Dessous-de-table, listes d’attente, accès restreint à certains soins, information limitée, autoritarisme… Le système de santé français n’est plus que 10ème en Europe

« Le système de soins de santé français a chuté pour se situer juste au-dessus de la moyenne de l’Union européenne dans le classement des Bachelot Sécu le blog de Fanch.jpgconsommateurs de soins de santé ». Voilà l’intitulé du communiqué de presse en date du 13 novembre 2008, signé par Health Consumer Powerhouse, dont l’indice est calculé selon plusieurs critères listés à la fin du communiqué et dont la perspective est celle de l’usager / « consommateur ».

Notons que la France était numéro un en 2006 et n’est que dixième en 2008… Quel ouragan est donc passé par là? Sarkozy – Bachelot ne se vantent pas du tout de cette chute, mais nous laissent penser que nous avons toujours « le meilleur système de soins au monde »… Ah, l’idéologie! Dessous-de-table, liste d’attente, système du médecin traitant qui filtre l’accès aux spécialistes inefficace, « factures des médicaments » plus importantes, information insuffisante des usagers (dont le médecin est la source unique), informatisation et transmission insuffisante des données, « résultats qualitatifs globalement bons », mais un système « légèrement autoritaire »…

Illustration tirée du blog du dessinateur breton Fañch Ar Ruz. Si le rapport de Health Consumer Powerhouse souligne comme un très mauvais point pour la France l’inaccessibilité des soins dentaires, il oublie les lunettes… Mais la caricature ne se limite pas à cela. On comprend bien ce qu’elle saisit: que de plus en plus de personnes se privent de soins parce que le reste à charge augmente, contrairement à ce que pensent ces analystes suédois; parce qu’il y a les franchises et les dépassements d’honoraires, avec cet immense scandale qu’est le secteur privé à l’hôpital public; parce que la CMU est refusée par beaucoup de médecins; parce que le prix des mutuelles augmente pour une qualité de remboursements pas toujours optimale et ainsi de suite. Curieusement, à une recherche « Bachelot caricature », Google me donne une liste dont presque toutes les réponses sont assorties d’un avertissement de sécurité (« ce site peut endommager votre ordinateur »). Le site de l’hebdomadaire « Marianne » est concerné aussi, et ce n’est pas la première fois… Par contre, si je cherche « Bachelot UMP officiel », pas de soucis… Quid de l’indépendance de Google? 

Le rapport explicatif intégral de Health Consumer Powerhouse peut être téléchargé à partir de cette page.

La France réalise ses plus mauvais scores selon les critères suivants : délais d’attente pour l’imagerie de type IRM, possibilité d’accès téléphonique ou en ligne à des professionnels de santé, et ce 24/24 h, prescriptions en ligne, soins dentaires inaccessibles, infections nosocomiales, délais de remboursement des nouveaux médicaments.

Bilan en demi-teinte: non consultation des associations de patients dans la prise de décisions, accès limité au dossier médical, information interdisciplinaire insuffisante des patients, accès limité aux spécialistes, possibilité limitée de consultations le même jour chez les généralistes, morts évitables (années de vie perdues), taux de diabétiques, taux de suicides, délais d’attente en chirurgie, dessous-de-table payés aux médecins, délais de plus de 3 mois pour une chirurgie non aiguë, choix de thérapeutiques diverses par le patient, indemnisation par les assurances en cas d’erreur médicale sans responsabilité du patient, accessibilité des nouvelles technologies en imagerie, disponibilité d’un catalogue de prestataires de soins avec classement par qualité, etc.

Bons scores: mortalité en cas d’infarctus, vaccination des enfants, rapidité des traitements du cancer, droit à un deuxième avis (pas si sûr!), registre des médecins habilités à exercer, législation basée sur les droits des patients (alors là, ils se trompent!), mortalité infantile, taux de survie à 5 ans en cas de cancer, taux de transplantations rénales, reste à charge (plus pour longtemps…).

Soulignons que certains critères utilisés dans le calcul de l’indice sont pour le moins controversés: taux de mammographies, accès aux nouveaux médicaments (quand on sait que ce sont les plus risqués et les moins connus…, développement et accès aux nouveaux traitements du cancer (idem), taux de survie à 5 ans en cas de cancer (qui ne veut rien dire, vu le nombre de pseudo-cancers dû à certains dépistages tous azimuts, notamment pour la prostate et les seins), etc.

