« Putain de sclérose en plaques! » Janine est partie, mais elle continuera à être de tous nos combats

Quelques lignes pour ceux qui n’ont pas eu la joie de connaître Janine Thombrau, avant de publier le texte de Bruno Perrin

Janine Thombrau, c’était la joie de vivre, le combat – mené avec Bruno Perrin, son compagnon dans les joies comme dans les galères – contre toutes les injustices sociales et économiques et leurs conséquences y compris dans la santé.

Elle a protesté et s’est mobilisée jusqu’au bout contre les conditions de misère dans lesquelles survivent les handicapés, contre leurs difficultés d’accès aux soins et contre la galère administrative continue qui fait que le peu de droits que les handicapés ont restent souvent lettre morte ou demandent un combat épuisant, impossible à mener par des handicapés seuls et isolés.

Janine Thombrau et moi nous sommes vues une seule fois, lors de la manifestation « Ni Pauvres Ni Soumis » de 2008. J’étais « Violette » – à cause d’un signe de reconnaissance qui est resté source de blagues. Je garderai toujours en mémoire sa joie de vivre, son humour contagieux… Nous avons continué à rigoler ensemble, par mail ou dans des commentaires sur Pharmacritique et ailleurs. Nous n’avons eu besoin que d’une seule rencontre pour nous comprendre, comprendre qu’on était sur la même longueur d’onde, qu’on avait les mêmes idéaux, les mêmes combats.

Qu’il fallait combattre cette tendance de la médecine à se déshumaniser et à se bureaucratiser, oubliant, entre surmédicalisation, disease mongering et autres méthodes de faire de l’argent, que son rôle n’est pas celui d’une « industrie de santé » fonctionnant selon le principe du rendement et de la rentabilité. Janine Thombrau nous montre comment les malades deviennent le cadet des soucis de l’hôpital entreprise, de la médecine commerce, des administrations et assurances qui tuent à force de « maîtrise » comptable des coûts.

Une photo de Janine derrière les poubelles, qui occupent la place des handicapés devant une filiale de caisse primaire d’assurance-maladie, en dit plus long que tous les rapports… Elle a inspiré quelques coups de gueule tels que celui-ci: « Les malades non rentables n’intéressent personne en dehors des catastrophes médiatisées » et tous les billets sur la privatisation du système de santé, l’hôpital public tué par les marchands et les gestionnaires, la protection sociale en danger …

En pensant à elle, j’ai souvent dépassé la lassitude qui me gagnait régulièrement au vu du marasme ambiant ; et elle réhabilitait ma « foi » en l’humanité, mise à mal par les préjugés, les discriminations, les égoïsmes, les exclusions, censures et autres méthodes du web 2.0 et de certaines associations prétendument humanistes et éthiques, mise à mal par la violence verbale à laquelle j’ai eu droit à répétition pour avoir posé des questions qui dérangent, pour ne pas avoir dérogé de mes principes et n’avoir pas accepté que l’on m’instrumentalise de quelque façon que ce soit.

Janine n’était pas non plus un perroquet, un suiveur juste bon pour encenser les médecins ou d’autres « autorités » qui auraient voulu nous priver de l’exercice de notre esprit critique. Elle ne lâchait rien non plus par peur de se voir attaquée, harcelée, insultée, calomniée…

C’est de Janine la citoyenne combattante – dénonçant tout ce qui n’allait pas sans crainte de s’exposer – que je me souviendrai, ainsi que de son humour et de sa joie de vivre. On peut en avoir un aperçu sur son site – « Mots pour maux », qui est aussi le titre de son  livre que je conseille vivement (son combat contre la sclérose en plaques n’est que le point de départ). Sur Pharmacritique, elle a écrit plusieurs textes engagés et poétiques, dont la lettre ouverte dénonçant l’ignominie des politiques et autres responsables de la misère des handicapés, des pauvres, des malades…, la réponse à Valérie Pécresse à propos des franchises médicales, le « Songe d’une nuit d’été« , qui imagine un instant que les idéaux républicains seraient autre chose qu’une belle façade…

Sous le choc, même si l’on s’y attendait, je suis incapable de faire un texte et reprends ici, avec sa permission, l’annonce par son fidèle compagnon Bruno Perrin. Un message d’amour, un appel à s’aimer et à partager. [Elena Pasca alias Violette]

**

Putain de SEP ! par Bruno PERRIN

Ma Doudou est partie !

Toutes celles et tous ceux qui le souhaitent pourront l’accompagner pour son dernier bout de route, le Jeudi 13 Décembre à 12 heures, au Crématorium de Nîmes (Derrière le cimetière du pont de Justice), 490 Rue Max Chabaud

Pas de fleurs, pas de couronnes … Juste de quoi m’aider (…) pour les frais (Obsèques, crémation et la dispersion de ses cendres à la Réunion)

Elle est partie……

Janine, la pimpante…

Avec juste ce qu’il faut de « trompe couillon », ses assortiments « bleus Turquoise » et son petit short d’une autre vie, qui,  l’air de rien semblait dire: suivez-moi jeune homme… Et a continué, malgré la maladie, à entretenir sa mèche rebelle…

Janine, l’entreprenante…

Qui, un jour, au Titoit, ose enfin me  dire : j’aimerai bien écrire les articles de présentation des spectacles… Et qui l’a fait pendant au moins dix ans, 2 fois par semaine, avec un tel brio que moult spectateurs disaient «  qu’avez-vous fait aux journalistes  pour qu’ils vous écrivent de tels papiers ? Et si bien écrits ? »

La même, toujours, qui sans emploi, crée son école maternelle « maison », dans notre case, à Mayotte.

