Publicité pharmaceutique: l’offensive française accompagne la directive européenne, nous dit le Collectif Europe et Médicament

Un communiqué du Collectif Europe et Médicament, en date du 15 janvier, nous avertit de ce qui se prépare en France aussi, en plus de la directive européenne sur l’information DTCA Cupe Canada.jpgdirecte des patients par les firmes, forme à peine camouflée de publicité directe aux consommateurs (voir cette catégorie et celle-ci).
Les projets sarkozystes de « réforme » du système de soins sont l’occasion de faire quelques cadeaux supplémentaires aux firmes pharmaceutiques, par exemple en autorisant d’autres formes, plus insidieuses, de publicité directe et de marketing en général, telles « l’éducation thérapeutique » ou les programmes « d’aide à l’observance ». Les laboratoires auraient ainsi un accès direct aux patients, et ce ne serait certainement pas pour qu’ils leur disent que telle maladie peut être prévenue ou traitée par un régime alimentaire et de l’exercice physique… Pas non plus pour qu’ils vantent les mérites des génériques ou des médicaments anciens, mieux connus et plus sûrs, mais moins profitables que les pseudo-copies sous brevet…

Elena Pasca

Voici le texte du communiqué envoyé par la revue Prescrire :

« Publicité grand public pour les médicaments : chaque jour un peu plus…

Le Collectif Europe et Médicament déplore que les firmes pharmaceutiques aient récemment obtenu en France un nouveau droit de faire de la publicité auprès du grand public. En effet, le décret du 19 décembre 2008 « modifiant le régime applicable à la publicité télévisée, au parrainage télévisé et au télé-achat » autorise désormais le “parrainage” (alias sponsoring) d’émissions de télévision par les firmes pharmaceutiques (1).

Ainsi, pas à pas, les firmes pharmaceutiques diversifient leurs moyens de communiquer auprès du grand public sur les médicaments.

Communication directe auprès du public : la clé du marché mondial

Au niveau européen, les firmes n’ont eu de cesse au cours des dernières années de pousser la Commission européenne à autoriser la publicité grand public pour les médicaments de prescription, actuellement autorisée dans 2 pays seulement (États-Unis et Nouvelle-Zélande) (2). La Commission a ainsi proposé le 10 décembre 2008 d’élargir le droit des firmes à communiquer auprès du grand public sur leurs médicaments de prescription, via leurs sites internet et des publications écrites (3,4).

Cette volonté des firmes de communiquer auprès du grand public s’inscrit dans une stratégie marketing à long terme au niveau mondial, à l’heure où les professionnels de santé deviennent plus critiques sur les informations des firmes, et où les organismes d’évaluation pharmaco-économique des médicaments deviennent plus exigeants (5,6).

Une enquête de la Commission européenne a récemment montré que le marketing est aujourd’hui le domaine d’investissement principal des firmes pharmaceutiques (23 % de leurs dépenses), devant la recherche (17 % de leurs dépenses) (7).

En France : offensives répétées des firmes, qui reçoivent des cadeaux coûteux pour la collectivité

En 2007, la mobilisation de l’ensemble de la société civile a permis le retrait du projet du gouvernement qui visait à légaliser les programmes d' »aide à l’observance » des firmes pharmaceutiques (8).

Début 2009, le débat n’est pourtant pas terminé : les firmes pharmaceutiques espèrent que la « loi portant réforme de l’hôpital, et relatifs aux patients, à la santé et aux territoires » leur ouvrira demain la possibilité de s’introduire dans l’éducation thérapeutique et les programmes dits “d’aide à l’observance” des patients. Le projet de loi ne précise en effet pas que les firmes doivent être tenues à l’écart de ces programmes (9 article 22), et les firmes estiment « qu’il ne faut pas s’enfermer dans un modèle » qui les exclurait à priori (10).

Certaines firmes pharmaceutiques nouent d’ailleurs déjà aujourd’hui des partenariats avec des universités pour « créer des métiers en lien avec l’hygiène et l’éducation thérapeutique » (11). Elles envisagent ces métiers “d’éducateurs thérapeutiques” comme moyens de reconversion de certains de leurs visiteurs médicaux (11).

