L’ostéopénie rebaptisée « préostéoporose » : façonner une maladie pour élargir le marché de Fosamax et Cie (Minerva)

A partir d’un article paru en janvier dans le British Medical Journal sous le titre Drugs for pre-osteoporosis: prevention or disease mongering? (Traitements de la pré-ostéoporose : prévention ou façonnage de maladie ?), la revue belge indépendante Minerva commente dans 1490107456.jpgl’éditorial de son numéro de septembre la très forte publicité que font les firmes pharmaceutiques pour les médicaments utilisés dans les ostéoporoses avérées, afin d’élargir les indications actuelles des bisphosphonates et autres médicaments intervenant dans le remodelage osseux. 

Les laboratoires utilisent toujours les mêmes recettes : un groupe d’experts (dont les conflits d’intérêts sont denses et n’ont pas de trous, eux) décide de baisser arbitrairement le seuil à partir duquel tel état est déclaré pathologique et relevant d’un traitement pharmacologique. La baisse du seuil de LDL cholestérol en est l’exemple parfait…

Illustration : Student BMJ (dans un autre contexte)

L’industrie pharmaceutique use et abuse du préfixe « pré » – préhypertension, prédiabète, etc. -,  pour faire peur et pousser à la consommation de médicaments dans des états pourtant non pathologiques. Le « pharmacommerce de la peur » dont on parle sur Pharmacritique…

 

Le « pré » ayant acquis ses lettres de noblesse dans d’autres cas de pathologisation d’états « normaux », la publicité cible ouvertement les femmes qui ont une ostéopénie, bombardée « préostéoporose ». Seuils de densité minérale osseuse arbitraires, diagnostiques douteux, utilité douteuse des Fosamax, Bonviva, Actonel et autres Zométa et Aclasta, effets secondaires tels l’ostéonécrose de la mâchoire, les fractures atypiques ou les douleurs musculaires et/ou articulaires de longue durée… Ce sont là des aspects dont il serait indécent de charger les publicités… Il ne faut pas faire peur pour rien; la seule peur admise par les services marketing des laboratoires est celle qui rapporte gros.

Et Minerva de rappeler « la faiblesse des preuves de l’intérêt des médicaments actuels pour le traitement de l’ostéopénie (préostéoporose), entre autres pour la prévention d’autres fractures que morphométriques vertébrales, le nombre élevé de personnes à traiter pour éviter une fracture au vu du risque initial peu élevé ». Et d’insister sur « le déséquilibre, dans cette promotion des médicaments, entre l’exagération d’un bénéfice potentiel, d’une part, et la minimisation ou même l’ignorance des effets indésirables, d’autre part. Le marché potentiel est très important, soit la moitié des femmes en post-ménopause ».

Cela explique le marketing acharné : l’ostéoporose est la nouvelle poule aux oeufs d’or de ce parangon d’indépendance qu’est l’Association française pour l’étude de la ménopause (AFEM), par exemple. Et ce surtout depuis la perte de vitesse des traitements hormonaux substitutifs. Il ne faut surtout pas que la physiologie des femmes et leur vieillissement naturel échappent à l’industrie pharmaceutique !

Cela dit, l’AFEM n’a pas laissé tomber les traitements hormonaux de la ménopause. Elle continue à en vanter les mérites en dénigrant les études anglo-saxonnes qui ont mis en évidence les risques augmentés de cancer du sein et autres effets indésirables chez les femmes ménopausées traitées à long terme. Mais nous connaissons déjà la rengaine, on nous la chante dans la ménopause comme ailleurs: ce qui est toxique pour les autres n’est pas toxique pour les Français(es)!

Il faut noter que, pour une fois, l’AFSSAPS (agence du médicament) n’a pas cédé aux pressions et a maintenu ses recommandations : traitement hormonal aussi court et aussi faible que possible, limité aux cas où la gêne des patientes altère leur qualité de vie de façon significative. Serait-ce parce que les firmes pharmaceutiques qui paient bon nombre des experts de l’Afssaps ont, elles, laissé tomber la promotion du THS (ou THM : traitement hormonal de la ménopause) pour miser à fond sur les médicaments de l’ostéoporose? La question n’est pas incongrue, puisque l’un des arguments qui pousse à une prescription accrue de ces derniers est précisément que les risques d’ostéoporose et de fractures seraient plus importants maintenant que les femmes prennent moins de traitements hormonaux…

Quant à certains effets indésirables sévères, voire irréversibles des bisphosphonates, nous en avons parlé dans les notes subsumées sous la catégorie Traitements de l’ostéoporose.

A noter dans le même numéro de Minerva l’analyse critique d’un article de synthèse comparant l’efficacité de divers médicaments dans le traitement de l’ostéoporose (ou d’une « densité minérale osseuse réduite »), publié récemment dans les Annals of Internal Medicine.

« Un premier choix parmi les médicaments en prévention des fractures ostéoporotiques ?« 

Quant au disease mongering et à la surmédicalisation, voir les articles à ce sujet, à partir de la liste alphabétique à gauche de la page.

Rappel des principaux médicaments de la classe des bisphosphonates:

l’acide alendronique ou alendronate (Fosamax), l’acide ibandronique ou ibandronate (Bonviva, Bondronat), l’acide pamidronique ou pamidronate (Aredia, Merck-Pamidronate), l’acide clodronique ou clodronate (Bonefos, Clastoban, Lytos, Ostac), l’acide étidronique ou étidronate (Didronel, Osteodidronel), l’acide risédronique ou risédronate (Actonel), l’acide tiludronique ou tiludronate (Skelid), l’acide zolédronique ou zolédronate (Aclasta, Zométa, Reclast).

