La prise de position du Journal of the American Medical Association (JAMA), que nous avons traduite dans cette note, partait de l’affaire de l’anti-inflammatoire Vioxx (rofécoxib). Les exploits prodigieux de ce médicament sont parfaitement résumés dans ce gag vidéo…
Répondant au JAMA, la firme Merck dit qu’elle « s’est toujours conformé[e] à des normes élevées d’intégrité scientifique et d’éthique »… Bon exemple de cynisme. Lors des procès mettant en cause le Vioxx (rofécoxib), il a été prouvé que la firme a fait des efforts pour minimiser les risques de morbidité et de mortalité cardiovasculaire. Elle a exercée son influence même au sein l’agence américaine du médicament (FDA), où l’épidémiologiste David Graham a subi de fortes pressions pour se taire. Mais c’est quand même lui qui a lancé l’alerte, et il est depuis sous la protection du sénateur Charles Grassley, le critique le plus avisé des dérapages de l’industrie pharmaceutique. (Rappelons que c’est le tandem Graham – Grassley qui a aussi lancé l’alerte publique à propos d’Avandia (rosiglitazone)).
Merck a payé début novembre 2007 4,85 milliards de dollars pour contenir les actions collectives en justice et dédommager les victimes qui avaient réussi à constituer à temps un dossier complet.
Photo du Dr David Graham tirée du site de MSNBC.
La justice s’est montrée plutôt clémente avec Merck, par exemple en fixant un délai relativement court pour le dépôt des plaintes, en rejetant plus de 5.000 plaintes et en exigeant des preuves directes dans chaque cas, en plus des études scientifiques et autres preuves médicales générales de la nocivité de ce médicament, selon un article du Washington Post. C’est plus que de la clémence face à un médicament qui a battu des records de toxicité et d’effets secondaires majeurs, selon David Graham, cité par la presse : 138.000 crises cardiaques et 55.000 décès estimés rien qu’aux Etats-Unis…
(En France, on n’a aucune donnée. Comme d’habitude, la loi, la justice et les media ne se mêlent pas de choses qui fâchent l’industrie pharmaceutique… Mais peut-être notre fameux « bouclier » aura-t-il protégé les Français de la nocivité du Vioxx ?? On n’en parle pas, donc les victimes n‘existent pas…)
Merck s’en est parfaitement bien tiré, avec ces pénalités de 4,85 milliards, puisque des analystes spécialisés avaient estimé que la firme aurait dû payer un minimum de 10 milliards de dollars. Même pas la moitié, alors qu’il y a eu tous ces morts et que la firme connaissait les risques et qu’elle a pourtant organisé une campagne de publicité très agressive assortie d’une manipulation de tout le processus – depuis les essais cliniques jusqu’aux articles scientifiques… quand on sait que le Vioxx lui rapportait en moyenne 2,5 milliards de dollars par an, l’amende payée est ridicule… Et tout le monde l’a dit, les critiques comme les pro-industrie.
Vioxx : Merck achète la paix à bon prix, titre un site économique belge, qui cite un analyste : « Dans l’ensemble, c’est une bonne affaire pour Merck. Selon moi, le groupe dépensait quelque 600 millions de dollars par an en frais juridiques. En outre, cette indemnisation est de la petite bière comparée aux craintes initiales qui avaient fait plonger le titre Merck dans les 20 dollars ». La bourse ne s’y est pas trompée, puisqu’à l’annonce du montant des pénalités, la valeur de l’action a immédiatement grimpée…
Le journal belge L’Echo revient sur l’affaire Vioxx à la lumière des deux articles et de l’éditorial parus dans le JAMA à la mi-avril.
Merck aurait minimisé les risques du Vioxx dans deux essais cliniques, L’Echo, 15 avril 2008: « (afp) – Les risques de décès liés à l’anti-inflammatoire Vioxx du laboratoire Merck dans deux essais cliniques conduits en 2000/2001 avec des patients atteints d’Alzheimer auraient été minimisés à dessein, selon une étude parue mardi.