Janine la combattante …

Que  maladie et handicap n’ont jamais fait plier dans ses luttes pour l’égalité des « à roulettes » et l’accès aux soins en grand danger. Militante, au gré de ses douleurs et disponibilités, de l’APF, AFSEP, Ensemble pour une santé solidaire… SDF Alsace … Et moult autres associations ou blogs, refusant la soumission et l’inégalité.

Janine, la pétillante… Qui écrivait :

« Clops, livres, bons pinards et câlins coquins… Cette Saleté d’Envahisseuse Parasite m’a privée des quatre tiers essentiels à mon cocktail vie, aussi indispensables que la proportion des dosages du picon-bière de Pagnol.

Mon « Picon-bière » à moi, avait aussi quatre tiers : un gros tiers de câlins et de baisers plus chauds que de grosses flambées, un tiers de bouquins avec lesquels je voyageais sans bagages ni passeport, un tiers de breuvages aussi grisants que les mets qu’ils accompagnaient et enfin un énorme tiers de brunes (gauloises, gitanes et ducados) aussi voluptueuses qu’indissociables des précédemment cités… et surtout ne comptez pas et ne me dites pas que quatre tiers c’est impossible… Sinon j’en rajouterai deux autres : un boulot qui me passionnait et du sable blanc où se laisser dorer avec volupté…

Lisez et relisez Pagnol, et vous saurez tout sur la mathématique du tenancier de bistrot. Je vous assure que ce n’est pas en feuilletant Pythagore et ses théorèmes que vous pigerez le préjudice que j’ai subi, lorsque cette Saleté d’Engeance Parasite, cette Saleté d’Empoisonneuse Perfide m’a volé mes gouleyants quatre tiers… leur contenu m’était aussi vital que l’air que je respire ! »

Janine, la battante

Alors que tout son entourage, y compris les médecins, la perçoivent il y a quelque mois, comme « à l’article de la mort » et mettent en place un protocole « de fin de vie sans douleur » … Se redresse au bout de quelques jours … Et re-croque la vie à pleines dents… Faisant un pied-de-nez  à la Sournoise Envahissante Pétasse.

Janine… l’originale…

Jusqu’au bout : Ses cendres seront dispersées sur « Sa » belle ile de La Réunion… Qu’elle a tant aimé tant pour ses diversités et sa chaleur humaines que pour ses saveurs et l’Océan Indien pour lesquels elle est « tombée en Amour »

Je reprends à mon compte ces paroles de Julos Beaucarne : ses mots sont forts et reflètent si bien ce que j’ai envie de hurler. 

« Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches.

Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses ; on doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller au paradis.

Ah comme j’aimerais qu’il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles… 

Je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd’hui : Je pense de toutes mes forces, qu’il faut s’aimer à tort et à travers. »

Je vous embrasse.                                 

Bruno

4 réflexions au sujet de “« Putain de sclérose en plaques! » Janine est partie, mais elle continuera à être de tous nos combats”

  1. Coucou »Violette »
    Mille câlins
    Dur, très, même si prévu depuis longtemps.
    Avec sa/notre décision de lâcher prise.
    Et rapide comme elle le souhaitait.
    Les ami(e)s du coin sont là, ,les après-midi et soirs, et on « boive » à l’amour, la vie.
    On lui passe ses disques préférés…
    L’infirmière l’a « Relookée » un peu … Qu’elle ressemble à Janine avec son « trompe couillon » et sa mèche rebelle mise en valeur : Je lui avais coupé les cheveux la veille.
    Et on partage nos papotages, nos rires, nos émotions, nos larmes avec ma Doudou.
    C’est là aussi qu’on voit que la vie peut-être belle et humaine.
    Même sur sa fin.
    Bises +++++
    Bruno

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  2. je ne la connaissais que par internet, mais depuis si longtemps – presque 10 ans.
    J’avais fini par croire que nous étions toutes deux immortelles. Merci à vous, Bruno, de l’avoir tant aimée.

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  3. Salut BRUNO
    c’est avec beaucoup d’émotion que je lis tous les hommages dédiés à ta Doudou… Ça fait quelques temps que je pensais à vous ….sans aller plus loin dans les recherches sur Internet pour vous retrouver et prendre de vos nouvelles… Je n’ose imaginer toutes les épreuves que vous avez tous deux traversées et c’est avec les yeux brillants d’émotions que je vous retrouve… Finalement pas très loin de là où j’habite aujourd’hui…J’espère que pour toi le souvenir de Janine et son combat pour la vie t’alimente tous les jours pour trouver la force de poursuive ta route …en attendant de la retrouver… si jamais ça te dit qu’on se voit un de ces jours ce serai avec grand plaisir

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