L’interdiction de la publicité directe pour les médicaments d’ordonnance doit être maintenue, nous rappelle Barbara Mintzes

Plusieurs notes accessibles à partir de cette page parlaient déjà des dangers d’une publicité directe (direct-to-consumer advertising) faite par TheBusinessOfHealth InsideIndianaBusiness.jpgles laboratoires pour les médicaments d’ordonnance et donnaient des liens pour approfondir la question.

A l’heure actuelle, les firmes sont en passe de gagner leur pari: elles ont toutes les chances de se voir reconnaître comme une source d’information médicale fiable, ce qui gommerait ou du moins camouflerait la nature commerciale des campagnes publicitaires directes ou indirectes. Des débats ont lieu au parlement européen en ce sens, dans le cadre du « paquet pharmaceutique » qui déroule le tapis rouge aux intérêts économiques des laboratoires pharmaceutiques. Car près un premier recul sur la question, la Commission européenne est revenue en force, main dans la main avec l’EFPIA (syndicat européen de l’industrie pharmaceutique).

Ce qui montre que Pharmacritique n’était pas loin de la vérité en parlant d’une Commission acquise aux industriels et nuisible à la santé de ses citoyens… Et les alliances stratégiques des laboratoires avec des sociétés médicales savantes et des associations de patients financées au moins partiellement par les firmes favorisent ce projet.

Il n’est donc pas inutile de rappeler les enjeux de la question, et l’article intitulé « Le Canada devrait-il autoriser la publicité pour les médicaments d’ordonnance?« , paru le 9 février dans Le Médecin de Famille Canadien, journal officiel de l’association canadienne des médecins généralistes, s’y prête fort bien. Il est signé par une spécialiste de la question, la Pre Barbara Mintzes de l’Université de la Colombie Britannique à Vancouver, que Pharmacritique cite assez régulièrement.

Ce qui se passe dans les deux seuls pays au monde où cette publicité directe pour les médicaments d’ordonnance (PDMO) sont autorisés – Etats-Unis, Nouvelle Zélande) montre bien que les laboratoires pharmaceutiques – leurs campagnes publicitaires dont le support et la facture sont étudiés de façon à maximiser l’influence – ne restent jamais une source d' »information » parmi d’autres, mais concurrence et détrône très vite l’information donnée par les médecins lors des consultations. En 2005, les Américains ont passé 16 heures à regarder des annonces publicitaires pharmaceutiques à la télévision, c’est-à-dire beaucoup plus de temps qu’avec leur médecin généraliste, nous dit Barbara Mintzes…

La conséquence? « En présentant divers médicaments comme une solution efficace à 100 % à une panoplie de problèmes de la vie, la PDMO [publicité directe des médicaments d’ordonnance] transforme les médecins en guichets pour obtenir les marques souhaitées. »

Extraits:

« La publicité directe aux consommateurs des médicaments d’ordonnance est interdite au Canada par mesure de protection de la santé. Les fabricants ne peuvent pas annoncer directement au public des médicaments disponibles uniquement sur ordonnance, en raison de leur toxicité et du dommage potentiel qui pourrait découler d’un usage inutile ou inapproprié. (…)

« S’opposer à la PDMO est-il paternaliste? Des groupes indépendants de consommateurs s’opposent à cette affirmation et maintiennent que la PDMO ne fournit pas les renseignements comparatifs impartiaux nécessaires pour faire des choix de traitements éclairés et conjoints. L’information importante, comme la probabilité de réussite du traitement, est souvent omise. Ce sont plutôt les messages émotionnels qui dominent; dans un échantillonnage d’annonces publicitaires télévisées, l’utilisation du médicament était associée dans 95 % des cas au bonheur, dans 85 % au contrôle de sa destinée et dans 78 % à l’approbation sociale9. L’expérience dans la réglementation aux États-Unis est aussi révélatrice : des 135 annonces publicitaires enfreignant les lois américaines entre 1997 et 2005, 84 % minimisaient les risques ou exagéraient les bienfaits10. »

