Si vous vous attendez à une révolution, vous allez être déçu(e)… Les détails sont dans un communiqué de presse du 4 août : FDA Announces Improved Policies Regarding Transparency, Public Disclosure for Advisory Committees. Autrement dit, la FDA – équivalent de notre agence d'(in)sécurité sanitaire aussi transparente que l’est son nom: Afssaps – annonce des « améliorations » de sa politique en matière de transparence, de déclaration publique des conflits d’intérêts et de fonctionnement des comités d’ »experts ».
Photo: Agence Science Presse (Au cas où sa signification ne sauterait pas tout de suite aux yeux, le rapport entre certains experts et les asticots devient évident à la fin. Mais ne brûlons pas les étapes : d’abord le menu, ensuite la décomposition ;-).
Un barème précis, plafonnant les paiements de l’industrie, et des informations rendues publiques
Selon le nouveau menu proposé par la FDA, les « experts » ayant des liens d’intérêt estimés à plus de 50.000 dollars avec la ou les firmes susceptibles d’être affectées par un vote précis ne pourront pas assister à la réunion du comité en question. Ce plafond concerne l’expert et sa famille proche. Ceux qui ont des intérêts estimés à moins de 50.000 dollars pourront obtenir une dérogation, si leur expertise est indispensable pour éclairer une décision. Les dérogations seront motivées, détailleront la nature des conflits d’intérêts, et le tout sera rendu public sur le site de la FDA avant la réunion respective. La FDA envisage de faciliter la lecture de son site, de façon à permettre une meilleure identification des conflits d’intérêts et une lisibilité accrue des dérogations.
Une meilleure accessibilité publique du matériel soumis aux experts
L’agence du médicament envisage de rendre publics les contenus des documents sur la base desquels les experts devront prendre leurs décisions, et ce au plus tard 48 heures avant la réunion. Elle fait des recommandations destinées aux firmes pharmaceutiques qui développent les produits concernés par le vote, pour que les industriels soumettent leurs documents selon un certain calendrier. Des délais précis seront à respecter par la FDA elle-même, lorsqu’elle informera les firmes qu’une réunion d’experts débattra de leurs produits.
Des procédures différentes de vote
La FDA propose de changer les modalités de vote, pour diminuer l’influence, même non consciente, du vote de certains experts sur les autres. Autrement dit, il s’agit d’endiguer l’effet de groupe (vouloir voter comme la majorité, etc.). Pour cela, tous les experts voteront en même temps et non plus l’un après l’autre. Les résultats seront annoncés au cours de la réunion et les votes seront rendus publics.
Pourquoi faire appel à un comité d’experts ?
Enfin, des clarifications seront apportées quant aux raisons pour lesquelles la FDA soumet ou ne soumet pas tel aspect, tel produit à la discussion par des experts et au vote. Et il y aura des améliorations sur des détails de lisibilité et d’accessibilité publiques du calendrier des réunions, du matériel documentaire et des diverses procédures. Par exemple, une page du site de la FDA sera consacrée à chaque comité, unifiant ainsi des informations auparavant dispersées sur sa composition, sur les candidatures, les réunions et les contacts. Une autre page du site sera réservée aux commentaires et réactions du public, dont un résumé sera publié.
Ces modifications entreront en vigueur début décembre 2008.
Des dérogations en nombre limité
C’est peut-être l’élément le plus novateur de l’ensemble : conformément à la loi d’octobre 2007 sur les attributions de l’agence » du médicament, la FDA a cinq ans pour réduire de 25% le nombre de dérogations qu’elle accorde.
Les détails sont exposés dans cinq recommandations différentes, accessibles depuis la même page du communiqué de presse. Un autre document résume le tout ; enfin, on peut accéder à une version pour les usagers. (Quelle douteuse sollicitude!)
Quelques commentaires
Il n’y a pas de quoi révolutionner les pratiques actuelles… La lecture de ce que la FDA considère comme des « améliorations » permet de mieux réaliser à quel point ces comités d’experts sont corrompus par l’industrie…
Et on se demande à quoi correspondent exactement les 50.000 dollars ? A des paiements annuels ou mensuels ? La question n’est pas farfelue, parce qu’on sait que certains empochent des centaines de milliers de dollars par an, selon des modalités diverses et variées. Et puis s’il s’agit de compter seulement les intérêts directement financiers (argent et actions), on passe à côté d’une bonne partie des moyens de corruption des médecins par l’industrie pharmaceutique.
