Entre autres textes fort édifiants à lire sur leurs sites respectifs, la Fédération interprofessionnelle de santé du Québec (FIQ) et le Secrétariat intersyndical des service publics (SISP) proposent « un document expliquant la façon dont s’opère le processus de privatisation dans le réseau de la santé et des services sociaux. Le « Chemin du privé en santé », sous forme de questions réponses, présente chronologiquement l’évolution de ce processus. » Il faut, disent les auteurs à juste titre, commencer par « déconstruire le discours dominant », les écrans de fumée qui nous aveuglent, et se demander pourquoi ce sont les milieux d’affaires qui tiennent les discours les plus alarmistes?
C’est simple: ce sont les seuls bénéficiaires de la privatisation, et ils ont besoin de ce nouveau marché, puisque « le commerce des biens – déjà largement libéralisé – est aujourd’hui saturé. Parce qu’il représente un potentiel de croissance énorme, les gens d’affaires se tournent maintenant vers le commerce des services, y compris celui des services publics. Pour profiter pleinement de cette manne, les tenants de la privatisation prônent des changements qui visent à fragiliser le secteur public en faveur du secteur privé. »
(Voir aussi nos notes « Le « trou de la Sécu » : le néolibéralisme en fait une catastrophe pour justifier la casse de la protection sociale et la privatisation à tout va » et « Le mythe du trou de la Sécu. Extraits du livre de Julien Duval », et puis les notes rassemblées sous les catégories « Protection sociale en danger« , « Privatisation de la santé« , « Néolibéralisme, l’idéologie qui vous veut du bien« . Les exemples états-uniens que nous donnons dans ces notes montrent que « le chemin du privé en santé » mène tout droit à des impasses. A part pour la minorité qui se remplit les poches.
Voici un extrait du texte mis en ligne par la FIQ en mars 2008, mais qui garde toute son actualité, surtout compte tenu de la casse sociale qui s’intensifie actuellement en France. Le texte intégral, fort intéressant, par-delà les spécificités des lois québécoises, peut être lu sur cette page (ou téléchargé à partir de celle-ci). Nous verrons qu’on agite partout les mêmes épouvantails pour faire passer la recherche de profit sous les dehors d’une inquiétude pour les services publics et l’intérêt général.
« (…) L’Etat n’a plus les moyens de payer
Faux et alarmiste. Il y a 20 ans, le Québec dépensait en moyenne 7,5 % de son produit intérieur brut (PIB) – valeur totale de la production des biens et des services de la province – pour les soins de santé. Au cours des dernières années et encore aujourd’hui, le pourcentage des dépenses en santé est demeuré exactement le même, soit 7,5 % de la richesse collective.
Le vieillissement de la population fait pression sur les coûts en santé
Faux. Le pourcentage d’augmentation des dépenses en santé attribuable au vieillissement de la population est de 1 %. Des pays au nord de l’Europe, comme le Danemark et la Suède, vivent cette situation et leur système de santé public est demeuré performant.
Le privé coûte moins cher
Faux. Il s’agit d’un mythe. Les coûts d’administration des assurances privées de santé sont plus élevés que ceux des assurances publiques. Au Québec, l’administration du système de santé public coûte de 3 à 6 % de la totalité du système de santé alors que l’administration d’un système privé coûte de 15 à 30 %. Où sont les économies à réaliser en recourant au secteur privé? » (…)
Le caractère public des contrats signés par PPP Québec est-il garanti?
[PPP = partenariat public-privé, dont Sarkozy, Bachelot et Pécresse n’arrêtent pas de vanter les mérites, y compris quant à nos universités et à notre recherche; voir la catégorie « Université SARL« .]
Non. Les PPP démontrent des lacunes importantes en ce qui a trait à la transparence. Règle générale, les compagnies réclament la confidentialité commerciale pour les informations financières et les données de performance. Il semble même que les vérificateurs généraux de certains pays ou provinces comme la Grande-Bretagne ou l’Ontario se plaignent du manque d’accès à l’information qui leur serait nécessaire pour rendre compte de la manière dont les fonds publics sont dépensés. (…)
Les PPP font-ils diminuer l’endettement public?
Non. L’endettement public ne diminue pas. Il est plutôt dissimulé par un engagement de versements successifs à long terme, généralement de 35 à 50 ans. Il finit par coûter plus cher (20 % plus cher dans certains cas), pour toute la durée de vie du contrat.
Les cliniques en PPP : l’expérience de la Grande-Bretagne
En 2000, le secrétaire à la santé annonçait un important développement des Private Finance Initiative (PFI) – qui sont l’équivalent des PPP- d’une valeur de 2,3 milliards, pour y inclure les services cliniques suivants : les chirurgies générales, les pharmacies communautaires, les centres de santé et les installations.
Après 10 ans d’application des PPP dans le secteur de la santé, l’Association professionnelle des médecins anglais, la British Medical Association, résume ces conséquences sur le système de santé : les initiatives privées ne mènent pas à l’optimisation des ressources, les coûts continuent à augmenter avec le développement d’initiatives privées, les services ont été coupés pour réduire les coûts et les contrats d’une durée de 25 à 35 ans entraînent un manque de souplesse alors que les projets sont développés sans vision à long terme.
Le bilan des cliniques en PPP de la Grande-Bretagne est lamentable. Les résultats d’une étude réalisée en 2008 démontrent que le secteur privé réalise des profits au détriment des patient-e-s, de la population et des établissements publics. (…) »
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Elena Pasca