Mise à jour datée du 16 janvier 2012 à la fin de l’article
A l’heure où les études et les preuves scientifiques s’accumulent pointant dans le sens d’une implication massive des toxiques environnementaux dans la survenue de diverses maladies, qu’il s’agisse de co-facteurs ou de corrélations à approfondir, la recherche française fait marche arrière. Elle est pourtant déjà très en retard par rapport aux pays anglo-saxons en particulier, sans parler du retard en matière de sensibilisation de la population et des professionnels de santé, évident lorsqu’on regarde la quasi inexistence de formations en santé environnementale et le mépris des leaders d’opinion pour cette problématique.
Lors du Grenelle de l’Environnement, de la mise en place de la Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation et des Plans Nationaux Santé Environnement (PNSE) 1 et 2 comme du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE), l’on a pu constater ce retard français, que ces dispositifs auraient dû permettre de rattraper. Or il n’en est rien.
Au niveau européen, c’est chaotique : un pas en avant, deux en arrière. La législation REACH sur les agents toxiques a été extrêmement difficile à obtenir, avec un résultat minimaliste. Et pourtant, les lobbies industriels ont fait en sorte d’obtenir de leurs porte-voix politiques des réglementations qui, dans les faits, détricotent REACH, en revenant à des notions tels que les seuls d’exposition ou la dose minime de nocivité, dépassées selon la toxicologie. D’autre part, la Commission européenne a lancé en août 2011 une campagne pour la mise en place d’études scientifiques des perturbateurs endocriniens, y compris dans leur effet nocif cumulatif, permettant une évaluation globale (voir cet article, qui donne aussi des références complètes et des liens).
En France, il y a eu des avancées quant au bisphénol A en particulier, confirmé par le vote, en octobre dernier et à la surprise générale, une loi interdisant le bisphénol A dans les récipients alimentaires, qui confirme le précédent vote sur d’autres perturbateurs endocriniens.
C’est dans ce contexte que le conseil d’administration de l’Agence nationale de la recherche (ANR) a voté le 27 octobre dernier l’arrêt du programme de recherche CESA («Contaminants et environnement: métrologie, santé, adaptabilité, comportements et usages»), à contre-courant de tout ce qui se fait dans les autres pays occidentaux et même des travaux lancés par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire).
Une pétition publique peut être consultée et signée sur cette page : « Pétition pour le rétablissement de l’appel d’offre de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) concernant les contaminants de l’environnement et leurs effets (CESA) ».
D’autre part, on apprend que le REMERA (Registre des Malformations congénitales de Rhône-Alpes) s’arrêtera le 1er janvier 2012, privant ainsi les citoyens comme les professionnels de santé des données sur les effets tératogènes et autres toxicités des contaminants environnementaux et autres agents toxiques tels que des médicaments et autres substances chimiques de toute sorte…
Voici quelques détails sur ces décisions, suivis par des extraits de la réaction de plusieurs associations et des réflexions sur la manipulation de la recherche publique et le gaspillage des deniers publics dans des programmes de recherche finalisés imposés par les industriels à travers la nouvelle politique de partenariats (sic) public-privé, qui traduit l’ »économie de la connaissance » voulue par la « stratégie de Lisbonne » et par la politique de Nicolas Sarkozy, acquise aux intérêts industriels (voir détails et liens plus bas).
Grenelle de l’environnement, Alzheimer cause nationale… Paroles, paroles, paroles…
Nicolas Sarkozy ne disait-il pas récemment que l’écologie, « ça commence à bien faire ? » C’est manifestement aussi le cas de la recherche publique, de la recherche fondamentale, comme l’illustre l’implication des frères Sarkozy dans le tournant affairiste pris par l’approche du vieillissement de la population et la prise en charge des aînés, et en particulier par l’approche de la maladie d’Alzheimer, qui n’a pas été décrétée cause nationale par hasard… (Voir cette investigation détaillée sur les conflits d’intérêts des frères Sarkozy dans toutes les composantes de la prise en charge des personnes âgées).