Une information transparente des usagers et en libre accès

D’autre part, il est légitime de critiquer l’absence d’information santé de source autre que les médecins. Mais cela ne veut pas dire autoriser les laboratoires à (dés)informer les patients…

Non, ce qu’il faudrait, c’est une information fournie par des professionnels indépendants, mais accessible publiquement (sites, blogs…), ainsi que la transparence des données détenues – et jalousement gardées – par les autorités d'(in)sécurité sanitaire, qui ne nous informent quasiment de rien. Que l’AFSSAPS et la HAS regardent ce que fait la FDA! Et puis un travail publiquement accessible d’associations multiples de défense de consommateurs, la création de chiens de garde associatifs indépendants… Les possibilités ne manquent pas. Toute personne souhaitant s’informer sur un médicament, une maladie, les conflits d’intérêts, les thérapeutiques douteuses, etc. doit parler anglais de nos jours… C’est bien la preuve que l’information peut être librement accessible et de sources multiples, si seulement la volonté de la rendre accessible existe. Il n’y a pas besoin d’avoir recours aux laboratoires pour cela. Mais c’est pourtant ce que fait notre chère Commission européenne…

Voici le texte du communiqué:

« D’après l’Indice européen 2008 des consommateurs de soins de santé (Euro Health Consumer Index ou EHCI) publié aujourd’hui à Bruxelles, après les changements intervenus dans son système de soins de santé, la France n’occupe plus maintenant que la 10ème place par rapport aux systèmes nationaux de 31 pays.

Les Pays-Bas sont en tête du classement avec un score de 839 points, suivis du Danemark (gagnant de l’Indice de soins du diabète en 2008), de l’Autriche (gagnante de l’EHCI en 2007), du Luxembourg et de la Suède.

Dans six catégories comportant 34 indicateurs de performance, la France affiche un score de 695 points sur un maximum de 1000. Cela signifie que la position de la France est en baisse dans le classement de l’Union européenne. Une question très préoccupante réside dans le fait que la France est également l’un des six états d’Europe occidentale dans lesquels se pose le problème des dessous-de-table versés aux médecins. Augmenter les factures des médicaments [??] pour retarder l’accès aux nouveaux médicaments n’est pas une solution ; cela ne fait que reporter les coûts et crée des complications qui peuvent, au bout du compte, se révéler très coûteuses à la fois pour le patient et pour le système de soins de santé. Un traitement précoce est toujours préférable.

« La France devrait accélérer la mise en place des dossiers médicaux électroniques ; les normes en matière de santé électronique, ainsi que l’information, devraient être améliorées. De même, rien ne prouve que le filtrage de l’accès aux soins primaires permette de faire des économies, restreindre l’accès aux soins des spécialistes est probablement une solution inappropriée », explique le Dr Arne Björnberg, Directeur de recherche pour l’Indice européen des consommateurs de soins de santé. (…)

« La France est en train de développer assez rapidement un problème de délais d’attente. La fonction de filtres [par le médecin traitant] récemment introduite devrait être abolie avant de créer de sérieux problÃ
¨mes ! », déclare M. Johan Hjertqvist, Président de la société Health Consumer Powerhouse, lors de l’analyse des résultats de l’Indice pour la France. »

Remarques de Pharmacritique

Rapport à prendre avec des réserves, comme l’enregistrement d’une tendace, pas comme une photographie de la réalité.

J’apprécie que les analystes épinglent l’autoritarisme des médecins : le paternalisme et cette façon de se prendre pour les seuls légitimes à parler de santé et à savoir ce qui est bon ou pas, quitte à déborder sur le terrain moral. Or ériger un savoir technique en norme morale n’a aucune légitimité, mais peut ouvrir la porte à tous les dérapages. Les usagers ne devraient pas accepter de se laisser « traiter » de la sorte. Le paternalisme et la monopolisation du domaine de la santé en même temps que sa technicisation accrue – avec la déshumanisation inhérente – font partie des raisons de la situation catastrophique que nous vivons aujourd’hui, avec des médecins qui se prennent pour des hommes d’affaires et font du commerce au profit de l’industrie pharmaceutique.

Si tout est question d’argent, pas si étonnant de voir que pas mal d’usagers et d’associations succombent aux sirènes des firmes pharmaceutiques, qui font semblant de les placer au centre, les prendre au sérieux, les traiter en « partenaires », en sujets à part entière et non en objets des soins, en consommateurs avertis, apparemment libres de choisir lorsqu’ils paient. Illusion? Oui, bien entendu. Mais beaucoup y croient, aussi parce qu’ils en ont marre de la façon traditionnelle de pratiquer la médecine.

Tout cela est parfaitement exposé dans l’excellent texte dans la traduction est parue sur Pharmacritique dans cette note : « Arnold S. Relman. Ethique et valeurs médicales dans un monde marchand où la santé n’est qu’un commerce parmi d’autres« .

