Des réactions critiques face au Gardasil et à son utilisation massive commencent à se faire entendre en Suisse aussi. Avant d’y arriver, rappelons brièvement le contexte :
J’ai rendu compte des réactions critiques face au Gardasil et à la campagne de désinformation orchestrée partout en Europe par Sanofi Pasteur MSD, sur le modèle américain de Merck. J’ai aussi parlé des données scientifiques insuffisantes ou occultées par les firmes comme de certains travers méthodologiques, etc. Tout cela, ainsi que le fait que le RCP ne note que les effets indésirables à 15 jours après chaque dose de vaccin (certes, avec certains signalements post-commercialisation) invite à la prudence, à attendre les résultats d’études mieux ciblées et bien plus longues. Et cela n’invite certainement pas à se lancer dans une campagne de vaccination massive les yeux fermés, en transformant nos filles en cobayes des firmes pharmaceutiques dans une expérimentation grandeur nature (Carlos Alvarez-Dardet)…
J’ai évoqué les craintes de certains vaccinologues, selon lesquels cette vaccination contre deux souches oncogènes de HPV (16 et 18) pourrait au contraire favoriser le cancer du col de l’utérus, par une augmentation du taux de remplacement de ces sérotypes de papillomavirus humain par d’autres, plus résistants et que le système immunitaire aurait beaucoup plus de mal à neutraliser tout seul, comme il le fait actuellement dans environ 90% des cas d’infection, y compris lorsqu’il s’agit d’une infection par des sérotypes HPV à haut risque cancérigène.
J’ai montré, études à l’appui, que la prévalence des sérotypes HPV 16 et 18 – contre lesquels le Gardasil est censé protéger – est variable et plutôt faible dans les pays occidentaux; de toutes les femmes infectées aux Etats-Unis par tous les sérotypes HPV confondus (et il y en a une bonne centaine), seules 2,3% le sont par l’un ou l’autre de ces sérotypes 16 ou 18… Nous sommes loin du danger imminent qui guetterait toutes les jeunes filles occidentales dès le premier rapport…
D’autres critiques ont mis en évidence le fait que la réduction du risque de cancer du col de l’utérus n’était que de 17%. Cf. l’excellente analyse de la revue allemande Arznei-Telegramm, dont j’ai publié la traduction intégrale dans cette note. Cet article est à lire et à relire, parce qu’il apporte plusieurs autres informations déterminantes, comme le fait que le laboratoire n’a pas rendu publics tous les résultats, que les filles du groupe placebo ont elles aussi commencé à être vaccinées, etc.
Pour avoir une vue d’ensemble des critiques – récurrentes de l’Espagne au Canada en passant par l’Italie -, vous pouvez lire les notes de notre catégorie « Gardasil », à commencer par la plus ancienne. Vous comprendrez mieux l’article qui suit, dans la mesure où il s’intègre dans une série de protestations initiées habituellement par des spécialistes et relayées par la presse. Ici, c’est une journaliste suisse, Catherine Riva, qui a bien fait son travail d’enquête et d’information du public, allant au-delà du pseudo-consensus créé à coup de financements massifs par Sanofi Pasteur MSD. Financements des « leaders d’opinion », de ces experts qui s’expriment partout et chantent la partition écrite par la firme pharmaceutique… Sans parler de ce que j’ai toujours appelé « pharmacommerce de la peur », qui bat son plein dans l’énorme campagne médiatique destinée à vendre en culpabilisant les parents qui ne feraient pas vacciner leurs filles…
Il me reste à parler de plusieurs autres aspects, apporter quelques preuves supplémentaires ou ajouter d’autres voix critiques au choeur des protestations qui prend une forme de plus en plus nette. Mais je profite de l’occasion donnée par l’auteure de l’article suisse, Catherine Riva, qui m’a envoyé ce texte pour le reprendre en intégralité, quitte à revenir plus tard sur d’autres aspects. Il y a encore des journalistes qui nagent à contre-courant, contre le mainstream, comme on dit… Il y a de l’espoir, si tous ne se laissent pas berner par la propagande ambiante. La plus critique étant la presse allemande, bien sûr, et de loin, compte tenu de l’existence de quatre revues médicales indépendantes, dont l’excellente Arznei-Telegramm, qui n’a pas mâché ses mots sur le Gardasil ou sur le Cervarix et s’est aussi inquiétée des effets secondaires (voir la note déjà citée), là où la revue Prescrire ne trouve rien à redire.