In fine, le parrainage télévisuel, « l’éducation thérapeutique » ou les “actions d’accompagnement” des firmes telles que les programmes dits “d’aide à l’observance » seront payés par la collectivité et les patients, via la Sécurité sociale et les complémentaires. Il est donc illusoire de penser que les firmes ont de l’argent disponible pour ces activités, alors que la collectivité n’en aurait pas.

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a estimé que le marketing pharmaceutique était un moyen coûteux pour la collectivité de transmettre des informations biaisées aux médecins ; au moins trois milliards d’euros y sont consacrés annuellement (12).

La France s’apprête-t-elle à étendre ce modèle au grand public ?

L’IGAS a également recommandé que les firmes soient tenues à l’écart des programmes d’observance (13). La Cour des comptes considère pour sa part « qu’il appartient en priorité aux pouvoirs publics de répondre au besoin, bien réel, d’accompagnement des patients et que celui-ci ne doit pas être abandonné aux firmes pharmaceutiques » (14). Seront-elles entendues ?

Le plus grand service que les firmes pharmaceutiques peuvent rendre à la société est d’investir davantage dans la recherche, pas dans le marketing et « l’éducation des patients ».

Le nouveau droit de publicité des firmes pharmaceutiques, publié au Journal Officiel la veille de Noël (1), montre que la plus grande vigilance s’impose sur le sujet de l’information santé fiable et utile pour les patients et leurs familles.

Le Collectif Europe et Médicament compte sur les responsables politiques pour défendre le droit des patients à une information fiable sur les médicaments, et s’opposer aux stratégies marketing des firmes qui ciblent le public, tant en France qu’en Europe.

Le Collectif Europe et Médicament

Références :

1- « Décret n° 2008-1392 du 19 décembre modifiant le régime applicable à la publicité télévisée, au parrainage télévisé et au télé-achat » Journal Officiel du 24 décembre 2008.
2- « Direct-to-consumer advertising under a different name » Lancet 2008 ; 371 : 1972.
3- Commission européenne « Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne la diffusion auprès du public d’informations relatives aux médicaments soumis à prescription médicale, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain » : 31 pages.
4- « Europe : le nouveau “paquet” pharmaceutique direct to patient D2P DTC est adopté !!! » Site epharmarketing.com consulté le 8 janvier 2009 : 1 page.
5- Price Waterhouse Coopers « Pharma 2020 la vision : quelle voie prendrez-vous ? » 2008 : 52 pages.
6- “” Would you like a statin with that ?” Marketers Adopt Personalized Promotion Strategies with Consumers” IMS Intelligence 360 2007 : 6 pages.
7- European Commission « Sector inquiry. Preliminary report » 28 November 2008 : 426 pages.
8- Collectif Europe et Médicament “Programmes d' »observance » des firmes : la société civile enfin entendue” Communiqué de presse 25 janvier 2007. Site internet http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierNMObservanceFrPostSe.php : 1 page.
9- « Projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires » 28 octobre 2008. Site http://www.assemblee-nationale.fr consulté le 15 janvier 2009 : 129 pages.
10- « Suivi des maladies chroniques. Faut-il rejeter les programmes d’accompagnement ? Les industriels du médicament plaident pour le recours aux programmes de suivi thérapeutique ». Le médecin de France 2008 (1112) : 12.
11- « Chez Sanofi-Aventis, les visiteurs médicaux à la croisée des chemins ». Dépêche Destination santé du 30 octobre 2008.
12- Bras PL et coll. « L’information des médecins généralistes sur le médicament » IGAS 2007 : 252 pages.
13- Duhamel G et coll. « Encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques » IGAS 2008 : 96 pages.
14- Cour des Comptes « Communication de la Cour des comptes concernant la consommation et la prescription des médicaments » In : « Rapport d’information n°848 par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments » 30 avril 2008 : 503 p
ages.

Créé en mars 2002, fort de plus de soixante organisations membres réparties dans douze pays de l’Union, le Collectif Europe et Médicaments est composé des quatre grandes familles des acteurs de la santé : associations de malades, organisations familiales et de consommateurs, organismes d’assurance maladie et organisations de professionnels de santé.
Contacts : revue Prescrire :  Pierre Chirac : pierrechirac@aol.com; Coordination du Collectif : Antoine Vial : europedumedicament@free.fr

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