Une comparaison des données internes du laboratoire américain en 2001 avec les résultats de ces essais cliniques rendus publics en 2004 et 2005 révèle « que la présentation de Merck quant au risque de décès lié au Vioxx chez des malades souffrant d’Alzheimer pourrait avoir été minimisé à dessein« , écrivent les auteurs.
Des risques multipliés par deux
Merck avait volontairement retiré le Vioxx du marché mondial en septembre 2004 après qu’une étude menée par le laboratoire eut montré que l’anti-inflammatoire non-stéroïdien doublait le risque d’accidents cardiovasculaires graves ou mortels après 18 mois d’utilisation quotidienne.
La dernière analyse est publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) en date du 18 avril, qui consacre également un long éditorial aux effets néfastes de « l’influence de l’industrie pharmaceutique sur l’intégrité de la science médicale. » « Les laboratoires ont un intérêt commercial à présenter leurs produits sous le meilleur jour possible mais une telle approche est contraire aux principes scientifiques qui requièrent que les données sur l’efficacité et le risque du médicament soient parfaitement comparables », poursuivent les docteurs Bruce Psaty et Richard Kronmal de l’Université de Washington à Seattle, co-auteurs de cette étude. « Sélectionner les résultats d’essais cliniques peut donner une image trompeuse du profil risque-efficacité des médicaments », ajoutent-ils.
Un oubli volontaire:
Dans le document interne de Merck datant de 2001 et obtenu dans le cadre des procédures judiciaires auxquelles est confronté le laboratoire à cause du Vioxx, les deux essais cliniques indiquent un triplement du risque de décès chez les malades souffrant d’Alzheimer et prenant cet anti-inflammatoire.
L’analyse des résultats des deux essais cliniques, qui ont porté sur 3.000 personnes, ne mentionnait pas ces données de mortalité, faisant ressortir un risque nettement moindre, qui rendait le Vioxx très acceptable par rapport à son efficacité, expliquent les auteurs de ces travaux. « Les analyses (internes) de la mortalité des deux essais cliniques n’ont jamais été transmises à la FDA (l’agence américaine du médicament) ou rendues publiques au moment opportun », déplorent ces médecins. C’est ainsi qu’en décembre 2001, quand la FDA s’était interrogée sur le risque en examinant les données fournies par Merck, cette firme a « oublié » de fournir cette analyse de mortalité défavorable à un conseil de surveillance de la sécurité des médicaments de l’agence fédérale. « L’ampleur (véritable) du risque de mortalité (…) aurait selon nous conduit la FDA à arrêter rapidement l’essai c
linique ».
La FDA montrée du doigt :
Une analyse à grande échelle publiée en novembre 2004 dans la revue médicale britannique The Lancet concluait que le Vioxx aurait dû être retiré du marché des années auparavant puisque les risques cardiovasculaires posés par ce médicament étaient déjà connus. Le Lancet avait aussi publié un éditorial condamnant l’attitude de Merck et de la FDA. Celle-ci avait donné le feu vert à la mise sur le marché du Vioxx en 1999.
Selon la FDA, pendant les cinq ans de commercialisation du Vioxx, celui-ci a provoqué entre 88.000 et 139.000 attaques cardiaques, dont 30 à 40% ont été probablement mortelles. Merck est parvenu en 2007 à un réglement collectif avec la plupart des plaignants pour 4,85 milliards de dollars.
The Vioxx Saga: Perspective on the Recall retrace l’histoire du Vioxx, pour les lecteurs qui veulent avoir plus de détails.
Un détail croustillant… Le Vioxx avait reçu le Prix Galien, censée être une marque suprême de qualité, puisque « les membres du jury, qui comptent parmi les plus éminents experts et spécialistes en pharmacologie, thérapeutique, pharmacie, médecine, clinique et toxicologie, ont su, par leur choix de lauréats chaque année (…) mettre en valeur les médicaments et les équipes les plus performants ».