Elena Pasca
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Voici l’enquête de Catherine Riva, parue le 29 mars 2008 dans le journal suisse Le matin : « Vaccin contre le cancer du col de l’utérus: nous a-t-on tout dit? »
« En Suisse, l’utilité d’une vaccination contre les souches de papillomavirus (HPV), responsables de 70% des cas de cancer du col de l’utérus, n’a jamais été remise en question. Notre enquête montre qu’il y aurait pourtant eu de quoi. »
« Plus rien ne s’oppose en Suisse à une vaccination à large échelle des jeunes filles contre certaines souches de papillomavirus humain (HPV), responsables de 70% des cas de cancer du col de l’utérus. Pour autant qu’il se fasse dans le cadre d’un programme cantonal de type vaccination scolaire, le vaccin sera pris intégralement en charge par l’assurance de base. Les estimations des coûts des premières vagues de vaccination qui démarreront à la rentrée varient selon les sources: Santésuisse, l’organisation faîtière des assureurs-maladie, les devise à 160 millions de francs. Alors que Claire-Anne Siegrist, directrice du Centre de vaccinologie de l’Université de Genève et présidente de la Commission fédérale des vaccins (CFV), parle de 16 millions par année par tranche d’âge – soit 98 millions pour six tranches d’âge.
Dans tous les cas, la somme sera rondelette, rapport au prix record du Gardasil®, le vaccin anti-HPV développé par Merck et commercialisé en Europe par Sanofi-Pasteur. De fait, en dépit des rabais obtenus par Santésuisse, le vaccin anti-HPV reste le plus coûteux jamais mis sur le marché. Si le prix du produit a été très critiqué en Suisse, la question de l’utilité d’une vaccination anti-HPV, en revanche, n’a fait l’objet d’aucune controverse: le débat s’est résumé à dénoncer la «lenteur» helvétique, à saluer le rôle «pionnier» de certains cantons, ou à mettre en garde contre le «retard» que la Suisse était en train de prendre par rapport aux autres pays.
Divergences européennes
Pourtant, cette affirmation, qui sous-entend l’existence d’une unanimité internationale sur le vaccin anti-HPV ne correspond pas à la réalité. Les positions adoptées par les différents Etats européens sont loin d’être identiques: la question du financement de la vaccination est toujours débattue en Suède et a écopé d’une fin de non-recevoir en Finlande comme en Autriche. Les autorités autrichiennes ont aussi décidé de ne pas recommander officiellement le vaccin. Par ailleurs, les pays qui recommandent la vaccination ne la remboursent pas forcément intégralement. Enfin, là où la vaccination a été recommandée, comme au Canada, en Espagne, en France, en Italie et en Allemagne, de nombreux acteurs de santé publique protestent haut et fort: dans les revues indépendantes, sur Internet, ou par la voix de collectifs de médecins qui réclament un moratoire. Que dénoncent-ils? D’abord des données insuffisantes. Les études disponibles sur le vaccin anti-HPV ont toutes été financées par les fabricants et certains résultats n’ont toujours pas été communiqués, notamment l’incidence du vaccin sur l’ensemble des lésions précancéreuses de haut grade. De plus, le recul actuel de cinq ans est insuffisant, car entre la contamination par un HPV et le développement de lésions précancéreuses, il s’écoule en moyenne entre cinq à douze ans. Enfin, on ignore si un rappel sera nécessaire et combien il coûtera.
Deuxième argument; des chiffres divergents. En Suisse, en France et en Allemagne, c’est Sanofi-Pasteur qui s’est chargé de calculer le rapport coûts bénéfices. Alors que la Grande-Bretagne, la Belgique, la Norvège et l’Autriche ont confié cette tâche à des instituts indépendants qui ont opté pour d’autres modèles de calcul. Résultat: l’étude financée par Sanofi-Pasteur prévoit à terme une diminution de 70% du nombre de cancers du col; ce chiffre, dans l’étude autrichienne, est de tout juste… 10%.