Nous avons parlé de notre vénérable Afssaps et de ses contorsions avec les conflits d’intérêts tout particulièrement dans une note qui montrait que plus ça change, plus c’est la même chose… Plus on produit de belles paroles et des fichiers FIDES de déclaration d’intérêts, plus on cherche des modalités pour esquiver la résolution du problème de sécurité sanitaire créé par les conflits d’intérêts des « experts ».
Les asticots…
Lorsqu’il s’agit de dangers pour la santé publique, on a habituellement recours à des mesures massives et qui ne font ni dans le détail ni dans la dentelle. Pensons aux campagnes de désinsectisation ou de dératisation. Encore que, les rats et les insectes font par instinct et déterminisme irrépressible ce à quoi les pousse mère-nature. La force du déterminisme n’est pas la même chez nos « experts ». Et les réflexes sont conditionnés et donc répressibles, dans ce cas… Il suffit de le vouloir. Non?
Alors vu le danger que sont les experts ès commerce pour la santé publique, puisque leur corruption altère et décompose l’intérêt général – même au sens étymologique du terme « corruption » -, pourquoi finasser ? Pourquoi broder des belles paroles, si c’est pour cacher la pourriture ? (Là encore, c’est le sens du terme « corruption »… Rien d’original.) Broderie d’asticots pour dire qu’il y a corruption et corruption ? Pour établir arbitrairement tel seuil – c’est-à-dire tel montant : l’équivalent néolibéral des 30 argents – en deçà duquel la corruption ne serait plus de la corruption ? Et en deçà duquel les asticots seraient des chenilles de papillons ?
Je m’empresse de poster le tout, parce que ma connexion est capricieuse ce dernier temps. (Et les caractéristiques techniques du blog aussi). La dernière fois que j’ai essayé de faire cette note, la connexion s’est arrêtée quand j’ai voulu l’enregistrer, emportant dans le néant quelques beaux commentaires. (Ma spontanéité irrépressible, contraire des déterminismes ;-)) Alors je suis passée de la beauté aux asticots. Et je n’ose pas imaginer ce que ça donnera la prochaine fois…
Quand même, je ne peux pas ne pas rappeler une belle caricature en plein dans le sujet, postée sous le titre Les experts, les autorités sanitaires et la pompe à fricaments…
Elena Pasca
Randall, je ne peux pas m’empêcher de faire une analogie entre ces asticots et « la main invisible » d’Adam Smith, dans un néolibéralisme tout aussi naturellement irrépressible et tout aussi aveugle que celui des experts…
Votre apologie du marché qui s’autorégule et du système publicitaire – en général et dans la presse médicale en particulier – fait que « la main invisible » déclenche chez moi une envie irrépressible de citer Marx et Nietzsche 😉
Vous voyez, ce sont deux orientations très différentes, mais arrivant au même « diagnostic » concernant les dérapages de l’esprit humain qui cherchent à se légitimer en se faisant passer pour des lois de la nature…
« Das eherne Gesetz der Natur », me semble-t-il. La « loi d’airain de la nature », devenue « loi d’airain de l’économie » dans le néolibéralisme, qui mélange les fins et les moyens pour mieux détruire la nature à coup de technosciences économiquement rentables. Comme disait Jacques Testart – dans la lignée des critiques de ce marasme moral – on ne cherche plus à comprendre la nature, mais seulement à la maîtriser – ou plus précisément à en maîtriser des bouts qui peuvent apporter un rendement en bourse.
Je ne divague pas, puisque cela s’applique parfaitement bien à la médecine corrompue aussi. Tout comme à la médecine réduite à sa dimension de technoscience, complètement déshumanisée.
Et plus elle se déshumanise, plus elle cherche à broder pour s’automystifier et mystifier les autres. Les prétentions à l’autarcie et à la capacité à décider seule sur les fins font partie de cette automystification. (Les fins relèvent de la morale – à ne pas confondre avec les moyens dont la médecine fait partie, qu’elle le veuille ou non).
Fin de la parenthèse.
Maintenant, si on met face à face les scientifiques, médecins et autres experts corrompus, d’une part, et les asticots, d’autre part, il me semble que ces derniers ont la justification du déterminisme naturel, comme je le disais dans la note. Ils ne prétendent pas avoir une conscience, eux.
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