La recherche publique de l’université Bordeaux 2 aux ordres de l’industrie pharmaceutique. Le LEEM remercie Mme Pécresse

Si quelqu’un pense que Pharmacritique exagère dans les notes de la catégorie « Université SARL« , voici une preuve de plus : le L€€M (syndicat Troupe aux ordres Préfecture Savoie.jpgde l’industrie pharmaceutique) a signé il y a une semaine « une convention de partenariat [sic] public/privé dont l’objectif est de mettre l’université Bordeaux II en phase [re sic] avec les besoins de l’industrie pharmaceutique », ce qui veut dire « adapter en permanence les contenus de formation aux besoins des entreprises » (Romandie News). Adieu la recherche fondamentale et la production de connaissances, vive les applications technologiques immédiatement profitables !

Le L€€M publie un dossier de presse sur son site et précise que « cet accord est une application exemplaire des voies ouvertes par la Loi Pécresse ». Ca, c’est certain ! Il est question d’ajuster les formations d’enseignement supérieur afin de répondre aux « besoins de la compétitivité mondiale ». Si on y pense, le lean management y répond à sa façon, la précarisation des chercheurs et les délocalisations aussi… Sans parler des usagers qui se fichent des conflits d’intérêts, adorent les grands pontes de la médecine qui servent de VRP aux firmes et gobent la pilule sans jamais rechigner.

C’est un comportement très patriotique, discipliné et soucieux de la santé de l’économie. Une telle abnégation mérite récompense, qui leur arrive par le biais de bon nombre d’associations de patients, dûment sponsorisées pour services rendus…

 

Lorsqu’on voit comment la critique et l’information sont muselées tout particulièrement lorsqu’il s’agit des produits dans le développement et la commercialisation desquels sont impliquées des équipes de chercheurs et des firmes pharmaceutiques françaises, il y a de quoi craindre le pire suite à cette « adaptation »… Les chercheurs seront les autres grands muets, ne parlant que pour reprendre en choeur le dogme défini par le « général » qui finance, donc décide. (L’image est tirée du site d’une préfecture).

La tradition française nous interdit de piper mot sur les ratages des firmes nationales, puisque ce serait antipatriotique et plomberait la croissance économique…

Pour ne pas aller trop loin, pensons aux scénarios nationalistes les plus récents, par exemple quant au médicament anti-obésité Accomplia (rimonabant) de Sanofi Aventis. Lorsque l’agence états-unienne du médicament (FDA) a refusé de l’autoriser à cause de ses effets secondaires, tout le monde a dit que c’était par protectionnisme… Combien de victimes avant que l’Europe (et non la France) décide de le retirer du marché, il y a à peine quelques semaines ? Personne n’en parle.

Quant au Gardasil – littéralement bombardé partout par Merck et Sanofi Pasteur MSD -, on voit tous les jours à quel point la pression est forte pour museler la moindre critique et la moindre allusion à un effet secondaire. Et aucun des spécialistes impliqués ne mentionne ses conflits d’intérêts. Qu’importe ! 17.000 généralistes réunis au salon du Medec, cette grande foire industrielle mise en place pour faire l’éloge des firmes, ont décerné à Sanofi Pasteur MSD le prix de la meilleure « communication », justement à propos du Gardasil. De quoi faire confiance à leur jugement…

(Pharmacritique reviendra sur la censure française et internationale concernant le Gardasil).

Et l’omerta et la désinformation étaient là avant que la recherche publique faite dans les universités « s’adapte ». Qu’en sera-t-il une fois que celles-ci seront « en phase » avec le L€€M et agiront selon son vénérable code d’éthique (dont voici la quintessence) ? Les patients devraient se mettre déjà à apprendre l’anglais, chercher directement les « prescribing informations » (RCP : résumé des caractéristiques du produit) anglophones de chaque médicament et lire la presse anglophone. Cette information-là est certes très loin d’être parfaite, mais elle est publiquement accessible et nous prenons bien moins de risques en la suivant qu’en se fiant à la désinformation française, qu’elle vienne de la presse publicitaire gratuite, des médecins payés par les firmes ou de nos autorités d’(in)sécurité sanitaires dont la rengaine n’a pas changé : ce qui est toxique pour les autres ne l’est pas pour les Français. (Accomplia est l’exemple parfait. Comme naguère le Distilbène (DES), que la France a interdit onze longues années après les Etats-Unis, si ma mémoire est bonne).

Et que mère-nature nous garde si l’Europe permet en plus aux laboratoires de (dés)informer directement les patients, comme ils ont l’intention de le faire (cf. catégories « Autorités d’(in)sécurité sanitaire » et « Publicité (directe) des firmes,marketing », qui reprennent entre autres les communiqués du Collectif Europe et Médicament).

Le pire est toujours possible

Comme nous n’avons en plus aucune loi de protection des usagers, aucune loi de liberté d’information (telle le Freedom of Information Act), aucun recours possible en justice (qu’il soit individuel ou collectif), aucun homme politique de la trempe de Charles Grassley, John Dingell, Herb Kohl, Henry Waxman, etc. et aucun journal de la trempe du New York Times, eh ben, ce n’est rien de dire qu’on est mal barrés. La France était déjà un pays où les firmes pharmaceutiques menaient une vie tout ce qu’il y a de plus paisible et sans contraintes. On n’imaginait pas que ça pouvait encore empirer… Le L€€M nous apprend qu’il ne faut jamais penser avoir tout vu.

 

On a vendu nos autoroutes, on vend nos universités et nos services publics. Reste-t-il encore quelque chose de commun, dans le genre de la « chose publique »? Vous voyez de quoi je parle : cette vieille lune qu’on appelait jadis République, intérêt général, bien commun, espace public permettant de débattre des questions concernant l’ensemble des citoyens…

 

Elena Pasca

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