Autre reproche, l’appareil de «sensibilisation» déployé par les fabricants a été colossal. Ils ont inondé les médias et Internet de communiqués (d’où une remarquable unanimité des chiffres et des données) et à téléguider d’innombrables initiatives pseudo-citoyennes aux Etats-Unis et en Europe – qui se nomment Action, Coalition ou Partenariat contre le Cancer du col, sont parrainées par des célébrités, présentent ce cancer comme l’un des plus meurtriers et surtout réclament l’accès généralisé et gratuit à une vaccination anti-HPV, un peu comme on revendique le droit à l’eau potable. «On a créé un climat de peur qui n’a rien à voir avec la réalité, dénonce Martin Winckler, médecin et référence française en matière de contraception. Oui, ce cancer fait des ravages – mais dans les pays en voie de développement qui n’ont pas les moyens de faire du dépistage.» Les fabricants ont aussi mis en place dans toute l’Europe des sites «d’informations» destinés aux adolescentes et «taillés sur mesure» pour chaque Etat (en Suisse: fr.tellsomeone.ch). Enfin, «le débat a été biaisé d’emblée, témoigne Abby Lippman, professeure au Département d’épidémiologie de l’Université Mc Gill à Montréal. Tous ceux qui ne plébiscitent pas le Gardasil® sont aussitôt catalogués «anti-vaccin», ou, pire, accusés d’indifférence envers la santé des femmes.»
Dépistage insuffisant
Le dépistage pourrait aussi être amélioré selon les opposants au vaccin systématique: «Le dépistage par frottis a fait reculer la mortalité due au cancer du col, rappelle Abby Lippman. Mais dans la plupart des pays industrialisés, 30 à 70% des femmes sont suivies de manière inadéquate – frottis mal faits ou pas de frottis du tout, manque de suivi des cas détectés, absence de système organisé pour le dépistage et le suivi. Le potentiel est donc encore loin d’être épuisé. Sans compter que la vaccination ne dispensera pas du frottis, car le vaccin anti-HPV ne protège par de toutes les souches cancérigènes.» Pour Claire-Anne Siegrist, ces objections sont insuffisantes: «On s’efforce en vain depuis vingt ans d’améliorer le dépistage. Nous n’avons pas les moyens d’obliger les femmes à aller faire régulièrement un frottis. Pour la prévention primaire, la vaccination remboursée représente la stratégie la plus efficace et la plus éthique. Le dépistage devra être maintenu, mais sera plus précis, moins fréquent. Quant à la question du rappel, nous en avons tenu compte dans nos calculs. Enfin, le vaccin a déjà été vendu à plus de 15 millions de doses, son efficacité est démontrée.»
Quelques chiffres
- En Suisse, chaque année, le cancer du col de l’utérus représente 1,6% de l’ensemble des nouveaux cas de cancer diagnostiqués (317 cas) et 1,3% des décès dus à un cancer (88 cas) dans la population féminine.
- Son incidence a baissé d’environ 28% depuis les années 1980.
- On estime qu’en Suisse, près de 50% des femmes sont mal suivies en termes de dépistage.
- Le vaccin anti-HPV est administré en 3 injections (un mois entre la 1re et la 2e injection, 6 mois entre la 2e et la 3e injection).
Sources: Rapport de la CFV et Ligue suisse contre le cancer
Des experts partiaux?
La décision de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) de recommander le vaccin et celle du Département fédéral de l’intérieur (DFI) de déclarer son remboursement obligatoire ont été prises après la publication des recommandations de la Commission fédérale des vaccins (CFV), qui s’est appuyée sur les travaux menés par un groupe de travail de seize personnes, dont sept sont membres de la CFV. Parmi ces experts, trois ont déposé un ou plusieurs brevets pour des produits susceptibles d’entrer dans la fabrication de vaccins, cinq ont signé des publications pour des recherches financées par les fabricants et participé comme intervenants à des congrès organisés par ces derniers, et trois s’étaient déjà exprimés officiellement en faveur du vaccin avant son homologation en Suisse. Interrogée sur la question du conflit d’intérêts, Claire-Anne Siegrist répond: «Ces experts suivent les avancées du vaccin depuis des années. Il aurait été regrettable de se priver de leur expertise. De plus, nous n’avions pas à rendre publics ces éléments, car le groupe de travail n’est pas soumis aux mêmes règles de déclaration de conflits d’intérêt que la CFV.»
En ce qui concerne la CFV, la question se pose aussi: sept de ses membres ont régulièrement affaire aux fabricants (financement de recherche, conférences, enseignement), trois d’entre eux se sont vu décerner en 2005 le prix Sanofi-Pasteur (10 000 francs) et l’un de ces lauréats est aussi vice-président de la STIKO (équivalent allemand de la CFV) qui a recommandé en mars 2007 une vaccination intégralement remboursée pour l’Allemagne, alors que le rapport de la CFV était encore en phase d’élaboration. «Je peux affirmer en mon âme et conscience, assure Claire-Anne Siegrist que la CFV a fait un travail objectif, en appliquant rigoureusement les règles.» »
source: Article de Catherine Riva
voilà
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