Le JAMA, des élus et des cadres de la FDA protestent contre la préemption donnant l’immunité aux pharmas. Les démocrates riposteront si la Cour suprême la vote

Pharmacritique a parlé de la préemption et de ses dangers dans la catégorie « Boucliers juridiques pour les firmes« . La décision de la Cour FDA.jpgsuprême sur un cas précis impliquant la firme Wyeth a eu lieu hier, mais nous ne connaissons pas encore le résultat. Il risque de faire jurisprudence.

En une dizaine de jours, plusieurs institutions importantes se sont mobilisées pour protester contre la préemption : le JAMA, des cadres de la FDA elle-même (agence du médicament, dont la décision sur un médicament serait définitive si la préemption venait à s’imposer), une commission de députés et la American Association for Justice.

Celle-ci a publié un document intitulé « Get Out Of Jail Free: How the Bush Administration Helps Corporations Escape Accountability » (Comment sortir de la prison et rester peinard : l’administration Bush aide les multinationales à échapper à toute imputation de responsabilité).

 

Rapport de la commission de surveillance et de réforme du gouvernement

 

Cette commission est présidée par le démocrate Henry A. Waxman, critique de la première heure de la préemption et des dérapages de Big Pharma. Elle a publié le 29 octobre un rapport intitulé « FDA Career Staff Objected to Agency Preemption Policies » (Des cadres supérieurs de la FDA protestent contre les prérogatives de préemption de l’agence).

 

Ce rapport est une mine d’informations. On apprend qu’historiquement, la FDA a toujours été favorable aux procès et aux actions en responsabilité civile délictuelle des firmes pharmaceutiques, puisqu’elle y a vu – comme tout le monde médical indépendant, d’ailleurs – une source précieuse d’informations complémentaires sur les effets secondaires des médicaments et donc une protection supplémentaire du grand public contre les médicaments défectueux.

 

Cette approche a changé du tout au tout sous l’administration Bush. [Celle-ci a nommé à des postes clé des personnes servant les intérêts Eschenbach Pharmalot.jpgdes firmes, à l’instar du PDG Andrew von Eschenbach (photo : Pharmalot), dont la nomination a été très largement contestée par les démocrates et par une minorité de républicains, dont l’infatigable sénateur Charles Grassley, dont les violentes passes d’armes avec Eschenbach sont de notoriété publique. Mais la majorité républicaine d’alors a pu faire adopter toutes les volontés du lobby pharmaceutique et rabaisser la FDA au rang d’exécutant].

 

En 2006 et 2008, la FDA a entrepris quelques démarches décisives en faveur de la préemption qui, si elles sont entérinées par la Cour suprême, la placeront en position de toute-puissance et empêcheront les Etats et les victimes de médicaments de contester ses décisions. On apprend qu’une firme pharmaceutique ne peut même pas avertir des risques nouvellement découverts d’un médicament sans soumettre ces découvertes à la FDA et attendre son aval.

 

Ainsi, si les firmes pharmaceutiques ont de nos jours des arguments juridiques pour obtenir un jugement favorable de la Cour suprême et entériner la préemption, c’est à cause du travail de sape des pantins des firmes à l’intérieur de l’agence du médicament (ces « chevaux de Troie » dont parle la American Association for Justice.

 

Ces pantins ont imposé ces changements dans la réglementation en dépit des protestations de bon nombre de cadres supérieurs de la FDA. Selon ces derniers, les changements qui font reposer tous les aspects du médicament sur les seules informations données par la FDA dans les RCP sont  « naïfs », « irréalistes », « basés sur des allégations fausses et de nature à induire en erreur » comme sur des exagérations, « ignorent ce qui se passe en pratique » et privent forcément les consommateurs d’informations utiles, voire vitales, en empêchant par exemple la mise à jour rapide des informations.

 

Le document vaut la peine d’être lu en entier. Il illustre encore une fois ce qui fait défaut en France, à savoir cette entente entre les lanceurs d’alerte et critiques dans les milieux médico-pharmaceutiques, d’une part, et les hommes politiques qui relaient le mouvement de protestation et le transposent en actions concrètes, d’autre part.

 

Enfin, les commentateurs nous rassurent en disant que les démocrates ont déjà plusieurs projets de loi pour saquer la préemption, si jamais elle est imposée par la Cour suprême. Espérons qu’Obama sera élu, autrement, les usagers américains seront plutôt mal barrés… Mais même en cas de victoire démocrate, il faudra longtemps pour défaire toutes les réglementations et ramener les multinationales au rang de justiciables responsables de leurs actes et de leurs produits.

