L’Autriche est secouée depuis la fin de l’année dernière par un débat sur le rôle de plus en plus décisif de l’argent des patients en santé et sur la privatisation rampante de celle-ci. La ministre de la santé, Andrea Kdolsky, a récusé les accusations de « médecine à deux vitesses » (« Zweiklassenmedizin » : littéralement « médecine à deux classes sociales »).
Et pourtant… Les discriminations sont bel et bien là… Elles ne se manifestent pas seulement à travers les assurances privées habituelles, supérieures à celles publiques et prenant en charge les dépassements d’honoraires. Non, il est carrément question de la solvabilité directe ou non des patients… En effet, une personne travaillant dans un hôpital autrichien rattaché à l’église a dévoilé dans un entretien à la radio,
l’existence d’un système de pots-de-vin (« une médecine à dessous de table »), permettant de se faire soigner avant tout le monde et dans les meilleures conditions… Le porte-parole du conseil autrichien de l’ordre des médecins a demandé que toute la lumière soit faite sur ces paiements illégaux. Mais il n’a pas hésité à admettre qu’une médecine à deux vitesses existe bel et bien en Autriche, notamment depuis l’introduction d’une assurance privée d’excellence : « assurance première classe » (Sonderklasse-Versicherung) qui garantit des rendez-vous rapides avec le médecin de son choix, un séjour très agréable à l’hôpital, etc.
Le ministre des sciences et de la recherche Johannes Hahn a lui aussi admis cette réalité, nous informe une dépêche datant déjà de décembre 2007. Son ministère est responsable des grands centres hospitaliers autrichiens, qui sont surtout des CHU. Ces hôpitaux ne sont pas exempts des pratiques mercantiles des médecins, licites et illicites… A tel point que le ministre en arrive à réclamer un code de conduite qui fixerait les limites des pratiques des professionnels de santé, de façon à éviter les discriminations qui favorisent certains patients au détriment des autres, par exemple sur les listes d’attente. Ce code réglementerait aussi ce qui est légal ou non dans les revenus des médecins exerçant une activité libérale en hôpital public…
Par ailleurs, le représentant du syndicat des chirurgiens autrichiens a lui aussi reconnu l’existence de ce système à deux vitesses, tout en disant que les urgences restaient quand même prioritaires… Ouf ! Nous voilà rassurés!
Eh oui, les honoraires et les fameux dépassements d’honoraires posent problème partout… Mais on n’entend pas les ministres français reconnaître qu’il y a en France aussi une médecine à deux vitesses et des honoraires qui dépassent toutes les bornes… Et quand Roselyne Bachelot s’y met, il en résulte des belles paroles qui mènent à un dispositif… contre-productif… Puisqu’on se retrouvera avec une égalisation à la hausse, contrairement à ce qui était annoncé…
Privatisons, privatisons, on voit ce qui nous attend… Et comment la privatisation encourage la corruption, pas la transparence, ni la maîtrise des coûts…