Lorsque l’on sait que l’argent public est spolié dans des « partenariats public-privé » (PPP) dans le seul intérêt de laboratoires pharmaceutiques et autres industriels voulant des produits finis immédiatement brevetables et profitables, il faut que les citoyens se mobilisent pour que tout ce qui impacte négativement leur santé et leur vie quotidienne fasse l’objet de recherches à financement public, dont les résultats ne seront pas manipulés ni biaisés ou tout bonnement enterrés du fait de multiples conflits d’intérêts et biais induits par les financements des industriels qui imposent leurs cahiers de charges.
On peut lire cet article détaillé, déjà cité, sur le détournement industriel des recherches sur l’Alzheimer et les conflits d’intérêts politico-industriels dans ces PPP, ces articles sur des accords public-privé qui n’ont de « partenariat » que le nom, ainsi que sur cet article sur le programme européen Innovative Medicines Initiative. Ce dernier est l’exemple le plus parlant, le gaspillage le plus massif pour enrichir les firmes privées, pour des résultats dont on sait d’avance qu’ils n’apporteront aucun progrès thérapeutique).
Quant au lobbying et aux conflits d’intérêts des hommes politiques, divers articles de Pharmacritique leur sont consacrés, à commencer par ceux accessibles en descendant sur cette page. Enfin, des questions de santé environnementale sont traitées dans des articles subsumés sous plusieurs catégories, accessibles dans la liste alphabétique à gauche du blog.
L’ignorance entretenue par le CRAT sur les agents malformatifs, tératogènes
Mais ce que vous ne savez pas peut vous nuire…
On peut comprendre l’intérêt des industriels à ce que la toxicité, les effets indésirables et nocifs, et en particulier les effets tératogènes de leurs produits ne soient pas connus… Et actuellement, l’ignorance règne. Tout comme le silence, qui sera encore plus profond une fois le registre REMERA des malformations congénitales muselé.
Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les RCP (résumé des caractéristiques du produit) d’un même médicament aux Etats-Unis et au Canada, d’une part, et en France, d’autre part. Les informations sur le potentiel tératogène – de malformations de toutes sortes – ne sont pas du tout les mêmes. Et le CRAT français – Centre de référence sur les agents tératogènes – ressemble plus à une berceuse qu’à un centre d’information. J’en ai eu la preuve par le passé, lorsque des effets tératogènes d’une classe de médicaments, dûment référencés dans les notices nord-américaines, britanniques, néo-zélandaises, etc. leur ont été signalés, documents officiels à l’appui, émanant des agences du médicament des pays en question. Sans aucun succès, car rien n’a changé dans les informations françaises délivrées par le CRAT depuis ces signalements en 2006.
Les « dealers d’opinion » ne discutent pas. Pas touche aux dogmes!
J’évoquais le mépris des grands pontes – appelés « leaders d’opinion » ou « dealers d’opinion« , au vu de leur influence sur nos concitoyens – pour la santé environnementale.
Une anecdote illustre fort bien ce mépris et cette ségrégation par rapport au commun des mortels: le 2 décembre 2011, Michel Alberganti consacrait son émission « Science publique » (sur France Culture) aux causes de l’explosion des maladies neurodégénératives, et en particulier de la maladie d’Alzheimer. Le point de départ était le livre de Marie Grossman et Roger Lenglet « Menace sur nos neurones. Alzheimer, Parkinson et ceux qui en profitent », dont j’ai esquissé les grandes lignes dans cet article, qui contient également une vidéo choc de présentation par les deux auteurs.
Michel Alberganti nous avait invitées, Marie Grossman et moi, à dialoguer avec des neurologues. Ainsi, le mail d’invitation que j’ai reçu mentionne le nom d’un grand leader d’opinion de la Pitié-Salpêtrière, et j’vais pris quelques notes pour l’interpeller sur ses conflits d’intérêts et ses activités en lien avec l’industrie pharmaceutique… Mais il n’était pas présent. Le journaliste dit par ailleurs avoir invité plusieurs neurologues, qui ont tous décliné l’invitation, à cause du livre « Menace sur nos neurones », perçu comme non scientifique et même… anti-médical.
