« La nuit sécuritaire »: pétition et manifeste. Bravo à ces citoyens psychiatres qui défendent l’intérêt général!

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme-même qui disparaîtrait », peut-on lire d’emblée sur le site du Collectif psychiatrie. La « défense des libertés individuelles des plus fragiles, des exclus, des malades mentaux » est primordiale, car elle est l’un des indices les plus fiables de l’état de la démocratie d’un pays et du degré de sa pourriture par des ferments totalitaires avançant sous les dehors policés d’une « Sarkofrance » dans laquelle la gouvernance satisfaisant des intérêts électoralistes, particularistes, clientélistes a remplacé depuis longtemps la politique oeuvrant pour le bien commun dans des institutions républicaines.

Peut-être avez-vous déjà signé la pétition relancée par le « mouvement des 1789 » présents le 7 février à Montreuil, qui ont adopté le Manifeste de la Nuit sécuritaire. Quelles que soient mes réserves – n’étant pas sûre du rôle des psychanalystes lacaniens dans ce mouvement – je souscris au constat : Sarkozy et Cie veulent nous pousser à nous taire et accepter progressivement toutes les atteintes à nos libertés individuelles et politiques, à nos droits, y compris celui de l’égalité de l’accès aux soins. Or, faire taire un être humain, c’est le nier dans son humanité, comme dit Hervé Bokobza dans la conclusion. Et voici l’intervention de Jack Ralite, connu pour sa bataille pour une psychiatrie éthique, qui ne mâche pas ses mots quant au « coup du 2 décembre » porté par ce « grand éducateur » qu’est Nicolas Sarkozy.

Rappel de quelques griefs habituels dans les pages de Pharmacritique…

… pour mieux mettre en évidence le contraste

J’épingle régulièrement la psychiatrie pour ses relations de promiscuité avec l’industrie pharmaceutique, soulignant même que c’est cette discipline qui reçoit le plus d’argent des firmes. C’est le cas aux Etats-Unis, du moins, comme on le voit dans les rapports tels celui du Vermont, mais aussi dans les scandales qui éclatent lorsque le sénateur Charles Grassley et d’autres élus états-uniens mènent leurs investigations sur des leaders d’opinion tels Joseph Biedermann, Charles Nemeroff et d’autres, qui empochent des millions et font avancer la cause commerciale de la surmédication des enfants… (Question abordée dans plusieurs notes telles celle-ci).

Un autre reproche majeur est le dévoiement de la psychiatrie en machine à inventer / façonner des maladies (disease mongering), codifiées à l’aide d’un DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) qui pèse lourd en termes de conflits d’intérêts (aussi). Et ce pour ouvrir des marchés aux firmes ou élargir ceux existants, psychiatrisant à outrance des modes et des styles de vie, réduisant des symptômes et des maladies  – qui renvoient d’abord à la difficulté et aux déformations de la relation à l’autre – à des prétendus déséquilibres biologiques de certains neurotransmetteurs. Pensons au déficit de sérotonine dans la dépression, que ces « sauveurs » que sont les laboratoires auront vite fait de combler en apportant ce qui manque…

Bref, la psychiatrie est présente dans ces pages surtout comme objet de critique, comme le montrent les catégories « Conflits d’intérêts en psychiatrie; DSM« , « Normalité, contrôle social, culture psy« , « Psychiatrie, psychotropes, culture psy, dérapages« , « Surmédicamentation, overdose« …

Et pourtant, la psychiatrie est ma spécialité médicale préférée, car (potentiellement) la plus libre par rapport à la technique et à la pharmacopée, la plus humaine, la plus créative, la plus relationnelle. Alors c’est un plaisir de pouvoir saluer une initiative citoyenne dans ce domaine, si elle sort des revendications corporatistes, catégorielles, identitaires trop souvent portées par la profession médicale, pour s’insurger au nom de l’intérêt général, le seul en droit de se réclamer d’une communauté politique républicaine en puissance et en acte.

Je garde quelques réserves, car dénoncer la « culture de l’efficacité immédiate » me fait penser au refus des psychanalystes de se soumettre à toute évaluation, à toute preuve d’efficacité. Or beaucoup de psychanalystes – et tous les psychanalystes de la secte lacanienne, ou du charlacanisme, si vous préférez – jouissent sans entraves de l’arbitraire total qu’ils ont imposé, prenant exemple sur le maître ou gourou Jacques Lacan. Ils sont détenteurs d’un pouvoir qui est un cercle vicieux, sans aucune sortir possible, sans réfutation, puisque toute critique d’une interprétation par l’analyste et/ou d’un aspect de la théorie psychanalytique n’est qu’une résistance, un symptôme de plus montrant que des mécanismes de défense se mettent en place pour résister à la cure, pour que l’analysant continue à tirer des « bénéfices secondaires » de la névrose et refuse un travail sur lui-même, etc.  