Effectivement, il serait difficile de nier les performances du Vioxx… Comme l’aveuglement des experts face à la campagne publicitaire massive de Merck et à ses financements généreux. Nous avons un équivalent avec le vaccin Gardasil, lui aussi produit par Merck (et commercialisé en Europe par Sanofi Pasteur MSD, firme détenue à 50% per Merck) : autorisé trop rapidement, sur une base scientifique largement incomplète « compensée » par beaucoup de désinformation, comme l’a dit la revue allemande indpendante Arznei-Telegramm. (Voir la traduction de son analyse dans cette note). Or le Gardasil est lui aussi lauréat du prix Galien… Sur la liste des lauréats, on trouve aussi le Chantix (varénicline) de Pfizer, distingué dans la spécialité « santé publique »… Et qui est mis en cause pour des effets indésirables psychiatriques graves, comprenant le suicide. Mais si on y pense: un fumeur qui meurt arrête de fumer, l’objectif est atteint… Espérons quand même que ce prix n’est pas de mauvais augure dans tous les cas…
Retour au procès de Merck.
Les termes du « corporate integrity agreement » – procédures de contrôle et contraintes accompagnant les pénalités financières qui ont pour but de ramener la firme dans le droit chemin – ont été signés début mai 2008 et rendus publics sur cette page de l’Inspection générale du ministère de la santé des Etats-Unis (OIG: Office of Inspector General).
Voici un entretien très édifiant avec David GRAHAM, épidémiologiste à la FDA et lanceur d’alerte sur le Vioxx.
Il parle de cette affaire ainsi que des tares structurelles de la FDA, qui font qu’elle protège les intérêts de l’industrie pharmaceutique au lieu de se concentrer sur la sécurité d’emploi des médicaments, sur leurs risques et effets secondaires: The FDA Exposed: An Interview With Dr. David Graham, the Vioxx Whistleblower.
Pour d’autres détails, voir aussi cette note ultérieure de Pharmacritique:
« L’assurance-maladie allemande veut traîner Merck en justice, au nom des victimes du Vioxx. Retour sur un désastre annoncé », qui retrace les principales étapes de l’histoire de cette mise en danger délibérée des patients par le laboratoire Merck.
Bonjour,
Je vous ai envoyé un email il y a deux jours, mais je ne sais pa si vous l’avez reçu.
Bien cordialement.
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Bonjour,
Oui, merci, je l’ai reçu. Suis submergée par tout un tas d’informations à travailler pour les mettre en ligne et traverse une période particulièrement mouvementée…
Je vous répondrai, mais j’ai besoin d’un peu de temps. Comme toujours 😉 et c’est pour cela que je parle de « retardite chronique », en attendant que l’industrie pharmaceutique trouve un remède 😉
A bientôt.
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L’AFP fait état d’une nouvelle étude ,montrant ce qu’apparemment tout le monde savait : http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5g6yEEJk9Akq6ouqCRc4qMJQmw3YQ
« Pour le Dr Ross, qui cherchait à établir un modèle de veille sanitaire efficace, la nouvelle étude donne des pistes pour mieux assurer la sécurité des médicaments une fois sur le marché. »
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par la présente
1)je viens signaler que j’ai pris du vioxx pendant une certaine période(mon médecin n’a pas voulu me dire ;
2)j’ai eu aussi comme traitement de l »isoméride » pendant une certaine période aussi;
3) pour pouvoir mon 2eme enfant j’ai eu un traitement pour tomber enceinte et ensuite pendant 8 mois et demi j’ai eu un gros traitement (je ne sais pas si dans le lot il y avait du distilbène???? mais le traitement était lourd en médicament sans compter les semaines passées à l’hôpital avec des piqûres et les jambes en l’air pour garder le bb;
j’ai déclaré en novembre 2009 le cancer de l’endomètre et quelques jours après suite à un IRM le cancer du col de l’utérus était lui aussi déclaré donc la totale comme opération avec le labo qui expertisait les ganglions au fur et à mesure de cette opération ;en février radiothérapie et lors d’une visite à Lyon pour la suite du traitement :curithérapie; cancer du vagin mais placé à l’envers pas dans les normes donc à nouveau opération avec greffe et pose du matériel pour la curie (66 heures dans un lit sans bouger ni se lever et relier au radion) et ensuite dernière séance de curie mais qui ne dure que 15 mn avec pose de l’appareillage compris mais à cette date (22/01/2011) toujours des brulûres ; des grattages ETC……… très pénible
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