L’agence américaine du médicament (FDA) a émis le 1er février 2008 un communiqué informant professionnels de santé et patients sur le risque d’apparition d’une dépression, de tendances suicidaires et d’idéation suicidaire chez les patients traités par antiépileptiques.
Ont été étudiés directement les antiépileptiques suivants: CARBAMAZEPINE (Tegretol, Carbatrol, Equetro), FELBAMATE (Felbatol), GABAPENTINE (Neurontin), LAMOTRIGINE (Lamictal), LEVETIRACETAM (Keppra), OXCARBAZEPINE (Trileptal), PREGABALINE (Lyrica), TIAGABINE (Gabitril), TOPIRAMATE (Topamax), VALPROATE (Depakote, Depakote ER, Depakene, Depacon), ZONISAMIDE (Zonegran).
Je cite le principe actif en premier, parce que certains noms peuvent être différents en France. La mise en garde sera incluse aussi dans les notices américaines des autres antiépileptiques.
Esquisse du contexte: L’agence américaine du médicament (FDA) a été sensibilisée par le risque accru de suicide qu’entraînent les antidépresseurs, majoré chez les enfants et les adolescents, et par les scandales dévoilés ce dernier temps sur les essais cliniques falsifiés pour paraître favorables aux antidépresseurs. D’autres essais cliniques aux résultats négatifs n’ont pas été publiés. La FDA a imposé des modifications dans les notices des antidépresseurs, a insisté sur le risque de suicide très important chez les patients de moins de 24 ans, etc.
Analyse depuis 2005: Dans ce contexte, la FDA s’est penchée depuis 2005 sur d’autres médicaments susceptibles d’induire des pensées suicidaires. Après une analyse préliminaire, elle a demandé aux firmes pharmaceutiques les détails des études qui comparaient un antiépileptique avec un placebo. 199 études sur 11 antiépileptiques ont été inclues dans cette méta-analyse, avec 27.863 patients prenant les antiépileptiques en question et 16.029 patients sous placebo. Le patient le plus jeune avait 5 ans.
Et les résultats montrent, pour chacun de ces médicaments, un risque double par rapport au placebo, même si le taux reste faible : 0,43% vs. 0,22% sous placebo (correspondant à une estimation 2.1 per 1000 (95% intervalle de confiance : 0.7, 4.2). Il y a eu quatre suicides dans les groupes traités et aucun dans le groupe placebo.Les patients traités par antiépileptiques dans l’indication épilepsie ont un risque relatif plus élevé de suicide que ceux traités pour troubles psychiatriques, migraine ou douleurs neuropathiques, par exemple. Le risque de comportement suicidaire ou d’idéation suicidaire augmente après une semaine de traitement et se maintient pendant au moins 24 semaines (la plupart des études ont duré 24 semaines). Les résultats ont été à peu près les mêmes quel que soit l’antiépileptique et l’augmentation du risque a été constatée dans tous les sous-groupes de population étudiés. Le risque de comportement suicidaire semble assez uniformément réparti et n’est pas lié à des caractéristiques spécifiques de certaines classes d’âge.
Le risque suicidaire ne concerne probablement pas seulement les onze antiépileptiques cités, selon la FDA, qui ajoute que toutes les notices seront changées pour inclure ce risque de comportement et d’idéation suicidaires. Une réunion d’experts aura lieu pour définir les modalités exactes. Les patients ne doivent pas interrompre le traitement d’eux-mêmes, et doivent s’adresser à leur médecin. Attention! En cas d’interruption du traitement, elle doit être progressive, pour éviter un syndrome de sevrage.
La FDA souligne dans un autre communiqué intitulé Tendances suicidaires et médicaments antiépileptiques que « tous les patients actuellement sous antiépileptiques ou qui débuteront un tel traitement doivent faire l’objet d’un suivi rapproché pour dépister d’éventuels changements comportementaux qui pourraient indiquer l’apparition ou l’aggravation de pensées ou tendances suicidaires ou d’une dépression ».
Une autre page contient à peu près les mêmes informations : FDA Alerts Health Care Providers to Risk of Suicidal Thoughts and Behavior with Antiepileptic Medications.
Une brève du “Monde” évoque cette alerte : Lien possible entre anti-épileptiques et pensées suicidaires. Le mot « possible » ne cadre pas franchement avec les dires de la FDA et son intention de faire modifier tous les RCP (résumés des caractéristiques du produit, version professionnelle des notices). Il ne cadre pas non plus avec le fait que des risques suicidaires ont déjà évoqués pour certains antiépileptiques.
En France, le Comité du Médicament du CHU de Toulouse en parle en octobre 2005, citant des sources américaines : La gabapentine (NEURONTIN°) et risque suicidaire: « Au cours des essais dans les névralgies post zostériennes, des pensées anormales ont été rapportées chez 2.7% des patients sous gabapentine versus aucun sous placebo. La Food and Drug Administration (FDA) étatsunienne a reçu 17 notifications de décès par suicide sous gabapentine, entre janvier et juin 2003. En pratique, la surveillance des effets indésirables psychiques chez les patients sous gabapentine est souhaitable. »
Les antiépileptiques sont de plus en plus utilisés en France aussi dans le traitement des douleurs chroniques. Il y a une véritable mode à prescrire du Lyrica ou du Neurontin, même dans des douleurs viscérales ou en tout cas non neuropathiques. Surtout depuis que Lyrica a vu son indication étendue à la fibromyalgie (aux Etats-Unis), les prescriptions se sont multipliées.