De même, le syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique (LEEM : Les entreprises du médicament) et la Haute Autorité de Santé (HAS) ont eux aussi décliné l’invitation de France Culture, sachant probablement que nous n’allions pas être tendre avec les quatre médicaments largement prescrits chez les personnes souffrant d’Alzheimer, malgré leur totale absence d’efficacité et leurs effets indésirables (trois anticholinestérasiques et la mémantine, dont j’ai dit tout le bien que j’en pensais dans les articles sur la maladie d’Alzheimer)…
Comment dès lors débattre en toute transparence, en fonction de toutes les données scientifiques, épidémiologiques disponibles et quelle que soit l’issue de ce débat ?
L’émission a quand même été fort instructive, avec deux autres intervenants, dont un ancien président de l’association Alzheimer Europe, qui m’en a voulu d’avoir abordé les conflits d’intérêts des associations et ne pas avoir lâché le morceau…
Les détails sur l’émission « D’où vient l’explosion des maladies neurodégénératives » et la liste des intervenants sont sur le site de France Culture (et on peut toujours écouter l’enregistrement intégral sur cette page).
Décision de l’Agence nationale de recherche de suspendre le CESA : détails
Voici des extraits d’un article paru le 14 décembre 2011 dans le Journal de l’Environnement sous le titre « L’ANR met en stand by la recherche en santé environnementale » :
« Le 12 décembre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) organisait un colloque sur le thème «Cancer et expositions environnementales». Les chercheurs américains, canadiens ou allemands étaient très bien représentés, démontrant ainsi la force de la recherche internationale. La France, très en retard sur le sujet, souffre depuis des années d’une pénurie de toxicologues. Mais depuis peu, elle a décidé de déployer plus de moyens pour répondre aux inquiétudes des citoyens vis-à-vis de l’origine environnementale des cancers.
Un mouvement brisé dans son élan. L’Agence nationale de la recherche (ANR) a en effet décidé lors de son dernier conseil d’administration, le 27 octobre, de suspendre l’appel à projets «Contaminants et environnement: métrologie, santé, adaptabilité, comportements et usages» (Cesa) alors que celui-ci avait été lancé il y a à peine un an. (…)
Le financement du Cesa s’élève à environ 9 millions d’euros, «il s’agit du plus important programme de recherche en toxicologie, en écotoxicologie, portant sur les contaminants de l’environnement», explique Robert Barouki [directeur de l’unité 747 de l’Inserm (Université Paris Descartes)]. L’ANSES dispose, quant à elle, d’un budget de recherche deux fois moins important. Le programme Cesa a permis, par exemple, de financer la recherche sur le chlordécone, un insecticide, démontrant le lien qui existe entre exposition au chlordécone et excès de cancers de la prostate chez les ouvriers agricoles des champs de bananes de Guadeloupe et de Martinique. (…) ».
Dans le texte d’appel de la pétition publique pour le maintien du CESA, on apprend d’autres détails :
Le report du programme CESA, « qui avait permis de distribuer 8 millions d’Euros pour des projets en santé environnementale et écotoxicologie en 2011, revient à priver ce champ de recherche d’au moins la moitié des financements ciblés totaux dont il disposait.
L’argument avancé par l’ANR, selon lequel le périmètre de cet appel d’offres CESA devait être redéfini a de quoi surprendre après seulement un an de fonctionnement, alors que ce programme a été construit après une réflexion approfondie conduite par l’ANR elle même.
Après la non attribution des postes d’enseignants-chercheurs promis par le Grenelle de l’Environnement, la révision à la baisse de sa dotation sur le volet santé, la réduction d’un quart du montant financier affecté au PNRPE [Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens] en 2011 par rapport à 2008, l’escamotage de la majeure partie des 124 M€ du PNSE 2 [2ème Plan National Santé Environnement], la décision de suspension du programme CESA de l’ANR est de nature à briser l’élan » des recherches en santé environnementale et en écotoxicologie.
