoi, d’autres parlent de lot supposé « défectueux », mais la probabilité d’un défaut de fabrication est faible. En tout cas, quel que soit le terme employé, une chose est certaine: ce lot ne sera pas utilisé avant qu’il soit soumis à des analyses. Et divers articles parlent du fait que les autorités sanitaires cherchent à situer géographiquement les doses distribuées. Des mesures sont mises en place pour que les doses faisant partie du lot en question puissent être échangées en pharmacie, afin de poursuivre la vaccination.
Affaire à suivre.
Elena Pasca
Copyright Pharmacritique
J’ai ajouté une mise à jour dans les deux dernières notes à propos d’un aspect qui me frappe de plus en plus à la lecture des diverses sources. La voici:
Mise à jour / Précision :
Il y a un flottement de langage dans les divers comptes-rendus. La presse espagnole parle, parfois dans le même journal, voire dans le même article, de « suspension », d' »immobilisation », d' »arrêt » et/ou de de « retrait » du lot NH52670 de Gardasil dont font partie les deux doses administrées aux jeunes filles qui ont fait des convulsions.
Certains journalistes ont pu parler d’un lot « contaminé », sans dire par quoi, d’autres parlent de lot supposé « défectueux », mais la probabilité d’un défaut de fabrication est faible.
En tout cas, quel que soit le terme employé, une chose est certaine: ce lot ne sera pas utilisé avant qu’il soit soumis à des analyses. Et divers articles parlent du fait que les autorités sanitaires cherchent à situer géographiquement les doses distribuées. Des mesures sont mises en place pour que les doses faisant partie du lot en question puissent être échangées en pharmacie, afin de poursuivre la vaccination.
Affaire à suivre.
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D’autres informations sont disponibles, mais je préfère creuser un peu plus avant d’en parler.
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Cet article est très intéressant surtout le point de vue des praticiens espagnols.
Cependant, la dépêche AFP sur le retrait du Gardasil en Espagne étant sortie le 10 février, pourquoi l’info n’a elle pas été reprise dans les médias français depuis? D’autant plus que la campagne de vaccination au Gardasil avait été elle largement relayée.
Par ailleurs, quelles sont les réactions de Sanofi et de GSK face à ce retrait? Il serait intéressant de savoir quelle position les deux labos mettent en avant et si ils essaient de circonscrire la crise à l’Espagne.
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