Mise à jour à la fin, portant sur le blog FMC français, indépendant si on oublie Pfizer…
Le Wall Street Journal nous apprend dans un article en date du 2 juillet – intitulé Pfizer Stops Funding Some Classes for Doctors – la décision de Pfizer de ne plus financer certaines formes de formation médicale continue (FMC), et notamment toutes celles organisées par des sociétés à but lucratif. Celles-ci ont eu à peu près la moitié des 80 millions de dollars investis par Pfizer dans la (désin)formation des médecins en 2007, nous apprend une dirigeante de la firme, Cathryn Clary. Qui ajoute que cette décision a été prise pour éviter les suspicions de conflits d’intérêts…
Mais Pfizer continuera à financer la (désin)formation médicale continue dispensée par les centres académiques, les hôpitaux universitaires et les sociétés médicales… Parce que ces soignants sont au contact direct avec les patients et que les former contribuerait à améliorer les soins « et coïncider, dans certains cas, avec nos intérêts financiers », selon la même Cathryn Clary. Elle ajoute que, si Pfizer finance des cours de formation continue dans des domaines où la firme a des intérêts, elle n’exige pas pour autant que les conférenciers ou les produits mentionnent explicitement les médicaments de Pfizer. Comme s’il y avait besoin de les nommer…
On sent une certaine concentration des investissements sur les leaders d’opinion, comme chez Sanofi… D’ailleurs, les firmes sont prêtes à céder sur pas mal de points, du moins en apparence, à part sur la formation médicale continue et la possibilité d’utiliser les grands pontes de la médecine comme conférenciers, conseillers et membres de leurs « speaker’s bureau »… C’est ainsi qu’on apprend ce qui est vraiment rentable. Et qu’on se dit que le BMJ titrant sur la fin des leaders d’opinion, oui, ce serait pas mal. Mais ce n’est pas demain la veille…
Des détails dans cet article: Pfizer To End Direct Support for Commercial Doctor Courses.
Quelques détails supplémentaires sur l' »éducation » promotionnelle continue des médecins aux Etats-Unis:
En 2006, l’industrie pharmaceutique a dépensé plus d’un milliard de dollars pour financer la désinformation médicale continue. C’est un rapport d’enquête diligenté par la Commission sénatoriale des finances qui nous l’a appris. Cette commission a autorité sur les programmes publics d’assurance-maladie, Medicare et Medicaid, et c’est pour les défendre que l’infatigable sénateur Charles Grassley s’en prend aux firmes. Lui et d’autres élus avaient dénoncé des conflits d’intérêts mettant en danger la santé des patients à travers l’influence exercée sur les prescriptions des médecins lors de ces formations qui n’ont pas grand-chose d’éducatif, mais font partie de la stratégie promotionnelle pour des médicaments spécifiques.
(Le même Grassley s’en est pris à des pontes qui n’ont pas déclaré des financements très substantiels par des firmes pharmaceutiques produisant des neuroleptiques. Or l’un de ces pontes, Joseph Biederman, fait partie de ceux qui ont le plus oeuvré pour la prescription en masse d’antipsychotiques et une explosion des diagnostics de trouble bipolaire chez les enfants. On en reparlera. Et c’est toujours Grassley qui mène l’enquête sur une vingtaine d’équipes de recherches médicales, comme nous l’a appris récemment la revue Nature, avant que la nouvelle se répande dans les media. Il devient difficile de rendre compte de toutes les activités de ce sénateur, qui n’est pas en odeur de sainteté auprès des firmes…)
Quant à l’organisme d’accréditation des sociétés de FMC (Accreditation Council for Continuing Medical Education), qui a dû lui aussi se justifier devant le Congrès, il n’a pu que reconnaître devant les élus que « des efforts restaient à faire », que les moyens de contrôle étaient insuffisants et qu’il fallait envoyer des inspecteurs sur place. Et voici le rapport d’avril 2007 de la Commission des finances du Sénat américain sur l’état de la formation médicale continue aux Etats-Unis. Les sénateurs souhaiteraient que les programmes de FMC soient soumis à une lecture préalable par l’agence du médicament (FDA) et par le Comité d’accréditation. Ils déplorent l’absence de contrôle en temps réel, l’absence d’observateurs lors du déroulement effectif des programmes de formation. Et l’absence de sanctions rapides. Lorsqu’un programme de formation continue ne respecte pas les règles, le comité d’accréditation peut mettre jusqu’à… neuf ans avant d’annuler l’accréditation de l’organisation qui a conçu le programme en question.
Comme d’habitude, on se dit que ces efforts des quelques élus américains ne font pas le poids devant le broyeur politico-financier qui existe toujours, comme on le voit avec la possibilité d’un infléchissement des lois vers la préemption fédérale ou vers l’autorisation de la publicité hors AMM, etc. Mais ces efforts ont le mérite de réveiller progressivement l’opinion publique, de renforcer l’activité des chiens de garde, d’encourager les lanceurs d’alerte…
Et il faut rappeler que rien de tel ne se passe en France. Nos politiques ne s’intéressent décidément pas à ces questions. Et pourtant, les médecins sont très bien représentés parmi les élus. Tout dépend quels sont leurs rapports avec les firmes…
Mise à jour
En tout cas, le « blog de la formation médicale » continue affiche fièrement ses sponsors, en parlant pudiquement du « soutien institutionnel de Pfizer« … Comme si Pfizer était une institution et non une entreprise à but lucratif… Ceux qui veulent passer pour l’élite de la formation médicale continue (FMC) en France, celle qui édicte les règles et donne l’exemple, parlent d’indépendance et d’un code de conduite à respecter. Lequel? Eh bien… la « charte de la formation médicale continue Pfizer »…
Pour les détails, voir la note de Pharmacritique « Formation médicale continue indépendante? Si, si, nous assure le blog FMC. Juste « avec le soutien institutionnel de Pfizer«
Elena Pasca