« L’étude de l’impact des contaminants environnementaux sur les écosystèmes, les organismes et la santé humaine s’appuie sur la création de synergies entre de nombreuses disciplines. Cette recherche requiert donc des moyens humains et financiers et une politique qui s’inscrivent dans la continuité et la durée. (…)
Chaque Euro investi dans la recherche en Santé environnementale est susceptible d’être remboursé plusieurs fois par une limitation des coûts de remédiation des atteintes environnementales, une meilleure préservation des écosystèmes, une diminution du fardeau de maladie dû aux facteurs environnementaux et le développement de l’innovation. Qu’on réfléchisse un instant à ce qu’on aurait gagné en identifiant plus tôt et plus complètement les effets des PCB ou les atteintes sur le neuro-développement de l’enfant dues au plomb… Croire qu’on économise en diminuant le soutien à la recherche, à la formation et à l’innovation dans ce domaine serait faire un bien mauvais calcul.»
Maintien du CESA : communiqué de la Fondation Sciences Citoyennes et du Réseau Environnement Santé
« Santé Environnement : il faut aussi développer la recherche »
Paris, 13 décembre 2011,
En votant à l’unanimité le 12 Octobre dernier l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires, les députés français ont édicté la première loi de ce genre au monde. Après avoir voté en mai dernier l’interdiction des phtalates, des alkylphénols et des parabènes, ils ont confirmé qu’ils avaient pris la pleine mesure de la question des perturbateurs endocriniens. L’ANSES a, elle aussi, pris en compte le changement de paradigme des perturbateurs endocriniens en publiant un rapport, le 27 septembre dernier, qui reconnaît les effets du bisphénol A aux faibles doses. La France se retrouve ainsi être le pays pionnier en la matière.
Les perturbateurs endocriniens ne sont qu’une partie du vaste problème que représente l’épidémie de maladies chroniques dont le constat a été fait les 19 et 20 septembre 2011 à l’occasion l’Assemblée Générale de l’ONU. Le communiqué final signé par les 193 Etats, dont la France stipule : « Nous, chefs d’État et de gouvernement et représentants d’État et de gouvernement […] reconnaissons que le fardeau et la menace que les maladies non transmissibles représentent à l’échelle mondiale constituent l’un des principaux défis pour le développement au XXIe siècle, en ce qu’il vient remettre en cause le développement social et économique dans le monde entier et compromettre la réalisation des objectifs de développement arrêtés sur le plan international ».
Comprendre la nature du lien entre santé et environnement et rendre cet environnement moins pathogène nécessite un énorme effort de recherche interdisciplinaire mobilisant de très nombreuses disciplines scientifiques. Il est donc surprenant qu’au moment où la France s’engage enfin sur cette voie, le principal opérateur de recherche, l’Agence nationale de la recherche (ANR), envoie un signal contraire en rayant des tablettes pour 2012 le programme consacré à la santé environnementale « Contaminants et environnement : métrologie, santé, adaptabilité, comportements et usages » (CESA).
Cette décision est d’autant plus surprenante qu’elle a été prise en catimini à la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du directeur du programme CESA sans que le conseil scientifique de l’ANR, n’ait été associé en amont de ce report. Le Réseau Environnement Santé (RES) et la Fondation Sciences Citoyennes (FSC) demandent aux Ministres en charge de la Recherche, de la Santé et de l’Ecologie d’intervenir auprès de l’ANR non seulement pour rétablir ce programme pour permettre de poursuivre les travaux en cours sur un court terme, mais aussi pour développer des laboratoires universitaires pérennes et indépendants dans ce domaine afin d’assurer une recherche de long terme associée à un enseignement de qualité. Le RES et la FSC demandent que soit organisée le plus rapidement possible une table ronde réunissant toutes les parties prenantes pour élaborer un plan stratégique de recherche en santé environnement. »
Signez sur cette page la « pétition pour le rétablissement de l’appel d’offre de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) concernant les contaminants de l’environnement et leurs effets (CESA) ».