En particulier, les psychanalystes lacaniens ont envahi toute la médecine, toutes les formes de soins, et, comme la misogynie de la psychanalyse freudienne a explosé avec Jacques Lacan, une telle position de pouvoir dans les soins se traduit forcément par la maltraitance, la dégradation, l’humiliation des femmes par les soignants, à commencer par le rejet quasi-systématique opposé aux femmes: « c’est dans la tête »… La femme comme un trou, du vide, du néant, un trou dans la culture et la civilisation, les femmes comme destructivité inhérente à leur nature, que seule la domination masculine empêche… S’il s’avère que le Collectif des 39 baigne dans la boue psychanalytique et la défend en sous-main par de telles initiatives, je changerai évidemment d’attitude!

En attendant de le savoir, je préfère croire l’image qu’ils donnent: d’un collectif de médecins ouvrant en tant que mandataires des intérêts de leurs patients. C’est peut-être mon besoin d’illusion, mon besoin de croire qui me fait hésiter. Car, rationnellement et compte tenu de l’hégémonie de la psychanalyse lacanienne, il est peu probable que ce Collectif des 39 ne soit pas noyauté et instrumentalisé pour le maintien des privilèges de la secte lacanienne, dont le charlatanisme ne résisterait évidemment pas à la moindre évaluation… Comme le gourou de la secte, Jacques Lacan, les disciples qu’il a formés par centaines – et tous ceux qui pouvaient payer l’inscription, et peu importe la formation réelle ou non, sont devenus disciples légitimes… – nous narguent en disant ne se réclamer que d’eux-mêmes, de leur attention flottante, de ce que leur propre inconscient leur fait comme signe en rencontrant l’inconscient de l’analysant…

Il va de soi qu’une telle secte charlatanesque peut être intéressante pour des bourgeois fortunés et lettrés qui s’ennuient et veulent avoir des sujets « d’esprit » à raconter lors de conversations mondaines. Mais qu’elle est très dangereuse en médecine et partout dans les soins, notamment par sa misogynie qui fournit la théorie légitimant et justifiant tous les stéréotypes et clichés sexistes, toutes les violences et maltraitances sexistes. Tous les jours, les femmes souffrent là où elles devraient être soignées, sans parler de la perte de chance, de la discrimination et de ses conséquences, lorsque les femmes ne sont pas prises au sérieux. Quant aux mères, rappelons-nous que la maternité permettait aux femmes d’échapper en partie aux persécutions par les religions. Mais la psychanalyse lacanienne ne laisse aucun répit aux femmes: elles sont coupables, quoi qu’elles fassent, coupables de l’autisme, de l’hyperactivité, des troubles de l’apprentissage de leurs enfants, sans oublier les maladies psychiques et psychiatriques qu’ils peuvent avoir. La mère crocodile de Jacques Lacan, qui happe l’enfant et le néantise – aux côtés de la mère araignée qui étouffe l’enfant, etc. Combien de vie détruites? Vies des enfants dont la psychanalyse ne devrait en aucun cas être en charge, mais qui les monopolise, en détruisant leurs vies, mais aussi vies de parents rendus coupables?

En général, combien de vies de femmes détruites, sachant que toutes les femmes souffrent à cause des stéréotypes entrés dans la « culture psy » et qu’elles-mêmes reprennent souvent, à la recherche d’une posture pro-active au lieu de subir la maladie, puisque les maîtres charlatans leur ont promis des guérisons là où la médecine ne sait pas faire… La plupart du temps, les maladies chronicisées pour le profit, comme l’endométriose, les maladies traitées par des médicaments inefficaces mais prescrits à cause des conflits d’intérêts des médecins avec l’industrie pharmaceutique, bref, toutes les maladies qui se prêtent à la marchandisation seront redéfinies de façon à ce que le marché soit le plus ouvert possible: comme les médicaments sont inefficaces, trop risqués et même contre-productifs en endométriose (maladie paradigmatique à plus d’un titre) et qu’ils ont beaucoup d’effets indésirables y compris psychiatriques, la  marchandisation fait en sorte qu’il y ait de la place pour toutes les disciplines médicales et para-médicales, pour tous les guérisseurs, tous les vendeurs de remèdes, régimes, recettes miracles, y compris ceux qui soignent le « terrain », les conflits intergénérationnels, ceux qui vendent des coachings de toutes sortes, qui veulent remplir leurs cabinets de sophrologie, de yoga de l’utérus, etc.