Elena Pasca

Copyright Pharmacritique

3 réflexions au sujet de “Dessous-de-table, listes d’attente, accès restreint à certains soins, information limitée, autoritarisme… Le système de santé français n’est plus que 10ème en Europe”

  1. Actualités
    Dysfonctionnements du système de soins
    Lettre de de la profession infirmière.
    http://www.infirmiers.com/actu/detail_actu.php?id_news=1755
    Le 31 Decembre 2008 – (APM International) : Les syndicats de personnels hospitaliers et la Mutualité française ont dénoncé les dysfonctionnements du système de soins, suite aux deux décès survenus autour de Noël.
    Un enfant de 3 ans est décédé mercredi à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP) à la suite de l’administration par erreur de chlorure de magnésium et un homme victime d’un malaise cardiaque à Massy (Essonne), est décédé dimanche matin, aux portes de l’hôpital Lariboisière (AP-HP) à Paris, le Samu 91 ayant eu des difficultés à lui trouver une place en réanimation.
    Dans un communiqué publié lundi, la Mutualité française demande au gouvernement de « tirer les leçons » de ces deux morts « tragiques ».
    Pour Jean-Pierre Davant, ces deux drames étaient « Ã©vitables » et « illustrent une nouvelle fois la dégradation de la qualité des soins en France ». « A force de repousser sans cesse les réformes nécessaires pour moderniser notre système de santé, nous continuerons d’accumuler les accidents dramatiques », commente le président de la Mutualité.
    La Mutualité demande au gouvernement d’engager dès 2009 « une vraie modernisation du système de soins français » pour que la « qualité des soins devienne une priorité de la politique de santé ».
    Pour les urgences, Jean-Pierre Davant recommande « d’établir une vraie coordination entre la médecine de ville et les services hospitaliers », jugeant inacceptable « de ne pas trouver un seul professionnel de santé disponible la nuit [et] les jours fériés en ville ». « La médecine de ville, comme c’est sa mission, doit elle aussi assurer sa part de permanence des soins », commente-t-il.
    Il estime en outre que « le secteur hospitalier doit être organisé sur l’ensemble du territoire pour prendre en charge, sans perte de chance, les cas les plus lourds ».
    LA CFTC DEMANDE L’ORGANISATION D’UN GRENELLE DE LA SANTE
    Dans un communiqué publié lundi, la fédération CFTC santé et sociaux a souligné la gravité des faits qui doivent « servir de révélateur et d’avertissement ». Elle estime qu’une réflexion de fond doit « rapidement s’engager entre les partenaires sociaux et le ministère de la santé ».
    Elle souhaite ainsi que soit organisée « dès la première quinzaine de janvier 2009 une sorte de ‘grenelle’ de la santé ». Elle demande à la ministre de prendre le temps d’aborder « concrètement les problèmes liés à la mission de service public de santé, aux conditions de travail des professionnels, à leur formation, à leur reconnaissance, aux effectifs et à l’organisation structurée et régulée de[s] établissements ».
    « Pour les professionnels de santé, il est devenu insupportable d’être en permanence montrés du doigt (….) comme étant les principaux responsables du malaise des hôpitaux », poursuit la CFTC. « C’est le moment ou jamais d’apporter de véritables réponses aux problèmes d’organisation du travail [et] de surcharges tant physiques que psychologiques »
    Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs (SNPHAR) a également regretté mardi dans un communiqué de voir « l’hôpital public sous les feux de la rampe pour des problèmes dramatiques », mais a estimé que cela « devait arriver ».
    La majorité des hôpitaux « se retrouve face à un déficit organisé », les « heures supplémentaires s’accumulent pour le personnel paramédical » et « la transparence organisationnelle n’est toujours pas de mise pour le personnel médical », déplore le SNPHAR.
    « Actuellement, le politiquement correct » a pour « volonté de rationaliser le coût des soins et de rentabiliser les hôpitaux », commente l’organisation, estimant que cela s’effectue « aux dépens du personnel » et de « la qualité des soins ». « Malheureusement, rien dans la future loi HPST ne peut faire espérer une quelconque amélioration ni une bouffée d’oxygène », déplore-t-elle.
    La Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité regrette dans un communiqué publié mardi que la ministre de la santé nie « toute responsabilité politique ».
    Elle dénonce la politique actuelle qui « conduit à la dégradation de notre système de soins, limite l’accès aux soins, crée des fractures sanitaires et sociales (…) et remet en cause (…) qualité et sécurité des soins ». Estimant que cette politique allait être « aggravée » en 2009 avec le projet HPST, la coordination en demande « le rejet ».
    L’Union des familles laïques (Ufal) a pour sa part estimé dans un communiqué publié lundi que les décès n’étaient pas liés à « des fautes personnelles » mais à la « désorganisation produite par les coupes que les politiques néolibérales opèrent dans le système de santé ». Elle propose de privilégier, dans la répartition des richesses, « les politiques solidaires, à commencer par le système de santé et de protection sociale ».
    SOUTIEN A L’INFIRMIERE MISE EN EXAMEN
    Par ailleurs, les sept organisations syndicales de l’AP-HP ont apporté mardi dans un communiqué commun leur soutien à leur collègue infirmière impliquée dans le décès du petit garçon de trois ans et à l’ensemble de l’équipe du service de pédiatrie de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Elles dénoncent la « mise en garde à vue prolongée » de leur collègue.
    Ce drame « vient s’inscrire dans un contexte de dégradation des conditions de travail, de suppressions d’emplois et de fermetures de sites », estiment la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, FO, SUD-Santé, l’Unsa, l’Usap-CGT de l’AP-HP dans leur communiqué commun.
    Le syndicat Force ouvrière de l’AP-HP a également apporté son soutien à l’infirmière mise en examen, dans un autre communiqué publié à part, et a déploré que la ministre et le président du conseil d’administration de l’AP-HP, Jean-Marie Le Guen, lui fassent porter « la responsabilité de ce qui s’est passé ».
    Les « véritables responsables sont ceux qui organisent l’asphyxie financière des hôpitaux, la suppression de milliers de postes de personnels [et] la fermeture de nombreux lits de réanimation », estime le syndicat, pour qui le décès de l’homme victime d’un malaise cardiaque est également la conséquence de cette politique.
    « Il est plus que temps, après ces drames, que les autorités ministérielles entendent les innombrables cris d’alarme des syndicats, des personnels et des médecins alternant depuis des semaines et des mois sur la dégradation de la situation des hôpitaux, situation qui va s’aggraver avec la future loi Bachelot », affirme FO.