 

La pétition FDA Preemption = Bad Medicine (ne pas pouvoir contester la décision de l’agence du médicament = mauvaise médecine)

 

Il n’est jamais trop tard pour signer la pétition contre la préemption. Pharmacritique a expliqué dans cette note en quoi il ne s’agit pas seulement d’une question américaine, mais d’une source d’inquiétude globale. Nous sommes tous concernés !


Prise de position très claire du Journal of the Americain Medical Association (JAMA)

 

Le 22 octobre, le JAMA est enfin sorti lui aussi de son silence (bien après le NEJM) : la rédactrice en chef Catherine De Angelis et son adjoint Phil Fontanarosa signent un éditorial clairement opposé à la préemption fédérale : « Prescription Drugs, Products Liability, and Preemption of Tort Litigation » (Médicaments d’ordonnance et action en responsabilité civile délictuelle pour obtenir réparation du fabricant ; début ici).

 

Voici des extraits du texte complet de l’éditorial du JAMA :


“ (…) Even though the evaluation of new drugs and devices is technically rigorous, the current approach of basing drug approval decisions on clinical trials of efficacy that include relatively small numbers of patients virtually guarantees that the full risks and complete safety profile of these drugs will not be identified at the time of approval.5 Rather, the full safety profile and effectiveness only manifest as each drug is used in the wider population of patients who are less carefully selected than participants in clinical trials.


The article by Giezen and colleagues 6 in this issue of JAMA is an important example of this well-known phenomenon. In an analysis of 174 biological products (eg, antibodies, hormones, enzymes) approved from January 1995 through June 2007, including 136 agents approved in the United States, 105 approved in the European Union, and 67 approved in both regions, the authors found that 82 safety-related regulatory actions (including 19 “black box” warnings) were issued for 41 of the 174 different biologicals (23.6%). The probability of a biological agent having a first safety-related regulatory action was 14% at 3 years and 29% at 10 years after approval, with first approved agents in a biological class especially prone to safety-related regulatory action.


Given the current imperfect process for approval and the flawed postmarketing surveillance system, the drug and device regulation process is at best an inexact and incomplete science. Until these deficiencies in the system are remedied, some patients inevitably will continue to experience harm from the use of newly marketed products as well as from use of other approved medications. Just as with other consumer products that cause harms, consumers (ie, patients) who are injured by defective medical devices or by pharmaceutical products with inadequate warnings of potential harms may have to resort to legal action as recourse for their injuries. According to Gostin,7 litigation and state tort law “provides a system of civil justice designed to compensate patients, deter unreasonably hazardous conduct, and encourage innovation in product design, packaging, labeling, and advertising.”7


Thus, tort law serves in effect as a way to close regulatory gaps in the FDA premarketing approval process and to provide a mechanism for postmarketing surveillance.7,8 Moreover, litigation has been a rich source of information about how drug and device manufacturing companies behave, such as with off-label promotion, guest and ghost authorship [ghostwriting: auteurs fantôme, payés par les firmes et qui écrivent les articles selon les demandes du service marketing], and reporting of safety findings.9,10 Without the information revealed by the public release of documents in tort liability actions, many of these behaviors would remain unknown, some drug manufacturers’ judgments about safety issues would be hidden from view, review, or oversight, and the FDA would not be able to uncover them either. (…)


The current postmarketing surveillance system has several fundamental shortcomings and flaws, including the voluntary, passive collection of adverse drug reactions; unreliable denominators in calculating rates of adverse effects; and difficulty in determining whether the adverse effect is due to the drug or the condition for which the drug is used. It is unreasonable to expect that the agency that approves drugs will also take on the responsibility for the identification of all postmarket safety problems.


Even though the current postmarketing surveillance system might not yet be effective, vigilant, and trustworthy enough to completely protect the public,5 how much worse would it be to eliminate the system completely? Patients (consumers) would be left at the mercy of a system that cannot possibly determine the safety of drugs if left as it is. (…)

The FDA is not infallible and the recently increased resources do not include a crystal ball. Therefore, unles
s and until the FDA drug approval process and the postmarketing surveillance system improve significantly, patients must have a means to seek recourse through tort litigation against product manufacturers. Anything less may well preempt the well-being and safety of the public.”

 

 

Mise à jour


La décision finale de cette Cour

Rendue le 4 mars 2009, elle est exposée et commentée dans cette note de Pharmacritique: « Les firmes pharmaceutiques sont pleinement responsables des effets secondaires des médicaments! La Cour suprême américaine rejette la prétention à la préemption fédérale!« 

Elena Pasca

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