« La PDMO influence le nombre et le choix des prescriptions11. Selon une étude, les médecins prescrivaient la plupart des médicaments annoncés que leur demandaient leurs patients, mais étaient 8 fois plus enclins à penser que ces médicaments étaient des choix seulement «possibles» ou encore «improbables» pour des patients semblables plutôt que des choix «très probables»4. Dans une étude expérimentale, les demandes de la part des patients ont entraîné 2 fois plus de prescriptions d’antidépresseurs pour des patients atteints de dépression et 5 fois plus d’ordonnances pour des patients ayant des «troubles d’adaptation» qui n’avaient pas besoin de pharmacothérapie12« . Les demandes des patients étaient une variable explicative des prescriptions plus forte que les symptômes.

Le traitement insuffisant de la dépression est souvent mentionné comme un problème que pourrait régler la PDMO, car les sondages auprès de la population ont cerné de nombreux cas de personnes non traitées mais qui répondent aux critères de la 4e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Une enquête au Canada comparait les personnes atteintes de dépression qui prenaient des antidépresseurs avec celles qui n’en prenaient pas (N = 9 508)13. La moitié des personnes qui n’en prenaient pas se sont rétablies en 5 semaines. La durée moyenne de l’épisode se situait à 11 semaines par rapport à 19 pour les personnes qui prenaient des antidépresseurs. Bref, bon nombre des patients soi-disant «traités insuffisamment» n’avaient peut-être pas vraiment besoin de médicaments.

La publicité directe aux consommateurs peut être et est nuisible. On pourrait tirer plus de bienfaits de campagnes de santé publique. Les lois interdisant la PDMO demeurent valables, mais on devrait veiller à ce qu’elles soient mieux respectées.
Si l’argent, c’est le pouvoir, la PDMO confère beaucoup de puissance. La question est de savoir à qui et à quel prix pour le public et la pharmacothérapie comme bienfait social. »
 
PS de Pharmacritique:
Pour compléter le tableau, voir aussi les notes parlant du « disease mongering » ou façonnage de maladies, accessibles à partir de cette page. Il s’agit du procédé marketing des laboratoires consistant à inventer des maladies pour écouler un médicament ou alors à élargir les critères d’une maladie existante, de façon à ce qu’un maximum de personnes puissent s’identifier aux symptômes très vagues listés dans les publicités et devenir des consommateurs de médicaments dont ils n’ont pas besoin.
Illustration: Inside Indiana Business
Elena Pasca
 

3 réflexions au sujet de “L’interdiction de la publicité directe pour les médicaments d’ordonnance doit être maintenue, nous rappelle Barbara Mintzes”

  1. comment détourner la loi: vous prenez un medicament lambda, prescrit sous regence hospitalière, vous le conditonnez en paquets de cinq cents grammes au lieu de un kilogramme, vous faites une publicité qui est visible par tous sur les abribus, vous lui faites une publicité par voie de presse au printemps, et vous terminez par un petit relooking du nom, au lieu de vendre un médicament qui commence par « X » on nomme le petit dernier par « A »; et on finit par imprimer le subconscient collectif par une déculpabilisation, puisqu’en vente libre sans ordonnance.
    ALLEz, vous sentez déja l’efficacité du medicament , dont le nom seul vous donne envie d’Aller vers le l’été, plus allégée!!
    devinette en quatre lettres? mais non, vous n’avez pas déjà trouvé? cela me fait penser a un médicament qui était déremboursé et remplacé par un « nouveau » mais sur prescription médicale et remboursé: maalox vs xolaam cela ne vous rappelle rien???? effet miroir? ou manipulation de base?

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  2. Concernant ce nouveau médicament pour l’obésité en pharmacie en vente libre, à 60 euro par mois…
    Une mise garde s’impose sur ses effets secondaires fréquents, pas seulement de la diarrhée et des incontinences dues à l’éxcès de graisse dans le rectum (signalés par mes patients), interdit de rire, mais d’autres comme des interactions avec des médicaments diminuant leur efficacité, comme la pilule (alors là, pour le coup de perdre du ventre…), les anticoagulants, etc… Et tout cela pour une efficacité vraiment médiocre.
    Et le pire que m’a signalé une patiente : la surnage des matières qui résistent à l’évacuation malgré plusieurs chasse-d’eau, survenue chez des amis, ce qui n’est pas très écologique…
    Prenez vos précautions!