    J’aime

  2. « Curieusement, à une recherche « Bachelot caricature », Google me donne une liste dont presque toutes les réponses sont assorties d’un avertissement de sécurité (« ce site peut endommager votre ordinateur »). »
    j’ai fait la recherche ce jour 07 fev 2009 à 9h 15 et le message « ce site peut endommager votre ordinateur » n’apparait pas. Je vous signale qu’il y a eut un bug récent chez google à propos de ce message. Il faut donc se garder d’utiliser des arguments qui peuvent s’avérer faux. La règle est de donner le jour et l’heure de la recherche pour ne pas être suspecté d’écrire de faux arguments
    cordialement

    J’aime

  3. « Ãªtre suspecté d’écrire de faux arguments »…
    Bug, eh ben… ils se vantent tellement d’être parfaits que cela ne devrait pas arriver avec toute une série de réponses. La date et l’heure sont celles où j’ai posté la note, puisque j’insère toujours la photo en dernier, et que là j’étais allée en chercher une plus parlante que celles que j’avais déjà.
    Il se peut que je ne puisse pas retrouver la seconde exacte, aïe! J’espère que cela ne fera pas de mes dires un faux argument 😉 En cas de problème, je soumettrai le tout à un comité de lecture, qui, comme disent les médecins infaillibles – français, parce qu’ailleurs ils sont tous faillibles – est une garantie contre toute information qui n’aurait pas la précision d’un essai contrôlé randomisé en triple aveugle (si, si!) et sponsorisé par des laboratoires concurrents et des experts objectifs ;-)))
    Je rigole! Je tiens à le dire avant qu’une association de médecins écrive un article pour mettre en garde les lecteurs contre mes interprétations et m’apprendre qu’il ne faut pas faire de l’humour avec des choses aussi sérieuses pour ne pas induire en erreur des lecteurs qui penseraient, qui sait, à trois aveugles distribuant des médocs…
    Comment ne pas rigoler? Vous pensez vraiment que j’en veux à M. Gogole ? ;-)))
    Ce fameux message – « ce site peut endommager votre ordinateur » -, les lecteurs de Marianne l’ont eu à plusieurs reprises en essayant d’aller sur le site de la revue, je peux en témoigner, moi aussi. Ce n’est donc pas la première fois.
    Pourquoi ne pas envoyer un mail au courrier des lecteurs demandant à « Marianne » de respecter les règles et de demander à ses lecteurs de les respecter à leur tour en donnant la date et l’heure exacte? ;-)))
    Cordialement

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s