« L’industrie pharmaceutique surveille de près le parlement » suisse, qui est en train de céder au lobbying et d’adopter une nouvelle « lex pharma ». Les conséquences proprement effrayantes des conflits d’intérêts qui motivent la lâcheté des politiques sont dénoncées par Fabio Lo Verso dans plusieurs articles du quotidien Le Courrier. Le plus récent est paru le 6 septembre sous le titre La confédération multiplie les cadeaux aux pharmas. Il est suivi de plusieurs articles explicatifs plus anciens. Le dossier vaut la peine d’être lu en entier.
Quelques extraits pour les plus pressés :
« Le parlement s’apprête à adopter une nouvelle «lex pharma»: après avoir assuré la mainmise des labos pharmaceutiques sur les brevets biotechnologiques, Berne pourrait exclure les médicaments de la loi sur les importations de produits brevetés.
Les prix des médicaments en Suisse sont nettement plus élevés que la moyenne européenne. Combattre cette disparité est un serpent de mer de la politique fédérale. Le parlement s’est toujours montré hésitant à attaquer la forteresse de l’industrie pharmaceutique. Au cours de la prochaine session parlementaire, qui commence le 15 septembre prochain, il semble carrément disposé à battre en retraite. (…)
L’industrie pharmaceutique surveille de près le parlement. Au cours du processus législatif, ses relais politiques ont joué en finesse. Ils ont habilement réussi à faire extraire les importations parallèles de la réforme de la Loi sur les brevets, dans laquelle elles étaient initialement englobées. Ils ont ensuite exercé une pression – intense mais en douceur – sur les élus. Ce qui leur a permis d’assurer leur mainmise sur les brevets biotechnologiques. C’était déjà une première «lex pharma». (…)
Comment Swissmedic bétonne les prix
Qui fixe les prix des médicaments? Swissmedic, l’organe de contrôle de la Confédération. Le fait-il en toute indépendance? Le doute est permis. Auprès de nombreux parlementaires, il est tenace. Ses accointances avec les pharmas restent marquées. L’ancienne législature a été le théâtre d’un bras de fer inédit sur la question. Sous pression, des collaborateurs de l’institut ont été poussés vers la porte. Leur proximité avec les laboratoires était très embarrassante. Hormis ces connivences, les reproches portent aussi sur son opacité, sa lenteur et ses ordonnances truffées d’obstacles bureaucratiques. Ces stratagèmes ont régulièrement été dénoncés par l’ancien surveillant des Prix (…).
Tapis rouge pour les brevets spéculatifs
Les laboratoires ont fini par gagner (…) la longue et exténuante «guerre des brevets». Après plus de quinze ans de débats, le parlement a cédé au lobby pharmaceutique. Les industries du médicament ont acquis le droit de protéger leurs innovations de façon «illimitée». S’agissant par exemple d’une séquence de gènes, le brevet leur accorde un droit absolu sur son exploitation, aussi bien sur ses propriétés avérées qu’insoupçonnées à l’origine. Le détenteur pourra ainsi monopoliser tous les futurs champs de recherche.