On aura compris, les psy profitent au plus haut point d’une telle marchandisation, car la psychologisation est l’alibi parfait évoqué par les médecins pour réfuter tout travail mal fait, tout traitement inefficace, toute chirurgie inadaptée, non maîtrisée, incomplète… L’explication du fait que les patientes ne vont pas mieux, ce n’est pas leur incompétence, mais ce qu’ils semblent découvrir tout d’un coup: c’est dans la tête… Ainsi, des revues médicales publient des textes d’un charlatan – aux méthodes encore plus charlatanesques que celles des confères charlatans psychanalystes habituels, c’est dire! – qui leur fournit des formules toutes prêtes pour le moment où les patientes commenceront à s’interroger, à émettre des critiques, voire à refuser un énième médicament de la même classe… Là, le chirurgien ou le gynécologue médical sortira la formule qui l’absout de tout: la cause est psychosexuelle, c’est un traumatisme psychosexuel, en citant le charlatan qui leur décrit leurs patientes comme des hystériques voulant les séduire, comme l’avait dit Lacan en parlant de l’hystérique et son Maître…

On peut signer la pétition contre la folie sécuritaire, dans laquelle je ne vois pas de trace de psychanalyse.

Quelques extraits du texte présentant la pétition « La nuit sécuritaire », avec des commentaires de mon cru

Extrait: « En amalgamant la folie à une pure dangerosité sociale, en assimilant d’une façon calculée la maladie mentale à la délinquance, est justifié un plan de mesures sécuritaires inacceptables.

Alors que les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l’inégalité croissante de l’accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d’innovation, une seule réponse leur a été opposée : attention danger, sécurisez, enfermez, obligez, et surtout n’oubliez pas que votre responsabilité sera engagée en cas « de dérapage ». »

Le « ferment de la peur » a toujours été un bon moyen de s’élever dans les sondages ; c’est aussi une négation de la politique, remplacée, comme disait jadis Ernst Bloch, par l’appel au « porc » qui sommeille dans chaque homme, au satrape que nous pouvons tous devenir lorsqu’une propagande bien menée nous fait oublier que les personnes souffrant de troubles psychiques, c’est « la société qui les aliène » bien plus qu’elles ne font, elles, souffrir la société. L’histoire a montré que lorsque la « politique » du fait divers et la politique de la peur ont donné le ton en médecine, la débarrassant des contraintes déontologiques, cela a mené à des atrocités médicales innommables, que beaucoup semblent oublier un peu vite, sous le feu nourri de cette propagande qui fait enfler les rumeurs les plus folles. Halte à la folie politique avant qu’il ne soit trop tard, exige ce collectif de psychiatres, qui rappelle que la fonction des soignants n’est pas d’être le bras armé de quelque politique que ce soit, mais de « défendre et soutenir la dignité des patients ».

Les principes de la République doivent faire barrage à la folie politique et au populisme qui feraient basculer la société dans une « nuit » plus que sécuritaire : une nuit morale, où plus aucun principe n’est vu dans sa clarté et n’illumine de sa normativité l’esprit des citoyens pour qu’ils identifient les agissements potentiellement totalitaires.

Déshumaniser des êtres humains, cela devrait nous rappeler quelque chose… Inciter cette société déliée, déchirée, à ne retisser un lien entre les mailles effilochées qu’on lui donnant un bouc émissaire à se mettre sous la dent – de la chair humaine, en l’occurrence  –, voilà qui pourrait mener aux pires régressions psychiques collectives comme individuelles. Face à une telle dérive, c’est aussi cette société malade que les psychiatres se doivent de soigner, au même titre que les personnes sur la chair desquelles elle voudrait expier ses propres péchés (discriminations, exclusions…). On assisterait là à une catharsis qui ne serait que le début d’une série de négations exponentielles de l’humanité de l’homme.

Comme le disent ces psychiatres :

« « La politique de civilisation » annoncée est une politique de « rupture » du lien car elle tente de bafouer les solidarités sociales qui ont permis de sortir du grand enfermement de la folie. Il n’y a pas d’exercice possible de la psychiatrie sans respect constant des valeurs de la République : celles qui en énonçant le respect de la séparation des pouvoirs permettent à la démocratie de rassembler solidairement afin de ne pas exclure les plus démunis.

Devant tant de « dangerosité » construite, la psychiatrie se verrait-elle expropriée de sa fonction soignante, pour redevenir la gardienne de l’ordre social ?