Protestation contre la fermeture du registre REMERA : Fondation Sciences Citoyennes, Réseau Environnement Santé, Générations Futures
« Santé Environnement : après l’arrêt du programme recherche de l’ANR, la fermeture du registre des malformations en Rhône-Alpes »
Paris, 22 décembre 2011,
Il y a quelques semaines, l’Agence nationale de la recherche (ANR) rayait des tablettes pour 2012 le programme consacré à la santé environnementale « Contaminants et environnement : métrologie, santé, adaptabilité, comportements et usages » (CESA). Décision prise en catimini à la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sans que le conseil scientifique de l’ANR n’ait été associé.
Aujourd’hui, c’est le Registre des Malformations congénitales de Rhône-Alpes (REMERA) qui perd sa qualification ce qui entraîne ipso facto son arrêt au 1er janvier 2012. Le REMERA existe pourtant depuis 1973. Il avait fait l’objet d’un audit positif le 5 septembre dernier diligenté par le Comité National des Registres, présidé alternativement par l’Inserm et par l’InVS, qui sont aussi les 2 principaux financeurs du registre, mais aucun rapport d’audit n’a été communiqué officiellement.
L’annonce est faite à 15 jours de la mise en œuvre. Le procédé est autant contestable sur la forme et sur le fond.
Fermer un registre de malformations, c’est se priver d’un outil pour mieux comprendre le lien avec l’environnement. C’est vraisemblablement l’objectif recherché, l’argument budgétaire étant un prétexte, car s’il est un domaine qui ne doit pas être touché par les restrictions budgétaires, c’est bien celui-là, car c’est un investissement qui permet à la fois des gains de santé et des gains économiques.
Ces décisions sont en totale contradiction avec l’objectif affiché par le Plan National Santé Environnement.
Le Réseau Environnement Santé, l’association Générations Futures et la Fondation Sciences Citoyennes demandent au Comité National des Registres de s’expliquer sur la forme et sur le fond de sa décision.
Ils demandent aux Ministres en charge de la santé, de l’écologie et de la recherche d’intervenir pour que la décision concernant le REMERA soit revue.
Ils renouvellent leur demande pour que soit organisée rapidement avec toutes les parties prenantes une table ronde sur la politique de recherche en santé environnement. »
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Vous pouvez lire d’autres informations sur ces questions et sur d’autres actualités en santé environnementale sur les sites du Réseau Environnement Santé, de la Fondation Sciences Citoyennes et de l’association Générations Futures.
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Mise à jour du 16 janvier 2012
Voici un article paru aujourd’hui (16/01/2012) qui apporte beaucoup d’informations sur la suite, ainsi que des précisions et des détails tels que la réponse d’une épidémiologiste (au nom de l’équipe qui tient le registre REMERA) aux reproches qui lui ont été faits pour justifier la « déqualification ». Il y a aussi une analyse plus globale qui vaut le détour. L’article signé Sophie Chapelle est paru sur le site Basta Mag sous le titre « Alertes sanitaires: ces associations qui dérangent un peu trop ».
L’auteure commente les décisions quant au CESA et au REMERA et rappelle aussi le décret de juillet dernier, l’un des coups bas faits comme d’habitude pendant les vacances, qui passent du coup presque inaperçus: c’est le décret sur la représentativité des associations environnementales. Pour qu’elles soient prises au sérieux, elles devraient avoir un certain nombre d’adhérents, des implantations géographiques très étendues, etc. Bref, c’est une façon de les faire taire en invoquant des prétextes qui semblent démocratiques… Plus précisément:
« Pour être reconnues d’utilité publique, ces associations devront désormais compter au moins 2 000 adhérents, exercer leur action sur la moitié des régions, et disposer d’un minimum de 5 000 donateurs. (…) Ce décret est révélateur d’une atmosphère pas vraiment favorable aux expertises indépendantes. « Les députés UMP et les sénateurs ont très mal vécu le Grenelle de l’environnement et la place accordée aux associations dans la représentation des citoyens », avance François Veillerette, dans l’émission « Terre à Terre » (France Culture) du 3 septembre dernier.
