« Disease mongering », élargir le marché de Big Pharma: un médicament pour chaque état d’âme, pour chaque maladie

 Il y a de nos jours un médicament pour tout ; c’est le rêve de ce PDG disant qu’en bon commercial, il doit faire en sorte que tout le monde prenne les médicaments de sa firme, pas seulement les malades… On y arrive peu à peu, en médicalisant tout, du moindre vague à l’âme aux étapes naturelles de la vie, comme la ménopause. Les firmes créent un médicament pour tout – à l’exemple des « lifestyle drugs », sorte de médicaments de confort ou plutôt de conformisme social. La médicalisation et le disease mongering sont faits grâce aux réseaux d’experts (médecins, chercheurs…) au service de l’industrie pharmaceutique et des autres « industries de santé » parce que payés par les firmes.

Je donne beaucoup d’exemples et explique les façons de faire dans les notes sur les conflits d’intérêts, la corruption, le lobbying. Avec le concours de tous ceux qui ont des conflits d’intérêt, les firmes redéfinissent les standards de « normalité » dans toutes les spécialités médicales, de façon à ce que de plus en plus de personnes bien portantes soient étiquetées comme malades et puissent se voir proposer un traitement médicamenteux.

Diverses démarches de ce type sont ciblées par le syntagme disease mongering, abordé dans ces notes. On le traduit par « façonnage de maladies ». Il désigne aussi les méthodes consistant à trouver un marché pour un médicament que les firmes cherchent à placer ou à repositionner sur le marché, et c’est le cas de ceux dont le brevet arrive à expiration et pour lesquels les firmes cherchent une nouvelle forme, une nouvelle indication, quitte à inventer des maladies, des syndromes et surtout des vagues troubles – selon les habitudes du DSM détaillées dans d’autres notes sur ce blog. Et lorsqu’un marché est juteux – comme pour les médicaments qui baissent le taux de cholestérol, la pression artérielle, la glycémie, etc. – toutes les firmes veulent développer elles aussi une énième version des classes de médicaments qui existent déjà (appelés me-too). Et il arrive souvent qu’elles cherchent une indication particulière pour leur produit qui n’apporte aucun progrès thérapeutique, mais qu’elles doivent présenter – grâce à une communication habile utilisant toutes les techniques classiques de marketing, d’influence, de persuasion – comme révolutionnaire; elles jouent sur notre attirance pour tout ce qui est nouveau, assimilé à un progrès.

Et la nouveauté qui n’apporte rien se paie cher, puisque les prix des médicaments doivent payer les sommes dépensées non pas tellement en recherche et développement, mais surtout en lobbying, en pantouflage, en communication – ce que j’appelle la désinformation organisée -, et tout l’argent servant à entretenir le réseau de conflits d’intérêts des médecins et les moyens de les influencer directement ou indirectement.

Sans oublier les méthodes de disease mongering consistant à redéfinir les maladies et les syndromes qui existent déjà, en élargissant les critères, en baissant les seuils dits « normaux » de certains examens de laboratoire, comme le taux de glycémie ou de cholestérol, les valeurs de la pression artérielle, l’indice de masse corporelle à partir duquel l’on peut parler d’obésité, et ainsi de suite. Un exemple classique est la redéfinition extrêmement vague du trouble bipolaire par rapport à son ancêtre: la psychose maniaco-dépressive. Les perdants sont évidemment et ceux qui souffrent d’un véritable trouble bipolaire, désormais « dévalorisé » par l’inflation injustifiée de tels diagnostics, et ceux qui sont diagnostiqués pour rien et prennent des médicaments inutiles.

La même « dévalorisation » par l’inflation vaut pour les autres pathologies; et elle arrive dès qu’il y a surmédicalisation, industrialisation, donc un marché dont de plus en plus de firmes et de plus en plus de praticiens de toutes sortes veulent profiter.

Une nouvelle technique de contrôle social, sur le modèle du biopouvoir? A méditer…

Et voici un exemple de disease mongering facilement compréhensible grâce à la caricature: un nouveau « lifestyle drug » (médicament de confort, médicament découlant d’un mode de vie) pour les croyants. Car, dans son immense philanthropie et générosité, Big Pharma a tout tenté pour décharger les pauvres pécheurs des poids des repentances, des prières à répétition, de la culpabilité, de la pénitence. Et si Big Pharma allait à l’Eglise, de quoi ça aurait l’air, se demande Mike Adams ?

Qui disait que l’Occident risque d’oublier ses racines chrétiennes? Big Pharma nous montre qu’elles sont toujours vivantes! La pratique catholique de vente des indulgences et autres rémissions de péchés et absolutions contre de la monnaie sonnante et trébuchante  n’est pas si loin… La Réforme est venue nettoyer un domaine qui n’aurait pas dû être contaminé et déformé par l’argent. Et dans les rapports médecine – industrie pharmaceutique, qui et quand fera le ménage ? C’est la question…

Dans la caricature, le croyant dit: pardonnez-moi, mon père, car j’ai péché. Le prêtre lui répond, tout sourire:  « Mon fils, on a une pilule pour ça! »

Un médicament pour faire pénitence, mais, sur le même modèle, l’industrie pharmaceutique nous propose un médicament pour chaque maladie qui pourrait nous arriver. Les firmes proposent cela, car c’est leur fonds de commerce. Mais n’oublions pas l’autre membre de cette dyade symbiotique que les laboratoires pharmaceutiques forment avec les médecins, avec la bénédiction du conseil de l’ordre des médecins, qui valide toutes les activités commerciales des praticiens et les contrats (conventions) qu’ils signent avec les industriels. Les firmes pharmaceutiques ne pourraient rien mettre en pratique sans le consentement des médecins. Ce sont eux qui se laissent influencer, prescrivent et légitiment la démarche de surmédicalisation en étendant de plus en plus le domaine de la médecine préventive, jusqu’à un véritable acharnement dans la surmédicalisation, et c’est pourquoi l’on peut parler à juste titre d’abus de prévention, comme on parle d’acharnement thérapeutique pour certaines personnes maintenues artificiellement dans un état végétatif, etc.

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