Le financement de la Sécu : Bachelot avance d’autres pseudo-solutions à un problème mal posé

Avant même que le nouveau plan de financement de la Sécu soit rendu public, les journaux nous renseignent sur les tâtonnements du Manager - médecin.jpggouvernement en quête d’économies de bouts de ficelle. L’ampleur du déficit avive les tensions, note le Monde, par exemple. Parmi les propositions figure « un nouveau mécanisme, dit « stabilisateur économique », [qui] autoriserait le directeur général de l’assurance-maladie à « modifier les tarifs des honoraires, des rémunérations et frais accessoires » des médecins libéraux. »

L’ensemble des propositions reste dans le flou artistique, généralement porteur de mauvaises surprises, ainsi lorsqu’il s’agit « d’évaluer le « service médical rendu » de certains actes médicaux qui ne seraient plus remboursés. »

 

Une proposition juste – mais qui ne sera certainement pas appliquée – mérite d’être soulignée : sanctionner les praticiens qui refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU et ceux qui pratiquent des dépassements abusifs. A quand une sanction des dépassements plus qu’abusifs du secteur libéral à l’hôpital public? (A propos, on aimerait savoir ce qu’est un dépassement non abusif…)

Les syndicats des médecins généralistes, en cours de négociation sur les honoraires, s’interrogent entre autres sur l’utilité de conventions fixant des tarifs que la Sécurité sociale peut modifier de façon unilatérale. Le Conseil national de l’ordre des médecins voit d’un très mauvais œil un tel pouvoir discrétionnaire accordé à l’assurance-maladie. Et le docteur Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), rappelle les réactions des médecins au plan Juppé de 1995 et dit que les médecins pourraient se détourner de la droite…

 

Le « temps de la maîtrise comptable » des soins semble venu, note un médecin.

 

Ajoutons que de telles mesures de gestion purement comptable ont déjà été prises en Allemagne, ce qui a abouti à une dégradation importante des soins pour les usagers ayant une assurance-maladie publique : les médecins qui ont dû compenser de leur poche le dépassement d’un certain budget défini d’avance ont réduit les soins et les prescriptions, ce qui s’est forcément répercuté sur la qualité de la prise en charge.

 

Les médecins passent déjà beaucoup de temps en remplissant des papiers administratifs; et ce n’est rien par rapport à ce qui se passe dans des pays où la gestion gouverne la médecine… Il est très curieux de voir que la privatisation n’apporte pas d’économies de ce point de vue-là non plus: les médecins passent beaucoup plus de temps à naviguer dans les diverses paperasses exposant les grilles des divers assureurs privés, à motiver leurs actes, à gérer le budget… Et les frais de gestion – les frais administratifs en général – explosent. Nous avons eu un aperçu de l’efficacité de l’ensemble à travers l’exemple donné dans un article de Marianne dont nous avons repris certains extraits : « Le désastre socio-économique de la santé américaine : résultat de la privatisation néolibérale. Marianne nous dit ce qui nous attend« .

 

C’est cela qui est désespérant : ce gouvernement n’arrête pas de proposer des mesures qui ont fait la preuve de leur inefficacité, voire de leur dangerosité dans d’autres pays. Et le système une fois cassé, il est très difficile de revenir en arrière, comme le constatent tous les jours les Américains, les Allemands et d’autres…

 

Quel dommage que les journaux et les syndicats de médecins se taisent sur les vrais problèmes et n’ouvrent pas la voie à une réflexion sur les solutions structurelles… Il n’y a pas de débat, et tout se passe dans le cadre établi d’avance par la vulgate néolibérale, dont le rêve est de casser tout ce qui relève de la solidarité nationale, de la protection sociale publique, d’une médecine comprise comme une mission de service public. Nous avons évoqué cette question en présentant le livre de Julien Duval, Le mythe du « trou de la Sécu », puis en reprenant quelques extraits du même ouvrage. D’autres aspects sont abordés dans les notes de la catégorie Privatisation de la santé.

 

D’autres sources

(PLFSS signifie « projet de loi de financement de la Sécurité sociale »)

 

PS: Nous n’avons pas intérêt à développer la sensibilité des médecins pour les chiffres et les comptes…

 

Lorsqu’on critique la corruption et les conflits d’intérêts ou encore le paiement à l’acte, on demande, sur un ton ironique ou sarcastique, que les médecins ne développent pas autant leur sens mathématique, des affaires et des profits, mais apprennent surtout à faire de la médecine et à s’intéresser à leurs patients – au lieu des débits et des crédits. Nous sommes mal barrés si l’assurance-maladie demande autre chose… Parce que les talents de manager et de comptable une fois stimulés, ils risquent de se manifester dans le sens affairiste voulu par l’industrie pharmaceutique…

 

Elena Pasca

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