Nous, citoyens, psychiatres, professionnels du soin, du travail social, refusons de servir de caution à cette dérive idéologique de notre société.

Nous refusons de trahir notre responsabilité citoyenne et notre éthique des soins dans des compromissions indignes et inacceptables.

Nous refusons de voir la question des soins psychiques réduite à un pur contrôle sécuritaire criminalisant outrageusement la maladie mentale.

Nous refusons d’être instrumentalisés dans une logique de surveillance et de séquestration.

Pour maintenir la fonction soignante en articulation permanente entre le singulier et le collectif, nous refusons l’aveuglement d’une supposée culture de l’efficacité immédiate concernant des problèmes qui n’existent que peu.

Nous soutenons et accompagnerons toute perspective de regroupement de ces initiatives car elles vont toutes dans le même sens : qui nous sont confiés ou qui se confient à nous.

Faudrait-il que nous entrions en résistance par la désobéissance civile, pour soutenir la possibilité d’une psychiatrie au service des sujets en souffrance, respectueuse du sens de leur existence, et non une psychiatrie servant au maintien de l’ordre sécuritaire stigmate de l’asservissement de la population par la peur ?

« Il faut de la crainte dans un gouvernement despotique: pour la vertu, elle n’y est point nécessaire, et l’honneur y serait dangereux. » Montesquieu « 

Puisque le mouvement se réfère à Montesquieu, notons que les philosophes critiques, « médecins de la civilisation », selon Nietzsche, théorisent cette résistance à la folie politique et économique depuis fort longtemps. En font le diagnostic et en dénoncent les effets sur les individus et les sociétés.

On ne peut que souhaiter que cette résistance, appliquée en médecine, s’étende de la psychiatrie à la profession tout entière. Encore faudrait-il que celle-ci réalise pleinement le rôle qu’elle doit jouer, pour qu’elle sorte des carcans identitaires, catégoriels et particularistes, qu’elle se débarrasse des illusions de monopole technicien et scientiste pour aller batailler pour l’intérêt général. Ce serait l’une des voies de réaffirmation d’une communauté politique. En lieu et place des misérables chapelles corporatistes émiettées, à l’intérieur et au moyen desquelles chacun pense pouvoir défendre son bout de pain au mépris de l’autre, voire contre lui, et qui font qu’il n’a d’yeux que pour plus fort que lui…

PS: Extrait vidéo différent, pour des raisons techniques

La vidéo que j’avais téléchargée au départ était un fragment des conclusions, formulées par Hervé Bokobza. Elle a été effacée, alors je la remplace par l’intervention de Jack Ralite. On peut voir d’autres extraits vidéo sur You Tube, il suffit de faire une recherche avec les termes « nuit sécuritaire ».

elena Pasca

copyright Pharmacritique

3 réflexions au sujet de “« La nuit sécuritaire »: pétition et manifeste. Bravo à ces citoyens psychiatres qui défendent l’intérêt général!”

  1. bonjour,
    tout à fait d’accord avec l’appel lancé et vos commentaires.
    L’extrait vidéo est quant à lui un bel exemple du refus a priori du principe même de l’évaluation en santé. Au nom de quoi ?

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  2. Bonjour,
    Je n’ai pas perçu cela de cette façon, mais vais revoir la vidéo.
    Même si, a priori, je conçois que l’évaluation ne soit pas de la même nature en psychiatrie ou ne puisse pas se faire de la même façon, compte tenu du « stigmate » qu’elle peut laisser dans la vie d’une personne. Dire que telle personne est psychotique n’a pas les mêmes conséquences sociales, personnelles, professionnelles, etc. que de dire qu’elle est diabétique. Enfin, je ne sais pas si je m’exprime correctement; je veux dire juste que la prudence devrait être peut-être encore plus grande en psychiatrie que dans certaines autres spécialités médicales.
    Cordialement.

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  3. J’ai deux schizophrènes dans mon entourage depuis des années. Dont un refuse catégoriquement de se faire inoculer des neuroleptiques qui portent atteinte à son intégrité (les fabricants eux-mêmes reconnaissent ce fait) . Il s’en sort très bien, mais la pression des institutions médico-sociales est hallucinante.
    Il a un avocat, pour se protéger de ses « protecteurs ». C’est vrai. C’est à Paris. C’est en 2011. Pas la peine de détailler… Qui a cotoyé sinon vécu l’enfer psychiatrique connait tout ça par coeur.
    Pour nous, ça fleure le jasmin… Bon vent

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