Elena Pasca

13 réflexions au sujet de “L’ostéopénie rebaptisée « préostéoporose » : façonner une maladie pour élargir le marché de Fosamax et Cie (Minerva)”

  1. L’immense avantage à traiter l’ostéopénie, est de retarder l’ostéoporose et donc de retarder l’éventuelle prise en charge par la Sécu du traitement, puisque les indications du remboursement sont très encadrées.
    Pour le THS, je ne serais pas aussi cathégorique : les bouffées de chaleur sont parfois très invalidantes, et les traitements alternatifs n’ont pas une efficacité redoutable (même si le THS ne résoud pas tout). Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.
    Enfin, les études dénigrant le THS ont des biais phénoménaux (et l’une d’elle -la plus discutable- avait servi de tremplin pour lancer le Ralox…)

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  2. L’ostéoporose n’est pas une maladie mais un facteur de risque, parmi une multitude d’autres, d’une maladie: la fracture osseuse. Il y a des solutions non médicamenteuses pour prévenir cette maladie (la fracture): prévention des chutes essentiellement.
    Pour comprendre comment l’ostéoporose a été conceptualisée en maladie par le complexe médico industriel pour vendre des médicaments lire Ray Monihan: Selling Sickness, le chapitre sur l’ostéoporose, du même auteur Selling Sickness: the pharmaceutical industry and disease mongering BMJ 324 2002 886 891
    Autres exemples de facteurs de risque conceptualisés en maladies: HTA, hypercholestérolémie, tristesse( conceptualisée en dépression), etc, etc, lire le hors série en entier: Too much medicine BMJ n°7342 du 13 avril 2002
    Cordialement

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  3. pour les bouffées de chaleur, rien; ou bêta alanine à visée placebothérapeutique; pour celles qui sont vraiment gênées THS pour la durée la plus courte possible (selon les recommandations Afssaps) et en informant des effets indésirables (cancer du sein, infarctus, AVC, etc )
    cordialement

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  4. Les traitements non hormonaux des bouffées de chaleurs sont très favorables aux actionnaires des labos vu leur prix, mais d’efficacité toute relative.
    Pou le THS, Selon les recommandations de l’AFSSAPS, on privilégie la voie trans dermique pour l’oestrogène et la progestérone naturelle.
    La pratique régulière de sport semble être un moyen de prévention de l’ostéoporose. Une alimentation riche en calcium (je n’ai pas dit en lait !), de la marche (hop on fabrique sa vitamine D)
    Bonne journée, et merci pour ces lectures

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  5. Bonjour,
    J’ai 60 ans
    Résultats récents de l’ostéodensitométrie:
    Densité centrale mesurée à T score -3.1
    Densité périphérique mesurée à T score -2
    RCH en rémission
    Aucune utilisation de traitement hormonal quel qu’il soit, cause: RCH
    Proposition de Traitements: EVISTA
    Je ne suis pas du tout favorable à cette proposition
    D’autres possibilités sont-elles envisageables?
    Remerciements
    Cordialement

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  6. Bonjour,
    J’ai 60 ans
    Résultats récents de l’ostéodensitométrie:
    Densité centrale mesurée à T score -3.1
    Densité périphérique mesurée à T score -2
    RCH en rémission
    Aucune utilisation de traitements hormonal quel qu’il soit
    Propositions de traitements: EVISTA
    Je ne suis pas favorable à ce traitement, effets secondaires non négligeables.
    D’autres alternatives sont -elles envisageables?
    Avec mes remerciements
    Cordialement

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  7. Bonjour,
    Je suis dans le même cas concernant les résultats de l’ostéodensitométrie. On me propose Adrovance mais il faut auparavnt que je fasse extraire 3 dents déchaussées certes mais non infectées… inutile de dire que je ne suis pas chaude…
    Y a t-il une alternative? sachant que je ne peux prendre de THS que je marche, que je nage et que je vis au soleil 8 mois de l’année.. Je suis un pau désespérée…

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  8. ne faites rien, contentez vous de vivre, vous n’êtes pas malade et n’avez besoin de rien.
    si, de rester à l’abri des médecins et des médicaments.

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  9. je voulais vous dire que pour les bouffees de chaleur vous pouvez prendre de l huile d amande douce et mettre quelque gouttes de menthe poivree dedans ensuite vous en massez un peu sur l abdomen ça a marche pour moi et mon amie egalement car c’est elle qui me l avait renseigné
    bonne chance

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  10. Bonjour,
    Ma question s’adresse à un professionnel de la santé, tel qu’un rhumathologue.
    Je suis un homme agé de 34 ans et souffre d’ostéopénie, en résumé j’ai une petite charpente osseuse et j’en souffre moralement et physiquement, car pour mon age je me sens fragile et j’ai un corps d’enfant.
    Aussi, après avoir pris connaissance d’une revue scientifique sur les risques et les méfaits des traitements par injection intra veineuse de bisphosphonates, ma question est la suivante: pourra-t-on élaborer dans un futur proche un traitement qui pourra augmenter le volume osseux sans risque majeur pour la Santé, pour les hommes entre autres, souffrant comme moi d’ostéopénie.

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  11. Mon ostéoporose s’est agravée malgré mon traitement FOSAMEX. J’ai des problèmes de dentition mes dents se cassent lors d’un arrachage. J’ai dû arrêter le fosamax environ 2 mois et c’est dernièrement après plus de 3 ans de traitement que mon ostéo s’est dégradée. Pouvez me conseiller, dois-je continuer dce traitement
    merci de votre réponse

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