Voici quelques extraits de cet article:
« Des études qui dérangent ?
« Les malformations congénitales concernent plus de 3 % des enfants nés vivants et représentent la plus importante cause de mortalité infantile », explique Emmanuelle Amar, épidémiologiste et directrice du registre. Comme ces malformations ne font pas partie des pathologies à déclaration obligatoire, elles ne sont donc pas recensées sur l’ensemble du territoire. « De fait, seul un registre dédié à ce type de pathologies permet d’alerter les autorités sanitaires en cas d’augmentation du nombre de cas de malformations sur un territoire donné », indique l’épidémiologiste. « En neuf mois d’exposition de la mère, on a tout de suite un signal d’alerte. » Détecter une recrudescence de cancers liés à un même facteur, comme les cancers professionnels, peut prendre plusieurs années, le temps que la maladie se déclare.
Emmanuelle Amar et son équipe travaillent notamment sur les pesticides et les expositions professionnelles. « Nous essayons de comprendre les facteurs favorisant la venue de certaines malformations », mentionne t-elle à Basta !. « Nous avons, par exemple, étudié avec le Centre anticancéreux Léon-Bérard le lien entre les pesticides et le cancer du testicule chez le jeune adulte. » Une étude conjointe du Remera et de l’Inserm montre aussi le rôle des dioxines et des métaux lourds, émis par les incinérateurs d’ordures ménagères, dans l’augmentation des malformations urinaires constatée en Rhône-Alpes [4]. « La déqualification soudaine du registre est ahurissante, confie Emmanuelle Amar, surtout que les motifs invoqués ne tiennent pas. Je pensais jusque-là que c’était une simple question de réduction budgétaire. » Elle s’interroge désormais sur les vraies raisons qui ont poussé à cette sanction. »
(…)
« Casser le thermomètre
Cette polémique fait écho à la défiance accrue des citoyens à l’égard d’autorités sanitaires qui ne jouent plus leur rôle. « Que peut-on penser d’une institution publique comme l’InVS dont la mission consiste à organiser la veille sanitaire, et qui préfère détruire les outils de veille existants en santé-environnement ? », s’insurge André Cicolella. « Veut-on vraiment éviter un drame tel que celui du thalidomide ? » Ce médicament, commercialisé en 1955, est responsable de la naissance de milliers d’enfants porteurs de malformations sévères entre 1956 et 1961. S’il a fallu six années pour le retirer du marché, c’est parce qu’il n’existait à l’époque aucun système de surveillance des malformations congénitales permettant de recouper les données. C’est pour tirer les leçons de ce scandale que des registres ont été créés.
Ni l’InVS ni l’Inserm n’ont souhaité reprendre fin 2006 la gestion de ce précieux outil de veille sanitaire, alors que la société d’assurances Groupama se retirait de son financement. Une structure associative, le Remera, a donc vu le jour en 2007 pour gérer le registre, subventionnée par le biais de conventions annuelles, sans aucun fond de trésorerie. L’actuelle décision de suspendre ce registre sur les malformations congénitales va à l’encontre des dispositions du Grenelle et du Plan national santé environnement, qui insistent sur l’urgence de mieux connaître les facteurs toxiques qui affectent les nouveau-nés. « C’est la stratégie du thermomètre : on le casse pour ne pas voir la température », résume André Cicolella. (…) »
L’article intégral est sur cette page de Basta Mag.
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Elena Pasca
Elle a bon dos la crise ! Pétition signée x 2 et envoyée à tous mes contacts.
Amicalement.
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J’ai ajouté une mise à jour à la fin de l’article: il s’agit d’un lien et des extraits d’un article paru aujourd’hui et qui apporte des éléments nouveaux et une analyse pertinente et rappelle aussi le décret sur la représentativité des associations environnementales, l’un des coups bas de l’été dernier.
En effet, on voit que la santé environnementale, « ça commence à bien faire », comme le disait Nicolas Sarkozy parlant de l’écologie…
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