Psychiatrie britannique: failles dans l’emprise des labos sur la formation médicale continue

Joanna Moncrieff, Philip Thomas et Rhodri Huws, membres du collectif Critical Psychiatry Network, ont adressé une lettre au British Medical FMC BMJ 28 août.gifJournal, en réponse à l’article que nous avions traduit dans cette note : « Formation continue : institutions médicales et firmes refusent de limiter le financement industriel, dit Moynihan dans le BMJ« .

La lettre, parue le 23 septembre, s’intitule L’industrie pharmaceutique et la formation médicale continue : certains progrès dans la psychiatrie britannique (BMJ 2008;337:a1780).

Illustration : le dessin à la une du British Medical Journal du 28 août 2008, contenant le dossier sur la dépendance de la formation médicale continue par rapport aux firmes pharmaceutiques et détaillant certaines mesures possibles pour se libérer de cette emprise. Outre l’article déjà cité de Ray Moynihan, Pharmacritique a traduit aussi celui d’Alfredo Pisacane, paru dans le même numéro (dans la note « Repenser la formation médicale continue », sans firmes ni conflits d’intérêts).

Toute bonne nouvelle, aussi limitée soit-elle, mérite diffusion ! Qui sait, à entendre régulièrement parler des avancées dans d’autres pays, les psychiatres français pourraient mieux réaliser dans quelle situation de dépendance et de conflits d’intérêts ils se complaisent. Ils finiront peut-être même – on peut toujours rêver! – par prendre quelques mesures, ne serait-ce que par un sentiment de honte… Il ne faudrait pas que l’exception culturelle française soit aussi une exception en matière d’acceptation de la corruption des médecins…

D’autres notes sur le financement industriel de la formation médicale continue (FMC) – prétexte parfait pour faire du marketing et de la désinformation médicale sous couvert d' »éducation » – sont réunies sous la catégorie « Formation médicale continue… par les firmes« .

Voici la lettre de Joana Moncrieff et al parue le 23 septembre en réponse au dossier du BMJ. (Il y a deux autres lettres : Joseph L. Mathew : « Matters arising from industry link to education » (BMJ 2008;337:a1781) et Malaki O Ramogi : « Who else but pharma will fund medical education? » (BMJ 2008;337:a1778)).

L’industrie pharmaceutique et la formation médicale continue : certains progrès dans la psychiatrie britannique (Pharma and medical education: Some progress in UK psychiatry)

 

« Moynihan décrit l’échec d’un groupe de psychiatres qui n’avaient pas ménagé leurs efforts pour que le congrès annuel du Royal Australia and New Zealand College of Psychiatrists se déroule sans aucun sponsoring de l’industrie pharmaceutique [1]. Une nouvelle consolera peut-être un peu ces psychiatres : le British Royal College of Psychiatrists a tenu sa réunion de 2008 en toute indépendance, sans aucun financement industriel. Le succès du congrès montre que de tels événements alliant rigueur académique et rencontre stimulante peuvent avoir lieu sans le financement des firmes pharmaceutiques, et que ces qualités ne sont en rien entravées par un cadre et des accessoires moins luxueux que d’habitude.

 

Cela fait plusieurs années que le collectif Critical Psychiatry Network encourage le Collège à prendre des mesures de ce type, et nous nous félicitons de la décision d’organiser le congrès sans aucun recours au financement industriel.

 

Par ailleurs, le Collège a modifié récemment sa politique régissant ses relations avec l’industrie pharmaceutique en un sens plus restrictif : plusieurs mesures importantes ont été prises, telles l’interdiction du financement industriel des communications présentées par des conférenciers ou des participants à des réunions organisées par le Collège ainsi que l’engagement d’exclure le sponsoring commercial des campagnes d’information du public sur des questions de santé [2].

 

Cela dit, cette politique présente d’importantes lacunes. Elle ne préconise pas de libérer la formation médicale continue de l’influence des firmes, ce qui pourrait pourtant se faire en utilisant des blind trusts [NdT: ce sont des organismes de gestion sans droit de regard des investisseurs]. Elle ne suit pas non plus l’exemple de l’Academy of American Medical Schools, qui recommande une interdiction totale des cadeaux et des repas gratuits offerts par les laboratoires [3] [NdT: il s’agit en fait de l’AAMC, dont les propositions ont été analysées par Arnold Relman].

 

Nous avons également été déçus en apprenant que le Collège a décidé de ne pas suivre notre suggestion d’établir un registre public détaillant les intérêts financiers de ses membres. Cela aurait permis à tout le monde de prendre conscience de l’ampleur des revenus commerciaux perçus par les psychiatres, y compris par les enseignants universitaires et les leaders d’opinion. La déclaration publique d’intérêts faite lors de publications ou de réunions n’inclut pas le montant des revenus – et pourtant, ce sont ces détails qui sont souvent vraiment choquants.

 

En décentralisant cette politique et en déléguant aux institutions locales la responsabilité de l’application des détails, le British Royal College of Psychiatrists a failli à son rôle de leadership et aux responsabilités qu’il est pourtant le plus à même d’exercer. » 

 

Références

1.        Moynihan R. Is the relationship between pharma and medical education on the rocks? BMJ 2008;337:a925. (14 August.)

2.        Royal College of Psychiatrists. Good psychiatric practice. Relations with pharmaceutical and commercial organisations. London: RCPsych, 2008.

3.        Association of American Medical Colleges. Industry funding of medical education. Washington, DC: AAMC, 2008.

 

Elena Pasca

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