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  3. SERVIER, SERVIER, SERVIER, encore SERVIER, partout SERVIER!!! bizarrement le nom du labo est la plupart du temps occulté dans l’affaire médiator, un de ses produits phare pendant 30 ans.
    Si vous lisez attentivement les résultats des prix MEDOC, pardon « MEDEC », le salon du MEDEC grand raout médical annuel des médecin, d’auto-congratulation et de bêtise crasse, c’est très amusant, non affligeant de retrouver des noms connus, des labos sacrément impliqués dans de sales affaires (SERVIER pour le MEDIATOR mais aussi pour ISOMERIDE), Kouchner le frère de Bernard, GARDASIL en bonne place dans les palmares, des médicaments déjà retirés du marché (ACCOMPLIA), des cochonneries (BYETTA).
    PHARMACRITIQUE est bien en-deçà de la réalité pour les accointances politico/bizness des médocs.
    Je précise que ces prix sont attribués après votes des médecins participant par milliers.
    PALMARES 2010
    La Communication médicale de l’année Bion
    MERCK MEDICATION FAMILIALE
    L’Innovation thérapeutique de l’année Sevikar
    DAIICHI-SANKYO
    Le Laboratoire de l’année NOVARTIS PHARMA
    Le Médicament de l’année Coveram
    SERVIER (bon OK il est là en 2010)
    Le palmarès 2009
    Médicament de l’année 2009 Procoralan
    SERVIER (quoi??? déjà là en 2009!
    Laboratoire de l’année 2009 Zanextra
    Bouchara-Recordati
    Laboratoire de l’année 2009 LILLY France
    Formation Médicale Continue de l’année 2009 Daiichi-Sankyo France
    Communication de l’année 2009 Isimig
    Bouchara-Recordati
    Le palmarès 2008
    Médicament de l’année 2008 Byetta
    LILLY
    Laboratoire de l’année 2008 GlaxoSmithKline
    Formation Médicale Continue de l’année 2008 Sanofi-Aventis France
    « Meilleure » communication de l’année 2008 Gardasil
    Sanofi Pasteur MSD
    Essai thérapeutique de l’année 2008 Advance
    SERVIER (OUPS aussi en 2008!!!)
    Innovation thérapeutique de l’année 2008 Versatis
    GRÜNENTHAL
    Le palmarès 2007
    Médicament de l’année 2007 GARDASIL (si! si! allez vérifier….)
    SANOFI Pasteur
    Laboratoire de l’année 2007 BOUCHARA RECORDATI
    Formation Médicale Continue de l’année 2007 SERVIER (j’y crois pas, la…)
    « Meilleure » communication de l’année 2007 LILLY
    Innovation thérapeutique de l’année 2007 ACOMPLIA
    Sanofi-Aventis
    Le palmarès 2006
    Médicament de l’année 2006 PROTELOS
    GROUPE SERVIER (non mais c’est pas vrai, c’est Big Brother ce labo!!!)
    Laboratoire de l’année 2006 LABORATOIRES GENÉVRIER
    Information thérapeutique de l’année 2006 Le bon usage des anticholestérolémiants
    MSD – SCHERING PLOUGH (INEGY)
    La santé publique de l’année 2006 Dépister, diagnostiquer, traiter la BPCO
    BOEHRINGER INGELHEIM et PFIZER
    commentaire de mon amie : n’importe quelle nana sensées, pas trop débile ne prend pas des trucs pareils pour maigrir, c’est toujours les mêmes qui trinquent, les » pov gens »…
    pour terminer sur une note de Noël, (mais je prie PHARMACRITIQUE DE ME CENSURER POUR CE QUI SUIT) :
    Merci SAINT SERVIER qui pensent à éliminer un peu de ces » pov gens » inutiles, chômeurs souvent, abêtis par la télé, lisant Clother, etc. etc.

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