Il y a une autre explication : j’ai devant les yeux la brochure du 6ème Congrès annuel de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur, qui a eu lieu en 2006. Déjà en couverture figurent les firmes suivantes : Grünenthal, Institut UPSA de la Douleur, Janssen-Cilag, MundiPharma, Novartis, Pfizer, Sanofi Aventis, Sanofi Pasteur MSD… Lorsqu’on prend un antiépileptique en dehors de l’épilepsie, il ne faut pas oublier les effets secondaires autres, dont on ne parle pas (encore) en France. Et ce pour évaluer correctement, au cas par cas, le rapport bénéfices – risques et ne pas suivre sans réfléchir la publicité des firmes. Si vous lisez l’anglais, jetez un coup d’œil au RCP officiel américain (Pfizer – FDA) de Lyrica, par exemple. Ce médicament est prescrit dans la fibromyalgie, les douleurs neuropathiques telles la neuropathie périphérique diabétique ou la névralgie post zosté
rienne, mais aussi « tenté » dans beaucoup d’autres douleurs chroniques…
Et, comme d’habitude en France, où tout ce que les médecins ne connaissent pas relève d’un psychosomatique tellement vague qu’il se prête à tout, ces effets secondaires seront mis sur le compte du psychisme du malade. Imaginez un fibromyalgique – qui est suspecté d’emblée d’être malade de la tête – se plaindre de tendances suicidaires sous Lyrica ou Neurontin… Cela va renforcer le préjugé des soignants à propos de la maladie, au lieu de les rendre méfiants face à l’antiépileptique… On paie en France une puissance sans pareil du lobby psychosomatique et l’influence trop grande d’une psychanalyse mal vulgarisée, qui ne rend service ni à la médecine ni à la théorie psychanalytique elle-même. Sans parler du pauvre patient… La fibromyalgie et Lyrica sont un exemple des méfaits de l’influence de ce lobby spécifiquement français sur les médecins, mais il en va de même pour beaucoup d’autres médicaments qui provoquent des dépressions, des idéations suicidaires, de l’anxiété, des épisodes psychotiques et autres troubles psychiatriques. Par exemple les analogues agonistes GnRH (Enantone, Décapeptyl, Zoladex, Synarel, Eligard…). Ces troubles – qui peuvent atteindre des pourcentages très importants – sont mentionnés dans les notices et les RCP étrangers. En France, pas la peine d’inquiéter le monde avec de tels informations…
A propos de Inégy : L’étude ENHANCE comparant l’association Simavastatine 80- Ezétrol à la Simvastatine 80 seule chez les patients présentant une hypercholesterolémie hétérozygote a pris comme critère de jugement principal ( primary endpoint ) l’épaisseur Intima Média de la carotide : mauvaise nouvelle , il n’y a pas de différence statistiquemen significative .
Certes, il s’agit d’un critère intermédiaire, mais qui est prédictif d’une éventuelle efficacité . Donc ici l’Ezétrol ne fait pas mieux que le placébo .
Il faudra attendre les résultats de Improve It chez des patients coronariens avérés traités 5 ans avec des critères de jugement principal clinique ( Décès, accidents CV, IDM ), mais les résultats de Enhance laissent mal préjuger de l’efficacité de l’Ezètrol. Donc la publicité pour Inégy est tout simplement mensongère .
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Bonsoir,
Nous sommes parfaitement d’accord!
Les articles parlant d’Ezétrol et Inegy disaient la même chose, avec des détails sur la manipulation des essais cliniques par Merck-Schering. Si la firme a choisi de modifier les « primary endpoints » (ce qui impliquait d’éliminer deux tiers des résultats, quand même) et de ne garder que ce critère-là, c’est probablement parce qu’il leur était le moins défavorable… Même là, la tendance – au moins numérique – est à une épaisseur plus importante de la plaque sous Inegy. On peut se demander ce qu’il en est selon les résultats complets… Sachant aussi qu’Ezétrol et Inegy n’ont jamais pu démontrer une efficacité quelconque en prévention des attaques cardiaques et que la diminution de la plaque d’athérosclérose était vraiment le seul point qui aurait pu sauver ces médicaments…
Si vous avez lu les articles, vous avez vu que la revue « Arznei-Telegramm » ne s’est pas trompée sur le compte de ce coup de bluff commercial. Il me semble important aussi de rappeler que les risques d’effets secondaires sont doubles sous Inegy, qui cumule ceux d’Ezétrol et ceux du Zocor… Tout ça pour faire moins bien… Si ce n’est pas un danger pour la santé, je me demande bien ce que c’est…
Merci de vos remarques! Elles aident à clarifier de mieux en mieux les choses. J’espère qu’aucun médecin n’est assez irresponsable de prescrire Inegy et Ezétrol en espérant que l’étude « Improve it » aura des résultats favorables qui justifieraient a posteriori la prise de risques… Ce serait pire qu’un pari à un jeu de hasard…
Bonne soirée!
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