Le 24 octobre, la Commission européenne a annoncé que les mesures législatives qui devaient être adoptées cette semaine allaient être reportées. Aucune nouvelle date n’est prévue.
Les propositions devaient améliorer les disparités du marché pharmaceutique d’un pays à l’autre, revoir des questions de pharmacovigilance (dont une bonne partie devait être abandonnée aux firmes) et définir un cadre législatif pour l’information aux patients. Cette dernière mesure fait l’objet de multiples critiques et contestations, puisqu’elle permettrait une communication directe des laboratoires avec les patients, ce qui annihilerait de facto l’interdiction actuelle de la publicité directe aux consommateurs. C’est d’ailleurs la Direction Entreprises et Industrie et non celle de la Santé qui est à l’origine de ces mesures de soutien du commerce au mépris de la santé. Elles gomment les limites entre l’information sur le médicament et les stratégies marketing des firmes, ouvrant la porte à toutes les dérives ainsi légitimées, comme le soulignait The Lancet.
Les observateurs pensent que le report est dû à la contestation de ce point précis, nous dit PharmaTimes. Il est possible que la Commission attende les prochaines élections européennes pour reparler de ce dispositif législatif très controversé. Ce retard est déjà une très bonne nouvelle pour tous les critiques de l’alliance malsaine entre la Commission et l’industrie pharmaceutique, au premier plan desquels figure le Collectif Europe et Médicament, dont nous avons repris plusieurs communiqués sous les catégories Autorités d’(in)sécurité sanitaire et Publicité (directe) des firmes, marketing.
Le syndicat européen de l’industrie pharmaceutique (EFPIA) est très déçu…
On imagine la déception du L€€M (syndicat français de l’industrie), qui avait fait des pieds et des mains pour que la Commission agisse sans tarder… Regardez par exemple cet « atelier presse » du 24 septembre, qui est très significatif de la façon du L€€M d’instrumentaliser tout le monde pour imposer ses vues : « Patients mieux informés, patients mieux soignés », disent les firmes, qui pensent être les meilleures sources d’information soi-disant objective et non commerciale. Traduction : patients informés par les firmes, futures victimes d’overdose, au sens propre comme au sens figuré, comme on le voit aux Etats-Unis, pays où la communication directe des laboratoires avec les patients ne connaît pas de limite et où même les plus néolibéraux commencent à réaliser l’étendue des dégâts.
Et ce malgré les fameux codes (volontaires!) de déontologie (sic) des industriels pharmaceutiques, dont nous avons exposé la quintessence dans cette note tout aussi pragmatique que les codes en question…
Que des commerçants veuillent tout faire pour augmenter leurs chiffres de vente, c’est logique. Ce qui l’est moins, c’est de voir le Dr Bernard Delorme, responsable des relations avec les usagers et les associations auprès de l’AFSSAPS, se prêter au jeu sans dire un mot. Décidément, notre vénérable agence d’(in)sécurité sanitaire fait tout pour mériter le nom que nous lui avons si affectueusement donné. Il est tout aussi contre-nature de voir le Dr Bernard Ortolan, président du Conseil National pour la Formation médicale continue des médecins libéraux (CNFMCML), trahir le rôle des médecins dans l’information des patients, en abandonnant ceux-ci à l’industrie et à ses procédés de gavage publicitaire… industriel.
Quoique… Est-ce si étonnant de la part du CNFMC des libéraux ? Ceux qui le pensent devraient se rappeler qui finance la formation médicale continue, qui n’est qu’une vaste farce destinée à faire gober des publicités en toute impunité, sous le prétexte d’une « éducation » médicale continue. Cela ressemble fort à un élevage en batterie, sauf que ce sont les usagers qui y laissent leurs plumes… Cf. les notes réunies sous la catégorie Formation médicale continue… par les firmes.
Et ce qui est proprement scandaleux, c’est de voir les représentants des usagers, qui sont censés représenter l’intérêt de notre santé, donner leur bénédiction au travail de sape de la législation actuelle, qui nous protège peu ou prou d’une trop grande gourmandise des firmes pharmaceutiques. Parce que ce show pour la presse était assuré aussi par Micheline Bernard-Harlaud, de la Confédération Nationale des Associations Familiales Laïque, et par Christian Saout, Président du Comité Inter-associatif sur la santé (CISS). Qui faisaient de la figuration pour ceux qui tirent les ficelles.
De quoi en écoeurer plus d’un du travail associatif. Et de quoi ouvrir les yeux de ceux qui assimilent trop vite ce travail à du bénévolat et aux actions désintéressées dans l’unique intérêt de la santé des usagers… Il vaut combien d’argents ce dés-intérêt de l’intérêt des usagers?
Nous avons donné des exemples dans les notes sur les conflits d’intérêts des associations de patients.
Bonjour,
Faut-il comprendre que ce qui est reporté c’est le coup d’envoi d’une nouvelle directive européenne après celle de 2004 qui vient à peine d’être transposée en France ?
Il faut savoir que le lancement de la première mouture de la directive par la Commission n’engage pas le Parlement qui peut l’amender (il ne s’en prive pas) et il peut y avoir plusieurs allé et retour. Procédure très complexe résumé ici :
Cliquer pour accéder à codecision_fr-2.pdf
Néanmoins il va de soit que la mouture initiale, surtout quant elle est super pro business comme c’est en général le cas, pèse très lourd pour la suite.
J’aimeJ’aime
Quand vous écrivez « C’est d’ailleurs la Direction Entreprises et Industrie et non celle de la Santé qui est à l’origine de ces mesures de soutien du commerce au mépris de la santé. » c’est exact mais pourrait donner à penser qu’une partie du secteur de la législation sur les médicaments échappe à la Direction Entreprises et Industrie. En fait celle-ci couvre le champ « Produits pharmaceutiques /Législation » :
http://ec.europa.eu/enterprise/pharmaceuticals/index_en.htm
Il existe aussi une direction de la santé et des consommateurs :
http://ec.europa.eu/dgs/health_consumer/index_fr.htm
Mais c’est largement une coquille vide traitant de questions de santé publique sur lesquels l’Europe à peu de prise. Tout le noyau dur traitant des médicaments, de leur législation, de l’agence européenne du médicament, etc. et à la Direction Entreprises et Industrie la plus pro business de la Commission
Les très Saints Pères de l’Europe épris, comme on sait, de paix et d’humanisme ont visiblement jugé que les médicaments et la législation les concernant était une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux rigolos de la direction de la santé et des consommateurs !
J’aimeJ’aime