La célèbre controverse sur le gène du cancer du sein a fait école dans ce domaine. En 2002, un industriel étasunien avait cherché à obtenir l’octroi de tous les droits sur ce gène. Il a dû renoncer face à la pression internationale. Un cas de brevet spéculatif, qui aurait eu pour effet de renchérir les coûts des tests pour les femmes et d’interdire à tout autre laboratoire d’élaborer un traitement concurrent. Cette dérive est désormais possible en Suisse. La législation n’empêchera pas non plus les laboratoires helvétiques de se ruer sur le savoir traditionnel et le patrimoine génétique des pays du Sud. La biopiraterie a de beaux jours devant elle. Tout pourra être breveté, des plantes aux gènes humains. » (…)
« Les labos détiennent un droit absolu »
[Selon la socialiste Simonetta Sommaruga du Conseil suisse des Etats], « L’industrie pharmaceutique a exercé un lobbying puissant pour empêcher l’adoption des importations parallèles. Son pouvoir d’influence sur le parlement n’est pas nouveau. Il est au moins égal à celui des banques. Je peux comprendre l’argument ressassé à l’envi de la défense de la place économique suisse. Mais il y a des limites et, surtout, d’énormes dangers. (…)
Prenez le cas de la Loi sur les brevets entrée en vigueur ce printemps. Les industries pharmaceutiques ont gagné un droit absolu sur les innovations génétiques. Ils obtiennent un monopole sur toutes les applications futures d’un gène ou d’une séquence génétique brevetée. Les brevets sont le moteur du pouvoir économique du futur et ils sont déterminants pour l’avenir de l’humanité. Qui détient la science des brevets détient les clés pour coloniser les pays du Sud, privés de tutelle sur leurs ressources naturelles. Qui détient le savoir biotechnologique pourra contrôler la nourriture et le marché agricole mondial. La mainmise des multinationales de l’alimentation sur des espèces végétales sera totale. (…) Désormais, les gènes pourront être exclusivement étudiés par ceux qui les possèdent, c’est-à-dire par les laboratoires. (…) »
***
Swiss Info a commenté l’adoption en juin 2007 de la loi sur les brevets – qui est entrée en vigueur cette année – dans l’article intitulé La révision du droit des brevets est favorable aux pharmas.
Un article plus ancien posait la question essentielle, tout en esquivant la réponse : Un monopole sur la vie?
Commentaires ?
Ils sont superflus. Il suffit de rappeler à ceux qui se focalisent sur Monsanto et sur les OGM que les lobbies agro-alimentaire, agro-chimique et pharmaceutique ne sont que des facettes différentes, mais complémentaires, du même phénomène. Monsanto, des firmes suisses telles Novartis et Syngenta, les firmes de biotechnologie… c’est bonnet blanc et blanc bonnet.
Nous avons abordé la question de la biopiraterie et du brevetage du vivant dans les notes réunies sous les catégories Ecologie politique et sociale vs. biototalitarisme et Environnement, OGM, sciences mortifères. Des aspects connexes ont été détaillés dans les notes parlant de Toxiques, déchets, pollution.
Elena Pasca
Vraiment intéressant ton blog, pharma ! Des sujets que je découvre.
Parfois avec épouvante…
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Nous vivons dans cette réalité, c’est tellement évident, comment se fait-il que les gens ne s’en rendent pas compte?
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Le Dr Alain Siary assume sa façon agressive de traiter ceux qui ne sont pas d’accord avec lui; il le dit lui-même et s’en amuse même lorsqu’il dit qu’on le censure sur des forumes (genre The Heart) pour ces mêmes raisons d’agressivité envers ceux qui ont des avis différents.
Content de ne plus le lire ici.
Je ne suis pas sur les positions de Michel de Lorgéril et les autres qui ont posté sur Pharmacritique, mais qu’importe la position! Il faut respecter ses interlocuteurs.
Pharmacritique nous a habitué a plus de vigilance. Peut-être avez vous, Elena Pasca, enfin fait le nécessaire, après lui avoir « jeté des fleurs » pendant longtemps (de l’avis même d’Alain Siary).
Y at-il des liens entre vous et Alain Siary, entre vous et la SFTG?
Pourquoi autant d’indulgence envers lui? Pourquoi toute cette communication pour le pousser en avant, lui et la SFTG, sans étayer cette publicité par des arguments, car il n’y a pas d’écrits à citer, pas de travaux et pas de contribution publique aux débats sur les questions abordés sur ce blog.
La SFTG ne fait rien gratuitement.
Vous leur avez rendu un sacré service, ils vendront plus de programmes de FMC. Mais pas sûr que ce soit une bonne chose pour l’avancement des débats dans le respect des partenaires (question de morale, non? pour vous qui insistez là-dessus…) La SFTG et Alain Siary ne sont pas exemplaires de ce point de vue.
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Les gens s’en rendent bien compte mais sont incapables d’agir en dehors d’une structure légale agissante, pot de fer contre pot de terre, quand il y a élections comme ils ne savent pas les tenants et les aboutissants de la question, ils ne savent plus par ou commencer.
Tous les maux proviennent des élus corrompus ou à corrompre qui, au lieu de barrer la route, en facilitent l’accès.
le mal est généralisé; ceux qui s’opposent au système sont soit écartés soit éliminés.
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